Etienne Posté 13 janvier 2006 Signaler Posté 13 janvier 2006 L'objectif de ce fil est d'être un fil de débat et de justification. Pour cela, nous avons besoin d'une base commune à partir de laquelle partir : je vais donc exposer quelques principes qui me semblent découler fondamentalement du libéralisme. Je m'interdis ici toute référence à l'Etat ou à l'économie, je ne parlerai que de justice et de droit. La question de l'Etat vient en aval de ces définitions, et non en amont. Une des prémisses fondamentales est l'individualisme, et je m'engage à ne pas m'en écarter. Merci de signaler si vous êtes en désaccord par rapport à ces propositions. Ce n'est que par la suite que je serai plus polémique. 1°/ Le but du droit ne peut être que la justice et non le bien. En effet, le bien est par nature englobant alors que la justice est limitée à certains domaines. Il est impossible de penser en termes individualistes la justice sans accorder une certain autonomie/sphère de possibles à l'individu. Si le but du droit était le bien, alors on serait face à une forme de totalitarisme, pour qui la fin justifie les moyens et impose à l'individu de manière hétéronome un principe qui n'est pas issu de sa volonté propre. NB : Les utilitarismes, comme J.S.Mill, ne disent rien d'autre lorsqu'ils villipendent l'idée de justice pour leur substituer un critère englobant du bien. 2°/ Les hommes sont égaux en droit, et non en moyens. Il y a ici deux versants à justifier : d'une part, l'égalité en droit ; d'autre part, la non-égalité en moyens. En ce qui concerne le premier, elle est fondée par le traitement abstrait du thème de la justice, via la notion abstraite d'individu : de manière générale, nous ne pouvons traiter deux hommes selon des principes fondamentalement différents, puisqu'ils sont "modélisés" en tant que deux élements auquel s'applique un même concept (i.e. d'individu). Les hommes n'ont pas à être égaux en moyens, puisqu'ils ont intrinséquement la même structure commune, mais non pas le même contenu/configuration (facultés, talents, etc.). On retrouve ici la différence entre isomorphisme et identité. Dire que les individus ont à être égaux en moyens, c'est dire qu'ils soient qu'ils sont identiques soient qu'ils valent la même chose. Or, alors la première possibilité est ridicule, la seconde ne vaut pas mieux, puisqu'elle nécessite que l'on puisse quantifier la valeur ou le mérite. 3°/ (1°+2°) : le droit énonce des régles générales/universelles. Ces règles - de par leur universalité - doivent être énoncées après une recherche rationnelle, et ont une valeur de "devoir-être". Ces régles ne peuvent être dérivées qu'en tant qu'inhérentes à l'homme en tant qu'homme (i.e. individu abstrait de par son essence). Ceci n'implique pas (pour le moment) qu'elles soient totalement déterminantes dans le droit vis-à-vis d'une quelconque autorité ou individu, sans pour autant être incontraignantes. Le droit ne peut alors que se concevoir que comme un cadre aux actions des personnes morales et physiques, et non comme une injonction totalement déterminante dans leurs comportements. 4°/ Le droit se subdivise alors en deux types de droit : les droits inhérents à la personne humaine et, à ce titre, inaliénables par ces individus au regard de toute autorité, personne morale ou physique ; les régles de droit permettant de répondre à la question d'un conflit entre individus : soit en amont par la définition de ce qui est la part de chacun, soit en aval par la recherche de la peine et de la réparation équitable. Ainsi, le droit a pour effet de substituer le réglement des conflits par la force au réglement des conflits par des régles de justice équitables, s'il est correctement défini. So far so good, isn't it ?
Domi Posté 13 janvier 2006 Signaler Posté 13 janvier 2006 C'est ton point 4 et ce caractère inaliénable qui me pose plus de problêmes. Le contrat synallagmatique aboutit toujours à une alliénation de la liberté de l'homme dans son exécution- tout en respectant cette liberté dans la mesure où chacun est libre de conclure. Je ne vois pas de raison de distinguer entre des alliénations permises ou non permises ( sauf à adopter une attitude utilitariste, pour protéger la personne contre elle-même, ce dont tu ne veux pas). Pour moi la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ( cf DDHC, article 4) ou plutôt, tout ce qui ne limite pas sa sphère d'action sans son consentement. Tant que mon comportement n'amène pas autrui à pouvoir faire moins de choses que ce qu'il aurait pu faire si je n'avais pas existé, je respecte sa liberté ( et il ne peut rien m'imposer par rapport à cela). Les choses sont plus complexes dès que l'on traite de la question des ressources naturelles limitées, l'usage que peut en faire une personne limitant nécessairement l'usage que peut en faire l'autre et vice-verça.
Etienne Posté 13 janvier 2006 Auteur Signaler Posté 13 janvier 2006 Je ne vois pas de raison de distinguer entre des alliénations permises ou non permises (sauf à adopter une attitude utilitariste, pour protéger la personne contre elle-même, ce dont tu ne veux pas). Pour moi la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ( cf DDHC, article 4) ou plutôt, tout ce qui ne limite pas sa sphère d'action sans son consentement. Parce que c'est la caractéristique des doctrines modernes du droit naturel, dont le libéralisme. Sans cela, il n'y a pas de droits de l'homme en tant qu'homme (lié à sa dignité/statut/essence). Je précise d'ailleurs que le libéralisme détermine le droit naturel à partir de la régle de la volonté de l'homme (ex : Kant, Locke), puisque l'on raisonne dans l'abstrait (rationnel). Cette liberté par laquelle l'on n'est point assujetti à un pouvoir arbitraire et absolu est si nécessaire, et est unie si étroitement avec la conservation de l'homme, qu'elle n'en peut être séparée que par ce qui détruit en même temps sa conservation et sa vie. Or, un homme n'ayant point de pouvoir sur sa propre vie, ne peut, par aucun traité, ni par son propre consentement, se rendre esclave de qui que ce soit, ni se soumettre au pouvoir absolu et arbitraire d'un autre, qui lui ôte la vie quand il lui plaira. Ainsi, on aboutit donc à la conclusion que l’idée fondamentale de la liberté, du libéralisme, est la subordination de la morale au droit. Il s’agit ici bien non pas de nier tout droit, comme on pouvait le croire en définissant uniquement la liberté négative comme absence de coercition, mais de rechercher sa juste détermination pour permettre à la liberté, et la société humaine, d’être viable, et de concilier la vie en société avec la recherche du bonheur par les individus selon différentes conceptions du bien. L’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen stipule d’ailleurs que :La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Nous pourrions alors être encore plus précis dans notre détermination de l’idée libérale de liberté. Une telle liberté n’existe en fait que grâce à l’existence du droit et de l’isonomie, puisqu’il n’y a plus de liberté pour un individu si les droits d’autrui empiètent sur les siens. La réelle définition de la liberté libérale, et c’est donc ici qu’elle diffère le plus radicalement de la licence, est contenue dans cette phrase de Montesquieu, si l’on y entend la notion de loi dans un sens prescriptif : La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent. http://edenlord.free.fr/dotclear/index.php…isme-et-liberte
Domi Posté 13 janvier 2006 Signaler Posté 13 janvier 2006 Si je reprend la citation de Locke je ne peux signer aucun contrat puisque je ne peux décider de limiter ma liberté, non?
Etienne Posté 13 janvier 2006 Auteur Signaler Posté 13 janvier 2006 Si je reprend la citation de Locke je ne peux signer aucun contrat puisque je ne peux décider de limiter ma liberté, non? ?!? Locke évoque les droits de l'homme en tant qu'homme, à cet endroit. Ces droits n'empéchent pas de tout faire, mais de faire quelque chose (selectivité). De toute façon, ils ne concernent pas le second domaine du droit (dans mon schéma), où l'on peut aliéner ce qui nous est conféré/reconnu juridiquement, par l'échange.
Etienne Posté 14 janvier 2006 Auteur Signaler Posté 14 janvier 2006 Go on. La question cruciale : qu'est-ce que le droit de propriété ? Première étape : les ressources/moyens/élements externes à l'homme sont en quantité limitée (à chaque instant t), ils nécessitent donc d'être appropriés par les individus - pour répondre à leurs besoins naturels (cf. Bastiat in Propriété et Loi) -, il est alors nécessaire de déterminer qu'est-ce qui revient à qui, puisque l'appropriation est licite. Le fait que les hommes soient les "entités agissantes atomiques" de la société implique que le régime de propriété doive être individuel. En effet, tout régime de propriété d'ordre collectif suppose l'indivisibilité de la propriété (ou individualisation), ce qui est irrémédiablement créateur de conflits et la résolution de ces conflits ne passe pas par un cadre de droit, mais pas la réapparition de la force. Un régime de propriété collective dans lequel les régles de décision sont définies (en droit) et acceptées est en réalité l'agrégation d'un ensemble de propriétés individuelles. L'individualisation de la propriété comme clause de sortie est un moyen nécessaire pour régler pacifiquement les litiges par une scission. (Element tout à conforme au cadre individualiste adopté). Deuxième étape : Le droit de propriété est la garantie pour chaque individu de pouvoir disposer de la même régle de droit s'appliquant à sa propriété et ceci quelque soit les cas de figure. Cependant, la propriété n'a à être définie que s'il y a une donnée objective qui limite la quantité d'objets à approprier ou qu'un conflit qui ne peut qu'apparaitre. Il va de soi qu'une telle propriété n'est succeptible de régler quelque conflit que ce soit que si elle est reconnu par les autres individus. Il y a différencier de manière fondamentale la sphère privée - qui concerne mon intimité - de la sphère publique - où je rencontre autrui, je croise des inconnus, j'ai des relations avec des personnes qui ne sont pas mes proches, dans un milieu qui n'est pas mon domicile. Dans les deux cas, il est illégitime de déposséder (à son profit ou pour ses desseins) quelqu'un de sa propriété, c'est-à-dire d'user des mêmes prérogatives que l'ancien propriétaire après l'avoir accaparé (la destruction est incluse dans ce cas de figure). En revanche, dans le cas de la sphère publique, l'autorité du propriétaire des lieux s'exerce non plus seulement sur des objets mais sur des individus. Ces individus peuvent contester ou contrevenir à ces régles, en tant qu'ils sont des individus autonomes dotés de leur propre volonté. L'exclusion n'est automatique que s'il y a dégradation du bien. En soi, ces régles de la propriété ne sont pas à proprement parler dérivées d'une quelconque essence d'un individu abstrait, bien qu'elles soient nécessairement les mêmes pour tous. Seule la nature individuelle de la propriété est de l'ordre du droit de l'homme en tant qu'homme, mais pas nécessairement la totalité du droit qui s'y rattache (concept ouvert, non totalement déterminé). — "Outre" cela, les droits de l'homme en tant qu'homme sont : l'impossibilité de l'esclavage : puisqu'un homme est un être autonome, qui décide lui-même de son principe d'action, il ne peut de manière légitime se soumettre à l'autorité d'un propriétaire/maître - sans en pouvoir sortir -, puisqu'en ce cas, il deviendrait un être hétéronome, uniquement obéissant ; l'inviolabilité de la liberté de penser : ce n'est que l'action effective, dans la sphère publique, qui peut être condamnable. En aucun cas, il ne se peut contrevenir à la liberté de pensée, puisque ceci implique de donner aux hommes une règle extérieure, à l'antithèse de leur volonté - ceci vaut pour toutes les autorités ; l'illégitimité du meutre : il s'agit d'une atteinte fondamentale à l'être et l'existence d'autrui, il ne peut être toléré des velléités d'extension de son pouvoir sur soi-même à autrui, car il s'agit de la négation la plus fondamentale de son autonomie, de sa capacité à être et à être autre. Etc.
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