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Propriété intellectuelle


EcoGuy

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Un article lu sur 20m:

A la fin des années 1870, un magicien qui s’appelait Buatier de Kolta fascinait le public à Paris avec un tour: il fabriquait de gros bouquets de fleurs en papier à partir d’un rouleau de papier vide. Personne ne savait comment il faisait cela, jusqu’à ce qu’un coup de vent fasse voler une des fleurs au sol, devant la scène. Un magicien dans le public s’en empara puis s’enfuit en courant – et bientôt, bon nombre de rivaux de Kolta exécutaient son tour.

C’est Jacob Loshin, récemment diplômé de la Yale Law School, qui raconte cette histoire dans un papier de recherche sur la façon dont les magiciens protègent leurs tours. De tels vols sont difficiles à imaginer aujourd’hui. Les magiciens ont en effet mis sur pied un code professionnel pour défendre le plus précieux de leurs biens: leurs idées.

Ses recherches portent indirectement sur une question qui va devenir fondamentale, celle de la propriété intellectuelle, dans un monde où une part de plus en plus importante de la richesse créée se présente sous la forme d’idées plutôt que d’objets. La législation sur la propriété intellectuelle ne protège pas très bien les tours de magie. Elle n’est pas non plus très efficace pour la haute couture ou la grande cuisine – tous ces domaines que Loshin appelle «les espaces négatifs» de la propriété intellectuelle. (Pour un aperçu des complexités de cette question, voir le Blog «Law and Magic».)

Pour l’industrie de la mode, le manque de protection de la propriété intellectuelle est moins problématique.Les vêtements hauts de gamme doivent être constamment renouvelés, ils sont vite démodés, cela créé toujours de la demande. Mais les chefs cuisiniers et les prestidigitateurs ont besoin d’un peu d’aide pour protéger leurs idées. Par manque de garanties du côté de la loi, ils ont recours à des normes professionnelles.

Loshin décrit les normes des magiciens. Elles encouragent un partage sélectif des techniques, limitent la copie, sauf si la technique a été largement diffusée, et donnent à celui qui redécouvre un tour tombé en désuétude les mêmes droits que l’inventeur de la technique. Les économistes Emmanuelle Fauchart et Eric von Hippel signalent des normes très ressemblantes pour le partage des recettes chez les chefs français.

Dans les deux cas, les normes s’appliquent grâce à une pression sociale qui peut être très puissante. Loshin donne un exemple, celui d’une entreprise qui fabriquait des tours considérés par la profession (pas par la loi) comme appartenant à d’autres. Résultat, les revues de magie refusaient les pubs pour cette entreprise, les magiciens professionnels déclinaient ses offres, et la faillite s’en est suivie.

Si ces techniques marchent, c’est grâce à la grande fraternité des magiciens – et des chefs. Les chefs en herbe font de longs apprentissages et comptent sur le bouche à oreille pour trouver un emploi. Les revues de magie ne sont pas vendues en kiosques, et même le Prince Charles doit passer un examen avant d’être accepté dans le Cercle de la Magie. Imaginez un prestidigitateur qui volent ses tours ou dévoile des secrets qui ne sont pas encore diffusés dans le monde des non initiés : personne ne lui confiera de nouvelles idées, ni ne le recommandera à d’autres magiciens.

Ces sanctions informelles fonctionnent bien, pour les chefs comme pour les magiciens. Mais elles ne suffisent pas. Notamment pour les magiciens, qui rencontrent un autre problème, que les chefs ne connaissent pas. Si la recette d’un chef est révélée au monde entier, leur réputation n’est pas affectée, et seuls d’autres chefs professionnels sont susceptibles d’utiliser l’information. En revanche, si le tour d’un magicien est révélé, sa réputation en souffre. En réalité, cela enlève un peu de mystère à toute la profession.

Un exemple frappant: cette série de spectacles à la télévision dans les années 1990 dont le titre parlait de lui-même – «Briser le code du magicien». Elle a fait de grosses parts d’audiences en révélant les secrets des tours de passe-passe les plus connus. Un magicien s’est plaint que ces spectacles «pourrissaient la vie de tout le monde»; un autre a dit que c’était comme tuer le Père Noël. Mais les sanctions sociales des magiciens n’ont pu empêcher les pontes de la télévision de divulguer leurs secrets, et les recours juridiques contre ce programme ont échoué.

Le travail de Loshin rappelle à quel point les droits de la propriété intellectuelle peuvent être idiosyncrasiques, aléatoires. Cette idiosyncrasie n’est pas un concept simple à manier pour les économistes, mais pour comprendre l’économie impalpable des idées, c’est un tour que nous devrions tous maîtriser.

Posté le samedi 13 octobre sur Slate.

Tim Harford. Traduction 20minutes

C'est la partie en gras à la fin qui me semble intéressante pour nous.

Des amateurs qui ont le temps de se pencher sur les articles ?

Posté

En ce qui me concerne, c'est une preuve de plus de la viabilité et du caractère spontané des modèles de droit où la seule propriété intellectuelle est dans l'accès à l'information, et non dans l'information elle-même.

  • 2 weeks later...
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Posté

Autant je suis amateur de bonne cuisine, autant je trouve la partie de l'étude qui lui est consacrée précisément un peu fade et superficielle.

La cuisine est un art, et il aurait été interessant de savoir dans quelle mesure le fait de divulguer une technique artistique enfreint réellement sur la propriété intellectuelle.

Certes, les recettes sont secrètes, mais n'est-il quand même pas assez rare d'aller manger puis de dire: "c'était bon, mais complètement copié sur Troisgros"?

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