Taranne Posté 9 avril 2006 Signaler Posté 9 avril 2006 Personnellement je ne vois pas trop en quoi la présence ou l'absence d'un crucifix dans une salle de tribunal peuvent avoir de si gênant. On est en plein dans la politique politicienne sous couvert de religion: Le chemin de croix du juge TostiLuigi Tosti n'a pas voulu siéger sous un crucifix. Son refus de rendre la justice a valu au juge une suspension et une condamnation à sept mois avec sursis, sans qu'aucun parti politique ne s'émeuve. Mais cette influence de l'Eglise, qui ne se dément pas, exaspère certains laïcs. par Marc SEMO QUOTIDIEN : mercredi 05 avril 2006 Rimini envoyé spécial Au-delà d'un petit mur de briques, juste de l'autre côté de la cour, se dresse l'imposant presbytère de l'église de Santa Rita. Les fenêtres des chambres sont en vis-à-vis, mais jamais Luigi Tosti n'échange même un vague salut avec don Redeo, le curé de cette paroisse du centre de Rimini, capitale du littoral de la Romagne. Les voisins ne sont guère plus chaleureux avec lui. «Ils m'ont vu à la télévision et ils préfèrent garder leurs distances car je sens le soufre», ironise ce magistrat de 57 ans, en chômage forcé, qui passe désormais la plupart de son temps dans cette petite maison où il vit depuis deux ans. En janvier, le Conseil supérieur de la magistrature a décidé de le suspendre de ses fonctions, et sans traitement. Une sanction très sévère, rarement prononcée, sinon pour les cas les plus graves de corruption ou de collusion avec la mafia. Lui, son seul crime est d'avoir refusé de rendre la justice sous un crucifix. «La présence de ce symbole chrétien dans les tribunaux viole l'égalité des citoyens devant la loi telle que la stipule la Constitution de 1947 soulignant qu'il ne doit pas y avoir de distinction de sexe, de race, de langue ou de religion», explique Luigi Tosti, pour qui «la laïcité ne signifie pas l'athéisme ou le refus de la religion, mais simplement son cantonnement dans la sphère privée». Toutefois, prôner un tel modèle est difficile, voire impossible, dans une Italie où, comme le souligne le politologue Ilvo Diamanti, «l'Eglise est parmi les institutions qui bénéficient d'un consensus majeur au sein de la population». «Mes collègues n'osent pas se solidariser publiquement» La vie de Luigi Tosti bascule un jour d'octobre 2003, au petit palais de justice de Camerino, dans la région des Marches, quand des avocats lui font remarquer la présence d'un crucifix dans la salle d'audience. L'objet n'avait pas attiré l'attention jusque-là. Le magistrat le fait décrocher. Pendant la pause, le chancelier exige qu'il soit remis à sa place et le président du tribunal approuve. Luigi Tosti s'indigne, arguant d'un arrêt de la Cour de cassation de mars 2000 donnant raison à Marcello Montagnano, vieux juif libéral turinois qui avait refusé d'exercer ses fonctions de scrutateur dans un bureau électoral orné de la croix. Dans leurs motivations, les juges avaient souligné que «le catholicisme n'était plus religion d'Etat» depuis la révision, en 1985, du Concordat signé en 1929 par Benito Mussolini et Pie XI. Luigi Tosti s'obstine donc. Jour après jour, le rituel est le même : le juge arrive au tribunal, entre en salle d'audience, constate que le crucifix est toujours là, et repart. Il inonde le ministère de lettres rappelant que le seul texte de loi qui impose un crucifix dans les tribunaux remonte à 1926 et au fascisme. Il joue aussi la provocation : si le crucifix doit rester, il exige de pouvoir accrocher à côté le logo de l'Union des athées ou une menorah, le chandelier à sept branches, «parce qu'il n'y a pas de raison de faire de différences entre les différentes croyances présentes dans le pays». Pourtant, le juge reste isolé. «Nombre de mes collègues me donnent raison en tête à tête mais n'osent pas se solidariser publiquement», raconte-t-il. Les associations de magistrats gardent profil bas. Les partis de gauche sont tout aussi gênés. «Leur silence fut assourdissant, à part quelques voix isolées», souligne amèrement le juge, condamné en novembre 2005 à sept mois de prison avec sursis pour «refus d'exercer une fonction publique». Ce jour-là, le seul homme politique présent au tribunal de l'Aquila, dans les Abruzzes, fut Marco Pannella, promoteur des référendums d'initiative populaire qui permirent la légalisation du divorce, puis de l'avortement dans les années 1970. «Aucune grande force politique ne veut aujourd'hui être étiquetée publiquement comme un ennemi du crucifix», explique Paolo Franchi, éditorialiste politique au quotidien Corriere della Sera, soulignant «qu'être aujourd'hui laïc en Italie est à la fois plus facile qu'avant car la société s'est beaucoup sécularisée, et en même temps plus difficile en raison du poids politique retrouvé de l'Eglise». En effet, les catholiques, grâce notamment au pontificat de Jean Paul II, ont à nouveau le vent en poupe. Un bon tiers de la population de la péninsule va à l'église au moins une fois par semaine. Mais le consensus autour du catholicisme va bien au-delà des pratiquants. Quelque 80 % des Italiens inscrivent ainsi leurs enfants au cours de religion catholique théoriquement facultatif donné dans les écoles. Lors de leur déclaration de revenus, ils sont tout aussi nombreux à choisir l'église catholique comme bénéficiaire du «8 pour 1 000», pourcentage du montant total des impôts destiné à soutenir des communautés religieuses ou des oeuvres civiles d'intérêt général. Bon an mal an, un milliard d'euros entre ainsi dans les caisses. Dirigée depuis quinze ans par le cardinal Camillo Ruini, l'Eglise italienne a retrouvé sa superbe. L'Eglise sur le terrain politique «Le vote des catholiques est fondamental, car il se répartit peu ou prou comme celui de l'ensemble des Italiens. Toutes les forces politiques mettent donc en avant ces points de convergence avec l'Eglise. A droite, on insiste sur la famille ou la morale ; à gauche et à l'extrême gauche, sur la justice sociale ou le pacifisme», analyse le vaticaniste Sandro Magister. L'Eglise n'hésite plus à entrer explicitement en lice sur le terrain politique pour ce qu'elle considère être des questions capitales. Ainsi, au printemps dernier, elle a réussi, en appelant à l'abstention, à faire échouer un référendum visant à assouplir les lois très restrictives sur la procréation assistée. Elle avait le soutien de la droite au pouvoir, mais aussi d'une bonne partie de la gauche qui ne mobilisa pas ses troupes. Maître d'oeuvre de ce triomphe, le comité «Science et vie» était présidé par deux femmes : l'une, Paola Binetti, membre revendiqué de l'Opus Dei, est candidate pour la coalition de gauche de Romano Prodi. L'autre, Luisa Santolini, court pour la Casa delle Libertà de Silvio Berlusconi. L'Avvenire, le quotidien de l'épiscopat italien, a d'ailleurs une couverture parfaitement équilibrée de la campagne électorale, même si Silvio Berlusconi a fait parvenir aux quelque 25 000 curés du pays un opuscule illustrant l'action gouvernementale «en faveur des valeurs chrétiennes». La présence du crucifix dans les lieux publics, tribunaux, écoles, hôpitaux publics ou mairies est soutenue selon les sondages par plus de trois quarts des Italiens. «A leurs yeux, il a toujours été là et ils ne voient aucune raison d'ôter ce qu'ils jugent comme un signe de tradition mais aussi de tolérance», explique le vaticaniste Sandro Magister. A chaque fois, l'Eglise est montée au créneau avec détermination. «Le crucifix exprime l'âme profonde de notre pays et il doit rester comme un signe de l'identité de notre nation», tonnait le cardinal Ruini à l'automne 2003, lorsqu'un jeune juge de l'Aquila, Mario Montanaro, exigea le retrait d'une croix sur un mur de classe à la demande d'un parent d'élève, musulman et militant islamiste. Quelques jours plus tard, la décision du juge était suspendue, au grand soulagement de l'opinion et d'une classe politique quasi unanimes. Même le leader des communistes orthodoxes Fausto Bertinotti reconnaissait que «personnellement, [il] éprouverait de la difficulté à faire retirer la croix d'une école». Tout aussi vain a été le combat judiciaire mené pendant quatre ans par la Finlando-italienne Soile Lautsi, de Padoue, pour faire retirer le crucifix de la salle de classe de ses enfants. A la mi-février, le Conseil d'Etat a finalement estimé que le crucifix pouvait rester dans les écoles «car il ne s'agit pas d'un symbole discriminatoire sur le plan religieux». La laïcité en question «De telles questions se poseront de plus en plus fréquemment dans une Italie multiculturelle, et cela doit nous obliger à réfléchir sérieusement sur la laïcité et les droits personnels dans une démocratie moderne», souligne Lanfranco Turci, 65 ans, ancien président de la région Emilie-Romagne, puis de la toute-puissante Ligue des coopératives. Il vient de claquer la porte des Démocrates de gauche, parti héritier de l'ex-PCI, qui lui avait pourtant promis un poste de secrétaire d'Etat en cas de victoire. Une rupture qu'il reconnaît avoir été douloureuse «après un demi-siècle de militantisme au parti». «Mais je n'en pouvais plus de leurs continuelles concessions au monde catholique sur la bioéthique ou le Pacs au nom d'un prétendu réalisme politique mal digéré», explique ce réformiste et laïc de toujours, qui a rejoint La Rosa in Pugno, formation de la coalition de gauche regroupant d'anciens radicaux, comme Marco Pannella, d'anciens socialistes, et quelques autres poids lourds du défunt PCI comme le philosophe Biagio Di Giovanni. Donnée à 3 ou 4 % dans les sondages, elle pourrait remporter de bons scores, notamment dans les grandes villes. «Il y a dans certaines franges de l'opinion un réel ras le bol face à cette nouvelle arrogance cléricale, et nombre d'anciens révolutionnaires se disent qu'à défaut d'avoir réussi le grand soir on peut au moins éviter de voir l'Eglise décider ce qui se fait dans la chambre à coucher», résume Paolo Franchi, du Corriere della Sera. Des mails de solidarité arrivent tous les jours sur l'ordinateur de Luigi Tosti. De toute l'Italie, mais surtout de l'étranger, notamment de France. Une pétition a été lancée. Des facultés de droit, comme celle de Florence, l'invitent à des colloques sur la question des relations entre l'Eglise et l'Etat. Et lui s'obstine. «Ce qui m'insupporte est tout ce qu'il y a derrière le crucifix : cette volonté explicite de l'Eglise et du pape de conditionner notre vie quotidienne», explique le magistrat, originaire de Cingoli, petite ville très dévote des Marches. Il dit vouloir mener son combat judiciaire jusqu'au bout. «Pour m'arrêter, ils devront m'éliminer physiquement», lance-t-il en souriant. Début mars, la Cour constitutionnelle n'a pas jugé admissible le recours qu'il avait déposé contre le ministère de la Justice. Avec ses avocats, le juge prépare l'appel contre sa condamnation à 7 mois de prison avec sursis. Eventuellement, il ira en Cassation. Et quand tous les recours italiens seront épuisés, il saisira la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. C'est l'échéance qu'il attend avec le plus d'impatience : «L'exhibition de la croix dans un tribunal représente une claire discrimination vis-à-vis des autres croyances ou des non-croyants et là, il y a des magistrats qui peuvent le comprendre.» http://www.liberation.fr/page.php?Article=372510
Chitah Posté 9 avril 2006 Signaler Posté 9 avril 2006 Apparemment, c'est lui qui a retiré un crucifix des salles d'audience où il officiait, si j'ose dire? Du coup il a enfreint une règle établie (une loi peut-être, apparemment datant de 1926 certes mais non abrogée), n'aurait-il pas mieux valu susciter le débat un peu plus rationnellement sans ruer dans les brancards comme il l'a fait? Pour le reste, comme tu le dis Taranne, c'est du vent ce débat, ça me fait penser aux histoires de voile à l'école tiens! EDIT : l'affaire a, je l'imagine, commencé au début de l'actuelle campagne électorale italienne, non?
Bastiat Posté 10 avril 2006 Signaler Posté 10 avril 2006 Personnellement je ne vois pas trop en quoi la présence ou l'absence d'un crucifix dans une salle de tribunal peuvent avoir de si gênant. On est en plein dans la politique politicienne sous couvert de religion:http://www.liberation.fr/page.php?Article=372510 Pour moi c'est comme l'école publique un problème de monopole, ici appliqué à la production d'arbitrage. L'extrême droite est toujours en train de se plaindre qu'il y ait des symboles maçonniques partout. Si tous les juges refusaient de faire leur job sous prétexte qu'un des symboles ne leur plait pas, on n'a pas fini. Perso je renvoi ce juge idiot et l'Etat italien dos à dos.
Jean-Jacques Posté 10 avril 2006 Signaler Posté 10 avril 2006 Pour moi c'est comme l'école publique un problème de monopole, ici appliqué à la production d'arbitrage.L'extrême droite est toujours en train de se plaindre qu'il y ait des symboles maçonniques partout. Si tous les juges refusaient de faire leur job sous prétexte qu'un des symboles ne leur plait pas, on n'a pas fini. Perso je renvoi ce juge idiot et l'Etat italien dos à dos. Vite, un exorciste!!!!!!
Fredo Posté 10 avril 2006 Signaler Posté 10 avril 2006 Pour moi c'est comme l'école publique un problème de monopole, ici appliqué à la production d'arbitrage.L'extrême droite est toujours en train de se plaindre qu'il y ait des symboles maçonniques partout. Si tous les juges refusaient de faire leur job sous prétexte qu'un des symboles ne leur plait pas, on n'a pas fini. Perso je renvoi ce juge idiot et l'Etat italien dos à dos. Ils devraient donc demander l'interdiction des maillets sur les bureaux des juges.
Taranne Posté 10 avril 2006 Auteur Signaler Posté 10 avril 2006 EDIT : l'affaire a, je l'imagine, commencé au début de l'actuelle campagne électorale italienne, non? La première fois que j'en ai entendu parler, c'est sur un site laïcard* voici quelques mois. Les grands médias, eux, n'en ont parlé (quand ils en ont parlé) que sous un angle anecdotique. Libération est, de manière générale, le seul grand journal français à en parler, ils lui avaient déjà consacré un article en septembre dernier. * Laïcards qui, à en juger par Google, représentent le gros des pro-Tosti.
Bastiat Posté 10 avril 2006 Signaler Posté 10 avril 2006 Ils devraient donc demander l'interdiction des maillets sur les bureaux des juges. Je sais pas, c'est maçonique le maillet ? La il sont dans la merde, ou allors ils mette une sonnerie genre hotel. tiens ils doit y avoir des sites sur ces "complots" maçonnerie VS opusdei. ça me fait toujour marer ce truc.
Général Stugy Posté 11 avril 2006 Signaler Posté 11 avril 2006 L'Eglise ne doit pas décider de ce qui se passe dans ma chambre à coucher ? Mais le Comité Central du Parti, lui, y est pleinement habilité, grâce aux votes démocratiques des camarades réunis en AG… La différence est que les moyens de coercition de l'Eglise ont beaucoup baissé ces derniers temps.
Joanes K-Parijs Posté 11 avril 2006 Signaler Posté 11 avril 2006 Ce que ça gène peuvent commencer par réclamer le chèque scolaire. Faut être cohérent.
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