- La liberté s'arrête là ou commence celle d'autrui (ni avant, ni après). -
Dans cette phrase est contenu tout le libéralisme appliqué; en d'autres termes elle pourrait faire, à elle seule, office de constitution libérale. Il est donc primordial de comprendre ce qu'on entend par "liberté".
En général, la non-agression est considérée comme le principe à partir duquel découle le libéralisme juridique, par agression, on parle d'agression physique, effective, réelle. Seule l'action est liberticide, celle qui empêche physiquement et directement autrui d'accomplir ce qui est dans ses capacités.
En revanche, ce qui touche au domaine intellectuel, c'est-à-dire ce qui n'est pas physique, ne peut - et ne doit - pas être pris en compte par la justice. Et cela concerne évidemment la diffamation.
Le monde des idées est une nébuleuse où chacun est centre de son propre monde, subjectif et personnel, aucune idée ne peut donc être appréciée dans sa qualité originelle par un autre. Cette conception découle d'une philosophie qui constitue le noyau du libéralisme, l'empirisme sceptique et relativiste. De ce principe nous provient le concept d'Etat objectif, où tout ce qui n'est pas directement perceptible par les sens ne peut constituer une base pour une quelconque action coercitive, puisque cela ne constituerait en aucun cas une entité absolue et indépendante, pouvant justifier la subordination de l'individu.
Pour le reformuler d'une façon plus claire, l'individu, en tant qu'être charnel et physique, doit être la seule réalité envisageable, appréciable, par l'Etat. Il doit être le sommet de la pyramide des droits, comme intouchable et inaliénable. Quant au monde des idées, il ne serait que le souterrain d'une société privée, régulant implicitement la société sans coercition formelle (une sorte de seconde réglementation comme diraient les marxistes) et de façon absolument séparée de l'Etat. Voilà sans doute un aspect essentiel du libéralisme, la distinction claire entre Etat et intellect. Dès lors, la diffamation ne doit constituer un motif de régulation juridique, sous peine de dénaturer totalement le libéralisme, et de le transformer en une sorte d'idéologie.