Copeau Posté 3 avril 2008 Signaler Posté 3 avril 2008 Un intéressant article sur la notion ô combien à la mode au XIXe siècle, et polymorphe, de solidarisme et de solidarité. Bastiat, Gide, Molinari, sont au rendez-vous, et l'auteur montre à quel point de nombreux penseurs de renom de cette époque, socialistes comme libéraux, se sont inspirés ou ouvertement proclamés adeptes de cette notion, qui a chez certains un sens "naturel spontané", bénéfique pour nous libéraux, et un sens "consciente et volontariste", que nous appelerons plus tard constructiviste. Pour-une-solid…e-critique.html
aludosan Posté 3 avril 2008 Signaler Posté 3 avril 2008 Impression "à chaud": a - la lecture n'est pas facile. Style prétentieux et "verbieux" (l'art de condenser un maximum de mots dans un minimum d'idées ?) b - Les auteurs de l'article commentent un livre. Livre qui, à ce que l'on peut comprendre, se veut "neutre". Comme toute "Histoire de…", le livre aspire à être un "constat des faits" et non pas une prise de position personnelle de l'auteur. Et… c'est cette posture qui semble agacer le plus nos commentateurs. Ils expliquent d'ailleurs vertement, à l'auteur, quelle aurait dû être la bonne "grille de lecture" du sujet abordé. "Pourtant, Marie-Claude Blais avait bien identifié la question qui lui aurait permis de faire parler autrement entre eux et peut-être plus clairement tous ceux qu’elle appelle à la table de la solidarité, une question qui, manifestement, les taraudent : est-ce l’intérêt qui constitue l’unique ou le principal ressort des rapports sociaux durables entre les hommes ? « Comme dans la période précédente [1830-1850], écrit Marie-Claude Blais, la cible de tous ces travaux [ceux de la période 1850-1896], de manière plus ou moins masquée, est l’idéologie du laisser-faire. Les hommes s’associent par intérêt. Leur solidarité peut-elle être abandonnée à la spontanéité de ces intérêts, ou doit-elle être orientée, voire contrainte ? » [p. 157]. Que ne s’est-elle saisie de cette question pour y relier tous les autres débats ?" En clair: pourquoi écris-tu l'histoire autrement que "comme Il faut" (lire: "comme nous pensons qu'elle doit être écrite"). En allant plus loin dans la "correction" administrée à cet auteur "défaillant", nos commentateurs nous livrent d'ailleurs… non pas un propos "historique" sur les "faits" - tels qu'ils ont eu lieu, que cela nous plaise ou pas - mais une harangue sur leur vision de "la solidarité". Certes, c'est leur droit d'avoir une vision de la chose, mais l'auteur d'un livre historique devrait-il en être le colporteur dityrambique ? Et quelle est leur vision de la solidarité ? (qui est, nous l'avons compris, la Bonne, la Seule et Unique admissible…) "Un pari du don. En donnant à chacun les moyens de s’éduquer, de se gouverner, de travailler, la société fait le pari que ces dons reçus pourront être retournés par leurs bénéficiaires. Elle rend ainsi possible et appelle, en retour, une contribution personnelle de chacun à tous qui vienne enrichir la vie collective du groupe. Il y a donc bien une logique de droits et de devoirs, mais les devoirs ne sont en aucun cas la contrepartie des droits acquis. C’est donc bien un modèle alternatif au donnant/donnant libéral qui est ici suggéré, mais aussi à la stricte compatibilité solidariste." Je ne vais pas rentrer dans le "détail polémique". Je veux bien admettre cette "vision", d'autant plus que je crois que cela existe. Cela ne me pose aucun problème et je trouve même cela magnifique, quand ca arrive. Mais un "don" par la contrainte s'appelle-t-il encore un "don" ? La question qui, à mon avis, oppose "collectivistes" et "individualistes" n'est pas de savoir si les uns souhaitent un monde plein de générosité alors que les autres souhaiteraient l'égoïsme. ("Vous n'avez pas le monopôle du coeur", n'est-ce pas ?). Mais prendre ses souhaits pour une réalité déjà accomplie n'est pas une "noblesse de l'âme" mais… une stupidité tout court. Pire encore, imposer (par la contrainte légale, donc par la force) des relations sociales basées sur ses rêves s'appelle de la tyrranie, et cela trasforme les plus beaux rêves en cauchemars abominables. On n'a pas à être contre "la redistribution" ou contre la "générosité". Ce serait crétin et passablement odieux. A mon entendement, ce que "les libéraux" refusent ce sont "la générosité" et "la redistribution" forcées. Quant à savoir si les mobiles de la générosité humaine sont uniquement de "l'intérêt personnel bien compris"… voilà un autre débat. Si par "intérêt personnel" on comprend seulement "intérêt matériel", la réponse est évidemment Non. Elle peut devenir Oui dans la mesure ou l'on élargit le sens de "l'intérêt". Si je fais un "don" parce que ma "conscience" me le demande, me voilà plus en paix avec ma conscience. En un sens, c'est toujours de "l'égoïsme"…. Dernier point: à titre personnel, je peux faire "le pari du don". Une "société" (donc une abstraction) peut-elle le faire? Probablement Oui, si on peut adhérer et quitter cette "société" librement et sans dommages. Donc, une "association" peut, éventuellement, le faire. Par exemple une "association" sur Internet peut presque tout faire, car on y adhère ou on la quitte sans la moindre difficulté (ce qui fait qu'Internet est, par nature, un monde presque "libertarien"). Mais, dans la vie réelle, nous ne choisissons pas nôtre lieu de naissance, et nous ne choisissons que trés peu nôtre lieu de vie… Une "nation" (ou "Etat") est une "association" que peu de ses membres ont choisi volontairement et librement. Par conséquent, une "nation" ne peut pas prétendre à la liberté d'options "collectives" que peut revendiquer une "association libre". Je ne sais pas si le livre d'origine est "bien". Mais les auteurs de ton article me laissent pour le moins dubitatif sur leurs qualités et mérites intellectuels… Seul point positif: les auteurs de ton article ne cachent pas leur sensibilité "socialiste". Je ne partage pas leur approche, certes, mais au moins ils n'essayent pas de mentir sur la nature de leur "grille de lecture". On a vu pire, en ce sens.
Copeau Posté 4 avril 2008 Auteur Signaler Posté 4 avril 2008 euh.. ce n'est pas MON article, hein. Ce webzine est dirigé par Rosanvallon, donc de tendance ouvertement soc-dem. Aucun doute sur ce point. Et en effet les auteurs affichent ici clairement leur couleur socialiste. Il n'empêche qu'il y a des points intéressants qui y sont mentionnés, et en ce sens qui méritent débat. Notamment le fait que selon le bouquin initial, le solidarisme ne formerait au final qu'une seule et même doctrine, avec une déclinaison radicale et une déclinaison libérale, qui toutes deux partageraient un commun individualisme. Je n'avais aucune autre ambition que celle-là !
Copeau Posté 4 avril 2008 Auteur Signaler Posté 4 avril 2008 Sur le fond de tes remarques, Andrei, je n'exprimerais certes pas les choses de la même manière que toi, mais je m'étonne tout comme toi du parti pris par les commentateurs. Je vois assez comment faire entrer dans une doctrine solidariste, individualiste, associative et fédérative, des concepts collectivistes qui n'ont rien à y faire. C'est une tentative de réécriture de l'histoire, de cannibalisation par le socialisme d'une doctrine certes cousine, mais tout de même fondamentalement différente de celle-ci. Au passage, je m'étonne que les commentateurs - mais je n'ai pas lu le bouquin initial - ne mentionnent pas celui qui à mon sens est l'authentique père du solidarisme, qui a véritablement créé la matière première de cette doctrine (individualisme, fédéralisme, association volontaire) : Proudhon. Enfin, je passe sur les anachronismes, car le solidarisme s'est voulu une réponse au libéralisme et au socialisme (les auteurs le disent très bien) ; le socialisme est né après 1848. Le solidarisme n'est donc apparu qu'à la fin du XIXe (mutualités, bourses du travail, premières lois sociales). Bastiat est mort en 1850 et n'a rien, mais alors rien, à voir avec le solidarisme ; à la différence de Comte, Coquelin ou même Molinari, qui, par certains aspects, et c'est le point pour moi le plus important de cet article (mais issu du bouquin, pas des commentateurs), relèvent en effet d'une forme de solidarisme. (c'est d'ailleurs un concept mou, qui a aussi ses déclinaison à l'extrême droite)
aludosan Posté 4 avril 2008 Signaler Posté 4 avril 2008 euh.. ce n'est pas MON article, hein. Ce webzine est dirigé par Rosanvallon, donc de tendance ouvertement soc-dem. Aucun doute sur ce point. Et en effet les auteurs affichent ici clairement leur couleur socialiste. Il n'empêche qu'il y a des points intéressants qui y sont mentionnés, et en ce sens qui méritent débat. Notamment le fait que selon le bouquin initial, le solidarisme ne formerait au final qu'une seule et même doctrine, avec une déclinaison radicale et une déclinaison libérale, qui toutes deux partageraient un commun individualisme. Je n'avais aucune autre ambition que celle-là ! J'ai bien compris que ce n'est pas TON article. Sur ce que tu nous invites à lire ( le "fond"): On nous cite: Le socialisme "originaire" (1800-1850, pour faire "grossier"): "A ce titre, comme Marcel Gauchet le suggère, cette solidarité socialiste manifeste l’idéal – profondément libertaire, voire libéral - d’un monde sans maître où « la pure socialité, le libre lien consenti entre les individus ont vocation à abolir l’autorité et à réaliser la justice » (Gauchet, La crise du libéralisme, Gallimard, 2007, p.62). Et tel sera bien le point de fuite du socialisme de Fournière" Effectivement, Gauchet a raison de voir le "point de fuite" COMMUN avec le libéralisme "individualiste". L'autre "souche" de la même époque: Fourier, Bastiat "Chez les deux premiers la solidarité résiderait dans les intérêts qui relient harmonieusement les hommes entre eux." Le troisième serait Donoso Cortès dont le propos - tel qu'il nous est rapporté - m'echappe un peu. Si on prend pour vrai: "Donner ainsi crédit à Cortés, n’est-ce pas déjà suggérer que seul un fondement religieux permettrait à la solidarité d’échapper au sophisme naturaliste, l’idéal étant déjà dans le fait, par la volonté même de Dieu ? D’où, rétrospectivement, les apories inéluctables des « paradigmes scientifiques », voire leur inévitable fuite en avant positiviste. D’où les limites comparables d’une solidarité identifiée au droit et attachée à la cause individualiste."alors il y a un hic, à mon avis. Car, effectivement, autant les "socialistes" déjà cités et Bastiat sont, au fond, assez proches ( le fondement de leur raisonnement, explicite ou implicite, repose sur la "primauté" de l'intérêt INDIVIDUEL; la "solidarité" devient alors une "technique opérationelle" visant à accomplir cet intérêt primordial), selon Cortes la "solidarité" est - ou doit être! - un "commandement divin", donc de "force" supérieure aux intérêts des individus "ici-bas". Ce qui veut dire que, pour Cortes, l'hypothèse des "harmonies" est fausse: la "solidarité" ne peut être que contraire à "l'individualisme". Ergo: pour "exister", la "solidarité" doit s'appuyer sur une force de contrainte de "poids" égal - voire supérieur! - aux "pulsions" naturelles des individus. Si ce que je remarque est correct, alors la vraie opposition ne se situe pas entre "libéraux" et "socialistes" mais entre "jus-naturistes" et "jus-divinistes"… ( dans les exemples cités, entre Cortes et… les autres…) Et effectivement, on retrouve cette opposition plus loin: "D’un côté le (très) libéral Gustave de Molinari considère qu’il n’y a pas meilleure solidarité que celle du marché et des intérêts qui s’y déploient, considérant que « le seul devoir de l’Etat, c’est de maintenir le milieu libre » [p. 188] : de l’autre, Charles Gide, protestant, libéral converti au coopérativisme voit dans l’entraide, la coopération et l’association la conjonction de la science et du message des Evangiles." puis "…opposer Emile Durkheim et Jean Izoulet. Pour le premier, la solidarité, si elle est d’abord affaire de morale, se manifeste dans le droit et se perfectionne par lui ; pour le second, l’un des principaux inspirateurs de Léon Bourgeois, elle suppose dans une « religion de la Cité », « une religion sociale immanente, avec une divinité cosmique enracinée dans la nature »" Cette opposition n'echappe à personne, ni même aux auteurs de l'article: "Pour autant, l’enjeu des théorisations de cette période est-il avant tout réductible à cette polarité de la mystique et du politique ou de la métaphysique et du droit ?" Et même la présentation du "maitre-à-penser" Bourgeois se fait selon le même "angle": "Comme le rappelle l’auteur, cet espace d’échange réciproque où chacun reçoit des autres (et leur donne en retour) n’est plus pour Bourgeois régi par la dette de tous envers Dieu, mais par la dette de tous envers la société." En clair, on substitue à Dieu "la Société" ( plus tard ca deviendra "la République", investie des mêmes fonctions divines: la "République" est un but en soi et ses commandements s'imposent - et sont prioritaires - aux intérêts individuels). L'exploit de Bourgeois serait de: "Articulant l’inconditionnalité de la solidarité et la conditionnalité d’une association profitable à tous,[…]" Je n'ai pas lu Bourgeois. Mais tout ce qui est dit à propos de son "exploit" me laisse dubitatif… (en regle générale d'ailleurs, quand on a besoin de formules "fumeuses" ou trop "élaborées" pour énoncer une idée… je deviens méfiant.) Pour le reste… voir mon post précédent. Ainsi donc, il me semble acquis que, pour faire passer une "solidarité" qui fait fi de la volonté des individus, on doit, d'une manière ou d'une autre, recourir à une force de nature "divine". Ce fut, selon les humeurs et les époques: "Dieu" lui-même, "la Société" ( ca reste bon-enfant), puis "la Nation" (ce fut nettement moins "bon-enfant")… Dans les contrées de l'Est, le "Socialisme" était brandi comme formule incantatoire magique. De nos jours, dans la terminologie "officielle", c'est "la Chose Publique" (n'a-t-on pas entendu maintes oraisons funèbres célebrant le dévouement du défunt à "la Chose Publique" ?) ou bien "l'idéal républicain" (si jamais tu est suspect de trahison envers cet idéal "Républicain", tu es mort politiquement; parfois même, tu es passible de prison !) Dans tous ces cas, le MOT devient en lui-même la divinité. (Quel rapport de fond entre le "socialisme" début XIX-ème ( auquel pouvait encore adhérer, en toute hônneteté, un Bastiat) et l'URSS ?) Il est toujours utile de se méfier des "étiquettes": les contenus sont, parfois, fort différents. Et, inversement, on peut trouver des contenus assez proches sous des étiquettes apparemment antinomiques… Or, il me semble que cette opposition se retrouve, quelques décennies plus tard
aludosan Posté 4 avril 2008 Signaler Posté 4 avril 2008 Oups, nos 2 derniers messages se sont croisés. En reflechissant à ton 2-ème message, je crois que je vais acheter le bouquin. Je remarquais, justement, que la littérature visant l'Histoire des "systèmes de protection sociale" est particulièrement pauvre. Le livre de Marie Claude Blais peut venir en aide, finalement… En réalité, ce qui m'intéresse ce serait l'histoire des faits - actions, institutitons, etc. - ainsi que les "idées" qui les ont fondées. Et, à ce titre, les "idées" en question sont moins les idées "philosophiques" que les "croyances populaires" en vogue, préjugés, idées "politiques" ou "politiciennes de circonstance", etc. Les mêmes raisons que de nos jours, en somme… Je ne nie pas l'importance des idées "pures". Mais je crois que ce qui fonde l'Histoire c'est un doux mélange entre ces idées et ce que les autres ont compris (ou cru comprendre…). Plus des calculs d'intérêts de circonstance (calculs qui s'avèrent, par la suite, parfois bons parfois foireux…). Et… sans oublier le "nez de Cléopâtre" !
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