Aller au contenu

Ségo Macho


Messages recommandés

Posté

*Ségo Macho*

« Une femme présidente, vite ! » : voilà le genre de slogan que l'on peut trouver sur les blogs qui soutiennent la candidature de Ségolène Royal. Ce ne sont pas des idées qui sont mises en avant, ou un programme, mais avant tout le fait qu'il s'agit d'une femme.

« La seule présence de Ségolène Royal à l'Elysée signifierait beaucoup »

Pour ses défenseurs, la seule présence de Ségolène Royal à l'Elysée signifierait en effet beaucoup : dans une société taxée de machisme, et plus encore sa classe politique, l'élection d'une femme à la Présidence de la République est donc espérée par certains comme une petite révolution. Il est vrai que la France est l'un des derniers pays européens à avoir reconnu le droit de vote aux femmes (en 1944), et que la parité n'est pas encore tout à fait complète à l'Assemblée Nationale ou dans les différents gouvernements, de gauche comme de droite. L'élection d'unE PrésidentE serait donc un moyen définitif de marquer notre tournant sur la route du progrès…

Jack Lang : « L'élection présidentielle n'est pas un concours de beauté ! »

Du point de vue de la campagne qui se mène depuis l'été dernier, ce serait également une façon de nouer la trompe des « éléphants », qui n'ont pas manqué une occasion de vanner « la » candidate. Les commentaires des principales figures du PS à l'annonce de la candidature de Ségolène Royal ont été suffisamment diffusés. Laurent Fabius interrogeait : « Qui va garder les enfants ? », tandis que Jack Lang prévenait : « l'élection présidentielle n'est pas un concours de beauté » ! Les journalistes n'ont pas manqué une si belle occasion de s'indigner publiquement de cet aveu de machisme et de misogynie… Cela dit, ces commentaires étaient-ils vraiment à prendre au pied de la lettre ? De la part de représentants du PS qui se prétendent les seuls vrais progressistes, il est au contraire légitime de penser qu'ils ont voulu jouer avec les clichés machistes, plus pour les tourner ne dérision que pour les faire valoir comme arguments, persuadés qu'ils seraient forcément pris avec humour. Il est évident que Fabius ironisait plus qu'il ne s'inquiétait ; quant à Jackou, qui aime tant à faire le paon, reprocher sérieusement à Ségo de faire la belle aurait été culotté de sa part.

« La victimisation des femmes les maintient dans leur position de victimes »

Le débat sur la candidature de Ségolène Royal, en s'ouvrant sur un débat plus large à propos de l'image et la place des femmes dans notre société, ravive les passions féministes et excite une nouvelle lignée de chiennes de garde (et de caniches castrés tenus en laisse). Les mentalités sont conditionnées, et la crainte d'être mal vu lorsque l'on s'écarte un tant soit peu des règles de la bienséance est telle que l'on condamne d'avance tous ceux qui s'y risquent. Puisque la société est sexiste, il n'est pas pensable de plaisanter sur ce sujet. « Logique ». C'est sans penser que si la société est cantonnée à ce sexisme, c'est précisément parce qu'on l'empêche d'aborder ce débat sans tabou. La victimisation des femmes ne fait que les maintenir dans leur position de victimes – mais peut-être est-ce précisément ce que certaines d'entre elles cherchent : car être une « victime » dans notre société signifie surtout bénéficier d'aides et d'aménagements…qui s'apparentent bien vite à des privilèges… A l'origine, pourtant, la revendication fondamentale des féministes est que les femmes ne soient plus réduites à leur sexe, qu'elles soient traitées de manière égale aux les hommes et non d'une manière particulière en fonction de leur sexe !

Léon Blum : « Vous n'aurez pas à diriger, mais à animer. »

Dans ce contexte, je voudrais évoquer une anecdote historique, qui prend un sens nouveau et paradoxal. Nous remontons en 1936. Léon Blum venait d'être nommé Premier Ministre, et réfléchissait à la composition de son futur gouvernement. Dès le début, il tenait à nommer à son gouvernement « une femme ». Il ne l'avait pas encore choisie puisqu'il la désignait comme « Madame X » dans ses premiers brouillons de listes. Preuve qu'il ne pensait pas à une femme en particulier pour ses compétences, mais seulement à une femme pour une femme, quelle qu'elle soit, sa qualité essentielle devenant son sexe… Il écrivit d'ailleurs une lettre à Suzanne Lacore dans laquelle il expliquait le véritable sens d'une telle nomination : « Vous n'aurez pas à diriger, mais à animer. Vous aurez surtout à être là, car votre seule présence signifie beaucoup de choses »… Démasquant les illusions politiques, ces quelques bribes ont le mérite d'être claires : la femme ministre est d'abord femme avant d'être ministre ; on ne lui demande d'ailleurs pas d'assumer les taches ministérielles, mais d'assurer un rôle de simple « animatrice » !

« La femme est instrumentalisée en tant que femme et non considérée pour son individualité propre »

Cette façon de faire entrer les femmes au gouvernement ne marquait donc aucune évolution réelle, et était déjà dénoncé par les féministes de l'époque. La femme était purement instrumentalisée en tant que femme et non considérée pour son individualité propre. Pourtant, c'est au nom de ces mêmes féministes que Mme Royal est aujourd'hui portée par toute une clique d'imbéciles qui veulent voir dans la possibilité de son élection les prémisses d'une grande évolution ! *(Précisons ici : il ne s'agit pas de dire que tous ceux qui voteront Royal sont des imbéciles, il y a certainement aussi parmi eux des socialistes convaincus – ce qui est donc un tout petit peu différent… –, mais de faire remarquer qu'il y a une erreur à se revendiquer progressiste et plus encore féministe en soutenant une candidate pour sa seule qualité de femme.) *(De la même façon, précisons encore, il ne s'agit pas d'insinuer que la seule qualité de Ségolène Royal est d'être une femme, mais plutôt de déplorer que la majorité de ses partisans et elle-même s'en tiennent essentiellement – voire uniquement – à celle-là.)

Marcela Iacub : « La candidature de Ségolène Royal n'est pas féministe ! »

J'ai bien conscience que ces propos, du seul fait d'être tenus par un homme, seront d'emblée suspectés de machisme ou de misogynie. Pourtant, nombreuses sont les femmes, notamment parmi les intellectuelles, universitaires et écrivaines, qui alertent elles aussi de l'incohérence de placer des espoirs féministes dans le vote Royal. Entre mille, la philosophe Marcela Iacub publiait il y a peu un billet dans un grand magazine féminin, où elle résumait ainsi : « Pour moi, la candidature de Ségolène Royal n'est pas féministe ! Les féministes se battent pour que le sexe d'une personne, comme sa religion ou sa couleur, ne soit pas un facteur déterminant. Son équipe met en avant l'idée que parce qu'elle est une femme elle gouvernera mieux ! C'est un raisonnement qui a la même racine que le machisme, et une position insupportable pour quiconque défend un tant soit peu l'égalité. »

Au fond, ce sont ceux qui voteront Royal pour la raison essentielle qu'il s'agit d'une femme qui sont les véritables sexistes. Ils vivront son ascension à l'Elysée comme une révolution parce qu'eux-mêmes n'imaginent pas spontanément que ces fonctions lui sont complètement accessibles…

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×
×
  • Créer...