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La Réforme De L'onu


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La perspective d'une réforme de l'instance onusienne s'éloigne

Le Japon prêt à renoncer à un siège permanent au Conseil de sécurité

Pierre Prier

[06 août 2005]

Le Japon pourrait renoncer à obtenir un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'ONU. Cette annonce surprise, faite hier à Tokyo, pourrait bien faire capoter une nouvelle fois la réforme d'un Conseil de sécurité dont la composition date de 1945. Cette réforme a pris l'allure d'un serpent de mer, qui ondule dans les couloirs onusiens depuis douze ans. «Nous ne voulons pas à tout prix pousser au vote. Nous voulons réfléchir attentivement à la situation et décider si nous voulons un vote», a déclaré hier le ministre des Affaires étrangères Nobutaka Machimura.

Le Japon fait partie du «G 4», un groupe de quatre pays (outre le Japon, l'Allemagne, le Brésil et l'Inde) qui proposent d'élargir le Conseil de sécurité de quinze à vint-cinq membres, selon la formule suivante : les sièges permanents passeraient de cinq à onze membres, les six nouveaux ne disposant pas du droit de veto, qui resterait l'apanage des cinq membres originels.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Chine, la France et la Russie sont inamovibles et possèdent le droit de veto. Les dix autres membres, choisis pour deux ans et renouvelés par moitié tous les ans, ne possèdent pas ce droit. Ils représentent traditionnellement les cinq continents.

Mais de plus en plus d'États estiment que cet organigramme, qui dévolut la gestion des conflits aux vainqueurs d'une guerre terminée il y a soixante ans, ne correspond plus à la réalité du monde d'aujourd'hui. Les deux perdants, le Japon et l'Allemagne, pensent que leur délai d'expiation est terminé, et qu'en leur qualité de deuxième et troisième contributeurs au budget de l'ONU, ils méritent un peu de reconnaissance. Berlin et Tokyo ont également modifié leur Constitution pour participer aux opérations de maintien de la paix. L'Inde et le Brésil, quant à eux, pensent avoir voix au chapitre en tant que puissances montantes. Le G 4 sait qu'il ne peut pas tout exiger d'un coup. Pour l'Inde et le Brésil, le renoncement au droit de veto pourrait être le prix à payer pour faire partie du club, sans remettre en question à 100% le système actuel.

Les instances onusiennes ont reconnu la nécessité du changement en mettant en place, en 1993, un «groupe de travail de haut niveau» rassemblant des juristes de renom, pour tenter de trouver une solution. Depuis cette date, les 191 pays membres n'ont jamais réussi à se mettre d'accord. Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a tenté de débloquer la situation en obligeant l'Assemblée générale à se prononcer par vote en septembre. Mais après des années de débats, aucun consensus ne s'est dégagé et plusieurs projets restent en lice : celui du G 4, celui des États-Unis qui veulent deux nouveaux membres permanents seulement, sans droit de veto, et celui des pays africains, qui proposent le passage à vingt-six membres, dont six nouveaux membres permanents dotés d'un droit de veto, parmi lesquels deux pays africains et cinq nouveaux membres non permanents, dont deux pays africains. Les Africains estiment être victimes d'une injustice historique, leur continent étant le seul à ne pas être représenté au Conseil. Les tentatives de compromis entre le projet africain et celui du G 4 ont échoué jusqu'ici. Les Africains eux-mêmes ne sont pas d'accord entre eux sur un détail important : qui seraient les deux pays élus ? L'Égypte, le Nigeria et l'Afrique du Sud se disputent la préséance. D'autres pays moins importants estiment eux aussi avoir droit à l'un des deux sièges, en raison de l'originalité de leur apport diplomatique : le Sénégal, le Kenya, la Tanzanie et même le petit Gabon ou la minuscule Gambie. Le vote de l'Afrique pèse lourd à l'Assemblée générale, la réforme devant être adoptée par un vote à la majorité des deux tiers…

Mais de toute façon, la discorde règne tous azimuts. Les grands pays se retranchent derrière leurs intérêts stratégiques. Les États-Unis soutiennent le Japon, pièce maîtresse de leur échiquier en Asie, mais pas les trois autres membres du G 4. L'Allemagne a déplu à cause de son manque de soutien dans la guerre d'Irak, le Brésil empiéterait sur la domination des Amériques par Washington, et l'Inde est un rival asiatique de Tokyo. Le Pakistan ne veut pas non plus du G 4 parce que l'Inde y figure. L'Argentine et le Canada se posent en rivaux du Brésil.

Parmi les cinq membres permanents, la Chine refuse le Japon, soupçonné de ne pas se repentir assez de son rôle pendant la Seconde Guerre mondiale. La France et la Grande-Bretagne soutiennent au contraire le G 4. Dans ce contexte, le geste du Japon, qui paraît sur le point de tout laisser tomber, aurait pour conséquence de rendre très problématique l'issue d'un vote en septembre.

Le statu quo pourrait en réalité faire l'affaire des actuels membres permanents, estime le professeur de droit constitutionnel Albert Bourgi, familier des couloirs de l'ONU : «Dans cette affaire, les arrière-pensées sont nombreuses.» Selon cette hypothèse, les États-Unis préféreraient ainsi renoncer à voir le Japon entrer dans la cour des Grands plutôt que de la partager avec des nouveaux venus, la Grande-Bretagne resterait fidèle à son alliance atlantique, tandis que la France aurait bien des choses à perdre dans la perte du statut international que lui confère un droit de veto qu'elle agite parfois, comme lors de la guerre d'Irak, afin de peser dans les débats. Hier, à moins d'une surprise, la perspective d'une réforme du Conseil de sécurité s'est encore éloignée.

  • 5 weeks later...
Posté

Vous avez peut-être entendu parler de John Bolton, dont la nomination au poste de représentant américain aux Nations Unies a fait plus que provoquer des vagues de protestation.

Voici un article qui introduit rapidement la doctrine à partir de laquelle sera fondée l'action de Bolton: http://www.lesechos.fr/info/rew_inter/4310909.htm

La nouvelle offensive de la diplomatie américaine [ 07/09/05 ]

LAURENCE TUBIANA et THIERRY GIORDANO

Le nouvel ambassadeur américain aux Nations unies, John Bolton, a créé l'événement en déposant 750 amendements pour modifier en profondeur le projet de déclaration finale de la prochaine Assemblée générale des Nations unies, qui débutera le 14 septembre à New York. […]au-delà du sommet de septembre, les amendements révèlent la vision du système multilatéral que le gouvernement américain propose comme nouveau modèle à la communauté internationale.

Rompant avec la doctrine d'équilibre géographique, essentielle dans les instances des Nations unies, les Etats-Unis privilégient la constitution de clubs composés de pays capables de prendre les décisions et de les mettre en oeuvre. Il s'agit de créer un axe direct entre les grands pays considérés comme responsables et le secrétariat général, et d'affaiblir les principales instances des Nations unies (Assemblée générale, Conseil économique et social et Cour internationale de justice), jugées inefficaces ou attentatoires au respect de la souveraineté nationale. Le club de ces pays responsables est fermé. Sur le plan militaire, c'est le sens du Traité de non-prolifération nucléaire que les Américains soutiennent contre l'option de désarmement généralisé. Sur le plan politique, c'est la place centrale accordée au Conseil de sécurité au détriment de l'Assemblée générale. C'est pourquoi les Américains refusent une réforme globale de ce Conseil visant à le rendre plus représentatif et plus responsable de ses décisions devant l'ensemble des membres des Nations unies. Pour la même raison, ils dénient au Conseil économique et social, traditionnellement sous le contrôle des pays en développement, la tutelle de la nouvelle Commission pour la construction de la paix, rattachée, dans leur projet, au Conseil de sécurité.

Second grand sujet du sommet, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) font l'objet de la même contestation radicale. Les Etats-Unis ne se retrouvent pas dans les priorités des OMD, ces objectifs chiffrés visant à réduire de moitié la pauvreté dans le monde d'ici à 2015. Promouvoir la croissance, la démocratie et les libertés économiques est pour eux la meilleure voie pour lutter efficacement contre la pauvreté et renforcer la paix. Ils récusent l'objectif contractuel d'une aide publique au développement équivalente à 0,7 % du PNB des pays donneurs, et mettent l'accent sur les efforts déjà réalisés. […]

L'option que les Etats-Unis proposent aujourd'hui pour réorganiser le système de gouvernance internationale, dont l'aide publique au développement fait partie, reste fondée sur l'idée d'une société mondiale composée d'Etats souverains, mais fortement hiérarchisée, organisée en trois cercles. Dans le premier cercle, les pays qui détiennent les pouvoirs d'action politique, économique et militaire restent maîtres des décisions internationales, notamment au travers du Conseil de sécurité. Les pays du deuxième cercle, respectueux des normes de bonne gouvernance et des libertés économiques et politiques, se voient reconnaître leur statut d'Etat souverain, sans toutefois partager le pouvoir de décision. Enfin, un certain nombre de pays ne sont pas reconnus comme des membres à part entière de la communauté internationale : c'est le troisième cercle, les états « faillis », « défaillants » ou a fortiori « voyous », pour lesquels le principe de souveraineté ne joue plus, et qui peuvent donc légitimement faire l'objet d'une intervention de la communauté internationale, y compris par la force.

C'est en définitive une vision cohérente et alternative que les amendements Bolton représentent. Ce projet est à prendre très au sérieux. Il remet en question une partie des fondements du système des Nations unies, notamment l'égalité entre les Etats. [..] les discussions porteront sur la composition des trois cercles, sur les nouvelles limites de la souveraineté des Etats, ou encore sur l'étendue de la légitimé de l'intervention internationale. Or, l'agenda de l'administration Bush, centrée sur ces questions depuis 2001, n'a pas convaincu par son efficacité. Et tout porte à croire que sa transposition à l'échelle multilatérale représenterait un facteur supplémentaire d'accroissement des risques et de l'instabilité.

LAURENCE TUBIANA est directrice de l'Institut du développement durable, THIERRY GIORDANO est économiste au sein de cet institu

Voir également ce sujet, sur le concept de "Failed States", qui risque d'avoir le vent en poupe dans les décennies à venir: http://www.liberaux.org/index.php?showtopic=18677&hl=

Posté

Avec ces projets, il est bien clair que Bolton cherche à inscrire dans le fonctionnement de l'ONU la suprématie des USA sur les affaires de ce monde, tout en gardant tout de même un semblant de décision internationale.

On voit très bien que la dernière guerre d'Irak est très clairement le galop d'essai de cette nouvelle politique en matière de gestion des affaires du monde….

Posté

C'est très bien. Les Etats non pluralistes ne doivent pas avoir des droits à part entière à l'ONU. L'ONU a en charge la pluralité du monde, un Etat qui refuse le pluralisme en son sein n'a pas à décider de la marche du monde.

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