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Un Essai "iconoclaste"


Taranne

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Rien de bien neuf à l'horizon. Mais la tentative de lier l'antisémitisme biologique à l'antijudaïsme chrétien, ne peut que séduire Marc Riglet. Je ne sais pas pour vous, mais l'évolution idéologique de Lire depuis quelques temps me parait vachement inquiétante.

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La face obscure de l'humanité

par Marc Riglet

Lire, avril 2006

Dans un essai iconoclaste, Georges Bensoussan explique les horreurs commises au XXe siècle.

Pourquoi, et comment, le XIXe siècle européen, celui de la raison, de la science et du progrès humain, a-t-il pu être gros d'un XXe siècle totalitaire et exterminateur? Certains cèdent à la tentation du paradoxe dialectique décourageant: c'est la raison poussée jusqu'au bout qui déraisonne, c'est la Révolution émancipatrice qui terrorise, c'est la science qui se fait religion. D'autres, tel Georges Bensoussan, regardent, en historien des idées, la complexité des choses. Ainsi établit-il, dans son foisonnant «essai d'histoire culturelle», d'utiles distinctions propres à surmonter les trop faciles paradoxes.

Trois grandes questions lui paraissent être au principe de cette «généalogie du désastre» dont la Shoah, «cette histoire sans précédent mais non sans racine», constitue l'accomplissement. L'idée de «guerre», d'abord, qu'un darwinisme social dévoyé installera à la fois comme nécessité de l'espèce humaine et valeur d'une «surhumanité». A la charnière des XIXe et XXe siècles, la guerre devient l' «hygiène du monde». C'est dans les guerres coloniales que s'éprouvent les premières entreprises exterminatrices. C'est avec la Première Guerre mondiale qu'en Europe même s'invente la notion de guerre totale et que la «brutalisation» atteint des sommets. La deuxième grande question est celle des Lumières. Il s'agit moins de s'interroger gravement sur leur faillite que de rappeler qu'elles ont toujours marché de conserve avec les anti-Lumières et que le XIXe siècle est autant leur siècle que celui du progrès et de la raison. L'antisémitisme, enfin. C'est une idée reçue que de le distinguer de l'anti-judaïsme dont il serait la version moderne et scientiste. Or, très utilement, Georges Bensoussan montre l'artifice de cette distinction. Si l'anti-judaïsme chrétien a bien des fondements théologiques - le peuple déicide -, la dimension raciale a de profondes racines comme le montre l'obsession de la «pureté du sang» dans l'Espagne du XVIe siècle qui persécute le juif, serait-il converti. A cette belle et grande synthèse de travaux anciens et récents sur la face obscure de notre humanité, il ne manque somme toute qu'un index et une bibliographie.

http://www.lire.fr/critique.asp/idC=49840/idR=214/idG=6

Posté

La "limpieza de sangre" est en effet une étonnante préfiguration de l'antisémitisme "scientifique" en milieu chrétien. Cependant, et c'est là que le bât blesse, il s'agit d'une particularité espagnole qui n'a connu aucun équivalent ailleurs en chrétienté. Partant, il est particulièrement malhonnête de faire mine de croire qu'il serait essentiellement chrétien.

  • 2 months later...
Posté
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Comment la Shoah s’enracine dans une culture pétrie de christianisme

Europe, une passion génocidaire, essai d’histoire culturelle, par Georges Bensoussan, Éditions Mille et Une Nuits, 2006, 464 pages, 20 euros.

Ainsi, selon Benoît XVI, l’extermination des juifs d’Europe relèverait de la seule responsabilité d’un « groupe de criminels ». Le propos n’a pas manqué de susciter interrogations en ce qu’il occulte la responsabilité collective de l’Allemagne (et de l’Autriche). Aussi fondée soit-elle, cette réaction n’est-elle pas trop étroite ? Dans un entretien accordé à l’Humanité le 27 janvier 2005, Georges Bensoussan mettait déjà en garde : « On voudrait que l’oeuvre impensable soit le fait d’une seule bande de psychopathes, désignée sous le vocable nazisme.

Ce n’est pas aussi simple. » Son dernier livre creuse cette réflexion alors esquissée.

Soucieux de dépasser le compatissant et inintelligible « devoir de mémoire » servi à saturation, l’auteur dissèque les multiples racines de « cette histoire occidentale ». Une responsabilité allemande ? Sans aucun doute. Un chapitre entier est consacré

à la « singularité culturelle allemande » qui court

des « angoisses démonologiques du XVIe siècle »

à « l’influence du mythe aryen dans l’Allemagne d’avant 1945 », en passant par « le rejet des Lumières, l’une des particularités du développement intellectuel » de cette nation au XIXe siècle.

Pour autant, l’anti-Lumières n’est pas exclusivité germanique. Dans la France de la fin du XVIIIe siècle, Joseph de Maistre en est l’un des théoriciens les

plus radicaux. Elle plonge ses racines jusque

dans l’Inquisition. À cet égard, après la reconquête,

la « pureté du sang » obsède une Espagne attachée à

se laver de la coexistence multiséculaire des trois religions. L’islam bouté dehors par les armes, il reste la peur viscérale du juif érigé par l’Église en véritable Malin. Ce juif honni de l’Occident chrétien est

le point focal d’une théologie de la peur et de la faute à expier.

La hantise raciale ne cesse de s’alimenter, justifiant de la violence de l’esclavage puis du colonialisme, faisant diversion à la violence sociale. Au XIXe siècle, une usurpation du darwinisme ajoute la prétention scientifique. Traite des Noirs et colonialisme sont en outre les exutoires d’une violence désormais policée en nos pays. Jusqu’à ce que « la guerre, expérience

des limites », soit réimportée comme un boomerang.

Le paroxysme de 1914-1918 intervient dans

des sociétés capitalistes où la division des tâches et

le culte de la performance économique se conjuguent pour effacer toute responsabilité individuelle dans

la finalité du travail. Le crime de masse est désormais concevable, organisable comme une activité banale.

Georges Bensoussan analyse faits et écrits, rappelle les travaux précurseurs des Adorno et autre Hanna Arendt. Son travail ne cherche pas réponse à la question posée par Benoît XVI dans la plaine désolée de Birkenau : « Seigneur, pourquoi es-tu resté silencieux ? Pourquoi as-tu permis cela ? » Il éclaire

la responsabilité des hommes et donne sens à la nécessité de veiller.

Marc Blachère

http://www.humanite.presse.fr/journal/2006…06-06-03-831029

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