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Questionnements Sur La Démocratie Dans Le Monde Arabe


Mourad Dridi

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Questionnements sur la démocratie dans le monde arabe

Sami Ben Gharbia parlait en 2003 des bombes démocratiques, certains alter mondialistes parlait aussi de la démocratie des bombes, pour évoquer le processus de démocratisation du Moyen-orient décidé par l’administration de George Bush, suite aux attentats du 11 septembre 2001. A vrai dire, et contrairement à ce que laisse entendre le titre de cet article, mes questionnements s’intéressent plus au processus de démocratisation du monde arabe qu’à la démocratie dans le monde arabe. Pour la simple raison que je ne pense pas qu’on puisse évaluer, juger et parler de la démocratie dans le monde arabe à l’aune d’une ou de deux élections sans succomber au jugement hâtif, donc forcément fallacieux. Il faudrait laisser le temps à la démocratie de s’installer et à l’alternance pacifique de s’instaurer pour qu’on puisse juger une quelconque démocratie dans le monde arabe.

Mes questionnements sont relatifs à certaines similitudes qui ne peuvent pas me laisser indiffèrent.

La première similitude, c’est que se soit dans le cas de l’Afghanistan, de l’Irak ou de la Palestine, la démocratisation est entrain de prendre forme après le passage des tapis de bombes. Disons qu’il n’y a rien d’étonnant à cette similitude puisqu’elle découle plus d’une stratégie prédéfinie par l’administration américaine qu’elle ne corresponde à une quelconque similitude.

La deuxième similitude c’est que ces trois pays sont encore sous la domination d’une force militaire étrangère. Disons que ceci est aussi la conséquence directe des tapis de bombes plus qu’elle ne corresponde à une quelconque similitude.

La troisième similitude c’est que ces trois pays sont sous la domination militaire de pays, les Etats-Unis et Israël, que quoique qu’on dise, démocratiques.

La quatrième similitude, celle qui est à mon sens la plus frappante, c’est que cette démocratisation est entrain de se construire entre des factions armées ou des factions politiques avec des branches armées. Que se soit le cas en Palestine, avec le mouvement du Hamas et le Mouvement du Fatah, que se soit en Irak avec les milices chiites, kurdes et sunnites, que ce soit en Afghanistan, avec ses différentes factions, on affaire à des antagonistes et des protagonistes armées conventionnellement se neutralisant effectivement sur le terrain. Il est clair qu’aucune faction armée, que se soit en Irak, en Afghanistan, ou en Palestine, ne peut finir militairement et définitivement avec une quelconque autre faction, sinon ça aurait été fait depuis belles lurettes. Les questions que je me pose, et que je propose au lecteur sans leur apporter la moindre réponse, sont les suivantes :

Est-ce que cette neutralisation militaire entre les différentes factions armées de ses trois pays ne serait-elle pas dans les faits au cœur de la démocratisation du monde arabe telle qu’on l’observe aujourd’hui ? Est-ce que ce n’est pas l’égalité des rapports de forces militaires entre les différentes factions armées, qui les obligeraient à aller vers un processus démocratique, qui leur éviterait une fuite en avant faite de sang et de peine ? Est-ce qu’on n’est pas entrain d’assister aujourd’hui, après la démocratie des bombes, à l’émergence de la démocratie des kalachnikovs ? Est-ce que la démocratisation du monde arabe n’est pas entrain de se réaliser, sous la couverture des démocraties occidentales, premièrement par les bombes démocratiques puis avec la démocratie des kalachnikovs où les deux seraient intimement liées ? Est-ce que ce n’est pas la présence d’une force militaire étrangère, qui leur est nettement supérieure, qui conduirait les différentes factions armées à accepter le jeu démocratique ?

Oublions maintenant les bombes démocratiques et la démocratie des kalachnikovs, d’un point de vue plus général, qu’est-ce qu’il obligerait une quelconque force politique d’accepter le jeu démocratique au risque de perdre, aux élections, son pouvoir, si ce n’est l’existence d’une même force politique antagoniste ? Objectivement parlons, quelle est aujourd’hui dans le monde arabe la principale force politique qui peut présenter la même force antagoniste aux régimes en place ? Est-ce que le premier pas dans la démocratisation des pays arabes ne serait-il pas celui d’une bipolarisation politique faite d’un bloc homogène formé autour des partis au pouvoir et d’un bloc homogène formé autour des islamistes ? Est-ce que le deuxième pas dans la démocratisation des pays arabes ne se réduirait-il pas à une simple confrontation électorale entre ces deux pôles politiques ? Est-ce que le troisième pas dans la démocratisation des pays arabes ne passerait-il pas par l’ascension des islamistes au pouvoir ? Est-ce que le quatrième pas dans la démocratisation des pays arabes ne nécessiterait-il pas une ou des expériences islamistes au pouvoir ? Est-ce que ce n’est pas l’exercice socialiste du pouvoir qui a tué le socialisme ? Est-ce que ce n’est pas l’exercice islamiste du pouvoir qui tuerait l’islam politique en montrant que l’islam ne peut pas être la solution aux problèmes de la cité ? Est-ce que ce n’est pas une tentative d’hégémonisation islamiste qui pousserait à la naissance d’une critique musulmane contre l’absolutisme religieux et politique incarné par la Charia, pour aboutir in fine à l’émergence d’une pensée musulmane et du musulman libres ? Est-ce qu’enfin de compte nous ne sommes pas, chacun à sa manière et à sa place, entrain de retarder l’inévitable et en même temps de repousser à terme la démocratisation des pays arabes ? Est-ce qu’aujourd’hui ne nous sommes pas les vrais obstacles à la démocratisation des pays arabes ?

Stratégiquement parlons, est-ce que ça ne serait pas plus judicieux de céder aujourd’hui le pouvoir aux islamistes, alors que les pays arabes sont au bout du gouffre; financièrement, économiquement et socialement; sans parler de l’hostilité de l’environnement extérieur, pour qu’ils montrent rapidement leur incapacité à résoudre les problèmes du pays ? Au lieu que les pouvoirs, en place, ne prennent à leur charge les problèmes du pays pour donner le pouvoir in fine aux islamistes dans des conditions qui risquent de leur être meilleures ?

Certaines personnes me diront qu’il y a d’autres façons de démocratiser les pays arabes. Sûrement en théorie, mais à mon avis ceci doit forcément passer par l’ascension des islamistes aux pouvoir pour tuer idéologiquement l’islamisme afin qu’il intègre in fine et pour de vrai le jeu politique et démocratique comme n’importe quelle autre idéologie où son existence n’est possible que dans le cadre d’une démocratie libérale.

Je crains hélas qu’aujourd’hui nos possibilités de démocratisation du monde arabe ne se réduisent uniquement à choisir entre les bombes démocratiques et la démocratie des kalachnikovs ou la bipolarisation politique autour des partis au pouvoir et les islamistes.

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