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Singapour : Tigre, Lion Ou Poisson ?


Ash

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Singapour est un petit pays de 650 kilomètres carrés sur lesquels vivent 4,3 millions d’habitants (la plus forte densité au monde après Monaco), mais c’est un tigre ! En effet, la croissance du PIB y est très forte depuis son indépendance en 1965 : de l’ordre de 10 % en dehors des périodes de récessions. Ce n’est pas le résultat d’un miracle, mais d’une politique très libérale qui repose sur des taux d’imposition particulièrement bas : 22 % pour la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu ! et 20 % sur les bénéfices des sociétés. Le niveau de vie des Singapouriens est supérieur à celui des Français depuis ces dernières années alors qu’il était très faible (celui d’un pays sous-développé) quand ils faisaient encore partie (il y a 40 ans) de la Malaisie qui est restée un pays pauvre. Totalement dépourvu de ressources naturelles (et agricoles), Singapour est le premier port du monde (avec Rotterdam) et la deuxième place financière d’Asie (après le Japon). Le capitalisme libéral est social : 93 % des ménages sont propriétaires de leur logement (ce qui doit être un record mondial) grâce à un système original qui les met à l’abri de la pression immobilière d’un pays surpeuplé.

Les Singapouriens ont su se prémunir des grandes calamités du XX° siècle que sont la peste verte (ils ont conquis leur indépendance contre les Malais, musulmans), la peste rouge (les Chinois majoritaires sont des exilés très anticommunistes) et la peste rose (aucune concession n’est faite aux dérives socialisantes des syndicalistes, journalistes, enseignants et autres adversaires du libéralisme qui prédominent habituellement dans les pays développés).

Singapour aurait pu devenir un lion si les dirigeants n’avaient pas commis deux erreurs majeures : en maintenant une taxe sur la consommation à un niveau trop faible et en ne donnant pas à la banque centrale le pouvoir de fixer les taux de base.

1 / Une flat tax est une condition nécessaire pour que la croissance atteigne son potentiel optimal, mais elle doit inclure une taxe sur la consommation au même taux, aux alentours de 20 % (donc à un niveau élevé) de façon à équilibrer les comptes publics pour financer un Etat optimal comme l’ont fort bien montré les économistes de Work for all. Or la taxe sur la consommation est à un niveau nettement insuffisant : 5 %. Elle est à l’origine d’une dette publique qui représente 100 % du PIB, ce qui constitue un gros handicap (la situation est pire au Japon avec une dette de 150 % du PIB).

2 / La banque centrale, la MAS (Monetary Authority of Singapore) ne fixe pas de taux de base comme dans tous les autres pays développés. Or ce taux a une grande importance : c’est le taux directeur des taux courts et donc de tous les autres taux de l’obligataire public, des emprunts d’entreprises et finalement de tous les marchés financiers. La Fed régule ainsi la croissance par le maniement de son taux de base (en le relevant pour ralentir la croissance ou en le baissant pour la stimuler).

A Singapour, ce sont donc les marchés qui fixent les taux à 3 mois. Or, en l’absence de tout guide (c’est à dire des membres supposés compétents d’un comité de politique monétaire), ces marchés n’anticipent pas les conséquences de l’évolution des données macroéconomiques fondamentales qui sont surveillées de près par les banquiers centraux qui doivent normalement y détecter les déséquilibres cachés qui naissent dans une économie apparemment prospère. Ce sont eux qui doivent prendre les décisions nécessaires pour rétablir les conditions d’une croissance durable sans inflation assurant le plein emploi (en agissant au besoin contre les orientations des marchés). Ainsi, aux Etats-Unis, le FOMC a augmenté ses taux à des niveaux très élevés pour empêcher que l’inflation ne reprenne naissance en cette période de croissance car les bénéfices des entreprises augmentent plus vite (plus de 10 %) que la croissance du PIB (l’agrégat M3-M2 gonfle alors anormalement). A Singapour, c’est l’augmentation de l’agrégat M2-M1 qui présente des dangers car les ménages épargnent trop quand ils sentent qu’une récession va les toucher.

Dans une situation de croissance normale, si la banque centrale ne fixe pas les taux courts, les banques ordinaires disposent de disponibilités importantes et elles prêtent à des taux faibles, ce qui permet aux emprunteurs de diminuer leurs frais financiers et d’augmenter leurs cash flows pour financer leurs investissements. La croissance du PIB est alors supérieure à son potentiel optimal, mais une telle situation n’est pas tenable à terme. Une correction s’impose un jour : une récession succède alors brutalement à une période de prospérité. C’est ce qui s’est passé à plusieurs reprises au cours de ces dernières décennies.

Les déséquilibres macroéconomiques et monétaires sont discernables dans les chiffres des agrégats monétaires, mais ils ne sont pas intégrés par les professionnels des marchés qui agissent et réagissent panurgiquement sur le court terme en fonction des certaines données du moment (ils n’ont d’ailleurs pas pour fonction de surveiller les marchés financiers ni d’assurer les équilibres macroéconomiques et monétaires). Ainsi, le gonflement de l’agrégat M2-M1 à Singapour à partir de mars 1994 ne s’est pas traduit par une augmentation préventive des taux qui sont restés de l’ordre de 3 % (alors que la Fed les a fait passer de 3 % à 5 puis 6 %), ce qui a conduit à la crise de 1997-98 au cours de laquelle les marchés ont réagi… à contretemps en relevant les taux courts en 1998 à 7 % alors qu’il aurait fallu au contraire les baisser pour relancer l’activité économique.

En 2001, les marchés singapouriens ont réagi trop tardivement : le 3 mois est tombé de 3 % à 1 % en octobre seulement alors que la Fed avait déjà baissé ses taux dès le 3 janvier.

La croissance est repartie actuellement à Singapour (et ailleurs) sur un rythme très élevé mais les taux courts à 3,44 % sont encore trop bas (ils sont à 5 % aux Etats-Unis) ce qui se manifeste par un gonflement de l’agrégat M2-M1 sur un rythme supérieur à 20 % et une tendance à la baisse de la trésorerie des entreprises comme pendant les années qui ont précédé la crise asiatique de 1997-98.

Par ailleurs, des taux courts trop bas ont pour conséquence de rendre peu attractive la monnaie nationale. Le S$ est donc sous-évalué depuis longtemps par rapport au US$, ce qui présente l’avantage de maintenir une activité élevée dans les entreprises singapouriennes (dont la compétitivité est ainsi dopée) mais pour inconvénient de maintenir les cash flows à un faible niveau et de gonfler inconsidérément les réserves qui représentent 100 % du PIB (ce qui constitue peut-être un record du monde !). Une centaine de milliards US$ se trouvent donc dans les comptes de la MAS (et ils ne rapportent quasiment rien) alors qu’ils devraient être dans la trésorerie des entreprises (pour les recapitaliser, les désendetter, investir ou les redistribuer aux actionnaires qui les réinvestiraient à leur tour ailleurs).

La situation économique de Singapour est quand même fondamentalement saine malgré le dérapage de l’agrégat M2-M1, surtout par rapport aux autres pays asiatiques dont la masse monétaire M3 est hypertrophiée (elle est à 220 % du PIB au Japon !). La crise qui se prépare y aura des conséquences beaucoup plus graves. La croissance du PIB de Singapour est corrélée avec celle des Etats-Unis ainsi que les taux courts (mais ils sont à un niveau trop faible).

***

L’évolution de la structure des agrégats monétaires de Singapour aux mois de mars et d’avril 2006 est la même que celle de février-mars 1997 avant le déclenchement de la crise : d’une part, l’augmentation de la trésorerie des entreprise est de plus en plus faible car elles dégagent de moins en moins de cash flows (l’agrégat M3-M2 augmente de moins en moins en passant de 15 à 5 %), d’autre part les ménages sentent bien que les perspectives sont mauvaises et ils augmentent préventivement leur épargne de précaution (l’agrégat M2-M1 augmente de plus en plus en passant de 0 à 20 %). Comme pendant les années précédant la crise de 1997-98, la masse monétaire M3 augmente par rapport au PIB : elle représente actuellement 117 % du PIB, ce qui est trop (elle est de 80 % aux Etats-Unis, ce qui est un maximum).

En 1997, il a fallu un délai inférieur à 6 mois pour que la crise se manifeste après le chassé croisé entre l’évolution de ces agrégats. Pour l’instant, les marchés n’anticipent pas une telle éventualité et les autorités monétaires ne prennent aucune mesure pour prévenir la venue d’une crise (alors que la Fed a augmenté ses taux… à un niveau trop élevé, ce qui va provoquer un collapsus qui fera apparaître une récession en Asie et ailleurs !). Il aurait fallu, il faudrait, que la MAS augmente les taux courts (à 4,5 % ? pour ralentir la croissance du PIB), développer les avantages des fonds de pension (pour diminuer l’agrégat M2-M1) et augmenter la taxe sur la consommation (pour réduire la dette publique). Curieusement, la MAS ne publie aucune analyse de l’évolution de la structure des agrégats monétaires…

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Singapour est certainement le seul pays développé dont la banque centrale ne fixe pas les taux de base, réalisant ainsi un vieux rêve libertarien mais il se produit malheureusement ce qui est prévisible : des cycles où alternent des phases de croissance trop forte suivies d’une récession sévère. Ces cycles créent des perturbations importantes et de graves préjudices pour les ménages et les entreprises. Cette succession d’essais et d’erreurs n’amène pas les intervenants sur les marchés à anticiper les évolutions macroéconomiques (il n’y a pas de processus d’apprentissage).

Les libertariens pensent à tort que les (opérateurs sur les) marchés devraient être compétents et capables d’anticiper les changements d’orientations qui dépendent de données macroéconomiques et monétaires, or on constate qu’il n’en est rien. Les investisseurs avisés sont rares. Le troupeau a besoin d’un maître : les membres (censés être compétents) d’un comité de politique monétaire d’une banque centrale jouent le rôle de Panurge. Les spéculateurs avisés ne sont gagnants que pendant la très courte période précédant le retournement des marchés. C’est le domaine de prédilection des chief strategists des grands fonds anglo-saxons qui sont généralement peu loquaces mais efficaces !

Il serait donc préférable que la MAS intervienne pour que la croissance du PIB ne dépasse pas son potentiel optimal qui devrait se situer aux alentours de 5 % car l’augmentation de la population est de l’ordre de 2,5 % (sur la tendance longue) et les gains de productivité de 2,5 % comme ailleurs dans le monde. Les marchés des taux courts étant libres (en l’absence de régulation de la part de la MAS), la croissance du PIB a été dans le passé de l’ordre de 10 %, ce qui est beaucoup trop élevé et intenable. En période de croissance, la MAS devrait augmenter son taux de base pour éviter une surchauffe (comme aux Etats-Unis). Dans la mesure où elle n’intervient pas, les banques commerciales ne vont pas se pénaliser elles mêmes (ainsi que leurs clients) en augmentant leurs taux (interbancaires) à court terme. Seule une banque centrale peut aller contre les marchés en relevant ses taux (les marchés sont alors obligés d’anticiper les réactions probables de la banque centrale). Une réforme du système s’impose car les récessions sont de plus en plus fréquentes depuis 1997.

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Singapour est avec Taiwan, Hong Kong et la Corée du Sud un des quatre tigres asiatiques dont la croissance a été très forte au cours de ces dernières décennies. Le taux de chômage est au maximum de 3 à 4 % pendant les courtes périodes de récession… Le budget de l’Etat ne représente que 15 % du PIB (alors que le taux de prélèvements obligatoires en France est de 55 % ! aux normes de l’OCDE).

Comme le rapporte Eric Barbier, un Français expatrié : Singapour est gérée comme une entreprise. Le citoyen est un client, qui doit recevoir un service de qualité.

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Les premiers explorateurs qui ont mis pied sur l’île se sont retrouvés face à des tigres qu’ils ont pris dans leur frayeur pour des lions, ce qui est à l’origine (au XIV° siècle) du nom actuel de Singapour dont le symbole est le Merlion : un lion dont la queue est en forme de poisson (comme une sirène)… les Singapouriens doivent se frayer une voie difficile dans les détroits dangereux qui séparent la Malaisie de l’archipel indonésien et entre les chausse-trappes d’une économie très ouverte sur le monde entier.

http://chevallier.turgot.org/a267-Singapou…u_poisson_.html

Qu'en pensez-vous ?

Posté

Discours néocon classique : Singapour cité comme phare de la liberté, salué comme "Etat optimal" et non "Etat minimal"; diatribe anti-islam, etc.

De plus, Chevallier s'est fait une spécialité de casser du libertarien à toute occasion. Ce texte en apporte encore la démonstration en critiquant le seul aspect de Singapour qui lui déplaît et qui, comme par hasard, lui permet de sortir son couplet.

Le discours favorable à l'augmentation de certaines taxes est également à relever :

Singapour aurait pu devenir un lion si les dirigeants n’avaient pas commis deux erreurs majeures : en maintenant une taxe sur la consommation à un niveau trop faible et en ne donnant pas à la banque centrale le pouvoir de fixer les taux de base.

1 / Une flat tax est une condition nécessaire pour que la croissance atteigne son potentiel optimal, mais elle doit inclure une taxe sur la consommation au même taux, aux alentours de 20 % (donc à un niveau élevé) de façon à équilibrer les comptes publics pour financer un Etat optimal comme l’ont fort bien montré les économistes de Work for all. Or la taxe sur la consommation est à un niveau nettement insuffisant : 5 %. Elle est à l’origine d’une dette publique qui représente 100 % du PIB, ce qui constitue un gros handicap (la situation est pire au Japon avec une dette de 150 % du PIB).

Posté
diatribe anti-islam,

Ah non là tu fais fort. Une seule phrase et c'est une déjà une diatribe anti-islam pour toi :icon_up: .

Bon ensuite, la flat tax ça a déjà été débattue et pour le reste, quoi répondre ?

Posté
1 / Or la taxe sur la consommation est à un niveau nettement insuffisant : 5 %. Elle est à l’origine d’une dette publique qui représente 100 % du PIB, ce qui constitue un gros handicap (la situation est pire au Japon avec une dette de 150 % du PIB).

Faut vraiment oser le dire : les taxes trop faibles sont à l'origine de la dette publique !! c'est la façon habituelle des étatistes de présenter les choses à l'envers.

Posté
Faut vraiment oser le dire : les taxes trop faibles sont à l'origine de la dette publique !! c'est la façon habituelle des étatistes de présenter les choses à l'envers.

Dans la veine humoristico-orwellienne de "l'impôt crée la richesse".

Invité jabial
Posté
Faut vraiment oser le dire : les taxes trop faibles sont à l'origine de la dette publique !! c'est la façon habituelle des étatistes de présenter les choses à l'envers.

:icon_up:

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