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Pourquoi être gentil c’est mal


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Un fil pour continuer le débat sur les désastres psychologiques et politiques de la culture de la compassion en compagnie de Nietzsche Susan Sontag et Dalrymple dans un esprit INTJ et même avec un peu de ponctuation dans mes autres posts mais pas dans celui-là 

 

A propos de N justement peut-être s’est-il planté en assimilant la compassion avec le christianisme du moins c’est un des points sur lesquels Lubac ou Lewis viendrait objecter et à raison.

 

Attention à distinguer la valorisation de la compassion (qui a peut-être à voir avec l’”infantophilie” dont parlait Muray) et le sentimentalisme général. These are not the same thing. Il ne s’agit pas non plus de dire qu’il faut opposer les emotions et la réflexion. après tout la grande lecon de Nietzsche n’est-elle pas que l’ethos du scientifique est une pulsion sublimée?

 

Peut-être relier le culte de la compassion avec une dénonciation de l’hypocrisie sociale, une idée un peu infantile mais qu’on retrouve de façon consistante dans Rousseau (sa critique du théâtre), les révolutionnaires français (lire On revolution) et, ajout personnel, chez les athées militants d’aujourd’hui (probablement contre la charité chrétienne justement; pour ce que ça vaut, la dénonciation de cette “hypocrisie” est centrale dans Hitchens et Manson alike, un rapprochement qui me paraît fonctionner à plusieurs niveaux mais je digresse), ce qui s’assied très bien avec la critique de la politique.

 

pousser la logique de la sympathie jusqu’au bout: on a plus de sympathie pour les plus proches. Ici deux théories s’affrontent: l’idée que la compassion notamment les effusions de larmes sont la transformation d’un sentiment de souffrance spécifique (au sens où je compatis toujours en fait avec l’espèce à travers l’individu), qu’on trouve notamment eh bien chez des athées (je pense à Schopenhauer) ou au contraire l’idée que la compassion est proportionnelle à la proximité intra spécifique d’où sa possible connexion avec le sexe (assez claire dans l’exemple de Hume sur les femmes qui ont pitié d’un condamné à mort parce qu’elles s’imaginent un bg jusqu’au jour de l’exécution; c’est dans le Traité)

 

Ce qui m’amène à la dernière dimension qui est la dimension fantasmatique de la compassion: elle s’exprime de façon prioritaire pour le proche mais en fait pour une version fantasmee de ce proche (le condamné à mort de hume). D’où ce truc que la compassion mette à distance ce qui est proche ce qui renverse un peu l’accusation de virtue signaling ce qui n’étonne aucun lecteur de Freud puisque tous les sentiments are deceiving

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il y a 6 minutes, Vilfredo a dit :

Un fil pour continuer le débat sur les désastres psychologiques et politiques de la culture de la compassion en compagnie de Nietzsche Susan Sontag et Dalrymple dans un esprit INTJ et même avec un peu de ponctuation dans mes autres posts mais pas dans celui-là 

Il faut ouvrir une chaine YouTube sur la philosophie de Nietzsche pour critiquer le monde contemporain, il y a du public pour ça 😏.

Sinon je dirais la compassion (ou l'empathie) est nécessaire pour nouer des rapports avec les autres membres d'une communauté : il faut au moins faire semblant de s'intéresser à la vie de l'autre pour que celui-ci devienne notre ami/relation/amant etc. 

Après bien sur, il s'agit de ne pas universaliser cette valeur (on ne va pas partager les peines de tous les necessiteux, car leur compagnie n'est que peu de valeur et cela mettrait en péril notre propre survie).

Sinon pour les objections à Nietzsche c'est du type "les forts ne sont pas ceux qui écrasent les faibles mais ceux qui élèvent les faibles"?

il y a 9 minutes, Vilfredo a dit :

ou au contraire l’idée que la compassion est proportionnelle à la proximité intra spécifique d’où sa possible connexion avec le sexe

Tu es sur une pente glissante 😆

Sinon je reste dubitatif pour le choix du titre ?

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il y a 3 minutes, Pelerin Dumont a dit :

Il faut ouvrir une chaine YouTube

Non!

il y a 3 minutes, Pelerin Dumont a dit :

Sinon je dirais la compassion (ou l'empathie) est nécessaire pour nouer des rapports avec les autres membres d'une communauté : il faut au moins faire semblant de s'intéresser à la vie de l'autre pour que celui-ci devienne notre ami/relation/amant etc. 

Attention la société demande seulement l'application de règles formelles. La compassion c'est censé être heartfelt (d'où, si je ne me trompe pas, le laius sur l'authenticité qui se manifeste même dans la philo éthique depuis une cinquantaine d'années de The Ethics of Authenticity de Taylor à Être soi-même de Romano tout récemment). C'est différent. J'avais parlé dans un autre fil de la politesse comme d'un mensonge sincère, je trouve que c'est plutôt juste (ce qui prouve que je suis d'accord avec moi-même). En outre je ne pense pas que la compassion soit une base saine pour une relation amoureuse...

il y a 5 minutes, Pelerin Dumont a dit :

Sinon pour les objections à Nietzsche c'est du type "les forts ne sont pas ceux qui écrasent les faibles mais ceux qui élèvent les faibles"?

Dans N les forts n'écrasent pas obligatoirement les faibles ils n'en ont juste rien à foutre. L'objection développerait les bénéfices sociaux de la charité, pas de la compassion. Mais comme N pense que c'est la même chose...

Ca n'empêche pas N de dire des trucs très bien contre la compassion en tant que telle. Dans Aurore 142 par exemple N. écrit justement, dans un esprit pascalien, que la compassion ne fonctionne pas en découvrant la raison du chagrin d’autrui, en tant qu’il se manifeste dans son comportement, mais en imitant le comportement pour induire le sentiment de chagrin ; c’est une illustration d’une des quatre grandes erreurs. Sinon la critique plus générale de l'altruisme dans N n'est pas du tout incompatible avec une valorisation importante de l'amitié (un truc qui passe complètement au-dessus de la tête de Bloom dans Love and Friendship justement). L'amitié est une relation dans laquelle chacun doit aider l’autre à la maîtrise et la perfection de soi, plutôt que de se détourner de soi dans un souci hypocrite d’autrui. C’est pourquoi il faut souhaiter aux êtres qu’on estime la plus grande souffrance (Volonté de puissance, 910), afin d’éprouver leur valeur. Bien sûr, tout le monde ne peut survivre au test. A l’égard du faible, le fort doit se montrer magnanime : c’est même son devoir, un devoir qu’il se doit à lui-même en tant qu’être puissant (Antéchrist, 57). Et il ne faut jamais oublier que c’est la pitié du faible qui est méprisable : celle qui éloigne de soi, qui est sacrificielle, qui se met en travers de la route de l’accomplissement. La pitié du maître, au contraire, a de la valeur (Par-delà, 292). Retournement intéressant: c'est une pitié qui ne se regarde pas s'apitoyer (N est opposé à toute introspection, c'est pourquoi il n'est même pas vraiment égoïste, ou alors un "égoïste sans ego" selon la formule de P Wotling)

 

Puisqu'il y a un public pour ça:

N. montre que, dans l’altruisme, on ne fait que préférer une part de soi-même à une autre, et que cette passion morale introduit de la division. Dans le §57 de Humain, trop humain consacré à cette question, N.  écrit par conséquent que la morale ne traite pas l’être comme individuum mais comme dividuum, ou comme lieu de la concurrence pulsionnelle. Cf. aussi §220 de Par-delà bien et mal, où est fait le lien entre passion du désintéressement et accroissement de la puissance (= se sentir ‘plus’). D’autres affects intensifient la puissance tout en faisant, en revanche, primer l’individuum, càd l’accord des pulsions plutôt que leur concurrence : la justice, par exemple. "C’est donc toujours la logique de la puissance qui se joue dans l’abnégation : le désintéressement est le produit de la satisfaction extrêmement intense d’un intérêt particulier, et non la suspension de tout intérêt." (258). Il faut en effet une pulsion bien violente, plus violente encore que l’intérêt, pour faire agir l’homme ainsi (si moralement). Dans Aurore, §215, N. écrit que cette maximalisation de la puissance dans le sacrifice de soi fait de nous des dieux. C’est pourquoi l’altruisme est préféré à l’égoïsme, car le sacrifice y est jouissif, tandis que l’égoïsme ne permet pas de se sentir divin. Ce sacrifice, qui est comparé dans Humain, trop humain (§138) à des lances qu’on s’enfonce dans le corps, doit être une automutilation, car cette souffrance permet d’envisager les deux points de vue dans l’action : d’une part, l’anéantissement de la pulsion vaincue, et d’autre part, le triomphe de la pulsion plus forte encore. L’individu n’est que le lieu utilisé par les pulsions pour la satisfaction de leurs exigences despotiques. Dans la Généalogie de la morale (II, 18), N. qualifie donc l’altruisme de "cruauté" car il s’agit bien plutôt de se faire mal que de faire du bien à autrui, qui ne devient que l’outlet d’une pulsion. A l’inverse, on n’est pas non plus méchant pour faire du mal à autrui mais pour se faire plaisir à soi. Dans Humain, trop humain (§103), N. prend l’exemple de la taquinerie, qui «"suffit à montrer quel plaisir on éprouve à exercer sa puissance sur l’autre", et qu’y a-t-il d’immoral là-dedans ? N. fait le raisonnement suivant :

 

(1) Dans la nature, nous avons plaisir à briser les branches (entre autres) & ce n’est pas dit immoral ;

(2) En société, nous avons plaisir à taquiner les êtres & c’est dit immoral, car nous savons qu’il souffre ;

(3) Mais c’est le fait qu’on sache qu’il souffre qui rend la taquinerie plaisante.

 

L’analogie entre les branches d’arbres et les autres hommes rend compte de l’innocence paradoxale du plaisir égoïste, qui n’est "ni bon ni mauvais". Le rapprochement de N. entre égoïsme et altruisme comme manifestations d’une même volonté de puissance montre donc une contradiction interne à la morale : le désintéressé a de toutes façons besoin de l’égoïste pour survivre en tant que désintéressé, car il ne pourrait plus être reconnu comme tel si personne n’acceptait égoïstement ses bienfaits (Humain, trop humain, §133) ; par-là, elle "contraint l’immoralité à l’existence".

il y a 6 minutes, Pelerin Dumont a dit :

Sinon je reste dubitatif pour le choix du titre ?

Je reprends à mon compte la caricature de ma position. L'humour juif fait ça depuis toujours.

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Il y a 3 heures, Vilfredo a dit :

En outre je ne pense pas que la compassion soit une base saine pour une relation amoureuse

Oui en effet dit comme ça, c'est une mauvaise idée (je me rends compte que je parlais plutôt de l'empathie, mais le cas de la compassion pour le condamné à mort est il aussi de l'empathie ?)

Il y a 4 heures, Vilfredo a dit :

probablement contre la charité chrétienne justement; pour ce que ça vaut, la dénonciation de cette “hypocrisie

Je n'ai pas l'impression que les pratiquants de la charité chrétienne soient hypocrites, ils m'avaient l'air très sincères dans leur démarche même si parfois leurs opinions ou leur (manque) d'expérience résultaient en quelques bizarreries (ex: vouloir mettre les dealers en prison mais les plaindre car ce sont avant tout des victimes)

Il y a 3 heures, Vilfredo a dit :

L'objection développerait les bénéfices sociaux de la charité, pas de la compassion

Si on définit la compassion comme le fait de plaindre les peines d'autrui et les partager, cela ne revient pas au même ? Ou alors on peut dire comme le comte de saint germain qu'il faut embaucher tous les miséreux de force dans l'armée pour leur offrir un métier et une mission, c'est faire acte de charité et pas de compassion?

Il y a 3 heures, Vilfredo a dit :

L'amitié est une relation dans laquelle chacun doit aider l’autre à la maîtrise et la perfection de soi, plutôt que de se détourner de soi dans un souci hypocrite d’autrui.

J'ai l'impression qu'il s'agit d'une forme rare (la plus raffinée) de l'amitié, nous disposons en effet d'amis qui nous poussent à nous dépasser et forment un miroir de nous même. Ces amis se reconnaissent mutuellement leur valeur comme égaux, recherchent honnêtement l'intérêt de l'autre et n'ont pas peur de parler franc. Mais il y a aussi des formes plus faible d'amitiés, avec des rapports plus légers (=faux) et une vocation purement ludique, non transcendantale.

Il y a 3 heures, Vilfredo a dit :

C’est pourquoi il faut souhaiter aux êtres qu’on estime la plus grande souffrance

Il est vrai que l'authenticité d'une amitie se révèle dans les moments de peine mais si l'on se dit un ami doit on vraiment se contenter d'une posture négative ? Sans tomber dans l'apitoiement, on peut essayer d'aider au mieux positivement son ami non? 

Il y a 3 heures, Vilfredo a dit :

magnanime

Magnanime voudrait dire ne pas exiger plus que ce dont est légitimement capable un individu (autrement dit adapter ses critères/exigences à autrui)? Mais en quoi est ce différent d'une forme de pitié condescendante?

Il y a 3 heures, Vilfredo a dit :

1) Dans la nature, nous avons plaisir à briser les branches (entre autres) & ce n’est pas dit immoral

Oui et à couper des brins d'herbes mais je me sens toujours coupable après donc cela doit être un peu immoral au fond (à cause de l'irreversibilité du changement et du caractère non universalisable de l'action). Je me sens aussi coupable quand je balance des insectes au dessus d'une fourmilière pour les voir se faire dévorer alors que j'éprouverais moins de peine si ceux ci se jetaient d'eux même dans le piège (mais on peut également ressentir de la pitié pour ces pauvres bêtes dans ce cas ci, l'esprit humain est bizarre parfois?)

Il y a 3 heures, Vilfredo a dit :

2) En société, nous avons plaisir à taquiner les êtres & c’est dit immoral, car nous savons qu’il souffre

Oui mais c'est drôle et pas forcément immoral (tourmenter des tourmenteurs/bullys peut etre un mécanisme de défense). De plus taquiner peut être un rôle stimulateur d'une amitié : je sais que telle farce le contrariera mais je sais aussi qu'il m'aime assez pour ne pas le prendre mal et même qu'il en plaisantera, donc cela contribuer à nouer des relations de confiance implicites (il me rendra sans doute la pareille créant ainsi un cercle verteux de coups tordus et de blagues vicieuses, cela arrive souvent entre collègue d'un même bureau ou voisins de classe).

Il y a 3 heures, Vilfredo a dit :

Je reprends à mon compte la caricature de ma position. L'humour juif fait ça depuis toujours

Ah oui effectivement maintenant que tu le dis je trouve ça drôle. Je pensais que c'etait une référence au gamin du bataclan qui disait "c'est pas très gentil d'être méchant"😅

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Il y a 9 heures, Pelerin Dumont a dit :

Oui en effet dit comme ça, c'est une mauvaise idée (je me rends compte que je parlais plutôt de l'empathie, mais le cas de la compassion pour le condamné à mort est il aussi de l'empathie ?)

Je n'ai pas l'impression que les pratiquants de la charité chrétienne soient hypocrites, ils m'avaient l'air très sincères dans leur démarche même si parfois leurs opinions ou leur (manque) d'expérience résultaient en quelques bizarreries (ex: vouloir mettre les dealers en prison mais les plaindre car ce sont avant tout des victimes)

Si on définit la compassion comme le fait de plaindre les peines d'autrui et les partager, cela ne revient pas au même ? Ou alors on peut dire comme le comte de saint germain qu'il faut embaucher tous les miséreux de force dans l'armée pour leur offrir un métier et une mission, c'est faire acte de charité et pas de compassion?

J'ai l'impression qu'il s'agit d'une forme rare (la plus raffinée) de l'amitié, nous disposons en effet d'amis qui nous poussent à nous dépasser et forment un miroir de nous même. Ces amis se reconnaissent mutuellement leur valeur comme égaux, recherchent honnêtement l'intérêt de l'autre et n'ont pas peur de parler franc. Mais il y a aussi des formes plus faible d'amitiés, avec des rapports plus légers (=faux) et une vocation purement ludique, non transcendantale.

Il est vrai que l'authenticité d'une amitie se révèle dans les moments de peine mais si l'on se dit un ami doit on vraiment se contenter d'une posture négative ? Sans tomber dans l'apitoiement, on peut essayer d'aider au mieux positivement son ami non? 

Magnanime voudrait dire ne pas exiger plus que ce dont est légitimement capable un individu (autrement dit adapter ses critères/exigences à autrui)? Mais en quoi est ce différent d'une forme de pitié condescendante?

Oui et à couper des brins d'herbes mais je me sens toujours coupable après donc cela doit être un peu immoral au fond (à cause de l'irreversibilité du changement et du caractère non universalisable de l'action). Je me sens aussi coupable quand je balance des insectes au dessus d'une fourmilière pour les voir se faire dévorer alors que j'éprouverais moins de peine si ceux ci se jetaient d'eux même dans le piège (mais on peut également ressentir de la pitié pour ces pauvres bêtes dans ce cas ci, l'esprit humain est bizarre parfois?)

Oui mais c'est drôle et pas forcément immoral (tourmenter des tourmenteurs/bullys peut etre un mécanisme de défense). De plus taquiner peut être un rôle stimulateur d'une amitié : je sais que telle farce le contrariera mais je sais aussi qu'il m'aime assez pour ne pas le prendre mal et même qu'il en plaisantera, donc cela contribuer à nouer des relations de confiance implicites (il me rendra sans doute la pareille créant ainsi un cercle verteux de coups tordus et de blagues vicieuses, cela arrive souvent entre collègue d'un même bureau ou voisins de classe).

Ah oui effectivement maintenant que tu le dis je trouve ça drôle. Je pensais que c'etait une référence au gamin du bataclan qui disait "c'est pas très gentil d'être méchant"😅

Et si la "compassion" chrétienne était l'expression d'une force ? Je m'explique. On peut faire preuve d'humilitas, c'est bien, mais pour faire preuve d'humilitas, il faut renoncer, et pour renoncer, il faut déjà être très fort, le summum étant de renoncer comme si on s'en fichait, comme si on était tellement fort que ce n'étazit qu'un jeu presque. Un peu comme un pays hypoer puissant renoncerait à une île lointaine parce que basta, il est tellement fort qu'il peut se le permettre. C'était la pensée de la noblesse chrétienne du Haut Moyen-âge.

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Il y a 10 heures, Poly a dit :

Et si la "compassion" chrétienne était l'expression d'une force ? Je m'explique. On peut faire preuve d'humilitas, c'est bien, mais pour faire preuve d'humilitas, il faut renoncer, et pour renoncer, il faut déjà être très fort, le summum étant de renoncer comme si on s'en fichait, comme si on était tellement fort que ce n'étazit qu'un jeu presque. Un peu comme un pays hypoer puissant renoncerait à une île lointaine parce que basta, il est tellement fort qu'il peut se le permettre. C'était la pensée de la noblesse chrétienne du Haut Moyen-âge.

Attention à ne pas confondre charitas et humilitas, compassion et humilitas. L'humilitas, ou la modestie, est une relation envers soi même : c'est réaliser sa petitesse, la faiblesse humaine, devant l'étendue du Cosmos ou de Dieu. Et la morale de l'aristocratie militaire médiévale est en fait double : il y a une morale chrétienne centrée sur les vertus théologales, et cardinales, l'éducation monastique, la coopération avec l’Église (c'est à dire être pieux et sauver son âme) et une morale laïque héritée des traditions germaniques (Mérovingiens, Carolingiens) : basée sur la générosité, la loyauté, les prouesses guerrières, le courage, la munificence etc (c'est à dire savoir attirer les soutiens et les courtisans, bien servir son suzerain, savoir se battre ), cette dernière prendra un essor quand la culture laïque se développera autour des courtisans/serviteurs du roi ayant reçu une éducation différente de celle des clercs (par exemple les légistes, notaires récurent une éducation antique/humaniste) . (on peut aussi pousser le parallèle avec la lutte des deux glaives, du sacerdoce et de l'empire mais je m'égare)

On peut voir l'opposition de ces deux morales dans l'exemple de la geste arthurienne : les ecclésiastiques ont progressivement christianisé (rendue conforme à leur morale) l’œuvre originelle (qui était conforme à la morale guerrière/païenne) , l'aboutissement étant la version de Chrétien de Troyes avec la symbolique du Graal et la figure du paladin/croisé de Galaad. Mais aussi, plus concrètement, dans la vie de Guillaume le maréchal, dont la vie illustre bien les conflits que pouvaient créer cette double allégeance : sur son lit de mort, un bon chrétien est censée faire de pieuses donations aux établissements religieux afin qu'ils prient pour son âme mais le vieux chevalier critique la rapacité des clercs et préfère assurer la dotation de ses filles et des ses familiers car il est de son devoir de chef de maisonnée de s'assurer de leur subsistance. Par ailleurs, il aimait narrer un de ses épisodes de jeunesse : alors qu'il cheminait vers un tournoi avec des compagnons (la morale religieuse interdit les tournois ou la chasse car ils incarnent la luxure, l'instinct de prédation et l'hubris/la libido dominandi) , il rencontre un clerc défroqué ayant soustrait une femme noble à ses parents. Guillaume est choqué, non par l’enlèvement ou l'amour interdit (la morale religieuse exigeant le mariage comme préalable à une relation amoureuse), mais par le fait que le ravisseur soit un clerc (sa morale de caste réprouve les unions entre les femmes de son rang  et des êtres inférieurs). Guillaume veut tout d'abord raccompagner la femme chez sa famille mais devant le refus net de celle-ci, il n'insiste pas et s'assure que le couple ne manque de rien, puis il demande une bourse pour son silence et repart. Là où l'homme de religion aurait empêché cette union illicite, le chevalier ne peut outrepasser la volonté de la dame et doit respecter les choix de son cœur.

Notons également que la morale laïque est une morale aristocratique : elle est réservée à ses semblables, le noble n'a que faire des complaintes des gueux ou des bourgeois, il n'écoute que celle des dames (nobles) ou de ses compagnons. D'ailleurs dans les batailles, seuls les nobles sont rançonnés et protégés par le droit de la guerre, et leur morts sont comptées, contrairement aux piétons.

Enfin, la morale laïque des chevaliers n'interdit absolument pas la conquête territoriale, au contraire elle l'encourage : Godefroy de Bouillon était un parangon d'humilitas, il est connu pour sa phrase "'homme doit se souvenir qu'il n'est que poussière et qu'il retournera en poussière", mais a guerroyé toute sa vie pour agrandir sa principauté de basse Lotharingie ou de conquérir le Royaume de Jerusalem : il comptait bien d'ailleurs ne pas s'arrêter là et s'emparer de l’Égypte, de Babylone, de Damas, de la Jazirah...

Concernant l'empire qui abandonne une île au large, je n'ai pas d'exemple historique qui me viennent en tête : l'empire byzantin a systématiquement essayé de reconquérir ses terres d'empires, l'empire germanique a défendu corps et âme ses dominions d'Italie, l'empire plantagenet ses possessions continentales  (parfois contre toute logique rationnelle, car cela relevait d'une affaire de prestige personnel). Peut être que ce serait le cas des comptoirs très isolées ou peu rentables comme les Malouines, les colonies russes en Californie ou l'empire colonial danois/suédois/brandebougeois) mais quasi systématiquement c'est un choix pragmatique (ce n'est pas rentable) plutôt que de l'humilité ("nous sommes au dessus de tout ça" ) . Se contenter de ses frontières 'naturelles' c'est une idée assez neuve en fait : le pré carré sous Louis XV, la Chine impériale sous les Ming et les Qing etc (bon il y a eu les Romains et leur limes mais c'est plus complique)

 

Sinon pour en revenir au sujet principal, je me faisais la réflexion qu'un geste de compassion pouvait redonner foi en l'humanité et créer un cycle vertueux, par exemple, un fois où j'arrivais en retard en cours, un  de mes camarades s'est spontanément proposé de me prêter son cours et j'avais trouvé cela très appréciable , mon moral au plus bas après un début de journée difficile s'est raffermi, si bien que cela m'a poussé à faire des efforts de gentillesse et à propose mon cours à un autre camarade qui n'arrivait pas à suivre dans un autre cours.

C'est aussi une forme de mini ascèse (si la bonté n'est pas ton penchant naturelle) qui pousse à te perfectionner.

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Il y a 12 heures, Pelerin Dumont a dit :

Attention à ne pas confondre charitas et humilitas, compassion et humilitas. L'humilitas, ou la modestie, est une relation envers soi même : c'est réaliser sa petitesse, la faiblesse humaine, devant l'étendue du Cosmos ou de Dieu. Et la morale de l'aristocratie militaire médiévale est en fait double : il y a une morale chrétienne centrée sur les vertus théologales, et cardinales, l'éducation monastique, la coopération avec l’Église (c'est à dire être pieux et sauver son âme) et une morale laïque héritée des traditions germaniques (Mérovingiens, Carolingiens) : basée sur la générosité, la loyauté, les prouesses guerrières, le courage, la munificence etc (c'est à dire savoir attirer les soutiens et les courtisans, bien servir son suzerain, savoir se battre ), cette dernière prendra un essor quand la culture laïque se développera autour des courtisans/serviteurs du roi ayant reçu une éducation différente de celle des clercs (par exemple les légistes, notaires récurent une éducation antique/humaniste) . (on peut aussi pousser le parallèle avec la lutte des deux glaives, du sacerdoce et de l'empire mais je m'égare)

On peut voir l'opposition de ces deux morales dans l'exemple de la geste arthurienne : les ecclésiastiques ont progressivement christianisé (rendue conforme à leur morale) l’œuvre originelle (qui était conforme à la morale guerrière/païenne) , l'aboutissement étant la version de Chrétien de Troyes avec la symbolique du Graal et la figure du paladin/croisé de Galaad. Mais aussi, plus concrètement, dans la vie de Guillaume le maréchal, dont la vie illustre bien les conflits que pouvaient créer cette double allégeance : sur son lit de mort, un bon chrétien est censée faire de pieuses donations aux établissements religieux afin qu'ils prient pour son âme mais le vieux chevalier critique la rapacité des clercs et préfère assurer la dotation de ses filles et des ses familiers car il est de son devoir de chef de maisonnée de s'assurer de leur subsistance. Par ailleurs, il aimait narrer un de ses épisodes de jeunesse : alors qu'il cheminait vers un tournoi avec des compagnons (la morale religieuse interdit les tournois ou la chasse car ils incarnent la luxure, l'instinct de prédation et l'hubris/la libido dominandi) , il rencontre un clerc défroqué ayant soustrait une femme noble à ses parents. Guillaume est choqué, non par l’enlèvement ou l'amour interdit (la morale religieuse exigeant le mariage comme préalable à une relation amoureuse), mais par le fait que le ravisseur soit un clerc (sa morale de caste réprouve les unions entre les femmes de son rang  et des êtres inférieurs). Guillaume veut tout d'abord raccompagner la femme chez sa famille mais devant le refus net de celle-ci, il n'insiste pas et s'assure que le couple ne manque de rien, puis il demande une bourse pour son silence et repart. Là où l'homme de religion aurait empêché cette union illicite, le chevalier ne peut outrepasser la volonté de la dame et doit respecter les choix de son cœur.

Notons également que la morale laïque est une morale aristocratique : elle est réservée à ses semblables, le noble n'a que faire des complaintes des gueux ou des bourgeois, il n'écoute que celle des dames (nobles) ou de ses compagnons. D'ailleurs dans les batailles, seuls les nobles sont rançonnés et protégés par le droit de la guerre, et leur morts sont comptées, contrairement aux piétons.

Enfin, la morale laïque des chevaliers n'interdit absolument pas la conquête territoriale, au contraire elle l'encourage : Godefroy de Bouillon était un parangon d'humilitas, il est connu pour sa phrase "'homme doit se souvenir qu'il n'est que poussière et qu'il retournera en poussière", mais a guerroyé toute sa vie pour agrandir sa principauté de basse Lotharingie ou de conquérir le Royaume de Jerusalem : il comptait bien d'ailleurs ne pas s'arrêter là et s'emparer de l’Égypte, de Babylone, de Damas, de la Jazirah...

Concernant l'empire qui abandonne une île au large, je n'ai pas d'exemple historique qui me viennent en tête : l'empire byzantin a systématiquement essayé de reconquérir ses terres d'empires, l'empire germanique a défendu corps et âme ses dominions d'Italie, l'empire plantagenet ses possessions continentales  (parfois contre toute logique rationnelle, car cela relevait d'une affaire de prestige personnel). Peut être que ce serait le cas des comptoirs très isolées ou peu rentables comme les Malouines, les colonies russes en Californie ou l'empire colonial danois/suédois/brandebougeois) mais quasi systématiquement c'est un choix pragmatique (ce n'est pas rentable) plutôt que de l'humilité ("nous sommes au dessus de tout ça" ) . Se contenter de ses frontières 'naturelles' c'est une idée assez neuve en fait : le pré carré sous Louis XV, la Chine impériale sous les Ming et les Qing etc (bon il y a eu les Romains et leur limes mais c'est plus complique)

 

Sinon pour en revenir au sujet principal, je me faisais la réflexion qu'un geste de compassion pouvait redonner foi en l'humanité et créer un cycle vertueux, par exemple, un fois où j'arrivais en retard en cours, un  de mes camarades s'est spontanément proposé de me prêter son cours et j'avais trouvé cela très appréciable , mon moral au plus bas après un début de journée difficile s'est raffermi, si bien que cela m'a poussé à faire des efforts de gentillesse et à propose mon cours à un autre camarade qui n'arrivait pas à suivre dans un autre cours.

C'est aussi une forme de mini ascèse (si la bonté n'est pas ton penchant naturelle) qui pousse à te perfectionner.

 

Une première remarque. Comme l'a montré l'excellent Karl Ferdinand Werner dans La naissance de la noblesse, le courage, la munificience, etc sont des vertus découlant directement de la dignitas romaine et non d'un héritage germanique qui fut détruit par Clovis qui ne cita même pas les "hommes bien nés" germains dans ses lois saliques, effaçant leur statut par la même occasion. La dignitas romaine consiste à être ... considéré comme important (digne) dans la société, digne des honores (places de choix dans l'appareil de pouvoir), quand on a fait quelque cose pour la majesté du peuple Romain (sous la République) puis pour la majesté du princeps (sous l'Empire, où le princeps usurpa le pouvoir du peuple, élément clairement affirmé).

Mais sinon oui, j'ai tendance à confondre humilitas et charitas.

 

Et pour en revenir au sujet, je pense que le geste de compassion peut être inscrit dans la tradition occidentale la plus pure, celle des relations de clientèle dans la cité, qui est le corps des citoyens. La relation de clientèle consiste en des actes de bienveillance réciproques marqués par l'inégalité entre le patron et le client (à Rome, le patron fournit une super mutuelle assistance juridique agence matrimoniale contre un capital politique et un homme de main toujours dispo). L'amitié à la romaine, c'est pareil mais avec une relation d'égalité. Et ça, c'est caractéristique de la cité, le corps des citoyens, qui n'est pas contrairement à ce qu'on a longtemps cru un héritage grec mais indo-européen. On la retrouve chez les Gaulois, chez les pré-vikings, etc. Elle repose sur le cens, qui est la distinction des gens dont le prestige est reconnu par leurs pairs, venant d'un rituel post bataille des indo-européens de partage du butin selon la valeur de chacun observée par les autres sur le champs de bataille.

De là, on comprend que clientèle et amitiés forment un rempart contre les attaques imprévues (par exemple, mon réveil ne sonne pas et j'arrive en retard en cours, c'est une attaque imprévue). Même si je me suis fait démolir par une attaque surprise, je peux compter sur les dons" charitables" de mes amis et clients, car ils savent que dans tous les cas, je fera plus tard des contre-dons. Une sorte de compassion rationalisée en quelques sortes.

 

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Sinon sur la question de l'éthique aristocratique, on peut aussi se reporter à ces textes classiques que sont l'éthique à Eudème et l'éthique à Nicomaque. >>> https://en.wiktionary.org/wiki/megalopsychos#:~:text=megalopsychos ( plural megalopsychoi ) (in Aristotelian philosophy),chiefly in Aristotle’s Eudemian and Nicomachean Ethics ).

 

Il est possible de concevoir un homme parfaitement vertueux, c'est à dire qui dispose de toutes les vertus et en a conscience, ce qui d'ailleurs pose un pb : il n'a pas vraiment besoin d'amis (dont les vertus sont imparfaites et dont la relation la plus parfaite vise à s'améliorer). L'éthique du christianisme introduit le péché, donc le désordre dans la possession des vertus qu'il est impossible de cultiver par sa seule petite force. Et surtout, elle demande l'humilité, c'est à dire non pas de se reconnaître comme parfait, mais de se savoir pécheur et surtout de reconnaître que rien de ce que possède l'homme n'existerait sans Dieu. Du point de vue strictement aristotélicien, c'est un défaut moral : l'homme ne peut pas être parfaitement moral s'il l'est et ne reconnait pas qu'il l'est (mais attribue cette perfection à un soutien extérieur, Dieu).

 

Sinon, l'anticognitive (de base) de la philosophie morale anglo-américaine, qui se marie assez bien avec le narcissisme démocratie (forcément vulgaire), est une plaie.

  • Yea 1
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Il y a 10 heures, Lancelot a dit :

J'ai pas compris le thread mais si c'est pour dire du mal de Singer faites vous plaisir 👍

C'est qui lui encore ? Un utilitariste qui essaie de nous vendre sa moraline ?

Citation

Singer ne croit pas à la notion d'humanisme. Il lui préfère l'utilitarisme des préférences qu'il appelle personnisme

Il joue avec les mots? Typique d'un philosophe moderne

Citation

Les personnalistes pensent que les droits moraux sont conférés dans la mesure où une créature est une personne

Donc les droits des individus sont attribuées de façon arbitraire : qui décide si un humain est vraiment une personne ? Laissez moi deviner: l'Etat ? Ou quand les philosophes justifient le totalitarisme 

Citation

Par conséquent, un membre de l'espèce humaine peut ne pas correspondre nécessairement à la définition de « personne ». Ainsi, ces philosophes se sont engagés à faire valoir que certaines personnes handicapée ne sont pas des personnes. Cette philosophie est également ouverte à l’idée que des personnes non humaines telles que des machines, des animaux ou des intelligences extraterrestres peuvent avoir certains droits qui ne sont actuellement accordés qu’aux humains

Genial leur theorie est auto contradictoire : certains humains seront exclus gratuitement de l'humanité parce qu'ils ne sont pas comme il faut  mais pour ne pas apparaître comme d'horribles fascistes, ils s'empressent d'ajouter ensuite que les animaux c'est bon, ils sont humains, trop humains ! Vous voyez qu'on est du bon côté au fond !

Cela revient juste à dire que certains humains sont inférieurs à des animaux (ouhla on s'éloigne un peu de la pensée bisounours non?)

Citation

« s’il est en notre pouvoir d’éviter que des choses mauvaises arrivent, sans pour cela sacrifier quoi que ce soit d’importance morale comparable, nous devons, moralement, le faire. […] si je marche à côté d’un étang peu profond et que je vois un enfant qui s’y noie, je dois entrer dans l’eau et en sortir l’enfant. Cela voudra dire salir mes vêtements, mais c’est insignifiant"

C'est toujours de la philosophie là ? Parce qu'on est pas tres loin du cafe du commerce "Sauvez des gens c'est bien même si c'est source de menu tracas"

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