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Kripke et la philosophie des noms propres


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Je viens de finir Naming and Necessity de Kripke et c'est l'un des meilleurs bouquins que j'aie lus en philo. Je vais courir me procurer Philosophical Troubles et Reference and Existence.

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19 hours ago, Vilfredo said:

Je viens de finir Naming and Necessity de Kripke et c'est l'un des meilleurs bouquins que j'aie lus en philo. Je vais courir me procurer Philosophical Troubles et Reference and Existence.

Ça parle de quoi ?

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Il y a 1 heure, Lancelot a dit :

Ça parle de quoi ?

En un mot,

 

C'est une attaque de la théorie descriptiviste de la référence des noms propres, héritée de Frege et Russell, et qui estime que les noms propres sont des descriptions abrégées. Ça permettait de résoudre des paradoxes comme "Si George V se demande si Walter Scott est l'auteur de Waverley, comme Walter Scott est l'auteur de Waverley, alors George V se demande si Walter Scott est Walter Scott". Kripke part de l'article séminal de Frege, "On Sense and Reference," qui lui-même commençait par un étonnement fondateur en philo du langage: comment des énoncés d'identité peuvent-ils être informatifs (par exemple, "l'étoile du matin est l'étoile du soir," "Cicéron est Marcus Tullius," et, pourquoi pas, "Napoléon est le vainqueur d'Austerlitz")? On peut considérer ces noms propres comme faisant référence à des faisceaux de propriétés (Searle, "Proper Names"), mais ce faisceau est-il alors un ensemble disjonctif ou conjonctif? Si c'est conjonctif, alors un énoncé comme "Aristote est le précepteur d'Alexandre" semble devenir une vérité nécessaire (voire une tautologie), parce qu'Aristote n'aurait pas été Aristote s'il n'avait pas été le précepteur d'Alexandre. Il y a un petit son de cloche leibnizien là-dedans.

 

Contre ça, Kripke défend la thèse que les noms propres désignent rigidement leur référent, càd que le référent du nom propre est le même dans tous les mondes possibles (qui ne sont pas autant d'entités distinctes et synchroniques comme on pourrait le croire, mais simplement des versions contrefactuelles de l'histoire dans un même monde, ce qui évacue le problème de l'identification du référent à travers les mondes; m'est avis que les désignateurs rigides jouent dans les différents "mondes possibles" le rôle des termes "trans-théoriques" de Putnam dans les différentes théories (des "mondes" justement, selon Kuhn), mais Kripke, quoi qu'il cite favorablement les positions de Putnam sur l'analyticité, du moins celles exposées dans "It Ain't Necessarily So", ne fait pas référence à ceci par exemple). Ainsi, "Aristote" réfère toujours au même homme alors que "le précepteur d'Alexandre", qui n'est pas un désignateur rigide, non.

 

Cela amène d'abord Kripke à distinguer deux questions sur la substance: d'une part, quelles propriétés l'objet doit-il conserver pour ne pas cesser d'être ce qu'il est (lors d'un changement d'état) et d'autre part, quelles propriétés un objet aurait-il pu ne pas avoir (ici, je me demande si on ne retombe pas "nécessairement" sur les mêmes propriétés). En réponse à ces deux questions, Kripke distingue essentiellement deux façons de définir: soit un acte fondateur (un "baptême") qui fixe la référence rigidement (par exemple quand on fait d'un morceau de matière un "mètre-étalon", et à ce sujet il commente Wittgenstein (un célèbre passage dans Philosophical Investigations, §50)), soit la détermination d'une synonymie (flexiblement). A l'arrivée c'est donc assez bizarre comme réponse, parce que c'est de l'essentialisme qui n'est pas déterministe. Nixon aurait pu être un dictateur africain, et "Nixon" réfère à la même personne dans les deux mondes (celui où il est POTUS et celui où il devient dictateur africain). C'est pas un problème parce que ce ne sont pas des mondes qui existent séparément comme j'ai dit.

 

Cela amène ensuite Kripke à des réflexions passionnantes sur l'articulation du nécessaire et de l'a priori (qui, avec le terme de désignateurs rigides, est l'autre raison qui a justifié la renommée du livre et lui a donné sa place centrale dans la critique de l'analyticité post-Quine): il propose de considérer l'existence de vérités nécessaires a posteriori (la preuve de la conjecture de Goldbach si on la produit un jour e.g.; mais tout énoncé d'identité est en fait nécessairement vrai a posteriori); à l'inverse, la longueur du mètre-étalon est dite contingente a priori (ou conventionnelle). Il rentre dans le lard de Kant du coup, avec une demi-douzaine d'expériences de pensée qui invalident l'idée que, pour reprendre un exemple kantien, "l'or est jaune" soit un énoncé analytique, mais là aussi j'aurais des questions à tenter de soulever (c'est un peu pour ça que j'écris un master). Autre exemple: "l'eau est H2O".

 

Si on revient maintenant à la question de Frege dans "On Sense and Reference", alors que Frege pensait que "Aristote" et "le précepteur d'Alexandre" étaient substituables salva veritate parce que coréférentiels (en vertu du principe de compositionnalité, qui veut que le sens/la référence (c'est pas la même chose, d'où à mon avis un gros problème), d'une expression soit fonction du sens/de la référence de ses parties), ce qui d'ailleurs posait des tas d'ennuis quand on commençait à faire des substitutions dans des subordonnées indirectes, pour Kripke, ils ne sont pas substituables parce qu'ils ne réfèrent pas de la même façon.

 

C'est un livre génial parce qu'on sent le gros arrière-plan de logique modale, mais c'est transposé directement aux conséquences métaphysiques. C'est court, c'est une claque parce que ça touche des masses de sujets et ce sont des conférences (Kripke est agraphique) donc il y a un style ludique et ironique qui rend la lecture on ne peut plus jouissive. La fin du livre s'aventure dans des considérations sur le corrélationnisme en philosophie de l'esprit et sur le problème de la douleur (encore un héritage des cours de psycho de Wittgenstein), c'est un peu plus rapide. Globalement le livre s'apparente dans la méthode à ce genre de philosophie "intuitive" (Kripke souligne à plusieurs reprises qu'il considère que c'est un avantage pour un argument philosophique que d'aller dans le sens de l'intuition), et le point de vue est bien essentialiste, comme Strawson (Individuals est un autre excellent bouquin et qui est aussi un classique de philo analytique et que j'ai lu récemment et dont je vais beaucoup parler dans mon master pour sa critique de Ramsey; en fait c'est même Strawson qui m'amène à Kripke), qu'il critique cependant (il ne reprend en particulier pas son analyse des énoncés en termes de sujets et prédicats, puisque les désignateurs rigides/flexibles font le travail à la place). Pour moi il y a une sorte de polarité entre les essentialistes comme Strawson, Putnam et Kripke et les nominalistes sceptiques comme Ramsey, Wittgenstein (?) et Quine. J'ai plus d'affection pour les seconds, qui sont plutôt d'une veine très "contre-intuitive", ce qui m'amuse beaucoup plus. Mais cette classification n'a de valeur que subjective, en vrai Wittgenstein et Quine ont des philosophies et des méthodes très hétérogènes (Quine est essentiellement un élève, un admirateur et un critique féroce de Carnap, et il a surtout du mépris pour le côté funky de W, comme Russell).

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Si j'essayais en une phrase: ça établit une théorie non-déterministe de la référence des noms propres.

Edit pendant que j'écrivais ce "Naming and Necessity en une page", je reçois un mail de la bibli de l'ENS qui valide ma demande d'accès (il faut en faire une mais ils valident automatiquement puisque je suis à l'école): à nous deux, philosophie analytique américaine contemporaine de la logique modale!

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43 minutes ago, Vilfredo said:

Contre ça, Kripke défend la thèse que les noms propres désignent rigidement leur référent, càd que le référent du nom propre est le même dans tous les mondes possibles (qui ne sont pas autant d'entités distinctes et synchroniques comme on pourrait le croire, mais simplement des versions contrefactuelles de l'histoire dans un même monde, ce qui évacue le problème de l'identification du référent à travers les mondes; m'est avis que les désignateurs rigides jouent dans les différents "mondes possibles" le rôle des termes "trans-théoriques" de Putnam dans les différentes théories (des "mondes" justement, selon Kuhn), mais Kripke, quoi qu'il cite favorablement les positions de Putnam sur l'analyticité, du moins celles exposées dans "It Ain't Necessarily So", ne fait pas référence à ceci par exemple). Ainsi, "Aristote" réfère toujours au même homme alors que "le précepteur d'Alexandre", qui n'est pas un désignateur rigide, non.

Donc "Aristote" est rigide parce qu'il désigne toujours la même personne dans tous les mondes possibles tandis que "le précepteur d'Alexandre" n'est pas rigide parce qu'il y a des mondes possibles où ça ne s'applique pas à Aristote ? Qu'en est-il des mondes où il ne s'appelle pas "Aristote" mais "Jean Dupont", ça ne complique pas un peu son histoire que deux désignateurs rigides puissent s'appliquer à la même chose, et le même désignateur à plusieurs choses différentes ? On arrive à des trucs comme "Jean Dupond est Aristote et Jean Dupond n'est pas Jean Dupond". Comment s'y retrouver sans faire appel à des propriétés flexibles ? Le fait de choisir tel nom propre plutôt que tel autre pour quelque chose n'est-il pas aussi contingent ?

Ou alors ce qu'il dit est indépendant du terme "Aristote" mais désigne uniquement son "aristotitude" peu importe qu'on puisse concevoir un monde où il s'appelle "Jean Dupond" et où sa "jeandupontitude" serait la même chose que notre "aristotitude", dans ce cas ils réfèrent de la même manière et sont donc substituables et donc pas de soucis ?

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il y a 6 minutes, Lancelot a dit :

Qu'en est-il des mondes où il ne s'appelle pas "Aristote" mais "Jean Dupont"

Dans ce cas on dira qu'Aristote s'appelle "Jean Dupont". Dans ce monde, "Jean Dupont" désigne rigidement Aristote. L'idée est que personne d'autre que Jean Dupont n'aurait pu être Jean Dupont (mais quelqu'un d'autre aurait pu s'appeler Jean Dupont, peut-être même que deux personnes s'appellent comme ça). C'est donc un désignateur rigide, comme tous les noms propres, mais il n'y a pas deux désignateurs rigides de la même chose dans ce monde (parce que si Aristote s'appelle "Jean Dupont", "Aristote" n'existe pas/n'est pas employé comme désignateur rigide). Il faudrait imaginer une personne qui porte deux noms, comme Romain Gary par exemple. Mais dans ce cas, il y a un énoncé possible tel que "Romain Gary a pris comme nom de plume Emile Ajar" (ou l'inverse, je sais plus, on s'en fout) où on peut donc distinguer un désignateur rigide et un autre flexible. Kripke n'envisage pas la possibilité des pseudonymes, c'est intéressant, mais je te donne la réponse que j'imagine qu'il donnerait.

il y a 7 minutes, Lancelot a dit :

Le fait de choisir tel nom propre plutôt que tel autre pour quelque chose n'est-il pas aussi contingent ?

Si en effet, c'est totalement contingent, par exemple, que Socrate s'appelle Socrate, et il s'appelait probablement pas "Socrate" à l'époque (la prononciation était différente, les lettres aussi). Mais le signe désigne rigidement Socrate, quel que soit le signe.

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J'avais en tête un énoncé du type "Ulysse est Odysseus" pour deux noms propres qui désignent la même personne tout en restant dans ce monde et sans faire appel au pseudonyme. J'imagine qu'on peut dire que changer de langue c'est changer de référentiel/théorie/monde aussi. Il y a aussi le cas de figure des gens qui changent de nom, du genre "Joseph Ratzinger est Benoît XVI", les dédoublement de personnalité...

 

C'est marrant parce qu'au final on retrouve les mêmes problèmes que pour les noms communs (disons les concepts, qu'est-ce que l'essence d'une table et toussa), sauf que c'est un peu simplifié par le fait qu'il n'existe qu'un seul exemplaire désigné par les noms propres. Et encore si on veut aller vers les problème de SF comme l'upload...

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il y a 8 minutes, Lancelot a dit :

changer de langue c'est changer de référentiel/théorie/monde aussi.

Voilà je pense aussi. J'y avais pas réfléchi mais la théorie de Kripke ne fonctionne que de façon interne à une langue. Frege évoque dans son article la possibilité d'énoncés d'identité entre différentes langues du type "Ulysse est Odysseus"; aujourd'hui une telle thèse devrait prendre le taureau de l'indécidabilité de la traduction quinienne par les cornes. A ce sujet, il me semble depuis un petit bout de temps que Kuhn a fait en épistémologie ce que Quine a fait en philo du langage. Du coup ça pose des questions intéressantes, à mon avis, comme le rapport entre la traduction entre deux langages et la réduction d'une théorie à l'autre...

il y a 10 minutes, Lancelot a dit :

Il y a aussi le cas de figure des gens qui changent de nom, du genre "Joseph Ratzinger est Benoît XVI",

C'est vrai mais pour le coup c'est un peu comme les pseudonymes. Si Joseph Ratzinger avait été écrasé par une voiture à 15 ans, un autre mec aurait été pape à sa place (et peut-être qu'il aurait choisi Benoît comme nom, peut-être pas).

il y a 12 minutes, Lancelot a dit :

les dédoublement de personnalité

Oui ça c'est le genre de trucs que j'imagine bien que Nozick pourrait envisager. Il est fou lui.  J'y avais pas pensé, je ne dois pas avoir assez d'imagination. Du coup je veux bien que tu précises quel genre de scénario tu entends par là (Dr Jekyll et Mr Hyde? Face/Off?). Pour Jekyll par exemple c'est intéressant, parce que tout le principe de l'histoire est qu'il devient un autre homme quand il est Mr Hyde, donc on ne peut pas vraiment dire que "Jekyll" désigne rigidement un individu mais plutôt des tranches spatio-temporelles (ce qui nous ramène à la théorie de Carnap qui réduisait les identités individuelles à une succession de coordonnées spatio-temporelles, rendant "Napoléon a gagné Austerlitz" nécessaire en vertu de la définition de "Napoléon"; c'est dans la Syntaxe logique et c'est discuté par Russell dans Human Knowledge). Hmm ça me plaît tout ça il faut que j'en parle à mon directeur (après je travaille pas non plus sur Kripke mais je trouverais quelqu'un à qui poser la question de toute façon). Qu'en pense @Mégille de ces histoires de dédoublement de personnalité et de leurs conséquences pour la logique des noms propres?

 

J'aurais dû me rendre compte plus tôt que pour faire de la philo analytique, c'est moins utile de lire des bouquins de science sur la mécanique quantique que de lire de la SF. D'ailleurs puisque je dis que Nozick aurait sans doute eu l'idée, je me dis qu'il doit y avoir des tas d'articles qui imaginent des scénarios acrobatiques pour mettre Kripke en difficulté, il faudra que je jette un oeil.

 

il y a 19 minutes, Lancelot a dit :

qu'est-ce que l'essence d'une table

Oui c'est vrai, d'ailleurs Kripke en parle aussi. Je n'ai pas bien retenu ce qu'il dit parce que c'est pas le sujet de son argumentation mais en retournant au texte c'est assez vague donc ça explique: page 51, note 8. C'est lié parce que dans les deux cas, il s'agit de définir, si possible sans déterminisme, le mode de référence de particuliers (par oppositions aux universaux).

il y a 29 minutes, Lancelot a dit :

Et encore si on veut aller vers les problème de SF comme l'upload...

Alors là je sais pas ce que c'est...

 

il y a 11 minutes, Mégille a dit :

@Vilfredo good, tu n'as plus qu'à passer très rapidement par Lewis, et tu pourras me rejoindre dans le club très fermé des Takashi Yagisawa appreciators. 

Je suppose (jamais entendu parler; je viens de regarder, ça a l'air super mais 100$ sur Amazon tout de même... il est à la bibli mais seulement accès en ligne donc voilà je peux le lire quand je veux sur mon ordi; ça m'ennuie je préfère toucher l'objet); je vais aussi lire (mais pour mon plaisir personnel) le livre de Michel Bitbol sur la mécanique quantique et les livres de Green. Je crois que Bitbol explique les rapports entre mondes possibles dans la logique modale et dans la MQ. Quoi qu'il en soit à ce sujet, son livre a juste l'air fantastique.

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il y a 9 minutes, Vilfredo a dit :

Nozick pourrait envisager. Il est fou lui.  J'y avais pas pensé, je ne dois pas avoir assez d'imagination.

C'est surtout que tu n'as jamais pris de champis ou de LSD, alors que Nozick... :lol:

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Tiens avec tout ça j'ai oublié de dîner! J'écrivais un projet de mini-mémoire sur Hume à mon prof et je répondais à Lancelot en même temps. Bon je vais devoir retourner dans la caverne maintenant...

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2 hours ago, Vilfredo said:

Frege évoque dans son article la possibilité d'énoncés d'identité entre différentes langues du type "Ulysse est Odysseus"; aujourd'hui une telle thèse devrait prendre le taureau de l'indécidabilité de la traduction quinienne par les cornes. A ce sujet, il me semble depuis un petit bout de temps que Kuhn a fait en épistémologie ce que Quine a fait en philo du langage. Du coup ça pose des questions intéressantes, à mon avis, comme le rapport entre la traduction entre deux langages et la réduction d'une théorie à l'autre...

Si "Ulysse" et "Odysseus" sont des désignateurs rigides du point de vue interne au français et à l'anglais, disons, pour résoudre "Ulysse est Odysseus" on a besoin d'un arbitrage qui nécessitera de faire appel à des propriétés non rigides telles que "le héros de l'Odyssée", le père de Télémaque" ou "le roi d'Ithaque" (sachant que Odyssée, Télémaque et Ithaque changent eux aussi entre le français et l'anglais, mais disons qu'on arrive à se mettre d'accord).

 

2 hours ago, Vilfredo said:

C'est vrai mais pour le coup c'est un peu comme les pseudonymes. Si Joseph Ratzinger avait été écrasé par une voiture à 15 ans, un autre mec aurait été pape à sa place (et peut-être qu'il aurait choisi Benoît comme nom, peut-être pas).

Mais ça n'aurait pas été le même pape though.

 

2 hours ago, Vilfredo said:

Du coup je veux bien que tu précises quel genre de scénario tu entends par là (Dr Jekyll et Mr Hyde? Face/Off?). Pour Jekyll par exemple c'est intéressant, parce que tout le principe de l'histoire est qu'il devient un autre homme quand il est Mr Hyde, donc on ne peut pas vraiment dire que "Jekyll" désigne rigidement un individu mais plutôt des tranches spatio-temporelles (ce qui nous ramène à la théorie de Carnap qui réduisait les identités individuelles à une succession de coordonnées spatio-temporelles, rendant "Napoléon a gagné Austerlitz" nécessaire en vertu de la définition de "Napoléon"; c'est dans la Syntaxe logique et c'est discuté par Russell dans Human Knowledge).

J'avais Fight Club en tête mais Jekyll et Hyde ça marche aussi.

 

2 hours ago, Vilfredo said:

Alors là je sais pas ce que c'est...

Altered Carbon est un bon exemple en SF. En gros tu fais une copie sous forme de données abstraites de ton cerveau/corps/tout ce qui est nécessaire pour ensuite reconstituer un individu qui sera exactement semblable à toi au moment de la copie (y compris une continuité subjective de la conscience). Dans Altered Carbon ça sert à faire des backups en cas de décès. Dans Star Trek c'est une technologie du même genre qui est utilisée en guise de "téléportation". Bien sûr rien n'empêche d'imaginer que plusieurs copies de toi existent en même temps. Dans ce cas d'aucuns diraient que "Vilfredo" ne désigne plus une seule chose, qu'il devient un nom commun pour désigner toutes les copies.

 

2 hours ago, Vilfredo said:

Tiens avec tout ça j'ai oublié de dîner! J'écrivais un projet de mini-mémoire sur Hume à mon prof et je répondais à Lancelot en même temps. Bon je vais devoir retourner dans la caverne maintenant...

Ah j'arrête de répondre pour le moment alors :mrgreen:

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Ne perd pas ton temps avec Yagisawa, c'est une blague ! (ou alors, seulement si tu n'as vraiment rien d'autre à faire) A moins d'avoir envie d'apprendre que tu as non seulement des "parties temporelles" mais aussi des "parties modales" dans les autres mondes, possibles ou impossibles, et que tout ça est en lien avec Zhuangzi et Nagarjuna d'une façon ou d'une autre. Et ne le cherche surtout pas sur youtube, tu pourrais tomber sur une vidéo d'un type qui joue de la guitare tout nu (vidéo qui n'a probablement échappé à la censure que parce que je suis le seul à l'avoir vu pour l'instant).

 

Je réponds sur le reste cet aprem.

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J'ai une anecdote à la con sur Kripke qui m'a été rapportée par un camarade qui termine sa thèse de philo à Oxford. Il y a quelques années, il avait oublié son parapluie dans un amphi, et le cours d'après avait commencé. Il a donc consciencieusement rampé jusqu'à son parapluie pour "discrètement" le récupérer et ne pas déranger son collègue. Comme quoi il faut se méfier des logiciens en chapeaux de paille.

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Il y a 9 heures, Lancelot a dit :

Mais ça n'aurait pas été le même pape though.

Oui mais ça c'est pas grave: ce qui renvoie spécifiquement au pape est flexible. A vrai dire je ne sais même pas si on peut dire que ç'aurait pas été le même: c'est un peu comme dire qu'Aristote n'aurait pas été la même personne s'il n'avait pas été le précepteur d'Alexandre. Par comparaison avec quoi exactement? On peut dire: il aurait pu faire autrement, mais je ne sais pas si on peut comparer le possible et le réel (on pourrait si les mondes possibles avaient une existence simultanée, comme en MQ je crois).

Il y a 9 heures, Lancelot a dit :

J'avais Fight Club en tête mais Jekyll et Hyde ça marche aussi.

"Le narrateur n'aurait pas fait l'amour avec Marla s'il n'avait pas été Tyler Durden." (1)

 

Dans ce cas vraiment je pense que "le narrateur" et "Tyler Durden" désignent rigidement à nouveau, parce que le narrateur n'aurait pas pu ne pas être le narrateur, Tyler Durden n'aurait pas pu être le narrateur ni le narrateur Tyler Durden, mais ils désignent rigidement des tranches spatio-temporelles et non plus des essences. Bon dans la scène finale du combat du coup, j'imagine qu'on pourrait dire que les deux tranches sont "superposées" ou quelque chose comme ça. Dans (1), on a donc un désignateur rigide prédiqué d'un désignateur rigide dans le même langage, càd un particulier prédiqué d'un particulier, ce qui doit être un cas unique. C'est la thèse de Strawson que les particuliers ne peuvent être des prédicats; dans les énoncés du type

 

(2) "Paul aime Pierre",

 

il y a aussi deux particuliers, mais le prédicat est "aimer Pierre", qui est un universel, parce qu'il n'y a pas que Paul qui peut aimer Pierre, alors qu'il n'y a que le narrateur qui peut être Tyler Durden. Frege dirait que dans (2), "aime" est une fonction (f1) qui attribue des fonctions à des individus (ex: f1(Pierre) = f2, où f2 est une fonction qui attribue des valeurs de vérité à des individus: ici f2 est donc "aime Pierre", et f2(Paul) = vrai (ou "1" en notation booléenne, ou "le vrai" en notation frégéenne). A ce moment, mon holisme me pousse à penser qu'on pourrait tout de même dire que, de même que, bien qu'une autre personne que le narrateur aurait pu faire l'amour à Marla, il n'aurait pas fait l'amour de la même façon (donc la relation prédicative ne reste en fait la même que formellement, et pas réellement, et c'est une erreur de la traiter comme une fonction uniforme indépendamment de ses arguments), de même, Pierre ne serait pas aimé de la même façon s'il était aimé par Emilie. Ça ressemble un peu à ce que dit Cook Wilson: "square shape is not squareness plus shape; squareness itself is a special way of being a shape". La relation prédicative prend un sens contextuel en fonction de son sujet. C'est curieux que j'aie pas pensé à Fight Club alors que c'est un de mes films préférés!

 

Pour en revenir à la question donc, je pense que c'est peut-être pas si grave pour Kripke, parce que la personne qui est alternativement le narrateur et Tyler Durden est toujours soit le narrateur, soit Tyler Durden (sauf à la fin), donc la désignation rigide fonctionne, simplement on a besoin de plus de désignateurs pour capturer l'individu. Le problème toutefois c'est qu'on retombe sensiblement dans le descriptivisme des faisceaux d'attributs si on définit l'individu comme: Tyler Durden v ("ou") le narrateur, parce qu'on se basera bien sur des données observationnelles pour identifier l'argument qui est présentement satisfait par la fonction qui définit le particulier. Donc en un sens, ce n'est plus un particulier. Ouais c'est quand même un peu le bordel en fait.

 

Il y a 9 heures, Lancelot a dit :

Altered Carbon est un bon exemple en SF. En gros tu fais une copie sous forme de données abstraites de ton cerveau/corps/tout ce qui est nécessaire pour ensuite reconstituer un individu qui sera exactement semblable à toi au moment de la copie (y compris une continuité subjective de la conscience). Dans Altered Carbon ça sert à faire des backups en cas de décès. Dans Star Trek c'est une technologie du même genre qui est utilisée en guise de "téléportation". Bien sûr rien n'empêche d'imaginer que plusieurs copies de toi existent en même temps. Dans ce cas d'aucuns diraient que "Vilfredo" ne désigne plus une seule chose, qu'il devient un nom commun pour désigner toutes les copies.

Ok mais on pourrait toujours imaginer que je suis Vilfredo, que ma première copie s'appelle Vilfredo 1, la deuxième Vilfredo 2 etc. de sorte que "Vilfredo", "Vilfredo 1" et "Vilfredo 2" désignent rigidement, après un "baptême initial".

 

Il y a 9 heures, Lancelot a dit :

Ah j'arrête de répondre pour le moment alors :mrgreen:

Au contraire, tes réponses sont très utiles :) La plupart des gens pensent soit que je suis fou, soit que je fais mumuse mais que tout ça n'est pas sérieux. Tout le monde prend très au sérieux des expériences de pensée comme le malin génie ou l'hydropique de Descartes mais par contre imaginer que Aristote ne soit pas le précepteur d'Alexandre, ça, c'est vraiment trop tiré par les cheveux apparemment...

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il y a 44 minutes, Vilfredo a dit :

on pourrait si les mondes possibles avaient une existence simultanée, comme en MQ je crois

Dans certaines interprétations de la MQ, seulement. 

 

il y a 44 minutes, Vilfredo a dit :

Ok mais on pourrait toujours imaginer que je suis Vilfredo, que ma première copie s'appelle Vilfredo 1, la deuxième Vilfredo 2 etc. de sorte que "Vilfredo", "Vilfredo 1" et "Vilfredo 2" désignent rigidement, après un "baptême initial".

Chacune de ces copies pense être Vilfredo, ou au pire Vilfredo 1. Tu as déjà vu "À l'aube du sixième jour" ? C'est plus profond qu'il n'y paraît, pour un film avec Schwarzie. (Et en plus c'est la preuve que Michel Drucker a encore pas loin d'un siècle à vivre).

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il y a une heure, Rincevent a dit :

Chacune de ces copies pense être Vilfredo, ou au pire Vilfredo 1.

Bah si on lui dit à son baptême qu’elle est Vilfredo 1, elle n’a pas de raison de le penser. Edit de penser quelle est autre chose que Vilfredo 1. Donc pas de pb?

 

Je ne connais pas toutes les interprétations de la MQ il faudra que je clarifie ça alors

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2 hours ago, Vilfredo said:

Oui mais ça c'est pas grave: ce qui renvoie spécifiquement au pape est flexible. A vrai dire je ne sais même pas si on peut dire que ç'aurait pas été le même: c'est un peu comme dire qu'Aristote n'aurait pas été la même personne s'il n'avait pas été le précepteur d'Alexandre. Par comparaison avec quoi exactement? On peut dire: il aurait pu faire autrement, mais je ne sais pas si on peut comparer le possible et le réel (on pourrait si les mondes possibles avaient une existence simultanée, comme en MQ je crois).

Pas sûr que l'argument tienne au point que "Benoît XVI" réfère rigidement à la même chose que "Vilfredo I", une autre personne dont la seule similarité au final serait d'avoir été à la même place dans la succession des papes.

 

2 hours ago, Vilfredo said:

Le problème toutefois c'est qu'on retombe sensiblement dans le descriptivisme des faisceaux d'attributs si on définit l'individu comme: Tyler Durden v ("ou") le narrateur, parce qu'on se basera bien sur des données observationnelles pour identifier l'argument qui est présentement satisfait par la fonction qui définit le particulier. Donc en un sens, ce n'est plus un particulier. Ouais c'est quand même un peu le bordel en fait.

Bah oui.

 

2 hours ago, Vilfredo said:

Ok mais on pourrait toujours imaginer que je suis Vilfredo, que ma première copie s'appelle Vilfredo 1, la deuxième Vilfredo 2 etc. de sorte que "Vilfredo", "Vilfredo 1" et "Vilfredo 2" désignent rigidement, après un "baptême initial".

Je suis d'accord que chaque nouveau Vifredo est une personne à part entière qui commence à diverger de l'original à partir du moment où la copie est faite (tu trouveras plein de gens qui pensent le contraire par contre, notamment ceux qui soutiennent que la téléportation dans Star Trek ne pose pas de problème éthique). Seulement l'ensemble de ces personnes forme une catégorie, et il est possible que cette catégorie désigne quelque chose d'équivalent à ce que désignait "Vilfredo" quand il n'y en avait qu'un seul. On est simplement passé d'un nom propre parce qu'il n'y avait qu'un seul exemplaire à un nom commun parce qu'il y en a plusieurs.

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il y a 55 minutes, Lancelot a dit :

Pas sûr que l'argument tienne au point que "Benoît XVI" réfère rigidement à la même chose que "Vilfredo I", une autre personne dont la seule similarité au final serait d'avoir été à la même place dans la succession des papes.

Mais Benoît XVI n’est pas rigide. C’est comme la remarque qu’on fait sur les définitions des entiers dans Peano qui marchent en fait pour n’importe quelle succession (et pas “seulement” pour celle des entiers naturels, si tant est que les entiers soient des objets susceptibles de se succéder et non la forme même de toute succession mais je vais partir du premier principe pour mon analogie). À partir du moment où plusieurs personnes peuvent être papes et que Benoît XVI est juste le nom, il ne désigne pas rigidement. Si donc j’entends Benoît XVI comme un adjectif ordinal en qq sorte, il n’est pas rigide. Quelle autre interprétation de Benoît XVI?

 

D’ailleurs qu’elle le pense ou pas ça ne change pas la référence. Si quelqu’un pense qu’il est Napoleon ça ne change pas la référence de Napoléon 

 

il y a une heure, Lancelot a dit :

On est simplement passé d'un nom propre parce qu'il n'y avait qu'un seul exemplaire à un nom commun parce qu'il y en a plusieurs.

On a actualisé tous mes closest continuers 

il y a une heure, Dardanus a dit :

Maintenant, je sais pourquoi je suis historien et pas philosophe.

 

A dire vrai, je l'ai toujours su. 

Fantastique 

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il y a une heure, Lancelot a dit :

Bah oui.

Bah oui mais non en même temps parce que les atomes de la disjonction  ne sont pas des universaux/des designateurs flexibles 

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Okay, ce que je pense de Kripke (sachant que mon avis n'est pas très éclairé, vu que je n'y ai pas mis le nez depuis quelques années, et que je ne m'y étais intéressé que superficiellement et seulement pour avoir une petite idée d'où venaient Lewis et Plantinga). D'abord, c'est à vérifié, mais il me semble que cette histoire de lien causal avec le baptême n'est pas ce qui va en soi remplacer la théorie du nom comme description masquée chez lui, mais seulement une description extérieure de ce qui se passe lorsque l'on désigne un individu par son nom, sans nous dire grand chose à propos de la nature même de la signification d'un nom propre. Je m'égare peut-être, mais je crois qu'il a en tête quelque chose comme l'intentionnalité de Husserl, c'est à dire, une propriété primaire de la conscience, ou des objets de conscience comme les signes, qui consiste en la "visée" de quelque chose.

 

Je ne comprends pas très bien en quoi son idée de baptême nous éclaire sur quoi que ce soit, vu que les noms communs aussi nous sont connu que par un lien causal avec leur "baptême" du genre qu'ils désignent. Ce baptême pour d'ailleurs très bien être un évènement ponctuel pour un nom commun, comme lorsqu'un taxonomiste nomme une espèce nouvellement découverte, tout comme il peut être un processus historique à l'origine obscure même chez les noms propres, comme c'est souvent le cas avec les toponymes. En plus de ne pas beaucoup nous éclairer, j'ai peur que cette histoire puisse nous induire en erreur (d'ailleurs, peut-être qu'il se prend lui-même à son propre piège) en nous donnant l'impression d'avoir sous la main une explication simple, mais en fait simpliste, de ce qu'est la dénotation d'un individu.

 

Ensuite, il faut remarquer que au moins certains noms propres sont véritablement des descriptions masquées. Je crois que le sens de "Don Quichotte" s'épuise dans toutes les descriptions faites de lui (bon, Yagisawa rejetterait ça en appelant ça du créationnisme, mais Yagisawa est chelou). C'est peut-être aussi le cas des noms d'ouvrage (à moins que l'on s'autorise à imaginer, comme Borges, que quelqu'un puisse réécrire entièrement le Don Quichotte de Cervantès, identique au mot près, mais de sorte qu'il s'agisse tout de même d'un autre ouvrage, puisqu'écrit par quelqu'un d'autres, dans un autre contexte, avec d'autres intentions, etc ?). Si ça peut être le cas d'un nom d'ouvrage, on peut dire qu'il en va de même pour le nom d'un morceau de musique, ou encore, pourquoi pas, d'une preuve ou d'un argument ("Le théorème de Gödel", "Le Kripkenstein", etc). On dira peut-être que puisqu'il s'agit ici d'objets abstraits, il ne s'agit pas de véritables noms propres mais en fait des noms communs utilisés de façon étrange (ce ne serait pas tout à fait correct grammaticalement, on dit "des copies du Quichotte", pas "des Quichottes", mais après tout, pourquoi pas). Mais il y a encore un autre cas plus gênant. Imaginons que l'Illiade et l'Odyssée aient été écrit par deux auteurs différents, tous deux appelés "Homère", qui auraient tout simplement été confondu à un moment ou l'autre. Devra-t-on alors considérer que "Homère" est le désignateur rigide de deux individus à la fois ? Si jamais l'un est le petit fils de l'autre (après tout les grecs prenaient souvent le nom de leur grand père), alors est ce que la proposition "Homère est le grand-père de Homère" est vraie à notre insu, alors même que c'est bien exactement le même nom propre (pour nous) qui est employé à chaque fois, et non deux homonymes, puisqu'il y a bien longtemps que les chaînes causales suivant leurs baptêmes se sont confondus, et il y a bien un seul nom que nous avons reçu. Une alternative serait de considérer que dans ce cas, "Homère" signifierait en fait "Homère l'ancien OU Homère le jeune", mais "Homère" serait alors une description masquée, une sorte de nom commun. Un nom propre pourrait donc être en fait un nom commun à notre insu, sans que ça change quoi que ce soit pour nous locuteurs. Une autre alternative, encore plus simple à mes yeux, est que "Homère" n'est bel et bien rien d'autre pour nous qu'une sorte d'abréviation de "l'auteur de l'Illiade et de l'Odyssée".

 

Pour en revenir à Aristote qui aurait pu ne pas être le précepteur d'Alexandre. Certes, Aristote aurait pu être Aristote ("est Aristote dans d'autres mondes possibles") sans avoir exactement les mêmes propriétés et les mêmes relations avec les autres individus. Toutefois, il n'aurait sans doute pas pu n'avoir absolument aucune des propriétés qu'il a. Dire que Aristote aurait pu être, au lieu d'être un philosophe macédonien, un neutrino ayant traversé tel vase Ming à tel instant, la naine brune la plus proche de Sirius B, ou encore, le plus grand nombre premier... Tout ça ne semble pas avoir beaucoup de sens, et il me semble gênant que c'est bien le même Aristote qui aurait pu être n'importe quoi de tout ça au lieu d'être celui qu'on connait. Or, si il y a au moins quelques propriétés sans lesquelles Aristote n'aurait pas été Aristote, alors, pourquoi ne pas considérer que "Aristote" soit la description masquée de ces quelques propriétés là, et de seulement celles-ci ? Indépendamment des quelques propriétés accidentelles qu'il peut avoir ou non, donc. A noter qu'affirmer ça n'implique pas de postuler une "essence" au sens fort, désignée de façon univoque par chaque nom (propre ou commun). Les noms communs qui a priori sont bien des descriptions masquées peuvent, tout en désignant approximativement les mêmes individus, peuvent très bien avoir des sens différents d'une époque à l'autre et d'une personne à l'autre. Le nom "mammifère" par exemple désignait anciennement, et désigne toujours pour le profane, un animal avec des poils et des mamelles, alors que pour le phylogéniste, il désigne aujourd'hui en fait une certaine relation, de parenté en l'occurrence, celle d'avoir un ancêtre commun avec tous les autres mammifères et seulement ceux-ci (indépendamment de son poil et de ses mamelles, propriétés qui sont donc désormais accidentelles pour lui). Si j'ai raison, il n'y a aucune raison de faire la moindre différence entre les noms communs et propres dès lors qu'on se place à un niveau d'abstraction surplombant suffisamment les langues naturelles. Et donc, de la même façon, on ne désignerait jamais un individu sans désigner en fait certaines de ses propriétés, sans lesquelles il ne serait pas pour nous la même personne, et ce quand bien même les autres désigneraient le même individu par le même nom mais en visant d'autres propriétés.

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C’est un petit peu dégoûtant ce que vous faites là les gars. Je rappelle que vous êtes sur la partie publique du forum, consultable par les mineurs. J’espère que vos posts n’auront pas de conséquences légales fâcheuses pour l’association. 

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Il y a 3 heures, Mégille a dit :

D'abord, c'est à vérifié, mais il me semble que cette histoire de lien causal avec le baptême n'est pas ce qui va en soi remplacer la théorie du nom comme description masquée chez lui, mais seulement une description extérieure de ce qui se passe lorsque l'on désigne un individu par son nom, sans nous dire grand chose à propos de la nature même de la signification d'un nom propre. Je m'égare peut-être, mais je crois qu'il a en tête quelque chose comme l'intentionnalité de Husserl, c'est à dire, une propriété primaire de la conscience, ou des objets de conscience comme les signes, qui consiste en la "visée" de quelque chose.

Cette histoire d'intentionalité n'est pas dans Naming and Necessity ou alors j'ai raté le passage. Je lis Bitbol et c'est bien l'interprétation qu'il donne de la théorie (causale) de la signification:

Citation

La façon dont nous utilisons les noms propres en fait en vérité des instruments bien plus résistants que cela à des changements des descriptions qui les accompagnent; Krpike dit qu'ils opèrent comme des "désignateurs rigides". Pour en rendre compte, il propose une autre théorie, non descriptionnelle, de la référence, qui repose sur l'idée d'un "baptême initial": "Lors d'un baptême initial (la référence) est typiquement fixée par ostension ou par description. Dans les autres cas, la référence est habituellement déterminée par une chaîne, transmettant le nom de maillon en maillon." [S. Kripke (1980), p. 135]

Donc :jesaispo:

Il y a 3 heures, Mégille a dit :

Je ne comprends pas très bien en quoi son idée de baptême nous éclaire sur quoi que ce soit, vu que les noms communs aussi nous sont connu que par un lien causal avec leur "baptême" du genre qu'ils désignent.

Oui, c'est pour ça que je pense qu'il y a un rapprochement à faire entre les termes trans-théoriques de Putnam et les désignateurs rigides de Kripke. Que la référence soit causale dans les deux cas ne veut pas dire que le mode de désignation est identique.

 

Il y a 3 heures, Mégille a dit :

Devra-t-on alors considérer que "Homère" est le désignateur rigide de deux individus à la fois ?

The issue is irrelevant to the question of rigidity (pp. 8-9) In  practice it is usual to suppose that what  is meant in a particular use of a sentence is understood from  the context. In  the present instance, that context made it clear  that it  was  the  conventional use  of 'Aristotle'  for  the  great  philosopher that was in question. Then, given this ftxed under­ standing of (I), the question of rigidity is: Is the correctness of  (I), thus understood, determined with respect to each counter­ factual situation by whether a certain single person would have  liked dogs (had that situation obtained)? I answer the question  affirmatively.

 

Il y a 3 heures, Mégille a dit :

Or, si il y a au moins quelques propriétés sans lesquelles Aristote n'aurait pas été Aristote, alors, pourquoi ne pas considérer que "Aristote" soit la description masquée de ces quelques propriétés là, et de seulement celles-ci ? Indépendamment des quelques propriétés accidentelles qu'il peut avoir ou non, donc.

Là je sors de Kripke mais une fois qu'on a dit que Aristote était "un homme", par exemple, on n'est pas pour autant dans une definite description au sens russellien. J'ai l'impression que tu veux faire des désignateurs rigides (vu que je vais sans doute être amené à réécrire ça plusieurs fois, on va dire DRs dorénavant) des universaux (ou des noms communs). Mais je pense que ça n'est possible que si les mondes possibles existent séparément. C'est ce que je disais à  @Lancelot quand j'écrivais qu'on n'avait pas de point de comparaison pour dire si oui ou non Benoît XVI aurait été le "même" pape que Joseph Ratzinger ait été écrasé par une voiture à 15 ans ou non.

 

Il y a 3 heures, Mégille a dit :

Si j'ai raison, il n'y a aucune raison de faire la moindre différence entre les noms communs et propres dès lors qu'on se place à un niveau d'abstraction surplombant suffisamment les langues naturelles. Et donc, de la même façon, on ne désignerait jamais un individu sans désigner en fait certaines de ses propriétés, sans lesquelles il ne serait pas pour nous la même personne, et ce quand bien même les autres désigneraient le même individu par le même nom mais en visant d'autres propriétés.

Ok alors je propose une autre définitions des DRs: ce qui ne peut exister qu'en un seul exemplaire dans chaque monde s'il existe dans ce monde. On a bien une différence p/r aux noms communs.

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8 hours ago, Vilfredo said:

Mais Benoît XVI n’est pas rigide.

Donc pour toi "Benoît XVI" n'est pas un nom propre ? Pourtant il me semble que ç'en est un, contrairement à une autre proposition du genre "le pape succédant à Jean Paul II" qui serait effectivement flexible et un "adjectif ordinal". Pour prendre un autre exemple plus courant, prenons Jeanne Dubois qui se marie avec Jean Dupont et devient Jeanne Dupont. Il y a bien changement de nom propre pour désigner la même personne, ceci de manière tout à fait officielle et conventionnellement acceptée.

 

8 hours ago, Vilfredo said:

On a actualisé tous mes closest continuers

Je ne crois pas aux histoires de closest continuer, si tu fais une copie de moi pour la coller ailleurs ça sera à la limite un nouvel exemplaire dans la catégorie "Lancelot" qui jusque-là n'en comptait qu'un, mais dès lors qu'il n'y a pas de continuité spatio-temporelle (si ce n'est pas le même organisme en gros) ça ne sera pas le même individu. Après on peut imaginer des scénarios plus ambigus/emmerdants, genre Learning to be me de Greg Egan (qui est très fort de manière générale pour imaginer des scénarios emmerdants).

  • Yea 1
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