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Coalitions, courants et structures de parti


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Nouvelle élection, nouvelle victoire de Macron, nouvelle défaite à droite. Déroute du PS et des écolos. Quand au FN, il s'empale à nouveau sur son plafond de verre.

 

Certains partis politiques ont perdu, et LREM triomphe. Mélenchon s'en sort très bien, il a su créer une dynamique forte malgré son essoufflement aux dernières européennes. Les partis gagnants ont des leaders forts qui président leur parti. LREM a Macron, LFI a Mélenchon. On pourrait dire que le FN à Marine Le Pen, mais celle qui a été surnommée "Marine La Purge" par certains de ses adhérents représente une exception.

 

La différence de vote entre métropoles et campagnes est flagrante, de même que les différences de votes entre classes d'âge. Rarement une élection n'a été aussi déterminée par la sociologie. Celui ou celle qui veut être élu doit donc obtenir les suffrages du plus grand nombre possible de groupes sociologiques.

 

Regardons d'autres leaders politiques victorieux, et initialement sous-estimés :

  •  François Hollande en 2012
  •  Sarkozy en 2007
  •  et même Mélenchon en 2017, qui n'est pas passé si loin du second tour

 
 A l'inverse, observons les perdants, ceux qui ont sous-performé lors d'élections ou on les attendait bien plus haut

  • Hamon en 2017
  • Fillon en 2017, que tout le monde voyait fin 2016 être élu dans un fauteuil
  • Pécresse 2022
  • Jadot en 2022

 
Lorsque François Hollande s'impose en 2012, il est le premier secrétaire d'un parti socialiste qui comporte plusieurs courants (les frondeurs qui suivront Hamon en 2012, les "bourgeois  urbains" rangés derrière Anne Hidalgo, les Vallseurs et les sociaux-démocrates productivistes Montebourgeois). Il récupère donc la  somme des voix de chacun de ces courants assez distincts, et s'installe à l'Elysée. Il a d'ailleurs passé son quinquennat a essayé de faire tenir ensemble ces multiples courants formant sa coalition majoritaire mais qui se détestaient, et qui se sont étripés à la primaire suivante. Avec une conséquence implacable : Hamon en 2017 a récolté les voix des seuls frondeurs, là ou Hollande faisait 28.63% au premier tour, et Hidalgo a fait en 2022 un score misérable (ce qui ne me désole que très modérément).
 
En 2007, Sarkozy s'impose par son charisme et sa présence médiatique comme le leader des droites. Par sa prééminence il s'impose comme le chef, et tous se rangent derrière lui. A l'inverse, lors de la primaire de fin 2016 (en vue de préparer la présidentielles 2017), Fillon, Juppé et Sarkozy se présentent chacun comme le chef d'un seul courant, et non comme un candidat à la direction de toute l'UMP. Ils obtiennent chacun un tiers des voix, mais le résultat final place le courant Filloniste vainqueur tandis que les Juppéistes passent avec armes, bagages et électeurs ... chez Macron. D'où le résultat de 2017, et le suite de la traversée du désert UMPiste avec Valérie Pécresse, héritière de Sarkozy (20% aux primaires de la droite de 2016). Pécresse a représenté une UMP dont les Juppéistes sont partis chez Macron et les Fillonistes chez Zemmour.
 
Enfin regardons avec une certaine gourmandise le plantage de Jadot, représentant d'une écologie social démocrate face à Rousseau, plus intersectionnelle (le terme français pour "woke").  Suite à la primaire, Rousseau n'a cessé de mener une guerrilla intestine contre celui qu'elle était sensé soutenir. Ce qui donne cette photo très amusante, mais aussi très parlante :
https://fr.news.yahoo.com/moue-rousseau-lors-discours-jadot-201109884.html
 
 A l'inverse, Macron assume parfaitement qu'il le leader incontesté d'un parti Macroniste qui rassemble sous une vaste tente : 

  • l'aile (crony)-business friendly de l'ex PS, ceux qui ont voté Valls à la primaire socialiste de 2017 et veulent lutter contre le réchauffement climatique. Mais sans la "machine à perdre" que Valls est devenu
  • les centristes de Bayrou (mais en ayant rangé le phare du Béarn dans une niche). Par exemple les seniors qui veulent que leur retraite à eux continue à tomber sans soucis
  • les jeunes internationaux, qui rêvent d'Europe et d'un monde sans frontière
  • le centre-droit Juppéiste, désormais incarné par Edouard Philippe

 
Au final, gagnent les partis qui savent aggréger des coalitions de courants ALLIES, qui collaborent entre eux derrière un leader, ou du moins une "bureau politique". La direction est en charge de donner du crédit à chaque courant, de leur apporter des postes (d'élus ou de cadres, ainsi que des actions législatives ou budgétaires si le parti arrive au pouvoir) à proportion de leur contributions (en électeurs et en militants). Et les courants ont en charge de ne pas se tirer dans les pattes les uns les autres, essayer de collaborer, et ce même s'ils ne s'aiment pas outre mesure. Un peu les différents services d'une entreprise. Avec une conséquence implacable  pour les partis qui tolèrent les dissensions fratricides : si vous purgez un courant rival, dans quelques années votre parti perdra les électeurs et les militants issus de ce courant.
 
Recréer un parti multi-courants, avec un leader incontesté MAIS qui se comporte en agrégateur des courants en leur interdisant de se taper dessus, c'est ce qu'a réussi Mitterrand en 1981. Avec un triomphe politique, que l'on peut trouver funeste mais qui est objectivement incontestable.
 
Tant que la droite républicaine ne réussira pas à refonder un parti de coalition avec un leader et des courants tenus par un code de bon voisinage et de bonne conduite, elle court à sa ruine. A l'inverse, dans la mesure ou Macron s'assume en gestionnaire d'un parti de coalition, pour ceux qui souhaitent faire avancer le libéralisme en politique, rejoindre le courant de Koenig au sein de LaREM n'est pas la plus mauvaise des idées.
 
 P.P.S : si cette réflexion est jugée suffisamment pertinente, je serai honoré de la voir sur Contrepoints.

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Jt'ai suivi sur tout le raisonnement sauf sur la remarque avec Koenig :D . Je dirais aussi que ce n'est pas juste "faire des lois pour chacuns des groupes qui composent mon parti" mais aussi "maintenir les apparences pour chacun de ces groupes" et ca peut impliquer des trucs bien différents. Après peut être que tu as mieux suivi que moi le quinquennat Macron et on peut montrer que toutes les lois promulguées satisfont vraiment chacun de ces groupes ?

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L'analyse de Lameador va normalement étre publiée sur Contrepoints.

J'en profite pour dire que nous sommes toujours preneurs d'articles et d'analyse des membres du forum.

  • Contrepoints 3
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39 minutes ago, ttoinou said:

Jt'ai suivi sur tout le raisonnement sauf sur la remarque avec Koenig :D .

😇 Il faut pour cela une volonté de s'engager en politique politicienne et une non-hostilité envers le Macronisme. Mais Koenig s'assume sans ambiguïté comme le leader d'un courant libéral au sein de la Macronie, et à ce titre s'abstient de profaner les vaches sacrés des autres chapelles de son parti.

 

39 minutes ago, ttoinou said:

Je dirais aussi que ce n'est pas juste "faire des lois pour chacuns des groupes qui composent mon parti" mais aussi "maintenir les apparences pour chacun de ces groupes" et ca peut impliquer des trucs bien différents. Après peut être que tu as mieux suivi que moi le quinquennat Macron

Macron n'a pas perdu d'électeurs ni de ministres au premier tour. -> ses sociologies sont contentes

 

39 minutes ago, ttoinou said:

 

et on peut montrer que toutes les lois promulguées satisfont vraiment chacun de ces groupes ?

chacun , c'est l'erreur de Sakozy. Un bon compromis c'est quand tout le monde repart un peu faché. Il faut que chaque groupe ait obtenu des mesures auquel il tient vraiment, par exemple pour Macron :

  • l'arrêt de Fessenheim (pour faire plaisir à ses écolos)
  • la préservation de retraites actuelles et le passe sanitaire (pour faire plaisir à ses retraités)
  • quelques mesures pro-business sur la Start up nation
  • un engagement européen fort
  • ...

Sarkozy a laissé son karcher au garage, il n'a pas été réélu.

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il y a 1 minute, ttoinou a dit :

Ah bon ! J'avais envoyé um email dans le passé, sans réponse

 

Ah? Il est déjà arrivé que des mails se perdent dans le passé (et on les retrouve parfois n'importe où).

N'hésitez pas à relancer dans de tels cas.

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Je comprends que vous soyez très pris, mais non.

 

Dans le fonctionnement normal d'une asso (et avant qu'on me dise "t'as pas idée", il se trouve que si) c'est pas aux bénévoles/volontaires d'insister pour aider. Ou en l'occurence, d'insister avec plusieurs emails pour que leurs articles soient publiés. Tout le monde part du principe que "email/message sans réponse = non", on ne peut pas demander aux gens de réorganiser leurs habitudes mentales juste pour CP.

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Très bon résumé et intéressante analyse. Je like mais me demande toutefois s'il n'y a pas un biais rétrospectif. Est-ce que c'est le fait de réunir plusieurs courants qui facilite la victoire... Ou reste-t-on ensemble plus facilement quand on gagne ? Les deux sont sûrement vrais, mais je ne sais pas dans quelle proportion. 

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1 hour ago, Carl Barks said:

Très bon résumé et intéressante analyse.

Merci.

 

1 hour ago, Carl Barks said:

Je like mais me demande toutefois s'il n'y a pas un biais rétrospectif. Est-ce que c'est le fait de réunir plusieurs courants qui facilite la victoire... Ou reste-t-on ensemble plus facilement quand on gagne ?

Je pense que réunir plusieurs courants est un puissant moteur de victoire. Les votes s'additionnent, et toutes les sociologies votent. C'est d'autant plus vrai en France, pays où il n'y a pas de proportionnelle. Au pays-Bas, il y a un parti décomplexé pour la défense catégorielle des +65ans.

 

Je n'ai pas de recette infaillible pour gagner (malheureusement), mais je pense qu'il y a des recettes infaillibles pour perdre. Purger l'un de ses courants, c'est la défaite assurée quelques années plus tard. Coucou Hidalgo et Pécresse, comptables des désastreuses primaires de fin 2016. Mélenchon en 2017 avait trois électorats :

  • La France Inactive (ponctionnaire territoriaux, allocataires de minimas sociaux, professions à statut très protégé,  ...)
  • La France Indigéniste
  • La France déclassée : ouvriers et chômeurs de la France périphérique . Au moins en partie

 

Il a perdu le troisième groupe , notamment en montrant qu'il préférait les Traoré aux ouvriers et en laissant les islamistes prendre un peu trop de place dans ses relais militants tandis qu'il renvoyait trop souvent les ouvriers à l'arrière du bus. Il a laissé les indigénistes et islamistes purger les électeurs ouvriers/déclassés qui lui restaient. Kuzmanovic, Tatiana Ventôse et leurs électeurs sont partis (chez une candidate présente au second tour), et ce même s'il reste François Ruffin D'où le ramassage de LFI aux européennes.

 

Mais l'habile renard a su récupérer un électorat supplémentaire avec les jeunes diplômés mais déclassés urbains, éventuellement woke ou écolo en quête de vote utiles. Et c'est ainsi qu'il est remonté aux portes du second tour

 

L'idée n'est pas purement personnelle, et s'inspire de réflexions lues chez Descartes, le maître à penser de @Johnathan R. Razorback

 

 

 

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Intéressant résumé de la politique politicienne française des dernières décennies qui mérite bien un article.

Sauf que cela n'explique pas vraiment l'effondrement des grands partis dont le but était précisément de coaliser des tendances variées pour conquérir le pouvoir grâce à l'alternance naturelle.

Je ne suis pas assez au fait des programmes et tendances de chacun mais je n'ai pas eu l'impression que les derniers leaders de droite aient eu comme objectif d'éliminer les courants concurrents au sein de leur parti. La chute de Fillon s'explique en grande partie par les casseroles qu'il a ramassé en fin de parcours, la chute de Pécresse par différentes raisons dont son manque de charisme et le fait que les centristes lui ai préféré Macron, lorsque les plus à droite allaient plus à droite

Tout cela pour dire que la volonté des grands partis me semble la même mais ils sont siphonnés par l'émergence de courants et partis aux extrêmes, Mélenchon siphonne la gauche, l'extrême droite siphonne la droite...et tout cela sur fond d'un mécontentement général et d'un rejet de la politique.

Ah sinon je n'ai pas suivi le ralliement de Koenig, c'est une blague ou c'est vrai ?

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Il y a 9 heures, Lameador a dit :

Par sa prééminence il s'impose comme le chef, et tous se rangent derrière lui.

 

Ah bon ? Je me souviens d'une guerre entre Villepin et Sarkozy. Et je me souviens que le centre-droit qui plus tard deviendra juppéiste s'est massivement détourné de Sarkozy et a fait son meilleur score au premier tour depuis VGE.

En 1995, la droite gagne les élections alors qu'elle était en ordre dispersé au premier tour.

 

Définir une coalition, c'est une bonne idée. C'est la base de la politique. Le truc, c'est de trouver une coalition médiatiquement cohérente et plus grosse que celle de ses adversaires. C'est ça qui est dur.

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Le 27/04/2022 à 18:04, Lameador a dit :

L'idée n'est pas purement personnelle, et s'inspire de réflexions lues chez Descartes, le maître à penser de @Johnathan R. Razorback

 

Je te conseille aussi de suivre aussi Pierre-Yves Rougeyron, il est passé un peu partout sur Youtube commenter la présidentielle et les législatives.

 

Et un autre gars malin à droite que j'ai découvert c'est Pierre Gentillet. 

  • Yea 1
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PYR Ca doit être le mec au style le plus suffisant du youtube game politique. J'comprends pas tout ce qu'il dit mais c'est loin d'être inintéressant. Mais je suis une cible facile avec mon déficit en culture française 

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