Taranne Posté 29 octobre 2007 Signaler Posté 29 octobre 2007 … on ressort les vieilles tactiques. Bonnes feuilles: «Malaise dans les musées» Jean Clair s'en va-t-en guerre Par Bernard Géniès Dans un livre à paraître le 2 octobre («Malaise dans les musées», Flammarion), l'ancien directeur du Musée Picasso s'en prend à la dérive des musées qui, à l'image du Louvre, vendent leur marque comme des lessives. Le projet d'installation à Abu Dhabi d'une «antenne» du Louvre est la cible principale du critique et historien d'art, qui en profite pour clouer au pilori l'art contemporain: «Ce qu'on appelle "art" n'est plus qu'un idiotisme exprimant les caprices infantiles d'un individu qui croit ne rien devoir à personne», écrit-il. On devine par là que Jean Clair n'a rien perdu de sa véhémence depuis la publication de son livre précédent: «Journal atrabilaire» (paru début 2006), dont un biblionaute nous a précisément adressé ces jours-ci une critique (à lire en cliquant ici). En rangeant notre bibliothèque, nous avons également retrouvé un livre de Camille Mauclair (1872-1945), un critique d'art et célèbre historien du symbolisme (qui aimait à préciser que «les juifs n'ont jamais brillé dans les arts plastiques»). Dans «la Farce de l'art vivant», il rassemblait des articles publiés dans «le Figaro» et «l'Ami du peuple» entre 1928 et 1929. Nous publions un extrait de cet ouvrage, à la suite de celui de Jean Clair. Quatre-vingt années séparent ces deux textes… Jean Clair «C'est parce que nous n'accordons plus aucune importance au sens, à la valeur, aux pouvoirs et aux dangers des images que nous laissons à l'œuvre d'art la licence d'être insignifiante. La pseudo-liberté d'expression de l'art moderne, l'audace de ses sujets, l'autonomie présumée des formes qui la composent ne sont jamais que les déchets d'une fonction qui n'est plus discernable. Comment appeler ces œuvres «d'art contemporain» qu'obligatoirement désormais on dépose dans toute exposition d'un maître ancien, de Hogarth à Praxitèle? Des hors-d'œuvre ou des reliefs? Des hors-d'œuvre ou des rogatons? Ce sont des laissées, le bol fécal produit par la digestion de siècles d'un art exquis. Mais notre impunité à l'égard de la fabrication des images, nous la payons du prix de notre impuissance. Les images que nous créons, reproduisons, diffusons, exportons et exposons sont infinies, sans limite et sans loi, mais c'est dans le mesure où elles sont devenues, à nos yeux, inoffensives ou insignifiantes. Or nous proposons, non sans vanité, de les louer à des pays qui, tout à l'inverse, sont d'autant plus précautionneux à l'égard de l'usage des images culturelles qu'ils continuent de croire en leur signification cultuelle, leurs pouvoirs et leurs dangers.» ©Flammarion «Malaise dans les musées», par Jean Clair. Camille Mauclair «Les vieux académiques honoraient encore neuf muses. Ce que l'on appelle "l'art vivant" dans les quartiers chics comme dans les léproseries de Montparno et de l'infortunée rue de Seine n'en vénère plus que trois: Réclame, Combine et Galette. On ne saurait qu'admirer l'activité et la méthode organisée de Lévy-Tripp, Gluant, Bouc et Rosenschwein et de leurs démarcheurs, si elle "faisait" dans les benzols ou les caoutchoucs au lieu de jeter, sous prétexte d'art, des pots de peinture au nez du public. Le temps est passé des attitudes révolutionnaires d'ex-fauves maintenant gras et repus: il faut avoir l'air d'être officiels et consacrés. Et voici un exemple. Dans plusieurs grands musées régionaux de France, les habitants voient s'installer auprès de merveilles anciennes des salles aménagées pour recevoir un lot de tableaux "ultramodernes". Ce sont presque toujours des rossignols invendus dans les boutiques de Paris […]. Les braves provinciaux sont effarés. D'où ces horreurs sont-elles tombées? […] On s'indigne, on proteste puis on se résigne aux décrets du conservateur et de la municipalité.» «La Farce de l'art vivant. Une campagne picturale, 1928-1929», par Camille Mauclair, Editions de la Nouvelle Revue critique. En clair - c'est le cas de le dire - Jean Clair = Camille Mauclair = réaction vaguement antisémite. Brillant, non? Moins toutefois que la "critique" de biblionaute mentionnée par Bernard Geniès et qui vaut son pesant de clopinettes elle aussi: Un biblionaute a lu « Journal atrabilaire » de Jean Clair Par Hapax Il aurait sans doute été préférable d'intituler ce livre «Journal d'un atrabilaire», car ce n'est pas tant le Journal qui mérite l'épithète que son auteur, ancien directeur du Musée Picasso. Lequel s’en prend, peu ou prou, à l'ensemble du genre humain et à la modernité, exception faite, on le remarquera, des êtres qu’il fréquente dans ses rêves, les seuls avec qui il semble ne pas être brouillé, situation qu'il corrige dès le réveil. De ne pas partager les idées d'un auteur ne nous décourage pas de le fréquenter – on lit bien Balzac sans pour autant être monarchiste légitimiste. De ces cinq saisons, d'un automne à l'autre, on appréciera davantage les réflexions sur la vie et l'écriture que le dénigrement du style administratif et les louanges du catholicisme (vraisemblablement de la mouvance de saint Pie X). On me pardonnera toutefois d'avoir quelques réserves, précisément, sur le catholicisme (et j'ajouterais in petto toutes les religions du Livre), religion d'amour, représentée par des pietà et des descentes de croix. Passons sur l’Inquisition et autres «crois ou meurs» comme cris d'amour du prochain, pour dénoncer non pas l'amour de la vie, mais plutôt celui de la souffrance et de la résignation à la douleur. Je me sens, à cet égard, bien plus proche de l'athée Michel Onfray et de son hédonisme solaire (voir mon blog). Cela dit, le style vaut le détour, mais l'excès de bile empêche, selon moi, l'auteur d'atteindre le rang de moraliste. Un bougon, mais avec du panache! Je vous renvoie, si le temps vous presse absolument, aux livres d'André Blanchard, qui a su, lui, transformer ses humeurs en véritable œuvre d'art.
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