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Pourquoi ne suis-je plus libéral ? Penser les limites de la liberté avec la théorie politique pluraliste de John Kekes


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il y a 30 minutes, L'affreux a dit :

Il a récemment découvert des incohérences dans la position anarcap : les biens communs existent, la morale est nécessaire.

Avec un peu de chance il va finir par redécouvrir des trucs comme l'utilité des vertus civiques. Laissons-lui un peu de temps. ;)

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Il y a 15 heures, Corned beef a dit :

1): Tu t'opposes à la réification des personnes mais tu es plaides littéralement pour que l'État utilise les individus comme des ressources manipulables et ponctionnables sous la menace pour fournir un certain nombre de biens définis de façon arbitraire, dans des quantités arbitraires, selon des modalités arbitraires.

 

2): En disant qu'il est préférable d'ouvrir un lit de réanimation plutôt que le riche s'offre une seconde Ferrari, et en utilisant la violence pour cela, il y en a clairement un qui se fait baiser et pas volontairement cette fois.

 

1): Ce n'est pas en sautant comme un cabri en criant "arbitraire, arbitraire, arbitraire" que ça devient vrai pour autant. Pour commencer, personne ici n'a encore affirmé qu'une quelque chose que j'aurais présenté comme étant un bien (comme un environnement sain, la santé publique, la confiance sociale, etc.) ne serait en fait pas réellement un bien. Alors même si je n'ai pas encore fourni une liste détaillée et justifiée de tout ce qui entre dans le champ des conditions politiques de la vie bonne, je ne crois pas que mes intuitions en la matière soient si stupides que ça ?

 

2): Le fait que ça soit une source d'insatisfaction pour celui qui perd sa seconde Ferrari ne prouve pas que c'est injuste. Il y a plein de situations pénibles qui ne sont pas injustes. 

Pour que ce soit injuste, il faudrait soit (du point de vue pluraliste) que la réquisition ne soit pas utilisée pour favoriser les conditions de la vie bonne pour d'autres citoyens (et plus généralement qu'elles ne respectent les conditions définies page 12) ; soit, du point de vue libéral, que le droit de propriété soit inconditionnel. Sauf que L'Argument de la Dame aux mains rouges (Annexe 1, page 12) prouve qu'il ne s'agit pas d'un droit inconditionnel

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Il y a 2 heures, Calembredaine a dit :

Cependant ce n’est pas toujours facile d’assumer une mentalité d’esclave alors on élabore des pensées tordues que l’on compile en « philosophies »

 

Tu sais, Calembredaine, c'est particulièrement lâche de dénigrer quelqu'un sans le nommer, alors qu'il est là mais on fait comme s'il n'était pas là. 

 

Quand à ton propos, il relève du gauchisme inversé et du sophisme ad personam. C'est un peu comme si je disais: les études montrent que les libéraux sont des gens ultra-individualistes, avec des tendances empathiques dangereusement faibles, qui n'aiment pas spécialement les autres ; bon nombre d'entre eux ont probablement des caractéristiques qui les placent sur le spectre autistique, et, si ça se trouve, toute l'idéologie libérale depuis 300 ans n'est qu'une gigantesque tentative de rationaliser ces traits psychologiques problématiques. 

 

Hé bien, ça pourrait être parfaitement exact, et ça ne serait pas le début d'un commencement d'une réfutation du libéralisme. On n'a pas prouvé qu'une doctrine était fausse une fois qu'on a expliqué psychologiquement ou sociologiquement qu'il était plus probable d'y adhérer pour X et Y raisons. On ne peut réfuter des affirmations morales et politiques que sur le terrain de la philosophie morale et politique. 

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Ah ouais, quand même.... :lol:

 

 

Les résultats de la recherche menée par Jonathan Haidt et ses collègues apparaissent comme cohérents avec les auto-évaluations psychologiques des membres du site « libéraux.org », parmi lesquels les types « NT » du MBTI (tempérament « rationnels ») sont surreprésentés de façon écrasante par rapport à leur poids dans la population globale. Les résultats sur le manque d’attachement au pays de naissance sont également cohérents avec les discussions fréquentes dans les milieux libéraux, sur Contrepoints, etc., relativement aux perspectives d’expatriation.

Les problèmes d’empathie, de confiance sociale ; la froideur perçue que peuvent générer les libéraux apportent en outre un éclairage remarquable sur l’échec politique de leurs mouvements -qui avait suscité la perplexité des historiens.

Ces découvertes amènent à interroger sérieusement le caractère humainement bénéfique d’un individualisme aussi intransigeant que celui des libéraux, à la fois sur le plan personnel et sur le plan politique.

 

En même temps, c'est pas complètement faux :

 

Les problèmes d’empathie, de confiance sociale ; la froideur perçue que peuvent générer les libéraux apportent en outre un éclairage remarquable sur l’échec politique de leurs mouvements

 

 

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il y a 59 minutes, Rincevent a dit :

Avec un peu de chance il va finir par redécouvrir des trucs comme l'utilité des vertus civiques. Laissons-lui un peu de temps. ;)

 

Comme je le disais à @Mégille, je m'intéresse beaucoup au républicanisme en ce moment.

 

J'ai fais exprès de ne pas en parler dans cet essai, parce que, s'il est raisonnable de placer la liberté comme non-domination au nombre des conditions politiques de la vie bonne, alors les conséquences logiques vont me semble-t-il très au-delà de la simple défense de l'Etat-providence. Ce sera un sujet pour une autre fois.

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il y a 4 minutes, Bisounours a dit :

Ces découvertes amènent à interroger sérieusement le caractère humainement bénéfique d’un individualisme aussi intransigeant que celui des libéraux, à la fois sur le plan personnel et sur le plan politique.

 

Et autant ça ne prouve pas que le libéralisme est une mauvaise doctrine politique ; autant ça interroge sur le caractère souhaitable pour les individus de devenir libéraux, dans l'hypothèse où l'adhésion consciente à ces valeurs favoriserait l'apparition de la psychologie décrite...

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il y a 11 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

dans l'hypothèse où l'adhésion consciente à ces valeurs favoriserait l'apparition de la psychologie décrite...

Hmmm, tu supposes à la fois que la personnalité est plus malléable que les valeurs et opinions, et que ladite personnalité est mauvaise. Les deux suppositions sont au minimum audacieuses. (Et je subodore que @Lancelot aurait bien des choses à dire).

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il y a 12 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

 

Tu sais, Calembredaine, c'est particulièrement lâche de dénigrer quelqu'un sans le nommer, alors qu'il est là mais on fait comme s'il n'était pas là. 

 

Heu c'est ton fil tout de même ? 

C'est donc de toi qu'il s'agissait mais aussi de tous ceux qui, d'une manière générale, suivent le même chemin. Et puis il y a aussi les lecteurs et contributeurs du fil. Tu n'es pas tout seul :mrgreen:

 

il y a 12 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

 

Quand à ton propos, il relève du gauchisme inversé et du sophisme ad personam. C'est un peu comme si je disais: les études montrent que les libéraux sont des gens ultra-individualistes, avec des tendances empathiques dangereusement faibles, qui n'aiment pas spécialement les autres ;

 

C'est exactement ça, en tout cas pour moi. Mais bon, ce n'était pas si difficile de me percer à jour :mrgreen:

Mon constat, à nouveau, c'est que les gens sensibles et sincèrement humanistes se sentent irrémédiablement attirés par la gauche et l'extrême gauche. Quand ils tombent dans le piège, soit ils s'assoient sur leur ego et s'en sortent, soit ils sombrent dans l'agressivité et parfois la perversité. Toi, puisqu'il faut te nommer, tu fais partie d'un troisième groupe, tu tentes de t'en sortir mais tu es attaché par un élastique.

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il y a 15 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

 

Et autant ça ne prouve pas que le libéralisme est une mauvaise doctrine politique ; autant ça interroge sur le caractère souhaitable pour les individus de devenir libéraux, dans l'hypothèse où l'adhésion consciente à ces valeurs favoriserait l'apparition de la psychologie décrite...

 

Mmmh ? Pas sûr de te suivre : être libéral présupposerait un certain caractère ? Ou favoriserait son développement (celui dudit caractère) ?

Sinon, pas certain que liborg soit le meilleur endroit pour essayer de déterminer la typologie psychologique du libéral (le point important étant que liborg, avant d'être un espace libéral, est un forum de discussion internet).

[/fin HS]

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la plupart des libéraux sont des handicapés sociaux, j'arrête pas de le dire.

toute ma vie j'ai pensé être un animal rustre et à part du monde et puis j'ai découvert liborg 

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il y a 13 minutes, Ultimex a dit :

 

Mmmh ? Pas sûr de te suivre : être libéral présupposerait un certain caractère ? Ou favoriserait son développement (celui dudit caractère) ?

Sinon, pas certain que liborg soit le meilleur endroit pour essayer de déterminer la typologie psychologique du libéral (le point important étant que liborg, avant d'être un espace libéral, est un forum de discussion internet).

[/fin HS]

Clairement, même sur les forums coco ou droitards, tu trouveras une majorité de NT. Si tu veux faire un vrai sondage, il faut regarder autre chose que liborg, discord, facebook ou twitter. Je suis sûr que tu peux trouver des sondages de cet acabit faits plus sérieusement @Johnathan R. Razorback. En plus, les NT représentent plus de 10% de la population ;) 

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il y a 36 minutes, Liber Pater a dit :

tu peux trouver des sondages de cet acabit faits plus sérieusement

 

Mon point dans ce chapeau de billet de blog était que l'étude de Haidt semble cohérente avec les auto-appréciations des liborgiens sur eux-mêmes. Bien sûr ça vaut ce que ça vaut. 

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Citation

Les résultats de la recherche menée par Jonathan Haidt et ses collègues apparaissent comme cohérents avec les auto-évaluations psychologiques des membres du site « libéraux.org », parmi lesquels les types « NT » du MBTI (tempérament « rationnels ») sont surreprésentés de façon écrasante par rapport à leur poids dans la population globale.

 

Vu que des membres du forum t'ont souvent reproché de ne pas lire les auteurs que tu citais, mais plutôt des textes qui parlent de ces auteurs, j'ai une question pour toi : as-tu lu Haidt et/ou the Righteous Mind ?

Je te demande cela car la méthodologie qu'il utilise pour aboutir aux résultats dont tu parles est critiquable ; de même pour les conclusions qu'il en tire. Ce qui ne veut pas dire que c'est purement et simplement faux, mais avant d'en discuter avec toi je veux m'assurer que tu l'ais lu sinon ça ne sert à rien.

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Il y a 4 heures, Calembredaine a dit :

Cependant ce n’est pas toujours facile d’assumer une mentalité d’esclave alors on élabore des pensées tordues que l’on compile en « philosophies », on évoque de grands sociologues qui n’ont d’autres fonctions que de nous rassurer que nous sommes bien à notre place et que vouloir s’en extraire c’est contrevenir au bonheur du peuple, c’est être égoïste, c’est être un salaud.

tiens tu fais du Sartre? :mrgreen:

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Il y a 1 heure, poney a dit :

toute ma vie j'ai pensé être un animal rustre et à part du monde et puis j'ai découvert liborg 

Oui c'est sûr que du coup tous tes doutes sur la question ont instantanément disparu :D

C'est vrai que pour que le panel soit plus représentatif que liborg il faudrait vérifier à minima le MBTI de tous les libéraux non informaticiens. Après que la liberté soit une valeur individualiste/masculiniste en opposition au progressisme social féminin actuel, vlà la découverte. 

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il y a 58 minutes, Wayto a dit :

 

Vu que des membres du forum t'ont souvent reproché de ne pas lire les auteurs que tu citais, mais plutôt des textes qui parlent de ces auteurs, j'ai une question pour toi : as-tu lu Haidt et/ou the Righteous Mind ?

 

Non, j'ai juste lu l'étude que j'ai traduite.

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Moi qui suis moyennement cortiquée, je me pose la question forcément un peu bête de l'application de ces théories de la vie bonne en termes de politiques publiques.

Je comprends donc que certains seraient désignés/élus capables de déterminer ce qui relève du bon, du moral, et donc de l'interdit pour les autres ?

Par exemple (liste non exhaustiveof course), c'est pas bien de : se droguer, se prostituer, aller aux putes et l'interdiction de se droguer fumer des joints, se shooter (mais pas de picoler ou fumer des clopes), de monnayer un acte sexuel, est légitime.

Et comme c'est légitime d'interdire des comportements immoraux, par la grâce de l'État, ils deviennent illégaux.

 

Bon ben y a qu'à dire que nous vivons une époque formidable, alors.

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3 hours ago, Johnathan R. Razorback said:

Le Libéral (favorable au port d'arme, aux milices, à la responsabilité et défiant en général etc) serait-il moins lâche et plus affirmé que la moyenne? Surprise.
C'est une psychologie avant d'être un mouvement d'idée très certainement. mieux vaut être dangereux que faible.

Plus proche sur cet aspect des conservateurs que des libéraux qui promeuvent une mentalité d'esclave, de dépendance, de soumission inconditionnel au bien commun contrôlé par l'inteligentsia au service de la nomenclatura (définir commun a qui? la famille, les amis, les voisins, la cité, la région, l'ethno-state?  ah l'humanité comme concept abstrait. evidemment. ) etc. 


 

3 hours ago, Bisounours said:

Ah ouais, quand même.... :lol:

 

 

Les résultats de la recherche menée par Jonathan Haidt et ses collègues apparaissent comme cohérents avec les auto-évaluations psychologiques des membres du site « libéraux.org », parmi lesquels les types « NT » du MBTI (tempérament « rationnels ») sont surreprésentés de façon écrasante par rapport à leur poids dans la population globale. Les résultats sur le manque d’attachement au pays de naissance sont également cohérents avec les discussions fréquentes dans les milieux libéraux, sur Contrepoints, etc., relativement aux perspectives d’expatriation.

Les problèmes d’empathie, de confiance sociale ; la froideur perçue que peuvent générer les libéraux apportent en outre un éclairage remarquable sur l’échec politique de leurs mouvements -qui avait suscité la perplexité des historiens.

Ces découvertes amènent à interroger sérieusement le caractère humainement bénéfique d’un individualisme aussi intransigeant que celui des libéraux, à la fois sur le plan personnel et sur le plan politique.

 

En même temps, c'est pas complètement faux :

 

Les problèmes d’empathie, de confiance sociale ; la froideur perçue que peuvent générer les libéraux apportent en outre un éclairage remarquable sur l’échec politique de leurs mouvements

 

 


Absolument.

Le Libéralisme commence par low agreability par rapport au cadre de la norme comparable (bisounours l'est sans doute plus du fait de sa condition).
Les pays nordiques sont sans doute plus libéraux pour ce motif, le small talk (qui vise à socialiser dans le vide)  y est relativement mal perçu d'expérience personnelle à l'inverse des cultures les plus étatistes.

Il faut pouvoir dire non. Et être disposé a employer la force pour que le non ne se transforme pas en oui sous l'effet de la coercition. d'où son succès dans des colonies (traitement des indigènes a part), commes les USA. La mentalité de colon et d'immigrant promeut un mélange d'indépendance et de force. Pas de sujétition aveugle au soit disant bien être d'autrui.



C'est à l'inverse de l'élevage de masse de la culture Sud-occidentale, qui vise a prévenir ces tendances via l'EN (qui s'exprimeraient sans doute sous des formes plus conservatrices/ régionalistes/confesionnelles mais moins étatistes).

Le libéralisme cette idéologie de minorité, d'intellectuels s'étant égarés dans la réalité et de bourgeois de province.
Un libéral  est un conservateur fiscal assez indifférent qui ne peut pas gagner le jeu politique, alors il tente de le faire sauter.

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il y a 46 minutes, Hugh a dit :

Du couple. Une question de bonne foi.

 

Donc ce n'est pas un contrat juridique. Donc on ne voit pas très bien comment un Etat libéral garantissant l'exécution des contrats* pourrait traîner en justice les auteurs de revenge porn

 

* ce point lui-même est un complet mystère, car on ne voit pas en quoi l'obligation de respecter les contrats pourrait être déduite de l'obligation de ne pas agresser autrui. Quant à ceux qui m'ont répondu: "mais le libéralisme n'est pas une axiomatique tirée à partir du NAP ; c'est plutôt un ensemble de droits et de règles sélectionnées au cours du temps", ils ne m'ont toujours pas expliqué en fonction de quel(s) principe(s) on peut savoir qu'une règle ou une institution établie est juste (et pourquoi ces principes là et pas d'autres ?).

Comme je m'en suis toujours plaint, avec de l'évolutionnisme on peut justifier tout ce qu'on veut, y compris de ne pas abolir l'esclavage, parce que "c'est une institution sélectionnée par l'histoire et l'Etat ne doit pas intervenir"... 

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Désolé pour le WoT mais puisqu'on parle de pluralisme et d'approche thick et que ça répond à @Bisounours je ne pense pas que ça soit inutile. Enfin @Bisounours me dira.

 

Je crois qu'il y a un point de vue (celui de @JRR (toujours pas compris comment te taguer)) qui donne effectivement un rôle au gouvernement à condition qu'il soit composé de gens bienfaisants (cf. son résumé p. 2 du fil) et un point de vue "thick" défendu par exemple par @Mégille ou @Rincevent (je parle sous leur contrôle) qui reconnaît l'importance de valeurs morales comme terreau de développement du libéralisme sans faire procéder l'application de ces valeurs du rôle de l'Etat (au contraire en fait, si on reste dans une perspective libérale et non libertarienne).

 

On peut considérer que la vertu civique, la philia (amitié) sont indispensables à la vie bonne sans penser qu'elles doivent être imposées (parce qu'elles ne peuvent pas l'être: on ne peut pas être généreux si on y est forcé, ce qui laisse songeur quand on pense à la non-assistance à personne en danger par exemple). Un axe de la pensée libérale, me semble-t-il, est de défendre, plutôt que l'action politique, la culture de vertus qui limitent par le bas l'extension de l'Etat. Cf. les théories de la tyrannie de la minorité qui ne fonctionne que si la majorité est "flexible" dans Taleb (on retrouve ça dans Buchanan et Arendt), les analyses de Searle sur les émeutes à L.A. en 1992 où la police arrête les honnêtes gens simplement parce que les émeutiers sont trop nombreux. On retombe donc dans l'état de nature, ou plutôt on se rend compte qu'on en est jamais sorti. On rend simplement cet état de nature viable en appliquant certaines règles de conduite, sans forcément le savoir: on peut savoir comment faire avant de savoir ce qu'on fait, selon une distinction de Ryle qui a beaucoup compté pour le "rationalisme critique" hayékien. Arendt en déduit qu'on a besoin d'institutions apolitiques comme l'université (ce qui peut faire sourire aujourd'hui) pour jouer un rôle politique de régulation dans la société. Les anarchistes (au sens: "de gauche") sont donc, du point de vue de cet "ordre" bottom-up, une menace, car ils rejettent, au nom de l'anarchie et de la résistance à l'oppression de l'Etat, des règles de conduite qui permettent justement la subsistance d'un ordre qui minimise l'extension de l'Etat (une "anarchie ordonnée" (1)). "Consider ordinary conversation in a multiperson group. Communication does take place through some generalized acceptance of the rule that only one person speaks at a time. Anarchy works. It fails to work when and if individuals refuse to accept the minimal rule for mutual tolerance." (Buchanan) C'est donc un peu compliqué de s'assurer, par exemple, que la majorité ne soit pas flexible, pour que la minorité politisée de tyrannise pas tout le monde. Mais vous voyez bien que laisser l'Etat le faire, c'est déplacer le problème, d'abord (1) parce que logiquement, c'est une autre minorité qui dirige la majorité et que (2) il y a la critique de l'efficience de cette intervention. Contrairement à JRR, je ne fais surtout pas de distinction entre les deux pôles de la critique libérale. L'existence de l'Etat provoque une modification des "principes", des attitudes, des vertus. Si l'on sépare les principes de la pratique (séparation peu pertinente), on se prive de l'analyse des forces de friction émergeant de la simple existence de l'Etat, ce que Jasay appelle l'effet d'"addiction", ce que Tocqueville a décrit en termes de déréliction de l'esprit d'initiative en France comparé aux USA. Et je ne parle même pas de la perspective praxéologique.

 

Cette conception bottom-up que j'ai esquissée ("ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux") vient en partie du fait que le libéralisme, historiquement (si on remonte à Hobbes ou Locke), vient du rejet du fondement transcendantal ou divin du pouvoir en faveur d'une conception artificialiste (Hobbes) et conventionnelle/consensuelle (Locke), ce qui ne veut pas dire athée ou hostile à la religion (il n'y a pas plus chrétien que Locke). L'Etat est une institution qui ne vaut que tant qu'elle est reconnue, comme la monnaie ou la propriété privée (ce que Searle appelle des "faits institutionnels"). Les règles de conduite sont donc ce qui permet à l'Etat de fonctionner. Il existe différentes perspectives sur leur sélection, qui recoupent les différents points de vue sur le DN. Hayek, par exemple, considère que on agit avant d'être capable de pouvoir verbaliser les règles de notre action; ces actions sont sélectionnées par l'évolution comme les plus bénéfiques au human flourishing et viennent grossir le droit coutumier. Mais ça n'est pas sans provoquer quelques débats (cf. les critiques de John Gray). Cela dit, les deux conceptions du DN moderne (évolutionniste et rattachée au droit coutumier, ou dérivé de Dieu et connu par l'usage de la raison), n'ont rien de particulièrement libérales, et Hayek reconnaît son dû envers la pensée politique médiévale, qui inverse également le rapport entre l'Etat et la loi que nous avons, nous, Modernes (ce qu'on peut appeler une forme de "décisionnisme"). La loi est l’expression de la justice, à l’inverse de notre conception moderne, qui fait de la justice l’application de la loi. C’est parce que dans la philosophie politique moderne, la loi est l’expression de la souveraineté en acte, alors qu’à l’époque médiévale, la loi préexiste au pouvoir, qu’il s’agisse de la loi divine ou bien de la loi coutumière. Il ne faut pas oublier (1) que la perspective évolutionniste court-circuite la notion de contrat, qui, par définition, suppose une expression explicite et verbale des règles sociales. Il y a une tension ici entre libéraux contractualistes et non-contractualistes (2) qu'il existe d'autres conceptions du DN, je ne prétends pas à un exposé exhaustif. Toutefois, je me demande parfois dans quelle mesure Hayek n'entre en fait dans aucune des deux cases (DN moderne/DN classique), à cause notamment de son usage du terme kosmos (/HS).

 

Tant que les règles de juste conduite sont spontanément appliquées, la loi (l'expression explicite des règles) est superflue; quand l'anarchie devient invivable (notamment à cause des mouvements irrationalistes, étatistes, constructivistes, ce que décrit Hayek dans La Route de la servitude, ou la tyrannie de la minorité sur une majorité plus ou moins consentante (Taleb)), l'Etat devrait prévenir cette tendance en préservant l'Etat de droit de la "démocratie totalitaire", pas en faisant des lois pour faire appliquer les règles de conduite (ça serait absurde) mais dans la perspective d'une législation sur le gouvernement (et non sur les individus), ce que Hayek appelle la thesis, qui est à la taxis ce que le nomos est à l'ordre spontané (kosmos); le problème est que la formulation explicite de ces règles spontanées est réductrice, imprécise, impossible à effectuer parfaitement. C'est pourquoi le libéralisme ne voit pas dans l'Etat la solution de l'implémentation de ces règles de conduite nécessaires à son bon fonctionnement. C'est aussi de là que vient une critique du libéralisme comme une forme d'anti-politique ("il n'y a pas de politique libérale, il n'y a qu'une critique libérale de la politique" écrit par exemple fameusement Schmitt dans La Notion de politique). C'est le sens de l'opposition hayékienne entre taxis (ordre conscient au sens d'organisation: l'exemple est un ordre de bataille) et nomos (dont dépend l'"ordre spontané"), et c'est la raison pour laquelle il critique la part de constructivisme de la philosophie juridique de Locke (un contractualiste, donc un constructiviste huhu), parce qu'il participe, selon lui, de l'idée que toute loi doit être explicite, ce qui nous enferme dans une impossibilité à préserver une part d'anarchie selon Hayek/Buchanan. "What has been promulgated or announced beforehand will often be only a very imperfect formulation of principles which people can better honour in action than express in words."

 

Dans mon premier post, c'est pour cette raison que je faisais référence à Charles Murray pour illustrer l'idée d'une corrélation négative entre réglementation et lien social. Il ne faut pas trop croire en la politique. De là procède une tendance libérale à la critique, au-delà du constructivisme, de l'utopie etc. Considérer que ce qui nous est essentiel, c'est notre positionnement politique ou nos convictions politiques est déjà une idée constructiviste, qui entrave l'implémentation non-politique/spontanée des valeurs sociales/civiques d'une société libre.

 

Des notions comme la philia grecque ou la fraternité révolutionnaire viennent à l’esprit. Les fraternités, comme chez les francs-maçons par exemple, se construisent en analogie avec la fraternité génétique, mais leur application pose un problème, qui est celui du saut entre droit privé et public. La fraternité génétique implique une obligation naturelle, qui n’est pas légale, mais qui n’est pas non plus pure politesse : il s’agit d’une obligation conforme à la nature des choses, comme l’assistance alimentaire entre frère et sœur et le remboursement d’une dette. Sa transposition dans la sphère publique génère une fraternité à la fois exclusive et inclusive (très visible dans la masse révolutionnaire et son hostilité à l’égard des royalistes), un peu sur le modèle des amis de Schmitt. C’est ainsi que le pense Saint-Just, dans son discours du 9 thermidor an II, où il en appelle à la chute des factions pour que règne l’amitié générale. Dans son texte inachevé, les Institutions républicaines, il imagine une "institution des affections", au premier rang desquelles l’amitié, socle juridique fondamental (!).

 

Pour éviter de sombrer dans le totalitarisme, il faut se montrer un rien plus subtil ; à l’évidence, le droit ne peut instituer l’amitié, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas que, pour qu’il y ait du droit, il n’y ait pas une certaine dose d’amitié. Mais dans le sens aristotélicien, chez les amis, "tout est commun", aussi ne saurait-il y avoir de droit, càd de mien et de tien. La fraternité inclusive, c’est le privé ; la fraternité exclusive, c’est la Terreur. Une conception plus nuancée de la fraternité, qui est peut-être plus proche de celle de Jonathan, est celle de solidarité nationale, au cœur des débats des révolutionnaires et théorisée par Sieyès. Il s’agit, au départ, d’un droit au secours pour les citoyens dans le besoin. Sieyès précise toutefois très clairement que la loi ne doit pas donner un sou au paresseux plus qu’à l’ouvrier, car elle serait inégale, ni donner autant à tout le monde, ce qui serait immoral ; l’objectif révolutionnaire de fraternité entre en conflit avec le respect de l’égalité au-delà des cas d’incapacité physique (celui qui ne peut pas travailler). Un moyen de contourner ce problème est de rappeler qu’il n’y a pas, formellement du moins, de transfert d’un individu productif à un individu improductif mais un paiement d’impôts pour la collectivité, pour l’Etat. Celui qui est affamé se retrouve dans une position de créancier, mais il a une dette envers l’Etat. Celui est en position de débiteur (i.e. le contribuable) peut s’attendre à faire l’objet du même secours s’il est mis dans la même position : c’est une différence entre obligation naturelle, qui ne fait pas droit (même si c’est plus qu’une question de convenance que de régler ses dettes privées non contractuelles), et obligation publique, qui suppose un droit effectif au secours. C’est ainsi que l’on peut voir concomitamment émerger le droit-créance. Il s’agit de la possibilité de revendiquer quelque chose si on ne l’obtient pas par soi-même. Les deux sont intriqués dans l’esprit des socdems, parce que mon droit-liberté (droit de propriété, par exemple) est préservé par mes impôts, qui le violent pourtant, et qui permettent de financer les droits-créances. On peut considérer que dans l’état de nature hobbesien, le droit naturel est un droit "de" qui ne donne de droit "à" rien : un droit purement subjectif qui ne crée aucune obligation réciproque. Loin de nous permettre de sortir de l’état de nature, le seul droit naturel nous y enfoncerait. Vous avez donc là l'essentiel de la critique sociale-démocrate du libéralisme sur le terrain des vertus.

 

L'enjeu de la réponse libérale est à partir de là d'expliquer comment des vertus peuvent naître sans coercition. D'où un intérêt prononcé pour la théorie des jeux (The Evolution of Cooperation d'Axelrod est à ce titre un bouquin important), notamment chez les théoriciens du Public Choice, et c'est de là que viennent aujourd'hui les débats autour du paternalisme libertarien (Thaler, le nudge) qui continuent d'essayer de répondre à la question de l'implémentation non-coercitive de vertus civiques. Au passage, la lecture de Misbehaving donne aussi, avec le dictator game, des exemples intéressants d'émergence spontanée des vertus de justice (les chapitres What is Fair? et Fairness games), mais ce n'est qu'un exemple dans la riche littérature sur le sujet.

 

Est-ce que la tension entre l'Etat et les vertus civiques est plus claire?

 

(1) Je demanderais bien à @F. mas s'il sait à qui revient la paternité de la notion d'"ordered anarchy" (Jasay ou Buchanan).

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il y a 23 minutes, Vilfredo Pareto a dit :

un point de vue "thick" défendu par exemple par @Mégille ou @Rincevent (je parle sous leur contrôle) qui reconnaît l'importance de valeurs morales comme terreau de développement du libéralisme sans faire procéder l'application de ces valeurs du rôle de l'Etat (au contraire en fait, si on reste dans une perspective libérale et non libertarienne).

Si je voulais troller, je parlerais des "deux patries". ;)

 

il y a 24 minutes, Vilfredo Pareto a dit :

Un axe de la pensée libérale, me semble-t-il, est de défendre, plutôt que l'action politique, la culture de vertus qui limitent par le bas l'extension de l'Etat.

De certaines branches au sein de la grande famille libérale, disons (par exemple, je doute que les types de Reason Mag s'y rattachent).

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il y a 13 minutes, Rincevent a dit :
il y a 46 minutes, Vilfredo Pareto a dit :

 

De certaines branches au sein de la grande famille libérale, disons (par exemple, je doute que les types de Reason Mag s'y rattachent).

Oui ça n’est qu’un axe. Il y a toujours ceux pour qui la bonne vie n’est pas une question ou juste une question de développement personnel. Les Lorealistes.

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Certains diraient "arrête de regarder la couleur du vélo, pédale".
Mais sur liborg des fois  on commence pas à pédaler avant qu'il y ait 13 pages sur la différence entre voir et regarder, de savoir si on parle d'une couleur en CMJN ou simplement RGB lors de la pigmentation du pot de peinture, et si pousser au pédalage n'est pas une agression au NAP hors de toute acceptabilité envers des mollets mal préparés.

Pendant ce temps les socialistes ont pédalé dans leur tête jusqu'à Mars. 
Il s'agissait pourtant juste d'aller chercher le pain.

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il y a 2 minutes, L'affreux a dit :

En fait le gouvernement par les bienfaisants est la version étatique de l'anarcapie idéale et paradisiaque. Une utopie incompatible avec les gens.

Anarchy is for ideal men. Passionate men must be reasonable. Je cite de mémoire la préface de The Limits of Liberty.

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