Punu Posté 8 août 2005 Signaler Posté 8 août 2005 On pourrait en tirer des conclusions intéressantes sur la croissance de l'état et la stabilité du régime minarchique. http://www.lexpress.fr/info/monde/dossier/…ldi/dossier.asp Citation Emplois et logements réservés, fiscalité nulle, études subventionnées… Les 7 500 «nationaux» du Rocher bénéficient de privilèges solidement établis. Mais ce train de vie dépend de la prospérité de l' «entreprise Monaco». Entre continuité et rénovation, la voie s'annonce étroite pour le prince AlbertLa question n'est jamais formulée ouvertement, et pourtant elle hante tous les Monégasques: est-ce qu'Albert II fera aussi bien que Rainier III? Saura-t-il préserver, sinon améliorer, la somme des privilèges qui font d'eux les citoyens les plus choyés du monde? Ils vivent, en toute tranquillité, dans un pays minuscule par la taille mais immense par la prospérité, qui profite, en toute priorité, aux 7 500 «nationaux» - hommes, femmes et enfants - dont aucun n'est vraiment pauvre. Le chômage est quasi inexistant, la sécurité des biens et des personnes assurée par une police omniprésente, le sida ignoré et le commerce de la drogue inconnu. De plus, le prestige dont jouit leur chère principauté à travers la planète, qui doit beaucoup à la médiatisation de la famille princière, honore chacun d'eux. La réputation d'événements au retentissement international, tels le Grand Prix de formule 1 - le plus regardé au monde - l'open de tennis ou le bal de la Croix-Rouge, ajoute encore à leur fierté d'être monégasques. Une fierté qui ne va pas sans quelque arrogance envers leurs collègues de travail, voisins ou partenaires sportifs non monégasques, ceux que l'on appelle les «enfants du pays», selon l'expression inventée par Jean-Charles Rey, notaire, président du Conseil national pendant de nombreuses années et éphémère époux de la princesse Antoinette, sœur aînée de Rainier. S'il ne lui avait jamais confié la barre du bateau, Rainier avait fait en sorte que son fils Albert puisse naviguer, au moins pendant un certain temps, sur une mer calme. Il avait pris soin, notamment, de favoriser, aux élections de 2003, l'avènement d'une nouvelle majorité, plus jeune, plus volontiers réformiste, en un mot plus proche de la population, que celle dont il s'était accommodé de longues années durant. En dépit de la maladie, Rainier avait su accompagner, au cours des deux dernières années de son règne, ce que Stéphane Valéri, 43 ans, président du Conseil national, appelle une «évolution sereine». Elle a répondu, par exemple, à l'attente majeure des Monégasques les moins fortunés: la réforme de la loi sur le logement, qui aurait entraîné, à terme, une libéralisation néfaste aux locataires du secteur dit protégé. Avec la livraison, fin 2008, d'un millier d'appartements du domaine de l'Etat, qui sont tous réservés aux nationaux, aucun d'entre eux n'aura plus le moindre souci à se faire pour se loger. Car les locations y sont beaucoup plus abordables que dans le secteur libre. Et, de surcroît, ils peuvent bénéficier de l'aide nationale au logement (ANL), pour peu que leur loyer dépasse 20% de leurs revenus. Les Monégasques n'étant astreints à aucune déclaration, puisque non assujettis à l'impôt, on comprendra que l'application de cette règle souffre quelques libertés… 500 familles se partagent de 5 à 6 millions d'euros par an. On peut citer l'exemple de cette dame de 79 ans, aux revenus relativement modestes, qui loue un petit deux-pièces à Monte-Carlo pour 4 000 euros par trimestre, charges non comprises. Elle perçoit, au titre de l'ANL, 3 000 euros, soit les trois quarts de son loyer. Mais elle bénéficie aussi de l'allocation nationale vieillesse, de la livraison gratuite de repas, de la protection d'un système électronique d'alerte, d'une aide à domicile et d'autres largesses de l'Office d'action sociale, ainsi que d'une retraite plutôt avantageuse, versée par l'Etat et réservée aux Monégasques. Un revenu minimum garanti estimé, toutes aides cumulées, à 2 500 euros par mois. Pas d'impôt sur le revenu ni de taxes foncière ou d'habitation, et des droits de succession nuls entre membres de la même famille, y compris pour les biens situés à l'étranger. Une allocation de congé parental de 1 000 euros mensuels, versée jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de 16 ans. Des allocations familiales accordées dès le premier enfant. Des logements et des emplois réservés grâce à la préférence nationale. Voilà, brièvement énoncés, les privilèges de base dont peuvent bénéficier tous les nationaux. Un système de bourses sponsorise, depuis 1974, tout étudiant de nationalité monégasque - mais également ceux qui résident depuis plus de quinze ans à Monaco. C'est, pour eux, l'assurance de pouvoir poursuivre des études supérieures. Mais beaucoup de jeunes préfèrent se faire embaucher par la Société des bains de mer (SBM), dont l'Etat détient 69% des actions, et devenir employés des jeux. La profession de croupier n'exige aucun diplôme pour un salaire qui frôle, pour les plus anciens, les 10 000 euros par mois. Ils bénéficient, de surcroît, d'une certaine mansuétude. Un ancien inspecteur de la PJ de Nice m'a un jour confié: «J'ai été embauché par la SBM pour débusquer les voleurs parmi le personnel, or les vols étaient très nombreux et tous mes rapports finissaient à la poubelle…» Une affaire a défrayé la chronique, en mai 1996. Elle impliquait un trio de mafieux fichés en Italie qui organisait des parties truquées à la roulette et au black jack. Les Italiens réussirent à disparaître, mais 12 employés des jeux furent inculpés et condamnés. Parmi eux figuraient neuf Monégasques. Ils trouvèrent un autre emploi et la SBM ne leur réclama jamais le paiement du préjudice qu'elle avait subi du fait de leur indélicatesse. Mieux: certains obtinrent une licence de taxi, dont le prix était estimé, au début de 2005, à 500 000 euros. Avec ce privilège supplémentaire: aucun taxi autre que «monégasque» n'est autorisé à «charger» un client sur le territoire. A l'initiative du prince Rainier, les incitations à mener de longues études se sont multipliées. En dix ans, le nombre de bourses est passé de 295 (année scolaire 1994-1995) à 537 (2004-2005) pour le second degré, tandis que le nombre de celles accordées aux étudiants de troisième cycle grimpait de 30 à 56 par an. On peut ajouter à cette distribution l'aide personnelle que le prince Rainier a accordée, lors de son jubilé du 9 mai 1999, à deux étudiants monégasques «ayant entrepris des études utiles à la principauté» puis, en 2000, à d'autres qui ont suivi deux années de spécialisation à l'étranger. 110 bourses de perfectionnement en anglais, italien, allemand et espagnol ont été distribuées en 2004 et d'autres encore pour des stages d'une semaine à six mois destinés à l'acquisition d'une expérience professionnelle. Il est d'autres privilèges, certes moins facilement accessibles, mais qui font que, s'il n'y a pas de Monégasques véritablement pauvres, quelques-uns sont vraiment riches. N'importe lequel d'entre eux qui souhaite ouvrir un commerce doit seulement adresser une lettre à l'administration pour solliciter une autorisation acquise d'avance. L'exercice des professions libérales est exclusivement réservé aux nationaux. Tous gagnent très bien leur vie. Et, parfois, sans trop se fatiguer. Certains avocats, par exemple, ne prennent pas la peine de se déplacer pour plaider. Ils se contentent de leurs honoraires - 1 500 euros au minimum - de «postulant» ou d' «avocat défenseur». Tout avocat étranger - Français compris - a obligation de désigner, sous ces vocables, un confrère monégasque dans le dossier dont il est chargé. Sinon, il peut «assister» un client, mais non le «représenter». Le barreau de Monaco compte deux douzaines de membres, tandis qu'une quarantaine de médecins sont installés en ville. Plusieurs d'entre eux cumulent cette activité avec un poste à l'hôpital, où sont admis à exercer leurs confrères non monégasques, excellence oblige. Avant qu'une réforme ne soit décidée pour limiter ces abus, certains patrons «nationaux» percevaient leur dîme sur tous les actes passés dans leur service, y compris ceux effectués par leurs collaborateurs. Avec une vingtaine de cabinets, la profession de chirurgien-dentiste, très lucrative elle aussi, est largement représentée, de même que celle de pharmacien (17 officines pour 35 000 habitants). Mais, en même temps, proportionnellement, le nombre de sujets de la principauté ayant réussi des études supérieures est, également, très important. Aux représentants de professions libérales - plus de 120 au total - il faut ajouter ceux qui occupent des postes élevés dans l'administration ou dans le secteur bancaire: tous ont passé leurs diplômes en France ou dans un autre pays. Le favoritisme ou la préférence nationale n'ont donc pas joué en leur faveur. Ces réussites, exceptionnellement nombreuses, le Dr Jean-Louis Campora, ancien président du Conseil national et de l'AS Monaco Football Club, les explique par deux facteurs. Le premier est l'excellent niveau du lycée de Monaco (98,4% de réussite au bac), qui attire les meilleurs enseignants détachés par l'Education nationale française, et l'émulation, qui place les fils et les filles des familles monégasques, appelés à se côtoyer à longueur d'année («chacun est sous les yeux des autres»), dans une compétition de bon aloi. Avec, au bout du chemin universitaire, la certitude d'une réussite professionnelle sans encombre. L'exemple du Dr Jean-Joseph Pastor est édifiant. Fils d'un marchand de pommes de terre du marché de la Condamine, il est devenu cardiologue, médecin personnel du prince Rainier et président du conseil d'administration de l'hôpital Princesse-Grace, tandis que sa fille, Joëlle, revêtait la robe d'avocate et que son fils, Alain, ouvrait un cabinet de kinésithérapie. Mais l'inévitable promiscuité - le côté «village» de Monaco - ajoutée au nombre restreint de situations professionnelles de très haut niveau, a aussi des conséquences négatives: des jeunes, Monégasques ou «enfants du pays», choisissent de faire carrière hors de la principauté. C'est le cas, par exemple, de Jean-Luc Allavena, bras droit d'Arnaud Lagardère, ou de Jean-Luc Biamonti, qui exerce de hautes fonctions dans une grande banque d'affaires de la City, à Londres, tout en présidant le conseil d'administration de la SBM. Ils sont une dizaine de cet acabit à avoir choisi l'aventure de l'exil plutôt que de pantoufler dans une planque monégasque. Mais la plupart finissent par revenir au pays, à l'instar de Vincent Palmaro. A 72 ans, celui-ci préside la commission des Finances et de l'Economie du Conseil national, après avoir été, en France, successivement pilote de formule 3000, ingénieur chez Matra, directeur à l'Institut national de la recherche en informatique et en automatique (Inria), directeur général adjoint du groupe Conforama et avoir créé sa propre société de management et de conseil en redressement d'entreprises. A propos d'entreprise, il appartient désormais au prince Albert II de gérer celle du Rocher, avec la réussite démontrée par son père, que ses sujets appelaient, entre eux et avec respect et admiration, «le patron». «Ce n'est pas gagné d'avance, car l'"entreprise Monaco" a un train de vie élevé. Il convient donc que les recettes suivent. Ce qui suppose que le développement économique se poursuive sur le même rythme», explique, un rien sceptique, un oligarque monégasque. Qui ajoute: «Le prince Albert doit s'entourer de gens compétents, qui vont l'aider à faire tourner l'entreprise Monaco. Il a beaucoup voyagé en tant que premier ambassadeur de la principauté et il a certainement noué des relations intéressantes.» Si son père a fait en sorte de susciter, au Conseil national, l'avènement d'une nouvelle majorité, qui a mis sur la touche la plupart des «anciens» issus des grandes familles monégasques, ces derniers n'ont certainement pas abdiqué toute prétention au pouvoir. C'est donc une guerre impitoyable qui est engagée entre les deux camps pour la conquête ou la conservation des postes de direction et des présidences d'organismes qui comptent à Monaco. Alors que Rainier était encore en vie, le Conseil national a lancé une offensive visant, sans le nommer, Me Michel Boéri, 66 ans, le tout-puissant président, depuis 1972, de l'Automobile Club de Monaco (ACM), organisateur du Grand Prix de formule 1 et du Rallye de Monte-Carlo. La nouvelle majorité a demandé au gouvernement de lui fournir des explications sur l'utilisation par l'ACM de la subvention annuelle (entre 8 et 11 millions d'euros) que lui alloue l'Etat. Avec, également, un droit de regard sur la régie publicitaire du circuit, encaissant 5 millions d'euros et attribuée, sans appel d'offres, à Max Poggi, un ami de longue date de Michel Boéri. Un contrôle de légalité a eu lieu, mais la majorité parlementaire voudrait un audit sur le bien-fondé de certaines dépenses… De leur côté, les «anciens» ont entrepris une action psychologique destinée à discréditer les «modernes», accusés de vouloir tout, trop vite. Ils leur reprochent une accélération des réformes socio-politiques qui risque, selon eux, de mettre à mal la stabilité de l'Etat. Avec, in fine, le soupçon que les modernes veulent instaurer une monarchie parlementaire qui réduirait les attributions du prince. Le prince Albert sera donc inévitablement conduit à jouer l'arbitre entre les deux camps. Et cela dans l'exercice de ses deux rôles: chef d'entreprise et chef de l'Etat. C'est dans cette double prérogative qu'il faut placer un autre conflit, apparu au grand jour lors de l'affaire du «livre d'or» du centenaire de la Sûreté publique, qui a vu deux clans s'affronter sans merci au sein de la police monégasque. Remettre de l'ordre dans ses rangs et lui rendre son efficacité émoussée, pour mener à bien l'opération «mains propres» engagée depuis six ans contre le blanchiment d'argent, sera une autre priorité du prince. Là encore, son père avait pris soin, avant de disparaître, de lui faciliter la tâche en choisissant, comme ministre d'Etat (équivalent du ministre de l'Intérieur français), une forte personnalité, Jean-Paul Proust, ancien préfet de police à Paris après avoir été préfet de la région Paca et directeur du cabinet de Jean-Pierre Chevènement, lorsque celui-ci était Place Beauvau. Jean-Paul Proust a affirmé sa volonté de faire régner une bonne entente entre le gouvernement princier et le Conseil national. Il ne fait pas de doute que cette déclaration d'intention a bénéficié de l'aval d'Albert II. Jean-Paul Proust devra également se montrer efficace pour épauler le nouveau souverain dans sa tâche de remise en ordre et d'assainissement du système bancaire et fiscal, le meilleur pilier de la prospérité monégasque. Plus efficace, en tout cas, que ses prédécesseurs, anciens ambassadeurs, plus à l'aise dans les réceptions mondaines que dans la traque aux «blanchisseurs» de tout poil. La tâche n'est pas des plus aisées. La loi autorise les Monégasques - c'est l'un de leurs privilèges les plus lucratifs - à briguer chacun sept postes d'administrateur. Qui sont, bien entendu, généreusement rétribués. D'autant plus largement qu'une partie de ces indemnités est ensuite rétrocédée par l'administrateur lui-même, en espèces, aux véritables dirigeants de la SAM (société anonyme monégasque) à laquelle ils appartiennent. Les commissions, dit-on, seraient de 5 à 6% sur les sommes ainsi détournées des bénéfices, soumis, eux, à l'impôt. Etre administrateur est donc une belle et légale sinécure offerte aux sujets de SAS le Prince Souverain de Monaco. Il en est une autre, plus discrète mais tout aussi enrichissante: celle de prête-nom. Il s'agit de figurer en tant que titulaire d'un compte courant en lieu et place du véritable propriétaire de l'argent. Là encore, on évoque, en catimini, des commissions de 5 à 6% sur les revenus de l'argent placé et de 1% sur le capital. Préserver ce système qui a fait la prospérité à la fois de Monaco et des Monégasques, tout en empêchant les dérives mafieuses qui ont tant nui à l'image de la principauté, voilà la mission du prince Albert. A peine avait-il pris les commandes qu'il démontrait son refus de toute compromission personnelle. Il paraît décidé à sévir auprès de ceux qui ne montreraient pas la même intransigeance. Des têtes devraient tomber. C'est à ce prix que le souverain relèvera ce défi, au nom du père et du fisc. Post-scriptum Les jeux ne représentent plus que 3,5% des revenus de la Société des bains de mer, qui demeure cependant le plus gros propriétaire immobilier de la principauté. Plus de 55 milliards d'euros sont déposés dans les banques monégasques. 60% des comptes appartiennent à des non-résidents.
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