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Sylvain

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"HISTOIRE «Le Figaro» a quitté, hier, le dernier immeuble de l'ancien quartier de la presse à Paris pour s'installer 14, boulevard Haussmann

37, rue du Louvre, dernière édition.

Armelle Heliot

[20 août 2005]

Il y a plus de vingt-cinq ans que l'âcre odeur de l'encre mêlée à celle de la poussière de papier ne saisit plus le passant de la rue du Louvre, des années que les grands garages ne voient plus transiter les énormes bobines de papier qui alimentaient les huit rotatives HOE installées sous les ateliers du premier étage, dans les sous-sols immenses. Pourtant, c'était hier : 1979.

C'est un bâtiment de caractère. Un haut et bel immeuble qui évoque irrésistiblement les grands paquebots d'autrefois. Etroite façade d'entrée, pointe d'un triangle, proue du navire. Un côté au long de la rue du Louvre, l'autre de la rue du Mail. Le troisième côté est un mur mitoyen. Depuis son édification, en 1934, des éléments plus modernes le complètent par l'arrière, rue d'Aboukir et rue du Mail. En septembre 2001, la direction des Affaires culturelles d'Ile-de-France avait, à l'unanimité, voté son inscription à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques

37, rue du Louvre. Dans ce bâtiment, chaque jour depuis 1934 des journaux ont été conçus, rédigés, composés, mis en page et même, de longues années durant, imprimés.

Il y a plus de vingt-cinq ans, pourtant, que l'âcre odeur de l'encre mêlée à celle de la poussière de papier ne saisit plus le passant, des années que les grands garages ne voient plus transiter les énormes bobines de papier qui alimentaient les huit rotatives HOE installées sous les ateliers du premier étage dans les sous-sols immenses. Pourtant, c'était hier : 1979. Dernière édition, demandez la dernière édition ! Chaque jour depuis 1934 ! C'est peu dire qu'une page se tourne aujourd'hui…

Au commencement, il y a un patron de presse héritier d'une des grandes familles du Nord. Dynastie de la laine que celle de Jean Prouvost (né en 1885), qui s'est lancé dans le papier et réussit. Il rachète Paris-Midi, en 1924. Les ventes vont rapidement passer de 4 000 à 80 000 exemplaires et poursuivre régulièrement leur progression. En 1930, il acquiert Paris-Soir. Un quotidien modeste par rapport à L'Intransigeant ou au Petit Parisien : 60 000 exemplaires.

Associé à une autre grande famille du Nord, fortune sucrière, les frères Beghin, qui eux aussi rêvent et ont mis au point un papier satiné aux qualités exceptionnelles, Prouvost pousse son journal et Paris-Soir va devenir en quelques années l'un des quotidiens les plus populaires de France. Dès la fin 1932, Paris-Soir tire à 500 000 exemplaires et atteint le million en 1934, 1,7 million en 1939, 2 millions en 1940 qui sortent de l'imprimerie du 37, rue du Louvre, édifié pour accueillir les deux quotidiens en 1934.

Le secret du succès, c'est une place importante accordée à la photographie – ce qui est neuf –, une neutralité bienveillante à l'égard des pouvoirs en place – ce qui posera des problèmes, évidemment, un peu plus tard… –, une place de choix pour les faits divers, le sport, l'horoscope et les feuilletons. Mais aussi, et surtout, des reportages remarquables confiés à des journalistes de haute plume et des écrivains intrépides voyageurs. Cendrars, qui va suivre les bandits de la Mafia, Vailland, Carco, Kessel, Jean Prévost, Saint-Exupéry, Cocteau qui se lancera sur les traces de Jules Verne. Plus tard, travailleront là Camus et son ami Pascal Pia.

On comprend que Prouvost veuille son «bilding», comme il le disait. Les Beghin financent, il se chargera de la gestion par le truchement de la Sirlo (Société d'imprimerie de la rue du Louvre) dont on distingue encore le nom, peinture qui s'efface, tout en haut de l'immeuble du 37, rue du Louvre. L'édification de l'immeuble est un événement au coeur de Paris et La Construction moderne, revue hebdomadaire d'architecture, consacrera un de ses numéros à ce «grand chantier». Ses concepteurs sont des architectes réputés, mais des hommes modestes, Ferdinand Leroy et Jacques Cury. Ils disaient n'avoir pensé le bâtiment que d'un point de vue technique. Mais ils ont dessiné les admirables lignes, si pures, de l'immeuble et les immenses baies vitrées comme les ferronneries du maître qu'était Raymond Subes donnent une élégance exceptionnelle aux façades.

Et puis, surtout, Leroy et Cury ont résolu d'énormes problèmes techniques. Le bâtiment, inscrit dans un vieux quartier de Paris, derrière la place des Victoires, doit composer avec la vétusté des immeubles proches et lutter contre l'eau, toujours très vite présente. Les architectes posent un plancher de béton qui repose sur des piliers de 20 mètres de profondeur. En dessous, ils doivent déblayer 15 000 mètres cubes de terre pour pouvoir aménager quatre étages de sous-sol. On dit qu'une nappe de trois mètres d'eau apparaissait sans cesse. Il fallut donc – un peu comme on l'a fait pour la Bibliothèque nationale de France – couler une cuve étanche avec 2 500 mètres cubes de béton armé. Au-dessus de la plate-forme de béton, c'est l'ossature métallique de neuf niveaux, avec des terrasses plantées, aux 7e et 8e étages qui va s'élever. En deux mois, l'armature de 850 000 kilos est montée. Sans attendre qu'elle soit terminée, les travaux de maçonnerie débutent. Les pierres des façades viennent des carrières de Chasignelles, d'où sont issues les colonnes sculptées de l'Opéra Garnier.

Ce qui est magnifique, dedans, c'est la répartition des postes dans cette machine à fabriquer un quotidien – ou plusieurs. Après l'entrée et les bas-reliefs de calcaire Vesper et Meridies pour Paris-Soir et Paris-Midi, oeuvres de Landois et Boulainghier, et les ascenseurs à grille de fer forgé, au premier étage, il y a un très vaste atelier où sont installées trois machines à imprimer, perpendiculaires à la rue du Louvre. A cet étage, une pièce pour les fondeuses de la clicherie. Et, côté rue du Mail, le réfectoire et la cuisine. Les autres rotatives sont dans les sous-sols et montent du fond sur deux étages (deuxième et troisième sous-sols) côté Louvre. L'atelier de clicherie est également au deuxième sous-sol, côté Mail.

Tout en bas, et l'on peut toujours l'admirer, un grand moteur Diesel qui assure en cas de panne de secteur l'alimentation électrique, groupe électrogène sous son habit de cuivre. Il devait y avoir des machines assez ressemblantes dans le Nautilus du capitaine Nemo…

Dans les étages supérieurs, les ateliers de composition, de photogravure avec leurs vestiaires, les rédactions et l'administration, le standard.

Si les ouvriers ont leur restaurant d'entreprise, les journalistes et leurs invités ont leur salle à manger avec vue magnifique sur Paris. Trois ascenseurs conduisent au 7e étage et s'ouvrent sur un hall donnant sur les premières terrasses. Un salon de réception avec un bar semi-circulaire, une salle à manger circulaire, toute lambrissée d'acajou, com me le sont certains bureaux, évoquant les cabines d'un trans atlan tique, un plafond à caissons lumi neux, un mur de miroirs et la plus jolie des nombreuses terrasses, avec ses mosaïques et sa fontaine. Süe et Mare ont décoré le bureau directorial. Acajou et cuir Hermès.

Comment ne pas faire de très bons journaux dans un tel environnement ? Prouvost va lancer Marie Claire en 1937 et l'installe dans un immeuble mitoyen rue d'Aboukir, et redonner vigueur à Match. Mais ses choix pendant l'Occupation entraînent la perte des deux quotidiens. A la Libération, place aux journaux communistes : Ce soir que dirige Louis Aragon, Libération, Front national – journal d'extrême gauche. L'Humanité, bien sûr. Un moment, sur les mêmes presses, seront imprimés et Le Figaro et L'Humanité. La Sirlo veille. Les anciens racontent que certaines nuits, on frôlait la confusion des pages. On imprime Candide, comme Paris-Presse.

Toute la rédaction du Figaro a donc quitté hier le 37, rue du Louvre. Documentalistes et photographes, photograveurs, maquettistes, secrétaires de rédaction, correcteurs et ausi ceux qui écrivent et les assistantes des services et les sténos. Toute la rédaction. Ce journal n° 18987 est le dernier qui ait été conçu, discuté, rédigé, mis en page au 37, rue du Louvre. Un jour, Jean-Marie Le Clézio, visitant l'immeuble et caressant, songeur, les murs dont la peinture s'écaille un peu, rêvait tout haut. «Il y a tant de fantômes, ici…» Emportons-les 14, boulevard Haussmann. A lundi !"

Je pense à mon père qui a passé presque toute sa vie professionnelle dans ce bâtiment.

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J'ai habité à deux ou trois jets de pierre du Figaro. A l'époque il y avait une vie, un fourmillement incroyable dans le quartier. Dès 5 heures du mat' les livreurs de journaux venaient chercher les paquets avec leurs vieux side-cars BMW noirs. La noria ne cessait que vers 7 heures, heure à laquelle les kiosques ouvraient.

Belle époque révolue, comme le Paris d'alors complètement dénaturé par Chirac, Tibéri et Delanoe.

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Eeeettt oui et maintenant, l´industrie de l´impression est controlée a 100% par les syndicats… Tout fout l´camp ma bonne dame!!!!

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