Ronnie Hayek Posté 27 mai 2008 Signaler Posté 27 mai 2008 1. Comment peux-tu qualifier d'objective une construction dont tu reconnais qu'elle est une valorisation (en cela subjective, comme toute valorisation) : "ce qui est le mieux", "valorisant", "positifs", etc. ? Cela n'a rien de contradictoire : votre relativisme n'accepte pas l'idée que certaines valeurs puissent être objectives, tout simplement. Le monde objectif n'est pas axiologiquement neutre. Ceci dit, je conçois que cela paraisse incompréhensible à l'heure actuelle.
CMuller Posté 27 mai 2008 Signaler Posté 27 mai 2008 C'est refaire le même raisonnement sans tenir compte des objections que l'on écarte en les qualifiant de secondaires. Et vice-versa : vous reposez la même chose. La compassion n'est pas l'empathie pour les raisons que je donnais (affective pour l'une, imaginative pour l'autre). Il n'y a pas d'études scientifiques sur la compassion, seulement de la littérature romanesque et religieuse, parce qu'on peut très bien décrire les mécanismes de l'émotion mais pas ce qui en est à l'origine, ce qui en est la raison. Au contraire de l'empathie qui, du fait qu'il s'agit d'une faculté, peut être ramenée à un organe le produisant. Nous en avions parlé : la science n'a rien à me dire sur le monde vécu d'un dépressif donné, elle peut en revanche me dire des choses sur la dépression. La position inverse, c'est un nominalisme pur : il n'existe que du singulier et du particulier, je ne puis rien dire au-delà, toute proposition de classe, de catégorie, etc est irrecevable même si elle est fondée sur l'observation de régularités dans les événements particuliers, etc. Sinon, je ne comprends pas clairement votre distinction affective/imaginative. Pouvez-vous préciser ce qui est exclusif dans la compassion et dans l'empathie (permettant de distinguer les deux concepts par rapport à la réalité) et me dire sur quels éléments objectifs vous fondez cette exclusivité (afin d'être convaincu en raison au lieu de vous croire sur parole) ? Cela n'a rien de contradictoire : votre relativisme n'accepte pas l'idée que certaines valeurs puissent être objectives, tout simplement. Le monde objectif n'est pas axiologiquement neutre. Ceci dit, je conçois que cela paraisse incompréhensible à l'heure actuelle. En effet, je ne comprends pas. Les valeurs me semblent objectives au sens où le processus de valorisation est une propriété objective du cerveau humain. Mais à partir du moment où deux êtres valorisent objectivement en sens contraire une même réalité, je ne vois pas ce qui me permet de décréter qu'une valorisation est naturellement meilleure que l'autre. Je vois en revanche très bien ce qui me permet de dire qu'elle est majoritaire, qu'elle a des conséquences provoquant plus de plaisir que de souffrance, qu'elle est moins contradictoire avec d'autres valorisations, etc. Mais ces justifications morales ne sont justement pas naturalistes. Il faut que j'ajoute un certain nombre de principes (au choix, le principe de majorité, d'utilité, de non-contradiction, etc.) qui sont des constructions intellectuelles et, dernier ressort, offrent des choix arbitraires parmi différentes constructions intellectuelles possibles.
Ronnie Hayek Posté 27 mai 2008 Signaler Posté 27 mai 2008 Mais à partir du moment où deux êtres valorisent objectivement en sens contraire une même réalité, je ne vois pas ce qui me permet de décréter qu'une valorisation est naturellement meilleure que l'autre. Je vois en revanche très bien ce qui me permet de dire qu'elle est majoritaire, qu'elle a des conséquences provoquant plus de plaisir que de souffrance, qu'elle est moins contradictoire avec d'autres valorisations, etc. Mais ces justifications morales ne sont justement pas naturalistes. Il faut que j'ajoute un certain nombre de principes (au choix, le principe de majorité, d'utilité, de non-contradiction, etc.) qui sont des constructions intellectuelles et, dernier ressort, offrent des choix arbitraires parmi différentes constructions intellectuelles possibles. Il y a des jugements arbitraires, mais il faut bien une base morale objective pour les considérer comme tels.
CMuller Posté 27 mai 2008 Signaler Posté 27 mai 2008 Il y a des jugements arbitraires, mais il faut bien une base morale objective pour les considérer comme tels. J'entendais arbitraire au sens d'une impossibilité de démontrer en raison que le choix de tel principe est meilleur que le choix de tel autre. En gros une axiomatique. Tout le monde est d'accord pour dire que l'homme distingue des comportements bons et mauvais. Tout le monde est aussi d'accord pour reconnaître que l'attribution de qualitifcatifs bons ou mauvais a pu varier dans l'histoire humaine. Ce qu'il faut expliquer, si l'on n'est pas pluraliste ou relativiste, c'est pourquoi il existe ou il pourrait exister une qualification de bon et de mauvais valable pour tous les hommes, en tous temps, en tous lieux et en toutes circonstances. Et expliquer aussi ce que l'on met dans cette qualification, bien sûr, car on parle d'éthique et pas de logique pure, il faut donc défendre l'universalité / éternité de certains principes éthiques spécifiés. La solution la plus simple et la plus cohérente est assurément d'être croyant, et plus précisément croyant dans une foi à prétention universelle et à contenu moral. Je pense que cette simplicité et cette cohérence expliquent en partie le succès historique des monothéismes, qui apportent une réponse "tout en un" si je puis dire (la justification + la morale justifiée). Mais quand on n'est pas croyant - plutôt rationaliste ou naturaliste, par exemple -, je ne trouve pas de justification satisfaisante. Raison pour laquelle j'en tiens plus volontiers au relativisme ou au pluralisme pour le moment. Si je suis gagné par la foi ou par une démonstration implacable, je changerai.
CMuller Posté 27 mai 2008 Signaler Posté 27 mai 2008 PS : et j'oubliais, expliquer enfin comment ce que l'on a posé comme universellement / naturellement bon ou juste est réalisable par les humains tels que nous les connaissons. C'est un point important, car de magnifiques édifices théoriques comme le kantisme ont à mon avis pour principal défaut d'être presque totalement étrangers à la manière dont l'humain se comporte. Or l'éthique, comme son nom l'indique, est avant tout d'une question pratique relevant du comportement humain, trouver un moyen de reconnaître les bonnes règles et de faire en sorte que ces bonnes règles soient obéies. Si le monde était peuplé de 6,5 milliards de clones de Kant, il y aurait une chance pour que le kantisme soit applicable… Enfin, c'est ainsi que je vois les choses.
POE Posté 27 mai 2008 Signaler Posté 27 mai 2008 Si vous observez qu'une variation biologique (par exemple, les versions différentes d'un même gène ou le développement différent d'une certaine aire cérébrale) fait varier un trait phénotypique (exprimé, mesuré), cela signifie que ce trait possède une base biologique. Il y a là un saut de la corrélation à la causalité. Avant de conclure qu'une variation biologique fait varier un trait phénotypique donné, il faut avoir élucidé le mécanisme biologique qui relie de façon formelle ce paramètre biologique et le trait phénotypique en question.
CMuller Posté 27 mai 2008 Signaler Posté 27 mai 2008 Il y a là un saut de la corrélation à la causalité. Avant de conclure qu'une variation biologique fait varier un trait phénotypique donné, il faut avoir élucidé le mécanisme biologique qui relie de façon formelle ce paramètre biologique et le trait phénotypique en question. Pas dans ma rédaction, non : je dis que si un élément biologique fait varier un trait, ce trait possède une base biologique dans l'élément en question. Cela suppose comme vous le dites que le lien de cause à effet ait été établi auparavant, au-delà de la corrélation. En général, on repère d'abord la corrélation. Ensuite, on analyse le mécanisme causal. Par exemple, tel version d'un gène (ApoE 4,4) en plus grande fréquence chez les Alzheimer (phase I), tel produit moléculaire de ce gène expliquant la plus grande susceptibilité des neurones au dépôt amyloïde ou à la dégénérescence neurofibrillaire (phase II). A quoi s'ajoute l'étude des conditions d'expression du gène, si l'on observe que le même gène n'a pas exactement le même produit chez les individus, soit parce que son expression est liée à celle d'autres gènes, soit parce que le milieu cellulaire modifie l'expression, par méthylation, phosphorylation, etc. (phase III). Cela dit, en neurosciences, il existe aussi beaucoup de travaux faisant appel à la pathologie, mais par une démarche top-down : si l'on s'aperçoit qu'une catégorie de malades est incapable d'exprimer un trait normal en raison d'une lésion spécifique, cela met directement sur la voie des régions d'intérêt (pour ce trait). On vérifie ensuite que la région en question est bien impliquée dans le trait chez les sujets normaux, par des observations et tests ad hoc. On étudie enfin les cellules, peptides et gènes de cette région, soit par des modèles animaux, soit par des cultures in vitro, pour faire un modèle normal et pathologique de l'expression du trait. Tout cela est évidemment très lent et complexe. Et comme la plupart des budgets sont consacrés à la pathologie, il faudra patienter un certain temps pour avoir des approches unifiées sur les bases biologiques des grandes fonctions cérébrales (perception, sensorimotricité, émotions, motivation, cognition, etc.). Encore plus de temps pour intégrer cela dans une vision plus large analysant les interactions avec le milieu au cours du développement.
free jazz Posté 27 mai 2008 Signaler Posté 27 mai 2008 En effet, la nature dont nous parlons n'est pas une somme de propriétés strictement identiques, mais au contraire un assemblage de traits variables, et cela dès le substrat biologique (que l'on parle de la personnalité, des émotions ou de la cognition). De surcroît, comme vous le signalez, les expériences vécues font varier l'expression du substrat en question. Dès lors que vous admettez ce pluralisme et cette variabilité, il est faux d'opposer le concept d'évolution à celui de nature humaine. Opposition qui est une prémisse de votre argumentation relativiste depuis le début du fil. Qu'il n'existe pas de critère apriori pour connaître cette nature avec certitude est un autre problème.
CMuller Posté 27 mai 2008 Signaler Posté 27 mai 2008 Dès lors que vous admettez ce pluralisme et cette variabilité, il est faux d'opposer le concept d'évolution à celui de nature humaine. Opposition qui est une prémisse de votre argumentation relativiste depuis le début du fil. Qu'il n'existe pas de critère apriori pour connaître cette nature avec certitude est un autre problème. Je ne saisis pas bien votre argument. Je n'oppose pas spécialement l'évolution et la nature humaine, puisque je considère la seconde comme la résultante de la première. Ce que je mets en question, c'est en vrac (il y a sans doute des redondances) : - un choix partiel de certains traits au détriment d'autres comme représentatifs de la nature humaine, - l'introduction dans la nature de tendances ou préférences issues en réalité de la culture (d'une certaine culture), - la difficulté à reconnaître la diversité interne de l'humanité en présumant des capacités, penchants ou besoins identiques chez tous les humains, - la difficulté à admettre que les règles d'un groupe dépendent en partie de facteurs contingents (sa population, sa géographie, son histoire, son éducation, ses moyens de communication, son économie, ses croyances, etc. bref de son environnement adaptatif externe et interne), - la tendance à raisonner dans l'abstrait et de manière purement déductive, alors que l'on parle de choses éminemment concrètes, sur lesquelles on dispose d'un abondant matériau d'observation et de réflexion : les humains, comment ils se comportent réellement, comment ils forgent des raisonnements moraux, quels désirs et valeurs ils manifestent dans l'existence, quelles règles ils se donnent, quels conflits persistent entre ces désirs, valeurs et règles, etc. Pour l'instant, et en dehors du cas particulier où plan naturel et plan divin sont confondus chez certains (alors cohérents, mais bien en peine de convaincre ceux qui ne croient pas dans le plan divin), je perçois l'invocation de la loi naturelle et du droit naturel comme des utilisations inappropriées du mot "naturel", car à un moment ou à un autre du raisonnement, on sort de la simple naturalité pour opérer des choix n'ayant eux-mêmes pas de justification naturelle (au sens où ces choix ne sont ni plus ni moins naturels que d'autres, ce sont des valorisations arbitraires du locuteur qui décrit en fait son idéal d'humanité et de société, idéal qu'il essaie de faire passer pour naturel afin de le parer de l'objectivité et de l'universalité).
LeSanton Posté 28 mai 2008 Signaler Posté 28 mai 2008 Et vice-versa : vous reposez la même chose. => Il n'y a pas d'études scientifiques sur la compassion, seulement de la littérature romanesque et religieuse, parce qu'on peut très bien décrire les mécanismes de l'émotion mais pas ce qui en est à l'origine, ce qui en est la raison. Au contraire de l'empathie qui, du fait qu'il s'agit d'une faculté, peut être ramenée à un organe le produisant. Nous en avions parlé : la science n'a rien à me dire sur le monde vécu d'un dépressif donné, elle peut en revanche me dire des choses sur la dépression. La position inverse, c'est un nominalisme pur : il n'existe que du singulier et du particulier, je ne puis rien dire au-delà, toute proposition de classe, de catégorie, etc est irrecevable même si elle est fondée sur l'observation de régularités dans les événements particuliers, etc. La science n'a rien à vous dire sur la compassion parce que ce n'est pas objet de science. En déduire que cela n'existe pas ou ne présente de ce fait aucune importance est une attitude scientiste, c.a.d non scientifiquement correct. Tout n'est pas objet scientifique. Sinon, je ne comprends pas clairement votre distinction affective/imaginative. Pouvez-vous préciser ce qui est exclusif dans la compassion et dans l'empathie (permettant de distinguer les deux concepts par rapport à la réalité) et me dire sur quels éléments objectifs vous fondez cette exclusivité (afin d'être convaincu en raison au lieu de vous croire sur parole) ? Je vous ai déja expliqué que la compassion est du domaine de l'affectif et l'empathie une capacité cognitive. L'une ne peut être décrite et analysée que de manière littéraire, esthétique, parce qu'elle est de cette nature. Je ne sais rien de la compassion tant que je ne l'ai pas éprouvé, comme l'amour, de sorte qu'il n'y a pas parce qu'il ne peut y avoir d'étude scientifique sur cet "objet". L'autre est une habileté cognitive humaine et en tant que telle peut être étudiée du point de vue des sciences du comportement. Si l'on tient absolument à tout ramener à la science, alors disons avec Freud, qui n'a jamais pu en dire plus malgré son génie, que la compassion ressort du "ça" et qu'on ne peut qu'analyser ses relations, la mettre en rapport, pas l'analyser.
José Posté 28 mai 2008 Signaler Posté 28 mai 2008 Comment peux-tu qualifier d'objective une construction dont tu reconnais qu'elle est une valorisation (en cela subjective, comme toute valorisation) : "ce qui est le mieux", "valorisant", "positifs", etc. ? Ce qui est objectif, c’est la nature humaine connaissable par notre raison. Les valorisations se déduisent de cette connaissance. Ainsi, notre connaissance objective de la nature humaine nous apprend que la chute du corps humain d’une hauteur de plus de 10.000 pieds sans parachute est néfaste pour son intégrité physique. On peut donc parfaitement déterminer, à la lumière de la Loi naturelle, comme négatif l’acte de l’homme qui agirait ainsi. De même manière, on peut, objectivement, valoriser de manière négative et qualifier éthiquement de mauvaise une société humaine où tous seraient d’impitoyables prédateurs effrénés les uns envers les autres, car cette attitude conduirait immanquablement à la disparition de ladite société. Comment peux-tu qualifier de "naturel" un trait humain alors que tu affirmes que la nature humaine est la liberté et que cette liberté peut aller à l'encontre de la loi naturelle ? Aucune contradiction. Celle-ci n’est apparente que dans ta mauvaise présentation des choses. La liberté est un caractère naturel de l’être humain dès lors que son comportement n’est pas, à l’instar des autres êtres vivants, entièrement déterminé par son programme génétique ou son instinct. L’homme est naturellement libre, ce qui fait qu’il peut agir à l’encontre de la Loi naturelle. Ce n’est donc pas la liberté qui va à l’encontre de la Loi naturelle, mais l’homme quand il fait un mauvais usage de sa liberté. Si tu me dis dès le départ : l'usage de la raison critique me semble préférable pour régler les rapports humains, je suis entièrement d'accord avec toi. Mais l'important est le mot "préférable" : c'est un jugement de valeur parmi d'autres, donc un combat historique et politique. Voir ma réponse plus ci-dessus : on peut parfaitement déterminer ce qui est préférable pour l’homme à partir d’une connaissance objective de la Loi naturelle.
CMuller Posté 28 mai 2008 Signaler Posté 28 mai 2008 Ce qui est objectif, c’est la nature humaine connaissable par notre raison. Les valorisations se déduisent de cette connaissance. Ainsi, notre connaissance objective de la nature humaine nous apprend que la chute du corps humain d’une hauteur de plus de 10.000 pieds sans parachute est néfaste pour son intégrité physique. On peut donc parfaitement déterminer, à la lumière de la Loi naturelle, comme négatif l’acte de l’homme qui agirait ainsi. Ce premier exemple relève de ce que j'appelle la trivialité. Inutile d'invoquer la nature vue par Dawkins ou Augustin pour enfoncer des portes ouvertes : aucune société n'a jamais enjoint ses membres de se projeter au sol sans parachute à 10 000 pieds d'altitude. En revanche, bon nombre de sociétés ont cherché à convaincre les individus que le sacrifice de leur vie est une bonne chose dans certaines conditions (ou du moins qu'il faut commettre des actes augmentant fortement la probabilité de perdre sa vie, comme la guerre, la croisade, la révolution, les rites de passage, etc.). Comme ces sociétés étaient aussi humaines que la nôtre, et que certaines d'entre elles vivent encore aujourd'hui dans des conditions proches du paléolithique, avec une remarquable stabilité, cela indique que la loi naturelle n'est pas très bien calibrée pour aider les humains à qualifier systématiquement de positif ou de négatif les mêmes comportements ou croyances. Si la loi naturelle est l'étude objective du comportement humain, je ne comprends pas bien pourquoi tu préfères des exemples imaginaires (comme Rothbard de son côté avec son île et Robinson) à des observations concrètes de l'homme en situation. Tu ne sembles pas, comme d'autres ici, considérer que les sciences de l'homme (au sens large) ne nous apprennent rien de décisif sur leur objet : dans ce cas, la démarche la plus objective consiste à examiner ce que nous disent ces sciences (et aussi à examiner les études historiques et ethnographiques). De même manière, on peut, objectivement, valoriser de manière négative et qualifier éthiquement de mauvaise une société humaine où tous seraient d’impitoyables prédateurs effrénés les uns envers les autres, car cette attitude conduirait immanquablement à la disparition de ladite société. Comme tu l'exposais, ta démarche commence par l'examen (neutre) du comportement humain (ce que tu appelles la loi naturelle). Cet examen te révèle-t-il l'existence de sociétés composées d'impitoyables prédateurs effrénés ? Non, pas à ma connaissance, et précisément en raison de la nature humaine (sociale et altruiste) rendant une telle hypothèse non concevable. (C'est d'ailleurs et entre parenthèses ce qui rend inaudibles à mes oreiles toutes les jérémiades de certains intellectuels contemporains se plaignant de la supposée "dissolution du lien social", alors que certains types de liens sociaux disparaissent et que d'autres émergent, en raison précisément de la nature sociale de l'homme, c'est-à-dire de la tendance spontanée des humains à nouer toutes sortes de liens avec leurs semblables.) En poussant plus loin, on observe dans les sociétés humaines des tensions entre l'individu et le groupe (pour l'aspect social) et des tensions entre la compétition et la coopération (pour l'aspect altruiste). On peut donc sur la base de ces tensions émettre un certain nombre de jugements : insister sur l'importance de la liberté individuelle ou celle de la cohésion de groupe, insister sur les vertus de la compétition ou celles de la coopération, etc. De fait, on observe tout un spectre idéologique, philosophique, éthique, religieux ou ce que tu veux autour de ces questions. Je considère qu'il n'est pas possible de trancher au sein de ce spectre au nom de la seule nature humaine, car la diversité même de ce spectre reflète la diversité de la condition humaine. Je suis moi-même individualiste, rationaliste, anticonformiste et "compétiteur" de tempérament, je me dirige donc vers des visions du monde qui reflètent cette dimension chez l'homme ou du moins qui tendent à en libérer / légitimer l'expression. Mais il ne me viendrait pas à l'idée de penser que ma nature est la nature humaine : je vois très bien autour de moi des individus ayant des penchants opposés, et défendant en toute logique des visions du monde opposées à la mienne. Ce n'est pas sur ma nature ou celle de mes voisins que je pourrai trancher le conflit potentiel nous opposant : je me réfère à d'autres critères, par exemple les conséquences observables des systèmes dans l'histoire et l'argumentation en faveur des conséquences qui me semblent préférables par le plus grand nombre (mais pas par tous, car il y aura toujours des minorités n'ayant pas les mêmes préférences que les majorités). Cette démarche n'est plus naturaliste et elle accepte l'idée qu'il y aura toujours des conflits entre les hommes au sujet de ce qui est désirable. Aucune contradiction. Celle-ci n’est apparente que dans ta mauvaise présentation des choses. La liberté est un caractère naturel de l’être humain dès lors que son comportement n’est pas, à l’instar des autres êtres vivants, entièrement déterminé par son programme génétique ou son instinct. L’homme est naturellement libre, ce qui fait qu’il peut agir à l’encontre de la Loi naturelle. Ce n’est donc pas la liberté qui va à l’encontre de la Loi naturelle, mais l’homme quand il fait un mauvais usage de sa liberté. Cela dépend ce que tu appelles liberté. Si l'homme est libre par nature, il est aussi libre par nature de qualifier ce qu'il veut de bon ou de mauvais, de bien et de mal. S'il existe une conception du bon/mauvais ou bien/mal indiscutable, préalable et s'imposant à sa volonté, alors l'homme n'est pas libre sur ce plan-là. Je crois comprendre que le jusnaturalisme d'inspiration religieuse s'accomode très bien de cette absence de liberté en dernier ressort. En est-il de même pour le jusnaturalisme d'inspiration rationnelle ? Et si oui, qui et sur quelle base va décréter le bon/mauvais par nature (au moins, la réponse Dieu est claire et sans appel) ? EDIT : sur cette dernière question, ne me dis pas "la raison" sans plus de précision. Car l'examen des produits de la raison humaine me montre justement qu'il y a désaccord persistant sur les fondements, limites, règles et contours de l'éthique, de la méta-éthique et de l'éthique appliquée. Le volumineux (et bien conçu) Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale des PUF, dont je fais volontiers mon livre de chevet les nuits insomniaques, me résume deux millénaires de querelles entre gens éminemment rationnels. J'observe que la raison dans son exercice le plus rigoureux (les philosophes, les scientifiques) ne parvient pas à s'accorder, les derniers siècles étant plus divergents encore que les périodes précédentes. Et bien sûr, je ne commets pas l'erreur de confondre les philosophes ou chercheurs avec l'ensemble de l'humanité (ou avec le seul usage légitime de la rationalité), j'accorde donc autant d'importance à l'expérience éthique des sociétés humaines n'ayant développé ni philosophie ni science.
CMuller Posté 28 mai 2008 Signaler Posté 28 mai 2008 (…)Je vous ai déja expliqué que la compassion est du domaine de l'affectif et l'empathie une capacité cognitive. L'une ne peut être décrite et analysée que de manière littéraire, esthétique, parce qu'elle est de cette nature. Je ne sais rien de la compassion tant que je ne l'ai pas éprouvé, comme l'amour, de sorte qu'il n'y a pas parce qu'il ne peut y avoir d'étude scientifique sur cet "objet". L'autre est une habileté cognitive humaine et en tant que telle peut être étudiée du point de vue des sciences du comportement. Si l'on tient absolument à tout ramener à la science, alors disons avec Freud, qui n'a jamais pu en dire plus malgré son génie, que la compassion ressort du "ça" et qu'on ne peut qu'analyser ses relations, la mettre en rapport, pas l'analyser. Votre opposition affectif / cognitif ne tient pas au départ, pas plus que la division subséquente entre ce qui est littéraire/religieux ou scientifique par nature. Les émotions primaires (colère, peur, etc.) sont du domaine de l'affectif, elles sont abondamment étudiées chez l'animal et l'homme par la science. Cela n'empêche pas la littérature de les faire ressentir, évidemment, mais ce n'est pas le même type de production intellectuelle pour le même type d'usage. Sur la signification des deux mots en sens commun (en dernier ressort, nous pouvons chacun donner un sens précis différent du sens commun, mais cela va clore la discussion), j'obtiens ceci chez Larousse. On retrouve mentionné l'usage plutôt littéraire du mot compassion. Mais la définition est : sentiment de pitié. Soit vous pensez qu'aucun sentiment n'est accessible à la science (en partie objectivable, donc), soit vous pensez qu'ils le sont et que la pitié ne diffère pas des autres sentiments. Pour ma part, je ne vois pas d'obstacle de principe à une étude biologique et psychologique du sentiment de pitié chez l'homme. Lequel serait quelque chose comme une rencontre entre l'empathie (faculté de ressentir) et la prosocialité (motivation vers autrui) dans un certain type de situation (souffrance, détresse). compassion nom féminin (latin ecclésiastique compassio, -onis, de compati, souffrir avec) Littéraire. Sentiment de pitié qui nous rend sensible aux malheurs d'autrui ; pitié, commisération. empathie nom féminin (calque de l'allemand Einfühlung) Faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent.
LeSanton Posté 28 mai 2008 Signaler Posté 28 mai 2008 Votre opposition affectif / cognitif ne tient pas au départ, pas plus que la division subséquente entre ce qui est littéraire/religieux ou scientifique par nature. Les émotions primaires (colère, peur, etc.) sont du domaine de l'affectif, elles sont abondamment étudiées chez l'animal et l'homme par la science. Cela n'empêche pas la littérature de les faire ressentir, évidemment, mais ce n'est pas le même type de production intellectuelle pour le même type d'usage. Ce que la science étudie ce sont les manifestations des sentiments, pas le sentiment lui-même. Sur la signification des deux mots en sens commun (en dernier ressort, nous pouvons chacun donner un sens précis différent du sens commun, mais cela va clore la discussion), j'obtiens ceci chez Larousse. On retrouve mentionné l'usage plutôt littéraire du mot compassion. Mais la définition est : sentiment de pitié. Soit vous pensez qu'aucun sentiment n'est accessible à la science (en partie objectivable, donc), soit vous pensez qu'ils le sont et que la pitié ne diffère pas des autres sentiments. Pour ma part, je ne vois pas d'obstacle de principe à une étude biologique et psychologique du sentiment de pitié chez l'homme. Lequel serait quelque chose comme une rencontre entre l'empathie (faculté de ressentir) et la prosocialité (motivation vers autrui) dans un certain type de situation (souffrance, détresse). compassion nom féminin (latin ecclésiastique compassio, -onis, de compati, souffrir avec) Littéraire. Sentiment de pitié qui nous rend sensible aux malheurs d'autrui ; pitié, commisération. empathie nom féminin (calque de l'allemand Einfühlung) Faculté intuitive de se mettre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'il ressent. Vous avez noté que l'un ressort de la littérature et l'autre d'une performance. Et aussi que l'un est le "sentiment de" et l'autre la "faculté de". On peut très bien éprouver de la compassion sans se mettre à la place de: c'est l'autre que l'on regarde alors, d'un regard extérieur. Quand je fais preuve d'empathie, je fais l'effort de me mettre à sa place, dans son intérieur, de comprendre sa situation, sans avoir besoin de ressentir son malheur, et c'est ce comportement que la science examine.
CMuller Posté 28 mai 2008 Signaler Posté 28 mai 2008 Ce que la science étudie ce sont les manifestations des sentiments, pas le sentiment lui-même.(…) Je ne le pense pas, justement. Pour moi, un sentiment se confond avec l'état d'esprit produit par ses causes matérielles internes et externes. Dire "j'ai peur" et dire "à la vue de cette araignée, mon complexe amygdalien déclenche une série de productions chimiques se traduisant par un stress immédiat et une attention soutenue", cela revient au même. On peut décrire / modéliser un état psychologique en vidant la description / modélisation de toute référence psychologique (là, je n'ai pas le temps, mais les mots "stress" et "attention" ci-dessus peuvent eux-mêmes être décrits de manière physique). Et c'est la condition pour produire un énoncé vérifiable (ie la condition pour que la psychologie soit une science). Du moins est-ce la position matérialiste "forte" (de Hempel à Churchland), que je partage. La philosophie de l'esprit est pleine de débats autour de cela, donc je ne prétends pas que cette position détient le fin mot de l'affaire. Et… j'aime beaucoup la littérature, je passe des nuits à dévorer des polars sans m'interroger sur les bases neuronales du suspens
Ash Posté 28 mai 2008 Signaler Posté 28 mai 2008 On arrête pas le progrès ! Judge gives girl, 12, go-ahead to change sexBy Nick Squires in Sydney Last Updated: 12:22AM BST 26/05/2008 A judge has provoked controversy in Australia by ruling that a 12-year-old girl could begin the first phase of a sex change. The unnamed girl has begun hormone treatment to block puberty after a judge accepted an application from her mother for her to begin to reassign her gender. A family court judgment said it was important to act quickly to prevent the onset of puberty as the girl dreaded the prospect of menstruation and developing breasts, and had threatened self-harm. It was reported yesterday that during a hearing in December, the court heard that the girl from Victoria had thought of herself as a boy since the age of four. Several medical experts, including a psychiatrist, backed her application for a sex change. http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/…change-sex.html
CMuller Posté 28 mai 2008 Signaler Posté 28 mai 2008 On arrête pas le progrès !http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/…change-sex.html Peut-être devriez-vous le mettre en débat autonome en Science /technologie, c'est intéressant.
Ash Posté 28 mai 2008 Signaler Posté 28 mai 2008 Tout ça ce sont les mêmes débats pour moi, mais libre au modo qui passe par là de le faire.
CMuller Posté 28 mai 2008 Signaler Posté 28 mai 2008 Tout ça ce sont les mêmes débats pour moi, mais libre au modo qui passe par là de le faire. A un certain de degré de généralité, nous débattons toujours de la même chose, et le lit de Procuste a tellement débordé… Là, c'est quand même assez particulier, et intéressant en raison des paramètres impliqués (le changement de sexe, l'âge de l'enfant, etc.). Mais bon, c'était une simple suggestion.
LeSanton Posté 29 mai 2008 Signaler Posté 29 mai 2008 Je ne le pense pas, justement. Pour moi, un sentiment se confond avec l'état d'esprit produit par ses causes matérielles internes et externes. Dire "j'ai peur" et dire "à la vue de cette araignée, mon complexe amygdalien déclenche une série de productions chimiques se traduisant par un stress immédiat et une attention soutenue", cela revient au même. On peut décrire / modéliser un état psychologique en vidant la description / modélisation de toute référence psychologique (là, je n'ai pas le temps, mais les mots "stress" et "attention" ci-dessus peuvent eux-mêmes être décrits de manière physique). Et c'est la condition pour produire un énoncé vérifiable (ie la condition pour que la psychologie soit une science). C'est bien ce que je dis, on est donc d'accord: la science ne peut étudier que les maifestations (stress…) des sentiments, par définition. Mais elle ne peut pas affirmer ni infirmer "qu'il n'y a que ça".
CMuller Posté 29 mai 2008 Signaler Posté 29 mai 2008 C'est bien ce que je dis, on est donc d'accord: la science ne peut étudier que les maifestations (stress…) des sentiments, par définition. Mais elle ne peut pas affirmer ni infirmer "qu'il n'y a que ça". (…) La science ne peut jamais valider ou invalider des propositions qui ne s'y prêtent pas. Tout dépend donc du contenu de votre proposition : s'il est impossible à observer et vérifier, ou s'il ne permet aucune prédiction observable et vérifiable, la proposition survivra sans problème à la critique scientifique. Ensuite, il vaut mieux que l'énoncé ait un sens et une certaine valeur d'usage, du moins si l'idée est de partager la proposition avec vos semblables (ce qui n'est pas une obligation, bien sûr).
LeSanton Posté 29 mai 2008 Signaler Posté 29 mai 2008 C'est ce qu'on s'applique inlassablement à répéter depuis le début. Quant à la compassion, tout le monde comprend ce que cela recouvre, l'a ressenti, et comprend que ce n'est pas du domaine de la science. Une définition "compréhensible" et utilisée d'un mot n'est pas une définition ayant reçu l'agrément scientifique.
Bob Posté 29 mai 2008 Signaler Posté 29 mai 2008 … Quant à la compassion, tout le monde comprend ce que cela recouvre, l'a ressenti, et comprend que ce n'est pas du domaine de la science. Faux, moi je comprends pas. Ce qui me rassure c'est que je ne suis pas le seul : Une recherche sur la seule base de données PubMed donne 11 114 entrées avec "compassion" et 10 067 avec "empathy" comme mots clés. Mais naturellement, on peut toujours estimer que les milliers de sociologues, neurobiologistes, ou autres qui se sont un jour intéressés sous un angle scientifique à la compassion sont tous des charlatans. En français et dans un news magazine, une interview sur le sujet d'un certain Antonio Damasio (neurologue) : http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/…nts_489407.html Présentation de l'interview : Il y a quelque temps encore, on aurait crié à l'hérésie! Une biologie des sentiments? Il était admis que le cœur avait ses raisons à lui, très peu rationnelles, et que les sentiments devaient garder leur part de mystère, loin des préoccupations des scientifiques sérieux… Aujourd'hui, cette étroite pensée cartésienne a du plomb dans l'aile: les chercheurs n'hésitent plus à traquer la tristesse, la joie ou l'amour dans les méandres des cerveaux. Antonio Damasio, directeur du département de neurologie à l'université de l'Iowa, aux Etats-Unis (dernier ouvrage en date: Spinoza avait raison, aux éditions Odile Jacob), est l'un de ces chercheurs audacieux qui tentent de réconcilier le corps et l'esprit. Il l'explique ici: les sentiments sont, eux aussi, les résultats de l'évolution animale. Tenter de comprendre comment nos petits neurones produisent de si belles choses, ou de si vilaines, c'est s'interroger non seulement sur notre nature, mais également sur les fondements mêmes de la culture humaine
Ash Posté 29 mai 2008 Signaler Posté 29 mai 2008 Connaître chaque stimulation nerveuse du cerveau, ce n'est pas comprendre les sentiments.
LeSanton Posté 29 mai 2008 Signaler Posté 29 mai 2008 S'il l'affirme, et puisqu'il est reconnu comme scientifique, c'est donc vrai. Vous aurez remarqué le ton très laudateur de l'article qui, entre parenthèses, ne fournit aucune donnée des travaux mais s'applique à louanger de façon très suspect: "cette étroite pensée cartésienne ", "l'un de ces chercheurs audacieux ", et la fin est mirobolante, "c'est s'interroger non seulement sur notre nature, mais également sur les fondements mêmes de la culture humaine"! Ce n'est pas très sérieux, on ne dit pas que c'est faux parce que quelqu'un vous le dit, fût-il scientifique, surtout dans l'une de ces sciences humaines . "Spinoza avait raison" … Vous n'avez jamais éprouvé de la compassion, brusquement, sans réfléchir, simplement au contact d'une détresse? On peut éprouver de la compassion pour la situation d'une bête, mais ça reste difficile d'être capable d'empathie à son égard en se mettant à sa place, non? (bon, je sais, il y a des gens qui ne font plus qu'un avec leur animal de compagnie, mais c'est une illusion qu'ils ont) Ce que le sentiment déclenche est observable; ce que le neurone produit n'est pas le sentiment mais le mécanisme physique observable, etc'est le sentiment qui commande le neurone. On ne peut pas le démontrer mais pas non plus l'invalider.
CMuller Posté 30 mai 2008 Signaler Posté 30 mai 2008 C'est ce qu'on s'applique inlassablement à répéter depuis le début. Quant à la compassion, tout le monde comprend ce que cela recouvre, l'a ressenti, et comprend que ce n'est pas du domaine de la science. Une définition "compréhensible" et utilisée d'un mot n'est pas une définition ayant reçu l'agrément scientifique. Depuis le début, soit on se trompe inlassablement, soit on ne dit pas clairement les choses. Vous venez de formuler une proposition fausse : "Quant à la compassion, tout le monde comprend (…) que ce n'est pas du domaine de la science". La proposition : "la science ne peut pas étudier la foi" est elle aussi une proposition fausse, puisque la science étudie la foi aussi bien que la compassion. Votre proposition devrait être formulée ainsi : "la science s'égare quand elle étudie la compassion, car la compassion ne peut pas être un objet de science". Le problème : vous devez maintenant justifier votre proposition, et donc élaborer une théorie de la compassion montrant en quoi elle échappe par nature à la science (ou à une exploration de ses causes matérielles).
CMuller Posté 30 mai 2008 Signaler Posté 30 mai 2008 S'il l'affirme, et puisqu'il est reconnu comme scientifique, c'est donc vrai.Vous aurez remarqué le ton très laudateur de l'article qui, entre parenthèses, ne fournit aucune donnée des travaux mais s'applique à louanger de façon très suspect: "cette étroite pensée cartésienne ", "l'un de ces chercheurs audacieux ", et la fin est mirobolante, "c'est s'interroger non seulement sur notre nature, mais également sur les fondements mêmes de la culture humaine"! Ce n'est pas très sérieux, on ne dit pas que c'est faux parce que quelqu'un vous le dit, fût-il scientifique, surtout dans l'une de ces sciences humaines . "Spinoza avait raison" … Damasio a fait plusieurs livres de vulgarisation et surtout un gros paquet de publications scientifiques, articles ou directions d'ouvrages collectifs. Le mieux est de les lire et de les réfuter le cas échant. Bob soulignait simplement que des scientifiques reconnus comme tels étudient la compassion, donc que la proposition selon laquelle la science ne peut pas étudier la compassion est factuellement fausse. Qu'elle soit épistémologiquement vraie ou fausse, c'est un autre débat, mais il faut au minimum reformuler la proposition (cf. ci-dessus). Vous n'avez jamais éprouvé de la compassion, brusquement, sans réfléchir, simplement au contact d'une détresse? On peut éprouver de la compassion pour la situation d'une bête, mais ça reste difficile d'être capable d'empathie à son égard en se mettant à sa place, non? (bon, je sais, il y a des gens qui ne font plus qu'un avec leur animal de compagnie, mais c'est une illusion qu'ils ont) On ne pourra pas progresser par des témoignages introspectifs personnels. Si je vous dis : "allons donc, étudier scientifiquement le soleil, quelle folie, il suffit d'avoir vu un magnifique coucher de soleil sur une plage bretonne pour comprendre que la science ne mène à rien en ce domaine", je pense que vous aurez du mal à me suivre dans les implications de ma proposition (à savoir qu'il est inutile ou infondé de vouloir étudier le soleil par la science). Eh bien les sentiments ou émotions, c'est pareil : il ne suffit pas de dire ce que l'on en pense personnellement. Ce que le sentiment déclenche est observable; ce que le neurone produit n'est pas le sentiment mais le mécanisme physique observable, etc'est le sentiment qui commande le neurone. On ne peut pas le démontrer mais pas non plus l'invalider. Voilà des choses plus intéressantes. Votre idée que le sentiment commande le neurone est assez problématique. En effet, de nombreuses observations ont montré que la conscience d'un sentiment (permettant au sujet de dire "j'ai peur" par exemple) est précédée et non suivie de nombreuses activations neuronales non conscientes chez le sujet, activations qui ne sont pas aléatoires (mais se situent dans les aires cérébrales que la neurobiologie attribue à la formation de la peur, dans cet exemple). Cela vous oblige à mon sens à définir plus précisément un sentiment : s'il commande les neurones au lieu d'être simplement produit par eux, c'est qu'il se situe avant eux. Mais où au juste ? En quoi ce que le sens commun appelle "peur" est indépendant des / préalable aux neurones qui la produisent ?
CMuller Posté 30 mai 2008 Signaler Posté 30 mai 2008 Connaître chaque stimulation nerveuse du cerveau, ce n'est pas comprendre les sentiments. Connaître et comprendre ne sont pas tout à fait synonymes. On confond régulièrement deux choses dans cette discussion : savoir si la science a des choses à dire sur tel ou tel phénomène (un sentiment, une croyance) ; savoir si la science épuise à elle seule ce qu'il y a à dire sur le phénomène. Personne ne défend la seconde proposition, en tout cas pas moi : une description entièrement physique d'un phénomène psychologique est à mon avis possible, mais elle n'empêche personne de faire des descriptions différentes et de trouver du sens dans ces descriptions différentes. C'est surtout la première proposition qui pose éventuellement problème, puisqu'il semble difficile à certains d'admettre que la science peut faire des observations et des modélisations sur les causes matérielles à l'oeuvre dans les sentiments ou les croyances.
Ash Posté 30 mai 2008 Signaler Posté 30 mai 2008 Connaître et comprendre ne sont pas tout à fait synonymes. C'est bien ce que je souligne. On confond régulièrement deux choses dans cette discussion : savoir si la science a des choses à dire sur tel ou tel phénomène (un sentiment, une croyance) ; savoir si la science épuise à elle seule ce qu'il y a à dire sur le phénomène. Personne ne défend la seconde proposition, en tout cas pas moi : une description entièrement physique d'un phénomène psychologique est à mon avis possible, mais elle n'empêche personne de faire des descriptions différentes et de trouver du sens dans ces descriptions différentes. C'est surtout la première proposition qui pose éventuellement problème, puisqu'il semble difficile à certains d'admettre que la science peut faire des observations et des modélisations sur les causes matérielles à l'oeuvre dans les sentiments ou les croyances. Ca ne me pose pas de problèmes, du moment qu'on sait de quoi on parle. Va pour les sentiments, puisqu'en principe tout le monde en a, mais pour les "croyances" je reste dubitatif. A quoi se réfère-t-on exactement ?
LeSanton Posté 30 mai 2008 Signaler Posté 30 mai 2008 Depuis le début, soit on se trompe inlassablement, soit on ne dit pas clairement les choses.Vous venez de formuler une proposition fausse : "Quant à la compassion, tout le monde comprend (…) que ce n'est pas du domaine de la science". La proposition : "la science ne peut pas étudier la foi" est elle aussi une proposition fausse, puisque la science étudie la foi aussi bien que la compassion. La science n'étudie pas la foi mais le fait religieux et les religios en tant que systèmes constitués Votre proposition devrait être formulée ainsi : "la science s'égare quand elle étudie la compassion, car la compassion ne peut pas être un objet de science". Vous le rappeliez… Quant à la compassion, tout le monde comprend (…) que ce n'est pas du domaine de la science". Le problème : vous devez maintenant justifier votre proposition, et donc élaborer une théorie de la compassion montrant en quoi elle échappe par nature à la science (ou à une exploration de ses causes matérielles). Je ne vous comprend pas bien, vous admettez que la science ne prend pas en compte la compassion, mais vous en demandez une théorie qui le justifie… Il n'y a pas de "théorie" nécessaire à élaborer pour comprendre et admettre que la science ne saurait sérieusement prétendre que l'origine d'un sentiment n'est pas présent physiquement dans l'organe. Auriez-vous une théorie sur la présence physique de l'idée dans le cerveau, sur la présence physique du beau dans les glandes expliquant la création du plafond de la chapelle sixtine?
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