Aller au contenu

Le lit de Procuste


Messages recommandés

Posté

D'abord, la distinction entre croyance vraie et croyance fausse me semble de nature à entretenir une confusion sur la définition même de la croyance. Pour l'essentiel, l'existence de croyances témoigne de la présence inévitable de l'irrationel dans la vie humaine. Il n'est pas interdit d'étudier les croyances, les classifier, à l'aide de la raison, mais chercher une base strictement rationnelle à ce qui par définition ne s'explique pas, ne se démontre pas, ne se prouve pas, est proprement illusoire. Le contenu des croyances pour l'essentiel est ce qui échappe à la raison. On ne démontre pas l'existence de Dieu par l'usage de la raison. La croyance en Dieu n'est ni vraie ni fausse.

Le programme de recherche le plus cohérent consisterait à identifier les noyaux cognitifs de la religion (tels que l'on peut les déduire de l'examen de l'ensemble des religions actuelles, celle d'une tribu de chasseur-cueuilleur étant au même niveau d'intérêt que n'importe quel autre), à observer leur substrat cérébral et sa diversité interindividuelle d'expression, à isoler les gènes impliqués et à analyser leurs variations. Et pareillement pour les noyaux comportementaux impliqués dans la religion (au même titre cette fois que d'autres codes sociaux non religieux, comme les exemples ci-dessus du ritualisme ou du conformisme).

Ce programme de recherche me semble assez naïf, si tu penses vraiment que les chercheurs en science cognitive travaillent ainsi, je te propose de leur envoyer ton programme pour les aider.

Blague à part, j'ai l'impression que tu as une approche journalistique de la science et du monde. Il se trouve que le travail des chercheurs est pour l'essentiel un travail intuitif, basé sur l'imagination, l'interrogation, le raisonnement ne vient qu'après pour encadrer l'expérimentation. Pour cette raison, dans leur grande majorité les chercheurs, les scientifiques sont modestes. Ils savent que leur domaine d'action est limité, ils reconnaissent facilement que leur travail reposent sur un grand nombre d'hypothèses, bref ils connaissent la limite de ce qu'ils font.

Posté
Le contenu des croyances pour l'essentiel est ce qui échappe à la raison. On ne démontre pas l'existence de Dieu par l'usage de la raison. La croyance en Dieu n'est ni vraie ni fausse.

Qu'est-ce que la foi dans ce cas ?

Posté
Qu'est-ce que la foi dans ce cas ?

"ni vraie ni fausse" : je veux dire du point de vue de la science bien entendu.

Posté

Dans le sens qu'on ne peut pas prouver techniquement l'existence d'un Dieu, ça me parait évident. Mais très honnêtement là n'est pas la question. A moins de ne considérer la religion qu'à l'aube de cette question, ce qui est le propre de la grande majorité des athées au passage. C'est d'ailleurs dans ce but qu'on préfère parler de croyances plutôt que de foi. Cette dernière éliminant tout relativisme et degré de superstition. En ce sens, il existe bien une foi véritable (et partagée entre les religions), qui s'oppose à d'autres manifestement fausses.

Posté
(…)

Au passage, Harald ne contredit certainement pas le fait qu'il y ait des explications "rationnelles" à certains de nos comportements. Il souligne seulement, comme je l'ai interprété, que ça reste principalement une perte de temps, car si tout était rationnel, le monde ne serait pas tel qu'il est aujourd'hui.

Comme Bob le rappelle, l'étude rationnelle d'un phénomène ne signifie pas que ce phénomène est rationnel. C'est évident en physique (puisque les objets inanimés se sont pas rationnels), en biologie (puisqu'un virus une bactérie, un animal ou un végétal ne sont pas plus rationnels) et aussi bien en psychologie ou en psychiatrie (un autiste, un schizophrène, un bipolaire, etc. ne manifestent pas le comportement habituel d'un individu doté de raison et cette anomalie est justement l'objet de la recherche).

Posté
Montaigne a beau être mon auteur de chevet, il n'est pas pour autant parfait en raison de son relativisme. Je subodore d'ailleurs que se tient là la raison de son succès auprès d'une certaine intelligentsia prompte à y relever ce qui l'intéresse et à passer sous silence le fait qu'il fasse partie des auteurs catholiques français majeurs. Votre démonstration ci-dessus en est le parfait exemple. Ceci dit, si il avait été véritablement le grand sceptique adoré par les scientistes, je doute que Saint François de Sales l'eut pris comme modèle pour dépeindre l'honnête homme dévot.

J'ignorais que Montaigne était l'objet d'une vindicte en raison de son catholicisme.

Je suis loin d'être un ennemi des sciences, enfin des vraies. En revanche je ne puis souscrire aux démarches sans conscience de certains scientifiques qui tiennent de l'apprenti sorcier émerveillé de son pouvoir nouvellement acquis. Quant à l'étude du comportement humain, je vous suggère de lire les classiques romains, Montaigne sans oublier les historiens sérieux. On apprend plus à leur contact qu'en parcourant les spéculations des sociologues ou des psychologues par exemple.

Aïe, il y a des sciences "vraies" et des fausses, des historiens "sérieux" et d'autres pas sérieux. Pour ne pas trop sortir du (vague) cadre de cette discussion, je vais m'abstenir de m'enquérir de la frontière. Les auteurs romains, j'avoue les pratiquer moins que les grecs, et surtout ignorer en quoi ils possèdent des lumières innées sur l'homme (par rapport à tous autres auteurs de toutes autres époques). Les historiens, pourquoi pas, je pense simplement que l'on apprend pas la même chose en les lisant qu'en lisant les travaux d'autres chercheurs. Et je ne vois pas l'intérêt d'opposer les uns aux autres.

Posté
D'abord, la distinction entre croyance vraie et croyance fausse me semble de nature à entretenir une confusion sur la définition même de la croyance.

Sur ce point, j'ai utilisé les termes vrais et faux à mauvais escient. On pourrait en discuter d'ailleurs, ce fut fait par Russell, Hempel, etc. Disons qu'il existe des propositions vraies ou fausses. Par exemple, si la proposition "la moutarde est fabriquée à partir de la banane" est fausse, et si "Paul croit que la moutarde est fabriqué à partir de la banane", comment qualifier la croyance de Paul ? Une croyance vraie dans une proposition fausse ? Mais c'est secondaire. Dans le cadre où je l'employais, cela signifiait simplement que le cerveau humain apprend une quantité phénoménale de choses entre la naissance et l'âge adulte, et que la véracité de ce qu'il apprend est secondaire (du point de vue de l'évolution), sauf dans les cas où l'information acquise nuit à sa survie ou à sa reproduction.

Pour l'essentiel, l'existence de croyances témoigne de la présence inévitable de l'irrationel dans la vie humaine. Il n'est pas interdit d'étudier les croyances, les classifier, à l'aide de la raison, mais chercher une base strictement rationnelle à ce qui par définition ne s'explique pas, ne se démontre pas, ne se prouve pas, est proprement illusoire. Le contenu des croyances pour l'essentiel est ce qui échappe à la raison. On ne démontre pas l'existence de Dieu par l'usage de la raison. La croyance en Dieu n'est ni vraie ni fausse.

C'est assez étrange, comme raisonnement, tu fais la même erreur qu'Ash plus haut, à savoir poser que l'analyse rationnelle d'un comportement supposerait que le comportement est rationnel. Nos rêves ne sont généralement pas rationnels, cela n'empêche pas pléthore de chercheurs d'en étudier les bases : pourquoi et comment rêvons nous, à partir de quel âge rêvons nous, d'autres animaux rêvent-ils, peut-on analyser le contenu des rêves, le rêve manifeste-t-il une autre fonction du sommeil paradoxal, quels sont les aires cérébrales activées et désactivées pendant le rêve, quels sont les neurotransmetteurs stimulés ou inhibés, etc .

Sinon, démontrer l'existence ou l'inexistence de Dieu est sans intérêt. Mais la croyance en l'existence de Dieu (ou en n'importe quelle entité non-physique ou surnaturelle) est un phénomène humain à part entière que l'on peut étudier comme tel. Ou, pour le dire autrement, que l'on étudie déjà comme tel, de sorte que l'on peut discuter des travaux concernés (Boyer, Bergstrom, Kirkpatrick, Barrett, Atran, etc.). C'est d'ailleurs le problème de cette discussion, on parle pour l'essentiel dans le vide au lieu de discuter de travaux précis, la discussion ne porte pas sur des contenus de recherche, mais sur de vagues supputations pour savoir si cette recherche est légitime ou non. J'ai mis plus haut un lien vers la page de Pascal Boyer, on trouve cinq ou six textes sur la religion en libre accès, je propose de les lire et d'en débattre.

Ce programme de recherche me semble assez naïf, si tu penses vraiment que les chercheurs en science cognitive travaillent ainsi, je te propose de leur envoyer ton programme pour les aider. Blague à part, j'ai l'impression que tu as une approche journalistique de la science et du monde. Il se trouve que le travail des chercheurs est pour l'essentiel un travail intuitif, basé sur l'imagination, l'interrogation, le raisonnement ne vient qu'après pour encadrer l'expérimentation. Pour cette raison, dans leur grande majorité les chercheurs, les scientifiques sont modestes. Ils savent que leur domaine d'action est limité, ils reconnaissent facilement que leur travail reposent sur un grand nombre d'hypothèses, bref ils connaissent la limite de ce qu'ils font.

Si j'étais chercheur, je n'écrirai pas ici. Mais j'ai quand même la chance d'en fréquenter beaucoup. Ce que j'ai rapidement décrit pour la religion est à peu près ce qui se fait, en disciplines séparées bien sûr, quand on étudie l'esprit normal ou pathologique. On part d'un phénotype donné, on constitue un échantillon et un groupe-témoin (hors phénotypes d'intérêt), on étudie les différences selon sa discipline (les gènes si l'on est généticien du comportement, le cerveau si l'on est neurologue, etc.) Si tu lis cette littérature, tu ne l'ignores pas. Sur la place de l'intuition en science, elle existe heureusement (Poincaré a écrit des pages classiques là-dessus), mais la manière dont tu le présentes me paraît assez idéaliste.

Posté
J'ignorais que Montaigne était l'objet d'une vindicte en raison de son catholicisme.

Je ne parle pas de vindicte, simplement du fait que depuis les lumières on passe sous silence son catholicisme pour mettre en avant ce qui n'est qu'accessoire dans son œuvre. Comme par hasard.

Concernant les sciences je n'ai jamais fait mystère de mon opinion concernant la psychologie/psychiatrie, la psychanalyse (et la sociologie). D'ailleurs le caractère hautement scientifique de la(es) première(s) a été mis en avant lors du procès d'Outreau avec le brio que l'on sait.

Quant aux historiens, il y a des fumistes. J'ai souvenir d'un don le but consistait à analyser la société celtique pré-chrétienne à travers une grille d'analyse marxiste. J'ose espérer que la non-pertinence de la démarche vous apparaît.

Posté
Je ne parle pas de vindicte, simplement du fait que depuis les lumières on passe sous silence son catholicisme pour mettre en avant ce qui n'est qu'accessoire dans son œuvre. Comme par hasard.

Il faut supposer que le travail d'interprétation ne concerne pas que les textes religieux. De même que certaines textes bibliques (n'est-ce pas) sont mis en perspective par un travail permanent de commentaire et d'herméneutique, il en va de même pour d'autres textes profanes. En un sens, l'histoire de la philosophie exprime cette réanalyse / réappropriation permanente des oeuvres passées. C'est pourquoi un auteur comme Nietzsche, certainement peu chrétien, pouvait apprécier Montaigne, Pascal ou les moralistes français, certainement chrétiens. De manière générale, les auteurs modernes relisent l'histoire de la pensée en y cherchant ce qui préfigure cette modernité, ce n'est pas "un hasard" en effet. Si la grande majorité des clercs européens redevenait catholique au cours de ce siècle, je suppose qu'elle procéderait de même, elle relirait les classiques dans le sens de son catholicisme, elle mettrait en avant l'importance des auteurs religieux ayant exprimé leur réserve ou leur critique de la modernité (Bloy, Bernanos, Maritain, etc.), elle soulignerait l'inconsistance et la contradiction des penseurs athées… Bref, la pensée est aussi un sport de combat, mais ce n'est pas à vous que je l'apprendrai, j'avais vu deux casques militaires en photo plus haut.

Concernant les sciences je n'ai jamais fait mystère de mon opinion concernant la psychologie/psychiatrie, la psychanalyse (et la sociologie). D'ailleurs le caractère hautement scientifique de la(es) première(s) a été mis en avant lors du procès d'Outreau avec le brio que l'on sait.

La psychologie et la psychiatrie ne devraient pas avoir grand chose à faire dans les prétoires, nous sommes d'accord (sauf dans les cas où le juge s'interroge sur la responsabilité d'un malade mental, comme le droit l'y enjoint de mémoire). Mais dans les laboratoires et les hopitaux, elles ont trouvé leur place depuis près d'un siècle. La psychanalyse tient plus de la pseudoscience qu'autre chose, elle est née vers la même époque, mais ses hypothèses se sont révélés fausses ou infalsifiables, quant à son efficacité thérapeutique elle est faible ou nulle sur la plupart des troubles mentaux. Sa popularité relève de jeux de pouvoir médiatique, universitaire ou politique, la France est d'aileurs l'une des dernières nations au monde à lui accorder une telle importance.

Quant aux historiens, il y a des fumistes. J'ai souvenir d'un don le but consistait à analyser la société celtique pré-chrétienne à travers une grille d'analyse marxiste. J'ose espérer que la non-pertinence de la démarche vous apparaît.

Dans cet exemple, oui. Mais si je prends Braudel, Bologne ou Muchembled (pour citer des historiens que j'ai lus récemment), dois-je les considérer comme sérieux ? Je l'ignore en fait, je n'ai pas d'idées à ce sujet. La collecte des faits passés est toujours partielle, de sorte que cela laisse de la place à des interprétations dont certaines sont probablement partiales. Mais on est évidemment démuni pour juger.

Posté
C'est d'ailleurs le problème de cette discussion, on parle pour l'essentiel dans le vide au lieu de discuter de travaux précis, la discussion ne porte pas sur des contenus de recherche, mais sur de vagues supputations pour savoir si cette recherche est légitime ou non. J'ai mis plus haut un lien vers la page de Pascal Boyer, on trouve cinq ou six textes sur la religion en libre accès, je propose de les lire et d'en débattre.

Non, la légitimité de la recherche scientifique n'a été mise en cause par personne puisque nous n'avons pas abordé le problème du droit, ou de l'éthique à proprement parler.

Ce qui est remis en cause c'est la volonté hégémonique de certains individus de réduire le mystère de la foi, et de la religion à son étude scientifique.

Si j'étais chercheur, je n'écrirai pas ici. Mais j'ai quand même la chance d'en fréquenter beaucoup. Ce que j'ai rapidement décrit pour la religion est à peu près ce qui se fait, en disciplines séparées bien sûr, quand on étudie l'esprit normal ou pathologique. On part d'un phénotype donné, on constitue un échantillon et un groupe-témoin (hors phénotypes d'intérêt), on étudie les différences selon sa discipline (les gènes si l'on est généticien du comportement, le cerveau si l'on est neurologue, etc.) Si tu lis cette littérature, tu ne l'ignores pas. Sur la place de l'intuition en science, elle existe heureusement (Poincaré a écrit des pages classiques là-dessus), mais la manière dont tu le présentes me paraît assez idéaliste.

Si ton résumé correspond réellement à ce qui se fait, donne nous des références qu'on puisse y voir un peu plus clair. Je te propose d'ouvrir un sujet dédié dans le sous-forum qui concerne la science.

Pour ma part, je n'ai pas l'impression que ce schéma corresponde à autre chose qu'à une idéalisation des recherches et de leur capacité explicative. Je ne suis pas chercheur dans le domaine des sciences cognitives, mais je doute fort qu'un chercheur puisse approuver ce schéma qui me semble basé sur des approximations et des présuppositions fort hasardeuses.

Posté
Non, la légitimité de la recherche scientifique n'a été mise en cause par personne puisque nous n'avons pas abordé le problème du droit, ou de l'éthique à proprement parler.

Ce qui est remis en cause c'est la volonté hégémonique de certains individus de réduire le mystère de la foi, et de la religion à son étude scientifique.

Ah, je n'ai pas eu ce sentiment lors de la discussion. Mais si tout le monde est d'accord que la foi est un objet d'étude pertinent en génétique du comportement, en neurobiologie ou en sciences cognitives, tant mieux, autant parler directement de ces travaux plutôt que couper des cheveux en quatre. Que de telles études expliquent toute la foi, on peut en douter, ne serait-ce que parce que celle-ci est analysable sous bien d'autres angles (par exemple la sociologie et l'histoire des religions, l'anthropologie sociale et culturelle, etc.). Et aussi parce que les disciplines concernées n'ont rien à dire sur l'expérience personnelle de la foi. Mais ce dernier point est vrai pour tout, ce n'est pas parce que le monde vécu d'un dépressif en particulier est inaccessible à l'exploration scientifique que la dépression ne l'est pas.

Si ton résumé correspond réellement à ce qui se fait, donne nous des références qu'on puisse y voir un peu plus clair. Je te propose d'ouvrir un sujet dédié dans le sous-forum qui concerne la science.

OK, je vais y songer.

Sinon, et si les sujets t'intéressent (en dehors de la foi), tu as chez DeBoeck des traductions françaises des manuels classiques en ce domaine, je conseille particulièrement le Psychobiologie de Rosenzweig et al., le Neurosciences cognitives de Gazzaniga et al., et je crois récemment traduit le Brain and Behavior de Kolb et Whishaw. Dans l'ensemble, c'est à peu près accessible à l'honnête homme sans bagage scientifique particulier, de forts volumes un peu chers, mais très riches et à peu près à jour.

Posté

Sinon, les quatre premières années de la revue Genes, Brain and Behavior sont disponibles gratuitement en ligne à cette adresse. Tu y trouveras, surtout dans les éditoriaux ou les articles de synthèse, diverses considérations sur la manière dont les chercheurs travaillent à l'intégration de ces trois niveaux (le phénotype exprimé dans un comportement, le cerveau, le génotype), chez l'animal ou chez l'homme. Et aussi bien sûr de nombreux papiers sur des comportements ou troubles spécifiques.

http://www.blackwell-synergy.com/loi/gbb

Posté

Merci pour les références, j'ai regardé rapidement, et je n'ai pas l'impression que les publications concernant génétique et religion ou foi pullulent ce qui me semble confirmer que la relation entre les 2 est pour le moment hautement hasardeuse (sauf peut être pour les raëliens bien sûr).

Posté
Merci pour les références, j'ai regardé rapidement, et je n'ai pas l'impression que les publications concernant génétique et religion ou foi pullulent ce qui me semble confirmer que la relation entre les 2 est pour le moment hautement hasardeuse (sauf peut être pour les raëliens bien sûr).

Ah non, c'était des références sur la méthodologie employée quand on étudie un trait cognitif ou comportemental. Si tu veux des références spécifiques sur la religion ou la foi, c'est évidemment différent. Il faut aller sur les moteurs de recherche type Science Direct, Pub Med et autres pour taper les mots-clés qui t'intéressent. Ou bien googliser les auteurs ayant publié sur ces sujets (Scott Atran, Pascal Boyer, Lee Kirkpatrick, Dean Hamer, Steven Mithen, etc.). Le problème que tu rencontreras, et que j'ai signalé plus haut, est que l'approche de la foi n'est pas directe car le concept de foi est trop imprécis pour être utilisé comme tel (on trouve des choses sur religion, religiousness, religiosity, belief, etc.).

Sur les études d'héritabilité rapportée à la religiosité (ce qui se rapprocherait le plus de la foi), il n'y en a pas des kilos à ma connaissance. Et j'ai souvenir d'influences assez faibles des gènes pour les résultats existants. Mais comme ce qui est appelé "religiosity" dans les mesures comportementales se rapproche assez d'une sorte de mysticisme, ce n'est pas indicateur de l'ensemble des traits cognitifs que l'on place en langage commun sous le nom de foi.

Posté

Vous n'avez pas repondu a cela:

Est-ce que la poule est capable d'expliquer l'oeuf? Pas techniquement (il vient d'une poule etc…) mais en utilisant les liens de causalite jusqu'a la cause premiere.

Developper ensuite au sein des sciences une quantite de theorie visant a expliquer le "comment" de l'oeuf ne permet pas d'extrapoler au "pourquoi" de l'oeuf, et ce quelque soit la qualite et le merite des etudes en question.

Je serais vraiment rassure de vous voir ecrire que la science a des limites, c'est je crois ce que pense une grande majorite des scientifiques/chercheurs que je cotoie tous les jours.

Posté
Vous n'avez pas repondu a cela:

Est-ce que la poule est capable d'expliquer l'oeuf? Pas techniquement (il vient d'une poule etc…) mais en utilisant les liens de causalite jusqu'a la cause premiere.

Developper ensuite au sein des sciences une quantite de theorie visant a expliquer le "comment" de l'oeuf ne permet pas d'extrapoler au "pourquoi" de l'oeuf, et ce quelque soit la qualite et le merite des etudes en question.

Je serais vraiment rassure de vous voir ecrire que la science a des limites, c'est je crois ce que pense une grande majorite des scientifiques/chercheurs que je cotoie tous les jours.

Avec cette distinction comment / pourquoi, nous en revenons à un point antérieur déjà débattu. Je ne puis que répéter ce que j'avais dit alors, à POE de mémoire : à la question "pourquoi existe-t-til qqchose plutôt que rien", la science ne peut répondre selon ses propres critères de validation. Donc, si vous raisonnez sur la cause première de ce qui est, vous avez le choix entre suspendre votre jugement ou le maintenir, et dans la seconde option, répondre comme vous le souhaitez. Il faut simplement que la réponse soit cohérente avec la suite, c'est-à-dire que si vous attribuez à la cause première des propriétés vérifiables dans le monde actuel, il faut que ces propriétés soient vérifiées (raison pour laquelle les analyses littérales de textes religieux ont dû battre en retrait car ces textes ne franchissaient pas cette épreuve, ils étaient trop précis mais trop inexacts sur la manière dont la terre et les hommes étaient créés et cette précision/inexactitude finissaient par nuire à leur crédibilité).

Sinon, la science a des tas de limites, celles de ses instruments, celles du cerveau humain, celles des propositions ne relevant pas de la vérification / falsification, etc. Le problème est plutôt le suivant : on se trouve devant un phénomène observable (mesurable), mais inexplicable. Soit on postule qu'il s'agit d'un mystère insondable et que l'on doit passer son chemin ; soit on pose qu'il s'agit d'une réalité devant être comprise, même si le niveau de compréhension ne sera jamais parfait. Le premier postulat me semble moins fécond que le second en terme de connaissance.

PS : pour me rassurer à mon tour, est-ce que vous pouvez concevoir que la foi risque de poser des limites arbitraires là où il n'y en a pas réellement, et qu'elle prive ainsi la raison humaine de son exercice naturel de compréhension du monde ? Donc, qu'avant de poser un domaine comme inaccessible à la raison, la foi doit s'interroger sur les frontières qu'elle postule ainsi ?

Posté
Le problème est plutôt le suivant : on se trouve devant un phénomène observable (mesurable), mais inexplicable. Soit on postule qu'il s'agit d'un mystère insondable et que l'on doit passer son chemin ; soit on pose qu'il s'agit d'une réalité devant être comprise, même si le niveau de compréhension ne sera jamais parfait. Le premier postulat me semble moins fécond que le second en terme de connaissance.

Je ne comprends pas ton insistance à opposer systématiquement ce qui ne s'oppose pas.

La croyance ne s'oppose pas à la science.

Le fait de décrire scientifiquement un phénomène n'empêche absolument pas de voir dans ce phénomène l'expression visible de causes invisibles.

On peut décrire le mouvement d'une comète et prévoir son retour, et également voir dans ce corps céleste l'expression d'une force invisible d'origine spirituelle.

On peut décrire le déroulement d'une maladie à l'intérieur d'un corps humain, identifier l'agent pathogène et voir dans cette histoire naturelle l'expression d'une punition divine.

PS : pour me rassurer à mon tour, est-ce que vous pouvez concevoir que la foi risque de poser des limites arbitraires là où il n'y en a pas réellement, et qu'elle prive ainsi la raison humaine de son exercice naturel de compréhension du monde ? Donc, qu'avant de poser un domaine comme inaccessible à la raison, la foi doit s'interroger sur les frontières qu'elle postule ainsi ?

Je ne vois pas à quelles limites arbitraires tu fais allusion.

Les limites que posent la foi concernent surtout la conduite du croyant, ce sont des limites morales. Ces limites correspondent à la formation d'une éthique susceptible d'être appliquée dans tous les domaines de la vie.

Posté

Si je puis me permettre, continuez, je vous en prie.

Les limites humaines de la foi sont inhérentes… aux limites humaines (ce qui n'invalide pas la dimension supposée infinie de la divinité).

Posté
Je ne comprends pas ton insistance à opposer systématiquement ce qui ne s'oppose pas.

La croyance ne s'oppose pas à la science.

Le fait de décrire scientifiquement un phénomène n'empêche absolument pas de voir dans ce phénomène l'expression visible de causes invisibles.

On peut décrire le mouvement d'une comète et prévoir son retour, et également voir dans ce corps céleste l'expression d'une force invisible d'origine spirituelle.

On peut décrire le déroulement d'une maladie à l'intérieur d'un corps humain, identifier l'agent pathogène et voir dans cette histoire naturelle l'expression d'une punition divine.

Je pense que je m'exprime mal. Je suis tout à fait d'accord avec la remarque nietzschéenne : "il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations". Donc bien sûr, il existe une grande liberté et une grande diversité de qualification des mêmes phénomènes, tu en donnes des exemples et ils ne me dérangent pas du tout. Bien que je sois baptisé ici "scientiste", je n'ai absolument aucune envie d'imposer l'approche scientifique comme une vérité unique et exclusive s'imposant à tous, je souhaite au contraire que les individus aient tout loisir de choisir l'interprétation qui leur convient le mieux (et bien sur de supporter la responsabilité de ce choix).

Les conflits éventuels ne surgissent pas de la qualification elle-même, mais de ce que l'on en déduit pour les autres. Si la nature divine d'une chose ou d'un être est la seule explication avancée pour un interdit, par exemple, alors l'analyse du caractère divin ou non de la chose ou de l'être peut devenir conflictuelle. En fait, si les individus adultes se contentaient de qualifier et d'interpréter dans leur coin et pour eux-mêmes, il n'y aurait aucun problème particulier. Mais le fait est que les individus partagent leur qualification / interprétation et qu'il existe des pouvoirs fixant de règles et des interdits sur cette base. Non ?

Posté
Je suis tout à fait d'accord avec la remarque nietzschéenne : "il n'y a pas de faits, il n'y a que des interprétations".

Donc tout est relatif…

Posté
(…)

Je ne vois pas à quelles limites arbitraires tu fais allusion.

Les limites que posent la foi concernent surtout la conduite du croyant, ce sont des limites morales. Ces limites correspondent à la formation d'une éthique susceptible d'être appliquée dans tous les domaines de la vie.

Nous sommes d'accord dans une situation idéale (cf. plus haut), mais je raisonne plutôt sur des situations concrètes. Par exemple, en Angleterre comme en France, un certain nombre de représentants souhaitent fixer dans la loi des limites à l'exploration scientifique en vertu de leur conviction religieuse et ils ne s'en cachent pas. Ce n'est pas seulement la conduite du croyant qui est impliquée, mais la conduite de tous les citoyens et la conduite des chercheurs, même s'ils ne sont pas croyants. Reconnais-tu que cela pose un problème, où le situes-tu (dans l'existence de la croyance ou dans celle de l'Etat) et donc comment le résous-tu ?

Posté
Donc tout est relatif…

Ah, j'y songeais en le rédigeant. Je suis d'accord avec l'esprit de la célèbre phrase de Nietzsche, mais j'en amenderais la lettre, qqch comme "il existe des faits mais l'homme vit essentiellement de et par leur interprétation".

Sinon, les exemple cités par POE sont en effet à mes yeux des exemples de relativisme ou de pluralisme, c'est-à-dire que deux personnes ne disent pas la même chose d'une comète, n'en désuisent pas la même chose (au minimum pour eux, éventuellement pour les autres) et rien ne permet en dernier ressort de les départager selon un critère absolu de vérité (le croyant dira que la science est incapable de démontrer le caractère infondé de sa croyance, l'incroyant dira que la croyance n'a de toute façon aucun sens, etc.).

On constate que cette pluralité d'interprétation est la règle plutôt que l'exception dans les affaires humaines.

(Je crains une longue digression… le lit de Procuste aura définitivement débordé).

Posté

Pour rester dans la digression:

""si nous découvrons une théorie complète [de l'univers, alors] ce sera le triomphe ultime de la raison humaine, dès lors nous pourrions connaître la pensée de Dieu"
Stephen Hawking.

…et Dieu entrera dans le champ de la science (note personnelle de prolongation). Commentez.

Hawking confond, me semble-t-il, l'univers observable (connaissable), le champ des possibles, et la dimension de Dieu qu'il pose à l'intérieur de ce champ.

Posté
Pour rester dans la digression:

Stephen Hawking.

…et Dieu entrera dans le champ de la science (note personnelle de prolongation). Commentez.

Hawking confond, me semble-t-il, l'univers observable (connaissable), le champ des possibles, et la dimension de Dieu qu'il pose à l'intérieur de ce champ.

Ben pour moi, cela prouve que même un grand esprit comme Hawking peut dire des conneries :icon_up:

A mon avis, c'est une métaphore facile n'engageant pas à grand chose. Quand bien même nous aurions une théorie de l'univers, il sera sans doute possible* de régresser à la cause antérieure (mais cela dépend de la théorie concernée) ou de déplacer la question (pourquoi cet univers et non rien). Comme vous le dites, la science raisonne sur ou à partir de l'observable, il me semble toujours possible de stipuler que nous n'observons qu'une partie de ce qui est. Mais bon, l'astrophysique et la cosmologie ne me sont pas familières, SH a peut-être (sans doute) des explications plus complètes qu'une formule à l'emporte-pièces.

(*) Possible mais non nécessaire, c'est surtout là que je vois la frontière, et une frontière… dans le cerveau humain. On a besoin ou non de trouver un sens au réel excédant le réel lui-même tel qu'il se laisse appréhender par la sensibilité et la raison. Tous n'ont pas le même besoin de ce point de vue, à ce qu'il semble.

Posté

C'est une façon de penser (celle d'Hawking) qu'il n'est pas rare de trouver chez les cosmologistes et les astrophysiciens. La synthèse ultime de la physique est pressentie comme proche, notamment au CERN, et sur la base des diverse théories des cordes ou super-cordes.

EDIT: la question de la causalité ultime est évacuée, dit-on, par la science, dans la mesure où la mécanique quantique montre qu'elle (la causalité) disparaît à son échelle (l'infiniment petit) dans l'aléatoire: il peut ne pas y avoir d'univers ou bien une infinité sans que l'on puisse le déterminer. Dès lors, il n'y a pas d'origine centrale, pas de cause ultime, pas de Dieu créateur nécessaire. (qu'on me dise si je travestis la théorie).

Posté
Nous sommes d'accord dans une situation idéale (cf. plus haut), mais je raisonne plutôt sur des situations concrètes. Par exemple, en Angleterre comme en France, un certain nombre de représentants souhaitent fixer dans la loi des limites à l'exploration scientifique en vertu de leur conviction religieuse et ils ne s'en cachent pas. Ce n'est pas seulement la conduite du croyant qui est impliquée, mais la conduite de tous les citoyens et la conduite des chercheurs, même s'ils ne sont pas croyants. Reconnais-tu que cela pose un problème, où le situes-tu (dans l'existence de la croyance ou dans celle de l'Etat) et donc comment le résous-tu ?

Le problème est différent : c'est celui de l'éthique appliqué à la recherche scientifique, non pas comme tu le disais initialement celui de limiter l'usage de la raison. Dans ce domaine, et quelque soit les croyances des uns et des autres, il semble que les questions ne soient pas tranchées, mais les débats sont trop spécifiques à mon sens pour être abordés de manière généraliste sans entrer dans les détails.

PS : L'exemple de l'interprétation du mouvement de la comète n'est pas nécessairement le fait de deux personnes différentes. Il faut bien comprendre que les deux interprétations ne s'opposent pas, elles peuvent cohabiter à l'intérieur de la même personne car elles ne concernent pas le même ordre de choses. C'est bien dans ce sens que j'affirme que les croyances ne s'opposent pas à la science : les deux n'appartiennent pas au même ordre.

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×
×
  • Créer...