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Les Subventions Aux Entreprises Interdites


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Posté

Une tribune intéressante, issue des Echos. La conclusion m'a surpris,venant d'un conseiller technique d'une région dirigée par la gauche. Il semblerait que ce monsieur soit favorable à l'interdiction des subventions, pour un motif purement utilitariste: parce que ca ne marche pas, que les évaluation à la base sont mauvaises, la gestion qui s'ensuit également, etc…

Mais c'est toujours bon à prendre, si le résultat d'une réflexion au niveau du CR d'Ile de France dont il est conseiller se solde par une telle interdiction, je souhaite bonne chance à ce monsieur.

Les subventions aux entreprises interdites dans l'Etat du Colorado

FABRICE MORENON

La polémique sur le plan de restructuration d'Hewlett-Packard et la demande de remboursement des aides publiques perçues par l'entreprise illustre à nouveau l'incapacité des politiques à utiliser de façon avisée l'instrument de politique économique que sont les subventions. Il faut le dire, la tentation d'octroyer des subventions pour attirer des entreprises dans sa ville, son département, sa région est grande. Ainsi, chaque année, les collectivités locales attribuent en France 1,5 milliard d'euros de subventions aux entreprises. Cela s'explique aisément car, dans une économie mondialisée et interdépendante, les gouvernements nationaux et locaux sont soumis à une concurrence de plus en plus grande pour créer des emplois. En France, le gouvernement et les collectivités locales, de droite comme de gauche, subventionnent les entreprises pour sauver des emplois (Air Lib, Bull…) ou en créer (Euro Disney…). Il existe également une explication plus politique à la multiplication des subventions aux entreprises. C'est la théorie des « choix publics » développée par Gordon Tullock (1978). Selon cette théorie, il existe un « marché politique » des subventions. Les entreprises et les décideurs publics poursuivent deux objectifs distincts : les premiers recherchent le profit, les seconds veulent assurer leur réélection. En échangeant des « rentes économiques » contre des « rentes législatives », chacun trouve son intérêt. L'entente entre les politiques et les entreprises permet d'expliquer le saupoudrage des subventions économiques par les décideurs publics.

A cela s'ajoutent la défaillance des contrôles et la quasi-absence d'évaluation de ces subventions. Les chambres régionales dénoncent régulièrement ces pratiques dans les lettres d'observations qu'elles adressent aux exécutifs locaux. Ces lettres restent souvent lettre morte. En 1996, la Cour des comptes indique dans son rapport particulier que « les collectivités territoriales devraient se préoccuper davantage des résultats de leurs interventions ».

Alors, que faut-il faire ? Doit-on aller jusqu'à l'interdiction de l'octroi des subventions comme le fait la Constitution de l'Etat du Colorado ? Précisément, l'article XI, sections 1 et 2 de cette Constitution interdit à l'Etat et à ses démembrements d'accorder des subventions à des personnes ou à des entreprises, qu'elles soient publiques ou privées. Cette interdiction a été introduite en 1876 dans la Constitution du Colorado, à la suite d'une faillite massive du gouvernement qui avait financé les compagnies privées de chemin de fer.

Disons-le vraiment : si de tels abus, passés ou présents, sont possibles, c'est parce que les décideurs politiques utilisent les subventions comme un instrument politique et non économique. Tant que ces derniers n'apprendront pas à utiliser les subventions lorsqu'elles sont économiquement justifiées et non politiquement opportunes, les scandales se multiplieront.

A ce stade, on peut donner trois conseils aux décideurs publics pour favoriser une meilleure utilisation des subventions.

Premier conseil : n'octroyer des subventions aux entreprises que lorsque celles-ci sont économiquement justifiées. Une subvention est économiquement justifiée lorsqu'elle corrige une distorsion et accroît le bien-être social. Ces distorsions peuvent résulter d'une externalité de production (pollution d'une usine), d'un monopole… Dans les autres cas, les pouvoirs publics disposent d'autres outils, plus appropriés pour stimuler l'activité économique : la baisse de la fiscalité, l'amélioration des infrastructures, la qualité des services publics, la formation des salariés… Ainsi, l'existence de pôles de spécialisation, telles la Silicon Valley en Califormie ou la technopole de Sophia-Antipolis dans le sud de la France, sont plus efficaces que les subventions pour attirer les entreprises.

Deuxième conseil : mettre en place un contrat de subvention avec une obligation de résultat. L'entreprise subventionnée doit alors rembourser l'aide perçue si elle n'a pas rempli l'objectif qui lui était fixé dans le contrat. On peut très facilement imaginer des objectifs en termes de création d'emplois, de présence sur le territoire pendant un nombre d'années déterminé… Bien évidemment, cette solution n'est pas infaillible et une entreprise peut disparaître à tout moment en fonction des aléas de la vie économique. Cependant, la mise en place d'un contrat d'objectif éloignera automatiquement les entreprises « chasseurs de subventions ».

Troisième conseil : évaluer systématiquement l'impact des subventions. Tout d'abord, il faut savoir ce qui est distribué, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas comme le montrent les nombreuses lettres d'observations des chambres régionales des comptes. Ensuite, il faut élaborer de façon systématique un bilan quantitatif et qualitatif des subventions attribuées. Par exemple, on peut conseiller aux décideurs locaux de faire réaliser des tableaux de bord distinguant les types d'impact des subventions :

- l'impact économique et social, qui résulte de la création d'emplois directs et d'emplois indirects ;

- l'impact territorial, qui évalue les effets des subventions sur l'aménagement du territoire ;

- l'impact écologique…

Cependant, pour être certain d'accroître le bien-être social, il faut s'assurer que les subventions sont efficaces mais aussi efficientes, c'est-à-dire que les moyens engagés pour atteindre l'objectif poursuivi ne dépassent pas les bénéfices obtenus. Enfin, il est nécessaire de modifier ou supprimer les subventions inappropriées.

Le choix de la subvention comme instrument de politique économique n'est pas toujours le plus approprié. Parce qu'il est difficile et coûteux pour les décideurs publics d'identifier les situations où les subventions sont économiquement efficaces, il est préférable dans la plupart des cas de renoncer aux subventions comme a su le faire l'Etat du Colorado.

FABRICE MORENON est conseiller technique au Conseil régional d'Ile-de-France.

 

Posté
Une tribune intéressante, issue des Echos.

[…]

C'est loin le Colorado. En plus, c'est situé dans un pays ultra-libéral. Alors il y a fort à parier que les politiques ne retiendront de cette tribune que d'autres passages:

Troisième conseil : évaluer systématiquement l'impact des subventions. Tout d'abord, il faut savoir ce qui est distribué, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas comme le montrent les nombreuses lettres d'observations des chambres régionales des comptes. Ensuite, il faut élaborer de façon systématique un bilan quantitatif et qualitatif des subventions attribuées. Par exemple, on peut conseiller aux décideurs locaux de faire réaliser des tableaux de bord distinguant les types d'impact des subventions

Vite, il est urgent d'embaucher des centaines de fonctionnaires pour évaluer l'impact des subventions. En plus, ça tombe bien, ça crée des emplois et c'est bon pour le chômage. :icon_up:

Posté

Mais si un utilitariste acharné invente un modèle de subventions peu couteuses, on va devoir l'utiliser. Voilà pourquoi j'ai laissé tombé l'approche utilitariste, on y trouve tout et son contraire.

Posté
Mais si un utilitariste acharné invente un modèle de subventions peu couteuses, on va devoir l'utiliser. Voilà pourquoi j'ai laissé tombé l'approche utilitariste, on y trouve tout et son contraire.

Tu veux parler du coût de gestion? Ou du cout total?

Posté

Au coût total, j'inclue les coûts d'opportunité bastiesques (l'argent prélevé aurait été ailleurs) !

Mais les coûts de gestion, pour ne pas en avoir, mieux vaut ne pas attribuer de subventions du tout !

Posté
Mais si un utilitariste acharné invente un modèle de subventions peu couteuses, on va devoir l'utiliser. Voilà pourquoi j'ai laissé tombé l'approche utilitariste, on y trouve tout et son contraire.

JUGE DE MARQUET - "Je ne comprends rien."

GREFFIER - "Oui, mais monsieur le juge, votre devoir est de chercher à comprendre."

JUGE DE MARQUET (avec une moue) - "Certes."

in Le Mystère de la chambre jaune, Gaston Leroux.

Posté

La subvention, c'est le sucre pour faire sauter le chien. Elle n'est jamais justifiée sur le plan économique, pas plus que le doigt de l'épicier sur le bon plateau de la balance ne peut l'être.

La subvention consiste à fausser la libre concurrence. Elle n'est utile qu'à 2 groupes de personnes :

1) les politiques.

2) les groupes de pression.

Un bon exemple de la prétendue "bonne" subvention, c'est la PAC qui arrive petit à petit à mettre par terre l'économie européenne. C'est un très bon exemple (à ne pas suivre).

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