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La théorie de l'aliénation


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Je pense qu'on connait tous des gens dans notre entourage obsédés par la publicité qui aurait pour seul objectif d'abrutir les masses. En ce moment, je vois que c'est le nutella sur lequel se concentre pas mal de critiques.
Certains, à peine plus habiles, ressortent Guy Debord et son livre La société du spectacle et l'utilise pour vomir sur à peu près tout ce qu'ils n'aiment pas (ça va du Mac Do, aux films Marvel, en passant par le football ou les animes japonais).

J'ai toujours vu derrière cette critique une forme de puritanisme qui se drapait dans un habillage marxiste. Mais ceux qui s'y connaissent en sociologie, jusqu'où cette théorie se vérifie ?

 

On m'a sorti ce papier qui tendrait à montrer que l'interdiction des publicités d'alcool ou de tabac a fortement fait chuter leurs ventes : https://www.cairn.info/journal-les-tribunes-de-la-sante1-2014-1-page-21.htm#

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Comme me le disait un de mes anciens profs, le problème avec les théories de l'aliénation, c'est qu'elles reposent sur une perception assez subjective du sentiment d'aliénation. Certains se sentent aliénés par leur travail d'autres pas, et les théories comme le marxisme cherchent à trouver un point d'appui qui puisse objectiver l'aliénation sans vraiment le trouver. Par exemple pour certain, le travail est vécu comme une aliénation, pour d'autre, c'est un moyen d'émancipation. Quelle théorie permet de renverser avec certitude les justifications du second au profit du premier ?

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il y a 27 minutes, Pegase a dit :

l'interdiction des publicités d'alcool ou de tabac a fortement fait chuter leurs ventes

 

Qwoa?! La publicité ferait donc grimper les ventes? Je me suis toujours demandé pourquoi les industriels dépensaient des fortunes en publicité. Je remercie les marxistes de m'avoir ouvert les yeux : la publicité accroit les ventes.

  • Haha 6
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il y a 18 minutes, Calembredaine a dit :

Qwoa?! La publicité ferait donc grimper les ventes? Je me suis toujours demandé pourquoi les industriels dépensaient des fortunes en publicité. Je remercie les marxistes de m'avoir ouvert les yeux : la publicité accroit les ventes.

De mémoire, la p-value la plus monstrueuse jamais obtenue apparaît dans une étude statistique visant à répondre à la question "la publicité marche-t-elle". Un truc du genre 10^-120 ou quelque chose dans ce ton.

  • Huh ? 1
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Qu'on peut résumer par "est ce qu il y a plus de chances que t'achetes un jour un truc dont t'as conscience, plutôt qu'un truc dont t'as jamais entendu parler".... Sachant qu'en dehors des magasins le seul moment ou tu peux connaitre l'existence d'un truc c'est quand quelqu'un vient t'en parler ...

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Attention, dans le vrai marxisme, l'aliénation, c'est ce qui arrive à l'ouvrier en tant qu'il travaille, lorsqu'il produit, pas lorsqu'il consomme. En travaillant sur des machines qui ne t'appartiennent pas, en étant qu'un petit maillon au sein d'une chaîne de production où ta contribution n'apparaît presque pas, tu deviens totalement étranger au fruit de ton travail, à ton travail lui-même, et ultimement, à toi-même. Tu deviens une simple extension de la machine, et tu ne t'appartiens plus vraiment. Ce serait une sorte de violation du NAP malgré ses airs formellement légaux, comparable à une vente de soi-même en esclavage pour échapper à une pauvreté causée justement par celui qui prétend avoir le droit de t'acheter.

En tout cas, c'est la théorie du jeune Marx (celui des cahiers de 48), que le vieux Marx (celui du Kapital) estime n'être qu'une conséquence de sa théorie économique de l'exploitation, qui est fausse. Au XXè, les marxistes occidentaux ont voulu se focaliser à nouveau sur l'aliénation comme concept central pour éviter la réfutation par la science économique, et certains sont allés la chercher plutôt dans la consommation et la culture, mais je ne les connais pas beaucoup, et ça ne fait pas beaucoup de sens d'un point de vue marxiste. Puis, Althusser a voulu complètement rejeter cette théorie de l’aliénation comme étant une vieillerie salement humaniste et moraliste, bourgeoise donc, pour ne garder qu'un marxisme plus pur, fait uniquement d'exploitation (créant ainsi un appel d'air conceptuel, lui permettant de le remplir avec ses propres innovations). Deleuze et Badiou, je crois, ont suivi Althusser. Zizek non. Je ne sais pas où en sont les autres intellos gauchistes actuels.

 

Le problème avec cette idée d'aliénation, c'est que si c'est simplement un état affectif du producteur ou du consommateur, c'est très subjectifs ; si c'est, comme le disait le vieux Marx lui-même, le corrélat de l'exploitation capitaliste, alors ça n'a pas lieu ; et si c'est, comme le développait le jeune Marx sur les traces de Feuerbach et de Hegel, une vérité profonde concernant le rapport entre l'existence et l'essence du travailleur, alors... et bien alors, je n'y comprends pas grand chose.

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Il y a 5 heures, Pegase a dit :

On m'a sorti ce papier qui tendrait à montrer que l'interdiction des publicités d'alcool ou de tabac a fortement fait chuter leurs ventes : https://www.cairn.info/journal-les-tribunes-de-la-sante1-2014-1-page-21.htm#

 

L'article ne démontre rien du tout, il enregistre une corrélation: "les résultats sont incontestables?: depuis 1991, le marché des cigarettes a enregistré une diminution en volume d’environ 43?%, passant de 97,1 à environ 54 milliards de cigarettes."

 

Il est plausible de penser que l'interdiction a une effet sur la baisse de la consommation, mais peut-être que c'est l'effet d'un autre facteur, ou que plusieurs facteurs sont intervenus et que l'interdiction n'a eu qu'un effet marginal. Qui sait ? 

 

Que la publicité augmente les ventes par circulation de l'information semble sensé, comme le dit @Calembredaine, bien que je n'ai jamais vu de preuves scientifiques. Mais ce que dénonces une abondante littérature anticapitaliste (et pas uniquement à gauche), c'est que la société dite de consommation fabriquerait de faux désirs via la publicité. Or je n'ai jamais pu trouver de littérature scientifique pouvant corroborer la soi-disant aliénation du public envers des biens qu'il n'aurait pas voulu acheter s'il l'avait découvert par lui-même et sans la pub. 

 

Les publicités peuvent être méprisés comme nuisance esthétique dans l'espace public (et privé), mais rien de prouve qu'elles "contrôlent" le comportement des consommateurs. 

  • Yea 1
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il y a 25 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

Que la publicité augmente les ventes par circulation de l'information semble sensé, comme le dit @Calembredaine, bien que je n'ai jamais vu de preuves scientifiques.

Parce que tu n'en as jamais recherché :D.

 

Citation

A literature review, conducted over 16 years,summarized knowledge from 687 sources that included more than 3,000 studies. The review led to 195 condition-action statements (laws or principles) for advertising. Advertisers often fail to follow these principles, perhaps because they have not previously been available in a codified form.

Persuasive Advertising : Evidence-based Principles de J. Scott Armstrong.

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Il y a 6 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

 

Que la publicité augmente les ventes par circulation de l'information semble sensé, comme le dit @Calembredaine, bien que je n'ai jamais vu de preuves scientifiques. Mais ce que dénonces une abondante littérature anticapitaliste (et pas uniquement à gauche), c'est que la société dite de consommation fabriquerait de faux désirs via la publicité. Or je n'ai jamais pu trouver de littérature scientifique pouvant corroborer la soi-disant aliénation du public envers des biens qu'il n'aurait pas voulu acheter s'il l'avait découvert par lui-même et sans la pub. 

 

 

Ce qui introduit une notion périlleuse, celle de vrai et de faux désir. 

Comment faire la différence entre vrai et faux désir ?

Facile. Le faux désir est celui qui est provoqué par la publicité !

Tu as une meilleure réponse ?

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La publicité ne crée pas de désir. Les pubs visent des besoins et des désirs existant et les influencent. L'américain moyen voit entre 6000 et 10 000 messages publicitaires par jour ; si la pub créait du désir ça se verrait et ça se saurait.

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Il y a métonymie. Ce sont les entreprises qui font de la publicité qui peuvent créer de nouvelles offres et des nouveaux modes de consommation, qui sont associés à des nouveaux désirs et des nouvelles modes. La publicité les aide.

 

 

De toute façon interdire la publicité, à part quand c'est la refuser sur sa propriété, est une atteinte à la liberté d'expression. Débat clos :D 

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Il y a 15 heures, Wayto a dit :

La publicité ne crée pas de désir.

 

Je ne suis pas d'accord. Si je vois pour la première fois un produit ou une gamme de produits que je n'ai jamais vu et que je me met à le désirer, la publicité ne stimule pas un désir d'achat préexistant / refoulé / mis en attente.

 

 

 

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Je ne suis pas d'accord. Si je vois pour la première fois un produit ou une gamme de produits que je n'ai jamais vu et que je me met à le désirer, la publicité ne stimule pas un désir d'achat préexistant / refoulé / mis en attente.
 
 
 

Ne pas confondre le désir pour un produit et le besoin que ce produit satisfait. Nos besoins sont préexistants et ce n’est pas la pub qui les crée. Le désir c’est avant tout le moteur de satisfaction de nos besoins. La pub peut les stimuler ou nous proposer de nouveaux moyens de satisfaire nos besoins. Encore une fois elle ne les crée pas.


Envoyé de mon iPhone en utilisant Tapatalk
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Apple créé un iPhone et fait de la pub pour le produit en même temps. Une personne peut souhaiter acheter un iPhone pour remplacer son vieux téléphone + calepin + calendrier + classeur de fiches contacts + jeu snake (désir de satisfaire ces besoins) ou car il y a des nouveaux jeux dessus (nouveau désir car nouvelles possibilités, le besoin de se divertir peut être pré existant ou être créé à l'occasion) ou ça permet frimer avec son nouvel objet technologique. Toutes ces situations sont possibles et je vois pas en quoi la pub ne peut pas créer de désir.

 

Chez certains, la pub peut effectivement créer de nouveaux désirs. Il n'y a rien de mal à cela et on revient surtout à la question de faux désir vs. vrai désir qui n'a aucun sens. Peut être que les anticapitalistes veulent-ils dire que les faux désirs sont tous les désirs qui cherchent à combler des besoins qui n'existeraient pas sans la société capitaliste

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Il y a 20 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

Si je vois pour la première fois un produit ou une gamme de produits que je n'ai jamais vu et que je me met à le désirer

Tu te mets à le désirer car ils répondent à des besoins et envies préexistants. La pub ne crée pas de désir ex-nihilo, elle joue sur des émotions et désirs préexistants et les influence.

Vous pouvez réinventer la roue si vous le souhaitez, mais il y a 60 ans de littérature scientifique (que 99% des marketeurs n'ont pas lu) sur le sujet.

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1 hour ago, ttoinou said:

Peut être que les anticapitalistes veulent-ils dire que les faux désirs sont tous les désirs qui cherchent à combler des besoins qui n'existeraient pas sans la société capitaliste

Je pense que pour certains ils approuveraient cette exacte formulation oui.

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il y a 31 minutes, Wayto a dit :

Vous pouvez réinventer la roue si vous le souhaitez, mais il y a 60 ans de littérature scientifique (que 99% des marketeurs n'ont pas lu) sur le sujet.

Ça fait partie des trucs qui me dépassent. En finance c'est pareil : même dans le buyside il arrive à certaines personnes ayant 5+ ans d'expérience (et qui viennent de bonnes écoles, où des pointures mondiales enseignent) de sortir des énormités.

 

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il y a 40 minutes, Wayto a dit :

Tu te mets à le désirer car ils répondent à des besoins et envies préexistants. La pub ne crée pas de désir ex-nihilo, elle joue sur des émotions et désirs préexistants et les influencent.

Vous pouvez réinventer la roue si vous le souhaitez, mais il y a 60 ans de littérature scientifique (que 99% des marketeurs n'ont pas lu) sur le sujet.

C'est exactement ca, et c'est ce que beaucoup ne comprennent pas. On ne créé pas un besoin. Un fait correspondre un besoin ou une envie à un produit qui est conçu pour pour l'assouvir. Sinon, le marketing ne passerait pas des plombes à discuter avec le client pour décrypter son besoin, segmenter un marché et calibrer un produit. Il lui suffirait de pondre un truc et de faire des campagnes monstres pour l'imposer au consommateur. Mais ca, ca ne marche pas.

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il y a une heure, BirdyNamNam a dit :

C'est exactement ca, et c'est ce que beaucoup ne comprennent pas. On ne créé pas un besoin. Un fait correspondre un besoin ou une envie à un produit qui est conçu pour pour l'assouvir. Sinon, le marketing ne passerait pas des plombes à discuter avec le client pour décrypter son besoin, segmenter un marché et calibrer un produit. Il lui suffirait de pondre un truc et de faire des campagnes monstres pour l'imposer au consommateur. Mais ca, ca ne marche pas.

Ça dépend. Avant le christianisme, personne n'avait jamais éprouvé le besoin de sauver son âme ; puis le christianisme est arrivé, en expliquant que l'humanité s'était damnée et que pour éviter l'enfer il fallait adhérer à leur Église.

 

Ceci dit je t'accorde que c'est plutôt rare, et réservé aux innovations les plus disruptives. ;)

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Il y a 1 heure, Neomatix a dit :

Ça fait partie des trucs qui me dépassent.

Je reprends la fac de psycho quelques heures par semaine en janvier (si on est pas re-confiné) pour rester au fait de l'état de l'art (et accessoirement draguer en soirée étudiante). Le nombre de connaissances pros qui me regardent avec de grands yeux quand je leur dis est hallucinant. Ça et le nombre de gars qui n'ont pas ouvert un bouquin de comm de leur vie...

 

il y a 17 minutes, Rincevent a dit :

Avant le christianisme, personne n'avait jamais éprouvé le besoin de sauver son âme ; puis le christianisme est arrivé, en expliquant que l'humanité s'était damnée et que pour éviter l'enfer il fallait adhérer à leur Église.

Le concept d'âme et de vie après la mort existait déjà (ça facilite le travail) et c'était pas joli joli, suffit de demander à Sisyphe ou Tantale :D. Je ne sais pas si c'était un si gros bouleversement que cela pour le pécore moyen.

 

Plus sérieusement c'est un des plus gros challenge marketing avec les innovations, il faut d'abord éduquer le public cible avant de commencer à vendre.

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il y a une heure, BirdyNamNam a dit :

Il lui suffirait de pondre un truc et de faire des campagnes monstres pour l'imposer au consommateur. Mais ca, ca ne marche pas.

Exactement (d'où la réduction de dépenses de pubs de 350 millions par P&G l'an dernier).

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Le 22/10/2020 à 11:17, Mégille a dit :

Attention, dans le vrai marxisme, l'aliénation, c'est ce qui arrive à l'ouvrier en tant qu'il travaille, lorsqu'il produit, pas lorsqu'il consomme.

Il me semble bien que Marx ait proposé une théorie de l'aliénation par la consommation. Il s'agissait au départ d'une théorie ad hoc pour palier les contradictions entre les faits observés en période de croissance économiques et d'augmentation du pouvoir d'achat de la classe ouvrière (les années 1850-1860) vs sa théorie du salaire au niveau de la stricte reproduction de la force de travail, plus largement ses écrits de la période des "Hungry Forties", marquée par l'extrême pauvreté d'une grande partie de la population. Si l'exploitation est complète, comment expliquer que les ouvriers puissent fumer du tabac? D'où le concept de consommation aliénée et des faux besoins en germe dans Le Capital, livre 1, paru en 1867. Plutôt que de se remettre en cause et d'envisager qu'il ait pu écrire de la bouse durant toute sa vie. 

 

La théorie des faux besoins a été popularisée après que le communisme s'est révélé incapable de satisfaire les besoins de base, sans parler des toilettes en or promises par Lénine (https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1921/nov/05.htm) ou les bravades de Khrouchtchev qui annonçait que le niveau de vie soviétique dépasserait très rapidement celui de l'Occident.

 

Aujourd'hui le dernier avatar du marxisme c'est fustiger le matérialisme sordide des masses. 

  • Yea 2
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il y a une heure, Wayto a dit :

Plus sérieusement c'est un des plus gros challenge marketing avec les innovations, il faut d'abord éduquer le public cible avant de commencer à vendre.

Bien, bien, on va finir par converger. :)

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Le 23/10/2020 à 18:02, Drake a dit :

Aujourd'hui le dernier avatar du marxisme c'est fustiger le matérialisme sordide des masses. 

C'est mon impression également. Je me trompe peut-être, mais derrière le renouveau marxiste de cette dernière décennie, je vois surtout beaucoup de moralisme dans lequel le marxisme ne sert que de vernis intellectuel.

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