Chitah Posté 2 mars 2006 Signaler Posté 2 mars 2006 Fiche de lecture dans les Echos, un article que je vous conseille chaudement, un passage notamment intéressera Ronnie et d'autres. Penser la mondialisationLa deuxième modernité, celle de la mondialisation, appelle une vision cosmopolitique du monde. La mondialisation transforme à grande vitesse nos conditions d'existence, mais nos esprits ont du mal à suivre. Pour Ulrich Beck, sociologue très en vue outre-Rhin (1), nous conservons les modes de pensée de la « première modernité » - celle qui, inspirée par les Lumières, vit éclore la liberté et la démocratie dans le cadre national. Aujourd'hui, la « deuxième modernité », celle de la mondialisation, appelle une vision cosmopolitique du monde. Publicité A vrai dire, cette vision s'est déjà partiellement imposée, souvent à notre insu. Par exemple, dit Beck, Munich est une ville cosmopolitique à travers son équipe de football : le fait que les vedettes du Bayern, comme une bonne partie de ses supporters, viennent des quatre coins du monde n'empêche pas la cité de faire de ce club son symbole. Ce cosmopolitisme « banal » gagne du terrain et ses ennemis eux-mêmes le favorisent : la résistance à la mondialisation prend des formes spectaculaires qui contribuent à la formation et à l'alimentation d'une opinion publique mondiale. Les grandes affaires comme la guerre d'Irak, par ses implications morales comme par ses conséquences concrètes (répercussions sur les communautés musulmanes dans tous les pays, prix du pétrole, etc.), sont vécues comme les péripéties d'une « politique intérieure mondiale ». Multi-appartenance Pourtant, notre vision reste bornée par l'optique nationale. Le « nationalisme méthodologique » imprègne notamment la sociologie : par exemple, du fait de l'ampleur des mouvements migratoires et de la complexité des situations individuelles, les statistiques fondées sur la distinction traditionnelle entre étrangers et autochtones ne nous disent plus rien sur la réalité sociale. Nous avons besoin, dit Beck, d'une nouvelle « grammaire », qui ne fonctionne plus sur le principe d'« alternative exclusive » (« ou bienou bien »), mais sur celui d'« inclusion additive » (« etet ») : les frontières entre les nations, comme entre les classes, les âges, les préférences politiques se brouillent, la multi-appartenance devient la règle. Equilibre Mais le cosmopolitisme n'est pas une position facile à tenir. Il impose de garder un équilibre entre deux écueils. D'abord celui du relativisme, qui fait de l'« altérité » un absolu indépassable. Cette conception, qui justifie, à la limite, les despotismes et les oppressions au nom des différences culturelles, mène au « choc des civilisations » prophétisé par l'historien Samuel Huntington. L'autre écueil est l'universalisme, sorte de totalitarisme doux qui postule que le « modèle occidental » est l'idéal vers lequel toutes les nations du monde doivent tendre. La vision cosmopolitique, elle, intègre les nationalismes et les particularismes, même si elle les dépasse. Où s'arrête sa tolérance à l'égard des « différences » ? Pour Beck, la limite est celle des droits de l'homme et de la liberté de choix des individus. En raison même de ce déplacement des valeurs, le cosmopolitisme comporte un danger : celui de légitimer, au nom des droits de l'homme, de nouvelles formes de violence internationale. Les Etats-Unis, mettant en avant la défense de la démocratie et la lutte contre le terrorisme, ont engagé des guerres préventives - pratique condamnée depuis le pacte Briand-Kellogg de 1928. Plus généralement, dans cette « deuxième modernité », qui signifie aussi la mondialisation des risques, la frontière entre guerre et paix s'estompe : on fait la guerre, de plus en plus souvent, au nom du maintien ou du rétablissement de la paix. Cette réflexion riche et subtile, à laquelle on peut reprocher une tendance à la prolixité et par moments une certaine obscurité, évolue évidemment aux frontières de l'utopie. Elle est plus convaincante quand elle dénonce l'étroitesse de la vision nationale que quand elle tente d'expliquer ce que pourrait être, concrètement, la mise en pratique de la vision cosmopolitique. Mais, dans l'élaboration du nouveau cadre intellectuel que rendent de plus en plus nécessaire les surprises et les paradoxes de la mondialisation, elle marque sans aucun doute une étape importante. GÉRARD MOATTI Et le livre:
Djerzinsky Posté 2 mars 2006 Signaler Posté 2 mars 2006 Mais le cosmopolitisme n'est pas une position facile à tenir. Il impose de garder un équilibre entre deux écueils. D'abord celui du relativisme, qui fait de l'« altérité » un absolu indépassable. Cette conception, qui justifie, à la limite, les despotismes et les oppressions au nom des différences culturelles, mène au « choc des civilisations » prophétisé par l'historien Samuel Huntington. passage tres interressant
Invité (=S=) Posté 2 mars 2006 Signaler Posté 2 mars 2006 La mondialisation transforme à grande vitesse nos conditions d'existence, mais nos esprits ont du mal à suivre. Pour Ulrich Beck, sociologue très en vue outre-Rhin (1), nous conservons les modes de pensée de la « première modernité » - celle qui, inspirée par les Lumières, vit éclore la liberté et la démocratie dans le cadre national. Aujourd'hui, la « deuxième modernité », celle de la mondialisation, appelle une vision cosmopolitique du monde. C'est bien cette vision conservatrice que je reproche à certains libéraux… et pour répondre de manière différée à Ronan concernant le caractère national de LC Etudiant, ce cadre est peut-être pragmatique mais dans ce cas-là ce serait encore plus pragmatique d'être pour le statut quo qu'en faveur d'un changement de mentalités… Je ne vois nullement l'intérêt de défendre un truc qui n'a pas tant de choses libérales que ça… …son équipe de football : le fait que les vedettes du Bayern, comme une bonne partie de ses supporters, viennent des quatre coins du monde n'empêche pas la cité de faire de ce club son symbole. Ce cosmopolitisme « banal » gagne du terrain et ses ennemis eux-mêmes le favorisent : la résistance à la mondialisation prend des formes spectaculaires qui contribuent à la formation et à l'alimentation d'une opinion publique mondiale. J'aime bien cet exemple. Je supporte Strasbourg, en passe d'aller en ligue 2… pourquoi ? Parce que c'est la ville la plus proche, c'est le seul endroit où j'irais me déplacer pour aller voir un match (et encore, quand il fait chaud). J'irais à Bordeaux, je serais pour les girondins… L'africain qui revêt le maillot bleu et blanc, qui est là pour six mois et repartira acheté par un de ces sales clubs riches de m… comme Marseille qui nous dévalise à chaque fois qu'on a un bon joueur, pourquoi veut-il être performant ? Par une adhésion mystique à une quelconque identité collective alsacienne ? Non. Pour la suite de sa carrière, pour sa fiche de paye. Et lui et moi sommes unis à cet instant à cet endroit bien que totalement différent… L'intérêt personnel n'est pas incompatible avec l'appartenance et cette appartenance n'est pas totalitaire (à la vie à la mort). Les grandes affaires comme la guerre d'Irak, par ses implications morales comme par ses conséquences concrètes (répercussions sur les communautés musulmanes dans tous les pays, prix du pétrole, etc.), sont vécues comme les péripéties d'une « politique intérieure mondiale ». Pourquoi suis-je plus au courant de ce qui se passe à Toulouse qu'à Freiburg ville pourtant à 50 km de la mienne ? Les médias (hormis F3 et son émission Triangle qui parle des trois régions voisines). Pourtant, hormis l'appartenance au même oppresseur et à la même langue, je n'ai rien à voir avec le toulousain (en tant que toulousain). Donc si nous voulons dépasser le cadre national, il nous faut commencer par le NIER dans la pratique… ce que fait liberaux.org, ce que ne fera pas AL, par ex. Voici une question que j'ai commencé à traiter dans l'article Occident du Wikibéral: il me semble que les frontières entre les hommes sont plus idéologiques que géo-culturelles, je suis plus éloigné d'un communiste colmarien que d'un libéral chinois (le pauvre…).
Etienne Posté 10 mars 2006 Signaler Posté 10 mars 2006 Puisqu'on parle de mondialisation - mais traité selon un angle un peu moins "philosophique" -, je suis en train de lire ceci : Présentation de l'éditeurLa mondialisation actuelle est la troisième mondialisation. Les deux premières, la conquête de l'Amérique au XVIe siècle, puis celle des comptoirs anglais au XIXe, se sont terminées en tragédie pour les populations concernées. Les ennemis de la mondialisation se recrutent aujourd'hui dans deux camps que tout oppose. mais qui se nourrissent de ce témoignage de l'histoire. Celui des "mollahs" qui résistent à "l'occidentalisation du monde" et celui des anticapitalistes qui luttent contre l'exploitation des peuples. Le premier groupe mène, une guerre des civilisations, le second, une lutte des classes à l'échelle planétaire. Ce livre montre que leur combat commun se trompe de cible. La véritable faille de la troisième mondialisation est ailleurs : elle fait naître des attentes auxquelles elle est incapable de répondre. La conscience planétaire est mondialisée, tandis que les forces économiques sont en retard sur celle-ci. C'est parce qu'elle n'advient pas, et non parce qu'elle est déjà advenue. que la mondialisation aiguise les frustrations. Se méprendre sur ce point, c'est construire la critique du monde contemporain sur un formidable malentendu. Biographie de l'auteur Daniel Cohen est professeur de sciences économiques à l'Ecole normale supérieure et éditorialiste associé au journal Le Monde. Il a notamment publié Richesse du monde, pauvretés des nations et Nos temps modernes (Flammarion, coll. "Champs", 1998 et 2002).
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