Roniberal Posté 6 juillet 2006 Signaler Posté 6 juillet 2006 ARMEES, CONCURRENCE, PRIVATISATION L’un des grands mérites du livre dirigé par Olivier Hubac (Mercenaires et polices privées. La privatisation de la violence armée, Universalis, 2005) est de montrer comment un « domaine régalien » de l’Etat est devenu un (presque) banal objet de consommation. Alors que la France est empêtrée dans des débats idéologiques interminables sur l’ouverture à la concurrence, la mondialisation, les « acquis sociaux », le SMIC à 1500 euros, la nationalisations de certaines entreprises, ailleurs le monde bouge. Mais dans l’autre sens, vers plus de privé et moins d’Etat. C’est le cas aussi pour les armées, sujet pratiquement tabou en France. Depuis les années 1990, l’intervention armée est largement entrée dans la sphère du privé pour certains pays du monde. C’était déjà le cas pour la sécurité et les prisons où, même en France, les entreprises privées sont de plus en plus mises à contribution. C’est à partir de l’effondrement de l’URSS que le marché de la guerre devient accessible aux entreprises privées. Des compagnies anglo-saxonnes comme Executives Outcomes, Sandline International ou DSL se lancent dans des opérations de maintien de l’ordre sur tous les continents. Il faut préciser d’emblée que ces compagnies n’ont rien à voir avec le mercenariat tel qu’on le pratiquait au Moyen Age. Ces entreprises ont des comptes à rendre aux Parlements de leurs pays respectifs et interviennent souvent parce que des gouvernements leur ont demandé de le faire. Une aubaine pour des pays démocratiques dont les gouvernements doivent se justifier devant leurs électeurs à chaque fois qu’un soldat perd sa vie. Dans les années 1960-1970, l’intervention des groupes privés aurait beaucoup soulagé l’armée américaine au Vietnam. Un avantage politique mais aussi un gain en efficacité car ces « employés » sont des anciens des forces spéciales, des officiers (avec un casier judiciaire vierge) extrêmement bien entraînés qui connaissent bien souvent les terrains d’intervention. Et avec la prolifération des conflits, leur aide est de plus en plus précieuse. Une des premières sociétés privées d’intervention était Executive Outcomes en Afrique du Sud qui s’est scindée en plusieurs organisations à la fin des années 1990. Elle pouvait déployer jusqu’à 1000 hommes n’import où dans le monde grâce à ses propres transports. Elle est intervenue partout en Afrique, en Angola, Sierre Leone et en Ouganda. En Grande-Bretagne, la plus connue est Sandline International, symbole de l’essor des compagnies privées. Elle offrait dès les années 1990 une large gamme de services allant de l’entraînement de troupes au maintien ou à la restauration de la sécurité. En liaison étroite avec le Foreign Office, la société est intervenue pour le maintien de l’ordre en Sierre Leone. Les Etats-Unis possèdent plusieurs sociétés de sécurité privées. La transparence est totale. Avec un budget d’environ 52 milliards de dollars contre 30 milliards pour la police, les salariés du secteur privé sont trois fois plus nombreux que ceux du secteur public. En 1995, la société MPRI avec 350 employés et un potentiel militaire de 7 000 hommes a contribué de manière efficace à la modernisation de l’armée croate (entraînement, armement) qui lui a permis de renverser de manière décisive le rapport de forces avec les Serbes sur le front de Krajina. Ces sociétés privées travaillent dans le cadre des activités extérieures des Etats-Unis avec l’accord (ou pour) le Département d’Etat et en étroite relation avec le Pentagone. Une société comme Dyncorp a participé, à la demande du Département d’Etat, à l’entraînement des forces haïtiennes, à la sécurité au Kosovo ou bien à la lutte contre les trafiquants de drogue en Colombie, en Equateur et au Pérou. En Irak, plus de 15 000 employés s’occupent de la sécurité des endroits stratégiques ou de l’entraînement des forces irakiennes. La France est très en retard dans ce domaine aussi, même si depuis janvier 2005, la société française Groupe EHC a rejoint l’association International Peace Operation Association qui regroupe la plupart des compagnies privées d’intervention militaire. A ceux qui se méfient de cet éclatement en sociétés privées de l’intervention armée, il est utile de rappeler que les grands massacres de l’histoire de l’humanité ont été l’œuvre des Etats. Les génocides nazi et communiste sont malheureusement deux exemples éloquents…
Invité Arn0 Posté 6 juillet 2006 Signaler Posté 6 juillet 2006 Privatiser la guerre c'est un peu comme privatiser l'impôt.
Roniberal Posté 6 juillet 2006 Auteur Signaler Posté 6 juillet 2006 Privatiser la guerre c'est un peu comme privatiser l'impôt. Il n'est pas question de privatiser la guerre: il est question de privatiser la sécurité et les armées…
Invité Arn0 Posté 6 juillet 2006 Signaler Posté 6 juillet 2006 Il n'est pas question de privatiser la guerre: il est question de privatiser la sécurité et les armées… C’est à partir de l’effondrement de l’URSS que le marché de la guerre devient accessible aux entreprises privées. Et puis il y a cela aussi : Une société comme Dyncorp a participé, à la demande du Département d’Etat, à l’entraînement des forces haïtiennes, à la sécurité au Kosovo ou bien à la lutte contre les trafiquants de drogue en Colombie, en Equateur et au Pérou.Je ne vois pas ce que cela apporte que des compagnies privées se chargent des basses oeuvres de l'état.
Roniberal Posté 6 juillet 2006 Auteur Signaler Posté 6 juillet 2006 Je n'ai pas écrit cet article: je l'ai tiré de www.libres.org. Mais cette notion de "privatisation de la guerre" ne me plaît pas trop. Quel intérêt à ce que des compagnies privées se chargent des basses oeuvres de l'Etat? Ben, tout simplement, l'Etat a failli à assurer notre sécurité et tu l'as bien dit toi-même en parlant de "basses oeuvres de l'Etat"…
Invité Arn0 Posté 6 juillet 2006 Signaler Posté 6 juillet 2006 Je n'ai pas écrit cet article: je l'ai tiré de www.libres.org.Mais cette notion de "privatisation de la guerre" ne me plaît pas trop. Quel intérêt à ce que des compagnies privées se chargent des basses oeuvres de l'Etat? Ben, tout simplement, l'Etat a failli à assurer notre sécurité et tu l'as bien dit toi-même en parlant de "basses oeuvres de l'Etat"… Que des entreprises privées soit chargé de la sécurité ne me dérange pas du tout. Mais là en l'occurrence les entreprises agissent au nom des états, sous ses ordres. Elles sont financés indirectement par l'impôt et surtout commettent un certains nombres d'actes illégitimes (comme lutter contre la drogue). C'est un simple problème d'organisation de l'état.Après peut être que de là naîtra des entreprises privées de sécurité sur lieu de conflit qui soit indépendantes des états et ayant une action légitime. Dans ce cas là tant mieux. Mais pour l'instant…
Roniberal Posté 6 juillet 2006 Auteur Signaler Posté 6 juillet 2006 Que des entreprises privées soit chargé de la sécurité ne me dérange pas du tout. Mais là en l'occurrence les entreprises agissent au nom des états, sous ses ordres. Elles sont financés indirectement par l'impôt et surtout commettent un certains nombres d'actes illégitimes (comme lutter contre la drogue). C'est un simple problème d'organisation de l'état. Elles luttent contre les trafiquants de drogue, ceux qui tuent et terrorisent en Colombie, ce qui n'est pas exactement la même chose. Pour l'instant, la privatisation des armées en est encore à son état embryonnaire mais je préfère ce système un peu plus décentralisé au système de monopole étatique sur les armées.
Invité Arn0 Posté 6 juillet 2006 Signaler Posté 6 juillet 2006 Elles luttent contre les trafiquants de drogue, ceux qui tuent et terrorisent en Colombie, ce qui n'est pas exactement la même chose. Plus la lutte contre la drogue est violente, plus les trafiquants doivent être violent pour rester sur le marché (ce qui ne les excuses évidemment pas). Et puis elles luttent aussi contre des paisibles paysans cultivateurs de coca.
Roniberal Posté 6 juillet 2006 Auteur Signaler Posté 6 juillet 2006 Plus la lutte contre la drogue est violente, plus les trafiquants doivent être violent pour rester sur le marché (ce qui ne les excuses évidemment pas). Et puis elles luttent aussi contre les paisibles paysans cultivateurs de coca. Je ne peux que te donner raison sur ce point et je reconnais que l'article rédigé par Bogdan Calinescu est maladroit…
1789 Posté 6 juillet 2006 Signaler Posté 6 juillet 2006 J'ai lu l'article en travers (pas vraiment le temps..) mais un point me semble flou : ces armées peuvent elles agir sans mandat de l'Etat ? Si ce ne sont que des délégations privées des services de l'Etat, je comprends et ça mérite d'être discuté. Si par contre ce sont des armées qui peuvent partir en guerre contre la volonté de l'Etat qui les abrite, ça me paraît extrêmement dangereux.
Roniberal Posté 7 juillet 2006 Auteur Signaler Posté 7 juillet 2006 J'ai lu l'article en travers (pas vraiment le temps..) mais un point me semble flou : ces armées peuvent elles agir sans mandat de l'Etat ? Je ne sais pas, je n'ai pas encore lu le livre. Si ce ne sont que des délégations privées des services de l'Etat, je comprends et ça mérite d'être discuté. Si par contre ce sont des armées qui peuvent partir en guerre contre la volonté de l'Etat qui les abrite, ça me paraît extrêmement dangereux. Je ne saurais pas trop répondre sur ce sujet très compliqué…
Fredo Posté 7 juillet 2006 Signaler Posté 7 juillet 2006 J'ai lu l'article en travers (pas vraiment le temps..) mais un point me semble flou : ces armées peuvent elles agir sans mandat de l'Etat ?Si ce ne sont que des délégations privées des services de l'Etat, je comprends et ça mérite d'être discuté. Si par contre ce sont des armées qui peuvent partir en guerre contre la volonté de l'Etat qui les abrite, ça me paraît extrêmement dangereux. Moi aussi je trouve extrêmement dangereux des états qui peuvent partir en guerre contre la volonté des citoyens. Plus sérieusement : pourquoi pas ? Sun Tsé explique dans son traité que, pour des raisons de compétences et de réactivité, chacun doit faire ce qu'il sait faire le mieux. Ainsi ce n'est pas au Prince ou à l'état de décider quand, comment, si oui ou non une intervention militaire doit se faire pour maintenir la paix. La stratégie ne s'élabore pas à la cour, le Maître de guerre fait ce qui est bon pour le peuple en vertu du mandat qu'on lui a confié.
1789 Posté 7 juillet 2006 Signaler Posté 7 juillet 2006 Car la guerre n'est faite que pour maintenir la paix ?? On m'aurait menti ?
labbekak Posté 8 juillet 2006 Signaler Posté 8 juillet 2006 Je rappelle au passage l'excellent livre de Jasmin Guénette, sorti l'année passée : La Production privée de la sécurité.
Roniberal Posté 9 juillet 2006 Auteur Signaler Posté 9 juillet 2006 Je rappelle au passage l'excellent livre de Jasmin Guénette, sorti l'année passée : La Production privée de la sécurité. Merci pour ce lien, labbebak
Nick de Cusa Posté 10 juillet 2006 Signaler Posté 10 juillet 2006 En tant qu'intervenants libéraux, pourquoi tant de réticences à mettre en avant un avantage décisif: la transparence. Comme on l'a vu dans tous les scandales récents en France, les crimes et malversations des organismes Etatiques ou para Etatiques sont très difficiles à exposer au grand jour du fait des défaillances de la séparation des pouvoirs (CL, Elf, HLM IdF, Lycées de Paris, CE EdF…) Ce point est encore plus important quand il s'agit de l'utilisation de la violence meutrière légale. Commise par un organisation privée prestataire de service pour l'Etat, tout dérapage serait selon toute probabilité exposée et jugée plus vite et plus sévèrement. Ceci étant dit, je tempère ici moi-même mon propre propos, puisque dans le cas du Français soupçonné de meurtre en Côte d'Ivoire, et dans celui des US qui ont condamné des coupables (au bon niveau?) dans l'affaire Abu Ghraib, et qui puniront peut-être de peine de mort des marines meurtriers, il semble que certains Etats soient disposés à devenir plus sévères. Quant à la responsabilité de l'Etat lui même, en toute logique, elle engagée de la même façon qu'il s'agisse de l'armée ou d'un prestataire de service.
Roniberal Posté 10 juillet 2006 Auteur Signaler Posté 10 juillet 2006 Ceci étant dit, je tempère ici moi-même mon propre propos, puisque dans le cas du Français soupçonné de meurtre en Côte d'Ivoire, et dans celui des US qui ont condamné des coupables (au bon niveau?) dans l'affaire Abu Ghraib, et qui puniront peut-être de peine de mort des marines meurtriers, il semble que certains Etats soient disposés à devenir plus sévères. Je ne trouve pas que ce cas ait été suffisamment médiatisé: les Français, toujours les premiers quand il s'agit de donner des leçons au monde entier, ont préféré se focaliser sur les événements d'Abu Ghraib (à juste titre mais cela aleur permet d'oublier les crimes qu'ils ont pu, eux-mêmes, commettre en Côte d'Ivoire ou ailleurs)…
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