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Échecquologie


Legion

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Depuis quelques temps, je m'intéresse beaucoup aux échecs. À la pratique du jeu lui-même bien sûr, pour laquelle j'ai commencé à m'entraîner sérieusement, mais aussi à son histoire, son évolution, ses variantes historiques. Car, aussi étonnant que ça puisse paraître, les échecs que nous pratiquons aujourd'hui n'ont pas toujours eu les règles que nous connaissons.

Je vais donc présenter ici le résultat de mes recherches, assorti de quelques conclusions et théories personnelles.

Je traiterai des jeux suivants :

-Échecs "standards" (que j'appellerai simplement, par métonymie, "FIDE" dans ce document - pour "(échecs de la) Fédérations Internationale Des Échecs")

-Chaturanga (échecs d'Inde)

-Shatranj (échecs persans)

-Shenterej (échecs éthiopien)

-Makruk (échecs thaïs)

-Sittuyin (échecs birmans)

-Xiang Qi (échecs chinois)

-Shogi (échecs japonais)

Ceci est loin de représenter toutes les variantes nationales des échecs (et je parle même des variantes "mineures", qui se comptent aujourd'hui par centaines), mais ça va déjà donner un très bon aperçu de la variété des jeux existants.

Il y a plusieurs théories quant à l'origine des échecs, mais une des plus populaire soutient qu'ils auraient été inventés en Inde vers le 6ème siècle ou même avant, nous allons donc commencer par décrire le Chaturanga - il y a quelques incertitudes sur les règles qui étaient en vigueur à cette époque, mais on peut les reconstituer en grande partie.

À première vue, le jeu ne diffère pas beaucoup du notre, il se joue sur un plateau de 8x8 cases (non échiquetées, cependant), avec pour chaque joueurs 8 pions, 2 charriots (tours), 2 chevaux (cavaliers), 2 éléphants (fous), un Raja (roi) et un Conseiller (Dame).

Pions, tours, cavaliers et rois bougent comme en FIDE, mais les pions ne peuvent pas avancer de deux cases en premier déplacement (il n'y a donc pas non plus de prise en passant), il n'y a pas de roque. Dans certaines descriptions, il est indiqué que le roi peut, une fois par partie, faire un mouvement de cavalier s'il n'a pas été mis en échec auparavant. Le fou bouge d'exactement 2 cases en diagonale à chaque mouvement, en sautant par dessus une éventuelle pièce intermédiaire. La "dame" est une pièce faible, qui ne peut bouger que d'une case en diagonale par mouvement.

La promotion des pions est particulière : un pion est obligatoirement promu en une pièce du type que celle qui se trouvait au départ sur la case où il arrive, et seulement si le joueur à auparavant perdu une pièce de ce type (donc si blanc parvient à pousser un pion en a8, et qu'auparavant il a perdu une tour, ce pion est promu en tour).

Il y a trois façons de gagner :

-Mettre le roi adverse mat.

-Avoir son propre roi mis en pat (ce n'est pas un nul en Chaturanga).

-S'emparer de toutes les pièces adverses autres que le roi.

À noter que dans la disposition de départ, une symétrie circulaire est adoptée, les deux rois ne sont pas sur la même colonne, chaque joueur a son roi à sa droite.

Ce qu'on constate, quand on essaye de jouer à ce jeu, c'est que les mécanismes sont assez lent et que mater le roi adverse est assez difficile. Ma théorie, c'est que l'immense majorité des innovations qu'on va trouver dans les variantes ultérieures du jeu vont justement être destinées à combler ces lacunes d'origine, à rendre le jeu plus rapide (dans ses mécanismes) et donc à accentuer l'importance de la tactique et de la stratégie.

Voici les différents types d'innovations qu'on va pouvoir observer :

-Avancement de la rangée de pion (Makruk, Sittuyin, Xiang Qi, Shogi)

-Permettre aux pions de prendre comme ils bougent - en avançant - plutôt qu'en diagonale (Xiang Qi, Shogi)

-Augmentation des capacités de mouvement de certaines pièces (FIDE)

-Diminution des capacités de mouvement de certaines pièces (Xiang Qi, Shogi)

-Diminution du nombre de pions (Xiang Qi)

-Ajout de nouvelles pièces (Xiang Qi, Shogi)

-Règles spéciales de mouvement/déploiement destinées à accélérer l'ouverture du jeu (FIDE, Shatranj, Shenterej, Sittuyin)

-Règles spéciales concernant le mat, qui doit être réaliser en un nombre maximum de coups, qui varie en fonction des pièces restantes (Makruk, Sittuyin)

-Pièces immortelles, les pièces capturées peuvent être remise en jeu sous le contrôle de celui qui les as prises (Shogi)

-Zone de promotion plus vaste, ou de forme particulière (Xiang Qi, Makruk, Sittuyin, Shogi)

Parfois, ces innovations fonctionnent trop bien, et des règles ultérieures visent alors à en limiter les effets (FIDE, Xiang Qi)

D'autres points soumis à variation sont :

-Les dimensions du plateau et le type de symétrie utilisée dans la disposition des pièces (circulaire en Chaturanga, Makruk, Sittuyin et Shogi, axiale horizontale dans la plupart des autres variantes, mais double axiale horizontale et verticale en Xiang Qi).

-Les règles de promotions, même si la promotion obligatoire en dame est la règle la plus souvent rencontrée dans les différentes variantes.

-Différents traitement de la règle du pat (nul, victoire ou défaite selon les versions).

Bien, voyons donc maintenant les autres versions:

-Shatranj, échecs persans. Dérivés directement du Chaturanga, ils n'en diffèrent que peu. C'est cette version du jeu que les arabes nous apporteront lors de leur conquête de la péninsule ibérique, et qui évoluera donc vers nos échecs FIDE.

Les règles restent assez proche du Chaturanga, avec les modifications suivantes :

-Les pions sont toujours promus en dames.

-Un pat est une défaite pour le joueur en situation de pat.

-Si toutes les pièces à l'exception du roi sont capturés, c'est une victoire pour le joueur qui à l'avantage, *sauf* si, au coup qui suit immédiatement la dernière capture, le roi nu adverse peut capturer la dernière pièce de l'autre joueur, auquel cas la partie est nulle.

-Les pièces sont disposés comme en FIDE (les rois ne sont pas sur la même colone)

-Il existe une règle optionnelle de mise en place accélérée, le "tabiyat" : le joueur blanc a droit de faire 10 ou 12 mouvements d'affilé pour arranger ces pièces comme bon lui semble (mais en restant strictement dans sa moitié de l'échiquier), après quoi il en va de même pour le joueur noir, et la partie commence après ça.

-Shenterej, échecs éthiopiens.

Règles identiques au Shatranj, avec les différences suivantes :

-Un pat compte nul.

-Un pion est promu en n'importe quelle pièce que le joueur s'est fait prendre auparavant.

-Il y a également une règle de mise en place accélérée, mais très différentes du Shatranj, la "werera" : au début du jeu, les joueurs peuvent jouer simultanément, sans se soucier l'un de l'autre, aussi vite qu'ils le peuvent, pour mettre en position un maximum de pièces. Durant cette phase, il est possible de roquer sur l'aile-roi (mais pas sur l'aile-dame). Cette phase prend fin dès qu'une capture est effectuée, après quoi le jeu se déroule normalement.

-Makruk, échecs thaïs.

Règles proches du Shatranj, mais avec déjà un certain nombre de différences importantes :

-Le fou bouge d'une case en diagonal ou d'une case vers l'avant à chaque mouvement.

-Les rois sont placés à gauche du joueur (en symétrie circulaire).

-Les pions sur placés une rangée plus loin, sur la troisième et sixième rangée (respectivement pour blanc et noir).

-Les pions sont promus en dames lorsqu'ils atteignent la rangée des pions adverses (6ème rangée pour les blancs, 3ème pour les noirs)

-Un pat compte nul.

-Existence de règles complexes obligeant à mater en un certain nombre maximum de coups lorsqu'il n'y a plus de pions où qu'un joueur se retrouve en roi nu - le nombre de coups dépend du nombre et de la nature des pièces qui restent au joueur qui a l'avantage, avec pas mal de subtilités :

-Quand aucun des deux camps n'a plus de pion, le joueur en désavantage commence un compte à rebours de 64 mouvements - si au bout de ce nombre de mouvement il n'est pas mat, la partie est nulle. C'est le joueur en désavantage qui soit compter (explicitement). Mais ce compte à rebours s'arrête si le joueur en difficulté fait une capture. Il peut également décider d'arrêter de compter lui même - ce qui peut être utile, car si le joueur en difficulté mate l'adversaire alors que le compte à rebours est toujours actif, la partie est également nulle.

-Quand le roi est nu, un nouveau compte à rebours commence, avec les critères suivants :

On détermine d'abord un nombre de base, choisi selon un critère de priorité descendant (si la condition 1 est remplie, on retient le nombre, sinon, on vérifie la condition 2 et ainsi de suite) :

1) Pion non promu > 64 mouvements

2) 2 tours > 8 mouvements

3) 1 tour > 16 mouvements

4) 2 fous > 22 mouvements

5) 2 cavaliers > 32 mouvements

6) 1 fou > 44 mouvements

7) 1 cavalier > 64 mouvements

2) uniquement dame/pions promus > 64 mouvements

De ce nombre de base, on soustrait ensuite le nombre total de pièces sur le plateau, rois compris. Ainsi, si un joueur se retrouve avec 2 tours et 1 cavalier contre un roi nu, il n'a que 3 coups pour mater (2 tours > 8 coups, moins 5 pièces sur le plateau).

Si le joueur en avantage perd son dernier pion ou le promeut, le compte à rebours est repris à zéro.

S'il ne parvient pas à mater dans le nombre de coups impartis, la partie est nulle.

-Sittuyin, échecs birmans.

Là on commence à entrer dans des jeux visuellement assez atypiques, et une illustration s'impose.

Sittuyin_setup.png

(pas trouvé de photos)

Le mouvement des pièces est le même qu'en Makruk, mais la disposition est complètement différente. En faite, seuls les pions sont placés au début, ceux de l'aile-dame sur la troisième rangée, et ceux de l'aile-roi sur la quatrième rangée, et inversement en suivant une symétrie circulaire pour le joueur noir. Après quoi, le joueur blanc déploie librement l'ensemble de ses pièces de son côté selon la disposition de son choix. Puis le joueur noir peut faire de même (mais le blanc peut objecter si le noir place deux tours sur la même colonne, ou une tour sur la même colonne que le roi blanc).

Le pat est *interdit* - il est illégal de faire un mouvement qui place un roi en pat.

La promotion suit des règles très particulières :

-Un pion n'est promu qu'en dame.

-La promotion n'est possible que si la dame de ce même joueur a été capturée (pas plus d'une dame par joueur).

-La promotion n'est possible que quand un pion se trouve dans la moitié du plateau de l'adversaire, sur une case de diagonale (c'est pour ça que les diagonales du tablier sont marquées sur le plateau).

-La promotion n'est pas automatique, elle compte comme un mouvement séparé - soit le pion ne bouge pas de la case de promotion, soit il bouge/capture une pièce ennemie comme s'il était déjà promu , et se retrouve effectivement promu à l'issue de ce mouvement (la promotion se fait donc en *quittant* la case de promotion). Ce mouvement ne peut pas faire échec au roi ni capturer la dame adverse.

Il y a également des règles complexes, proches de celle du Makruk, qui gouvernent les finales.

Xiang Qi, échecs chinois.

On continue dans les jeux visuellement bizarres :

xiang_plateau_01.jpg

Deux différences sautent aux yeux : on utilise pas des pièces sculptées, mais des palets avec le nom de la pièce en caractères chinois - ce n'est cependat pas important pour le jeu lui-même, et on trouve des adaptations occidentales avec des pièces sculptées :

chinese-chess2.jpg

L'autre grosse différence, c'est qu'on ne joue pas sur un plateau de 8 x 8 cases, mais de 9 x 10 intersections, les pièces n'étant pas placés dans les cases, mais sur les intersections.

Il y a plusieurs zones spéciales :

-La rivière, bien visible au centre du plateau, qui influe sur plusieurs pièces.

-La forteresse, la zone de 3 x 3 intersection délimitée par des diagonales sur le plateau, où se trouve le roi.

Commençons par la première rangée. Aux extrémités se trouvent les tours, qui fonctionnent comme prévu.

Ensuite viennent les cavaliers, qui bougent comme aussi comme prévu, si ce n'est qu'ils ne peuvent pas sauter par dessus une pièce adverse orthogonalement adjacente, ce qui limite beaucoup leur mouvement. Ensuite viennent les fous (ou éléphants), qui bougent d'exactement deux intersections en diagonale par mouvement. Il ne peuvent pas sauter par dessus une pièce adverse, et ne peuvent pas non plus traverser la rivière - se sont donc des pièces exclusivement défensives, avec une couverture très limitée (seulement 7 intersections en tout et pour tout). Enfin viens le roi, flanqué de deux conseillers. Le roi se déplace d'une intersection orthogonalement à la fois, et les conseillers d'une intersection diagonalement, mais ni le roi ni ses conseillers ne peuvent sortir de la forteresse de 3 x 3 cases (ce qui les rend particulièrement vulnérables). De plus les deux rois ne doivent jamais se retrouver face à face sans au moins une pièce entre eux.

Sur la troisième rangée, colonnes b et h, se trouvent deux cannons. Les cannons bougent comme des tours, mais ils ne peuvent capturer une pièce qu'en sautant par dessus une pièce intermédiaire, amie ou ennemie.

Sur la quatrième rangée se trouvent 5 pions, espacés d'une intersection les uns par rapport aux autres. Les pions avancent *et* prennent en ligne droite. Quand ils ont traversé la rivière, ils deviennent également capables de se déplacer et de prendre latéralement (mais pas de reculer). C'est la seule forme de promotion du jeu.

Un pat est une défaite pour le joueur en pat.

L'échec perpétuelle n'est pas autorisée, et compte généralement comme une défaite pour le joueur attaquant.

S'il ne reste plus que des pièces défensives à chaque joueur, le jeu est nul.

Shogi, échecs japonais.

Voila une petite énigme historique. En effet, on ne sait pas exactement quand ni comment les échecs sont arrivés au Japon. En plus, le jeu, dans ses règles, semble être une évolution du Makruk thaïlandais, mais on explique pas comment un jeu de Makruk a pu, à l'époque féodale, arriver au Japon avec la distance qui sépare les deux pays - et on en a de plus trouver aucune trace archéologique.

À l'instar des échecs FIDE, le Shogi a connu de nombreuses variantes et variations locales, et c'est par hasard si celle que je vais présenter ici est aujourd'hui considérée comme la forme standard et officielle du jeu - pendant longtemps, elle était considérée comme un "petit" Shogi, la forme la plus populaire était le Chu Shogi, joué sur un plateau de 12 x 12 cases, avec des tas de pièces au nom étrange et aux déplacement excentriques (dont un "roi libre" qui se déplaçait exactement comme notre reine - mais avec des pièces plus bizarres encore, notamment un "lion" capable de capturer 2 pièces en un seul mouvement).

Voyons à quoi le Shogi "standard" ressemble :

shogi-m.jpg

Premier constat : comme au Xiang Qi, on utilise pas des pièces sculptées, mais des palets marqués du nom de la pièce. Mais contrairement au Xiang Qi, on va voir qu'au Shogi, ce n'est pas un choix gratuit.

Voyons les pièces.

Sur la première rangée, à la place des tours, nous avons deux "lances". Les lances avancent d'autant de cases par tour qu'elles le veulent devant elles, mais ne peuvent ni reculer, ni bouger latéralement. Ensuite viennent les cavaliers, plus classiques, mais leur mouvement est nettement limité : ils bougent comme aux échecs mais ne peuvent aller que vers l'avant (donc une case en avant et une en diagonale avant). Il ne peuvent ni reculer ni aller sur le côté. Ils peuvent par contre sauter par dessus une pièces. À la place des fous, on trouve des généraux d'argents, qui bougent comme les éléphants/fous du Makruk : une case diagonalement ou une case vers l'avant à chaque mouvement. Ensuite, deux généraux d'or qui flanquent le roi. Les généraux d'or bougent d'une case dans n'importe quelle direction sauf sur les diagonales arrières. Le roi bouge comme aux échecs FIDE.

Sur la deuxième rangée, on trouve, colone b, un fou, et, colonne h, une tour, qui bougent exactement comme leur nom l'indique - ces noms sont des conventions occidentales, en réalité ces pièces sont des innovations purement japonaises et ne portent pas ce nom là en japonais, les "vrais" tours et fous du shogi, ce sont les lances et les généraux d'argent.

Enfin, la troisième rangée est garnie de pions, qui avancent *et* prennent en ligne droite.

La disposition adopte une symétrie circulaire, donc le fou du joueur blanc fait face à la tour du joueur noir, et réciproquement (on utilise les termes "blanc" et "noir" par tradition, même si les pièces ne sont pas colorées).

La promotion obéit aux règles suivantes :

-La zone de promotion d'un joueur correspond aux 3 dernières rangées (donc toute la zone de départ de l'adversaire).

-La promotion se fait au cours de tout mouvement qui commence ou se termine dans la zone de promotion.

-La promotion n'est pas obligatoire, sauf si le mouvement effectué devait amener une pièce dans une position d'où elle ne puisse ensuite plus bouger.

-À l'exception du roi et des généraux d'or, toutes les pièces peuvent être promues.

-Toutes les pièces promues le sont en généraux d'or, à l'exception du fou, qui gagne le droit de se déplacer d'une case orthogonalement, et de la tour, qui gagne le droit de se déplacer d'une case en diagonale.

-Astuce de fabrication : quand une pièce est promue, il suffit de tourner le palet sur son autre face, où se trouve un kanji différent qui indique son nouveau statut.

L'autre innovation majeure du Shogi, c'est le parachutage, la possibilité de réutiliser dans son camps les pièces qu'on a capturer:

-À son tour, un joueur peut, au lieu de faire un mouvement, parachuter sous son contrôle une pièce capturée, sur n'importe quelle case libre du tablier.

-Une pièce promue capturée est dépromue, et elle sera donc parachutée sous sa forme de départ.

-On ne peut pas promouvoir une pièce en même temps qu'on la parachute.

-On ne peut donc pas parachuter une pièce sur une case où elle se retrouverait immobilisée (pion et lance sur la dernière rangée, cavalier sur la dernière rangée ou la pénultième).

-On ne peut pas parachuter de pion sur une colonne où se trouve déjà un de nos pions non-promu.

-On ne peut pas faire échec et mat en parachutant un pion (mais c'est permis avec d'autres pièces).

-Astuce de fabrication : les palets ne sont pas colorés et sont en forme de flèche - les pièces d'un joueur pointent en direction de son adversaire - pour changer le propriétaire d'une pièce, il suffit donc de lui faire faire demi-tour.

C'est à mon avis l'une des innovations les plus intéressantes de tous les jeux d'échecs, et elle a des conséquences très intéressantes :

-Le nul faute de matériel devient impossible.

-Le pat devient extrêmement rare, la majorité des jeux se soldent par une victoire ou une défaite nette.

On note aussi que l'échec perpétuel est interdit (le joueur attaquant doit jouer un autre coup), et que le nul survient légalement si la même position d'échiquier pour un joueur donné est répétée 4 fois de suite.

Voila, merci de votre attention.

Posté

Je suis d'accord avec toi sur le fait que le Shogi est le jeux d'échecs "non orthodoxe" le plus captivant qui soit. En tant que joueur d'échecs on y est avantagé sur des techniques particulières utilisant les pièces à longue portée, le calcul mais on est handicapé dans l'estimation du "flot" de pièces. Je le vois un peu comme courir sur un tapis roulant (on prend une piece qui est reprise on pose celle qu'on a pris l'autre repose celle qu'on vient de lui donner etc avec des subtilités étonantes). La non symétrie du déplacement des pièces est aussi très intriguante.

J'avais fait une critique :icon_up: du jeu il y a quelques temps sur Krinein : http://www.krinein.com/jeux-jdr/echecs-le-jeu--1982.html

Quel est ce jeu qui se joue aussi bien dans l'arrière-salle d'un bistro moscovite rempli de vodka-addicts que dans les bains publics de Budapest ? Quel est ce jeu qu'un golden boy de la city peut pratiquer entre midi et deux et pour lequel se développent des écoles à travers la Chine ? Un jeu capable d'engendrer de véritables stars en Inde comme aux Etats-Unis ? Un jeu pour lequel les compétitions sont mixtes et où l'on trouve des participants de 5 à 100 ans ? Un jeu qui se pratique indifféremment avec des morceaux de bois ou à travers internet ? Il s'agit du plus vieux jeu de réflexion du monde, du roi des jeux : les échecs.

Personne n'est vraiment capable de dire d'où vient le jeu d'échecs. Ce que l'on sait est qu'il nous est venu des contrées orientales (entre le Pakistan et l'Inde) par les invasions arabes du VIIIe siècle. Mais son origine remonte à il y a plus de deux mille ans. Sa forme actuelle est fixée depuis le moyen-âge. D'ailleurs il est la représentation schématique de la société de cette époque. Le roi est la pièce la plus importante puisqu'une fois prise la partie est perdue : il est le symbole du pouvoir. La reine, ou la dame, est elle la pièce la plus puissante, elle est l'aristocratie. Ils sont entourés par des fous qui sont en fait une représentation de l'église (le nom anglais bishop, c'est-à-dire évêque est à ce titre plus évocateur) ou de l'armée (en russe on les appelle les officiers). Puis viennent les cavaliers figurant… la chevalerie, et les tours qui symbolisent la ville. Les pions quant à eux figurent les paysans. C'est toute la société qui se trouve ainsi plongée sur l'échiquier. Un reporter en demandant à Robert Fisher (le meilleur joueur de tous les temps) s'il pensait que les échecs étaient comme la vie s'entendit répondre : "les échecs sont la vie". Les échecs peuvent en effet se voir comme une épure des confrontations de la vie (guerre, compétition, etc.).

Mais il existe une autre interprétation des échecs. Si l'on considère le déplacement des différentes pièces on s'aperçoit vite qu'en fait chacune trace une figure géométrique de base. Les tours décrivent des lignes, les fous parcourent les diagonales alors que les sauts de cavaliers dont le déplacement paraît toujours un peu étrange au novice ne sont que l'approximation d'un cercle sur un damier. Là se trouve la deuxième approche que l'on peut avoir de ce jeu : celle d'un problême mathématique particulièrement ardu à résoudre.

Avec Freud et la psychanalyse, de toutes autres perspectives s'ouvrent sur ce jeu : celles des méandres de la pensée. Le jeu se joue à deux et le but est de capturer, tuer, le roi adverse. Il n'est pas difficile d'y voir un oedipe exacerbé qui est souvent avancé pour justifier de la différence d'intérêt que lui porte hommes et femmes. Freud considérait la psychanalyse comme une partie d'échecs où attaques et ripostes se succèdent entre le patient et son thérapeute. Je ne parlerai même pas des aspects sado-maso inhérents à ce jeu où je rappelle que le but est, même si ce n'est que symbolique, de tuer l'adversaire même si cela peut se transformer en subir une exécution quand les événements ne tournent pas comme on le voudrait.

Avec toutes ces interprétations la célèbre citation de Joseph Conrad : "Il se passe plus d'aventures sur un échiquier que sur toutes les mers du globe" prend tout son sens. Si, vu de l'extérieur, rien ne se passe, on assiste juste à deux joueurs immobiles qui ne se parlent même pas, c'est en fait l'infini qui est tutoyé dans chaque partie d'échecs. Un fait étonnant est en effet que le nombre de parties possibles est supérieur au nombre d'atomes de l'univers. Ainsi la retranscription d'une partie, voire les coups joués, ne sont que la face émergée de l'iceberg. La majeure partie de l'action est purement mentale et n'est jamais transcrite dans la réalité. Une personne ne pratiquant pas ce jeu ne peut que difficilement se rendre compte de la somme de peurs et d'espérances et de calculs que peuvent renfermer ces petites pièces. C'est une des caractéristiques les moins mises en avant de ce jeu que je voudrais souligner : ce jeu est beaucoup plus basé sur les sensations qu'on ne le pense généralement. Souvent les échecs sont représentés comme un jeu purement intellectuel, complètement déconnecté du réel appartenant au seul domaine de l'esprit. Rien n'est moins vrai. Durant une partie l'échiquier devient une extension du joueur, comme un nouveau membre. C'est dans sa chair que l'on ressent "la position", chaque pièce devient un morceau de votre corps et quand votre structure de pions est endommagée ou que vous présentez un point faible c'est un sentiment de malaise diffus qui s'installe en vous. De même la sélection du coup à jouer si elle comporte une part de calcul est aussi largement une affaire de "ressenti". Jouer aux échecs, comme la musique, est surtout une affaire de sensations qui ne sont pas vraiment exprimables par des mots. A la question de combien de coups il faut cacluler durant une partie, un célèbre joueur, Réti, répondait: "un seul, le meilleur", pour bien relativiser cette fausse impression que le joueur prévoit tout à l'avance.

Finalement je terminerai sur les multiples aspects formateurs qui font de ce jeu plus qu'un simple jeu. La pratique du jeu d'échecs est le sport intellectuel le plus complet qu'on puisse imaginer. Il vous fait développer votre mémoire en la faisant travailler pour se rappeler des débuts de partie et des situations standard. D'autre part c'est aussi un entraînement à la prise de décision en temps limité : à chaque tour c'est à vous de jouer et vous ne pouvez passer votre tour, vous ne pouvez fuir vos responsabilités. Là encore c'est une caractéristique principale du jeu d'échecs qui est mise en avant : ce qui vous y arrive ne dépend que de vous. Il n'y a pas de chance aux échecs et en cas de déroute vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous même : il n'y a pas de secret, vous voyez le jeu de votre adversaire, les forces sont égales au départ et la tricherie y est impossible. C'est ce qui rend ce jeu si exigeant mais aussi si passionnant. C'est aussi un jeu où se mêlent tactique (calcul à court terme en vue d'obtenir un résultat précis) et stratégie (planification à long terme, choix des objectifs) comme dans la vie de tous les jours. Je pourrais continuer sur des pages et des pages mais je pense que vous avez déjà compris pourquoi il s'agit du seul jeu qui fasse partie de la formation scolaire de certains pays et pourquoi il fascine toujours autant à travers les millénaires. N'hésitez plus, lancez vous à votre tour !

Posté

J'ai eu l'occasion de faire une partie d'echec thaï lors d'un séjour à Bangkok, avec l'un de ces conducteurs de mobylette-taxi qui a l'habitude de jouer entre deux courses, sur une planche en carton et avec des capsules de bières colorées. J'en garde un excellent souvenir mais c'était il y-a au moins 7 ou 8 ans, et je ne me souviens plus vraiment du déplacement des pièces, à part que le fou comme tu dis qui ne bouge que d'une case et que la dame n'a pas autant de pouvoir pour défendre le roi que sur un jeux moderne. Inutile de préciser que je me suis fait laminer assez rapidement. Sinon, le jeux d'échec est probablement le jeux de société le plus complet.

D'ailleurs, si certains d'entre vous jouent sur chessanytime ou sur chess.com, je participerais volontié à un blitz !

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Certaines personnes très intelligentes, peut-être autistes ou équipées du dernier processeurs Intel parviennent à jouer sur une dizaine d'échiquiers superposés, en 3D !

Sinon une variante accessible à tous est l'échiquier à 3 joueurs, bonnes rigolades assurées :

jeu-echec-trois.jpg

Edit: Jolie présentation du jeux d'echecs Kassad !

Posté

Cartouche > arf, que se soit aux échecs ou au Go, je n'aime pas du tout les parties en blitz - déjà que je trouve que 15 minutes sur une horloge Fischer c'est beaucoup trop court… (je préfère le système du byo-yomi moi).

TROLONPALU

DAKORMÉTAGUEULE

Posté
Cartouche > arf, que se soit aux échecs ou au Go, je n'aime pas du tout les parties en blitz - déjà que je trouve que 15 minutes sur une horloge Fischer c'est beaucoup trop court… (je préfère le système du byo-yomi moi).

C'est clair qu'une partie en blitz n'est pas évidente, même en 10 min, mais après plusieurs échecs on s'y fait et ça forme énorménent à la vivacité et à la rapididé de visualisation du jeux. Je pense que c'est un bon complément aux parties longues, et aussi un plaisir.

Posté
Je suis repéré :icon_up:

(C'est que trouver des partenaires de jeu parmi ses connaissances est moins évident qu'il n'y paraît - sûr, sur les serveurs en ligne, ya plein de monde, mais c'est aussi sympa de temps en temps de ne pas jouer avec de parfaits inconnus).

En fait, je me doutais depuis longtemps que tu devais être inscrit sur ce forum.(j'aime beaucoup ton blog au passage :doigt: )

Posté
(où l'on y apprend ce que je sentais intuitivement : engager une carrière de joueur d'échecs pro est une folie d'un point de vue économique)

Ce qui explique pourquoi il y a bien plus de joueurs pros dans les pays ex-soviétiques :icon_up:

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Ce qui explique pourquoi il y a bien plus de joueurs pros dans les pays ex-soviétiques :icon_up:

Le ponpon est décroché par l'Azerbaidjan avec 4 tops (dans le top 50 mondial) Grands Maîtres (Radjabov, Gashimov, Mamedyarov, Mamedov), un ogre de Bakou (le monstre aux milles yeux Weinstein, plus connu sous son nom de scène Kasparov) le tout avec 4 millions d'habitants. Ca fait une moyenne d'un Top GM pour 800 000 habitants taux incroyable s'il en est. En termes de productivité je crois que seule l'Arménie peut rivaliser (Aronian, Sargissian, Akopian pour 3 millions d'habitants).

Pour comparaison la France peut compter sur deux top joueurs Bacrot et Lautier (on peut ajouter Tkatchiev mais au point de vue éducation échiquéenne il est plutôt Kazakh) et peut être un troisième sous peu avec Vachier-Lagrave le tout pour 60 millions d'habitants.

Posté

Merci pour toutes ces précisions !

Je jouais aux échecs chinois quand j'étais gosse. Je les préférais aux échecs classiques parce qu'ils avaient un côté plus "jeu de rôle" si j'ose dire, les deux camps clairement séparés, la configuration du plateau moins abstraite (malgré les palets en lieu et place des pièces sculptés).

Depuis, j'ai oublié les règles mais ce post m'a donné envie de m'y remettre !

Les échecs classiques m'ont toujours rebuté, je trouve que c'est un jeu aux mécaniques trop bien huilées et qui ne laisse pas vraiment place à la créativité, à l'innatention ou à la plus petite erreur. Apprendre des stratégies et des coups à répéter sans arrêt tout en s'adaptant à celles de son adversaire, c'est peu attirant.

J'ai sans doute été influencé par Poe qui, au début de Double assassinat dans la rue Morgue, n'est pas tendre avec les échecs.

Si je retrouve Histoires Extraordinaires au fond de ma bibliothèque, je ferai part de quelques passages qui ne manqueront pas de taquiner Kassad et Legion ! :icon_up:

Posté
Les échecs classiques m'ont toujours rebuté, je trouve que c'est un jeu aux mécaniques trop bien huilées et qui ne laisse pas vraiment place à la créativité, à l'innatention ou à la plus petite erreur.

:icon_up: keskifopalire

Ivanchuk, il dit qu'il est pas d'accord (21 ème coup) : http://www.chessgames.com/perl/chessgame?gid=1060750

Rossolimo aussi n'est pas content :

Quant à Kotov cela se passe de commentaires (le 30ème des noirs est abracadabrantesque) : http://www.chessgames.com/perl/chessgame?gid=1084375

Je passe sous silence l'oeuvre de Tal et de Nezhmetdinov

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Pour ceux qui connaissent les échecs et le go, vous croyez pas que ce dernier est tout de même plus riche, moins axé sur le calcul et les anticipations que les échecs ? Je n'y joue pas assez, mais à chaque fois que j'y touche, je me dis qu'on est tout de même bien plus libre et moins conditionné qu'aux échecs.

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Pour ceux qui connaissent les échecs et le go, vous croyez pas que ce dernier est tout de même plus riche, moins axé sur le calcul et les anticipations que les échecs ? Je n'y joue pas assez, mais à chaque fois que j'y touche, je me dis qu'on est tout de même bien plus libre et moins conditionné qu'aux échecs.

Et donc la prose libre est supérieure aux sonnets en alexandrins qui sont bien plus contraints ? :icon_up:

On peut aussi mesurer le nombre de parties possibles. D'ailleurs la technique s'étend au Rugby vs Football en assimilant deux positions avec 1/10mm, écart que l'oeil humain ne peut repérer. En calculant le nombre de postion de jeu possible (22 joueurs plus la balle dans un volume donné vs 30 etc.) on peut montre que x a plus de positions possibles que y…

Trèves de plaisanteries les différences entre le Go et les échecs (vu que le nombre de coups possibles dans les deux en font un infini pour notre esprit) tiennent surtout au fait que les échecs sont dissymétriques (une pièce de valeur infinie alors que chaque point du Go ban a la même valeur), dynamiques (évolution sensible et brusque d'une position alors qu'en Go l'étouffement est plus lent) et qu'on peut parfois y atteindre une vérité d'ordre mathématique (les tables de Nalimov sur les finales à moins de 4 pièces). Le Go est aussi beaucoup plus "sensitif"/positionel.

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L'idée que le Go est plus complexe/intéressant est surtout un discours de joueurs Go qui ne jouent pas aux échecs. Jouant aux deux, je dirais que ce n'est tout simplement pas la même chose.

J'ai prévu de parler du Go en détail sur ce forum, mais bon en gros, voici comment je perçois les choses :

-Les échecs sont plus axés sur la tactiques (de ce que j'ai compris, apprendre des centaines de variations d'ouvertures comme font certains, c'est bien beau, mais ce qui fait vraiment la différence entre deux joueurs et détermine la victoire, c'est la compétence en finale de jeu), et le Go plus sur la stratégie (un coup tactiquement parfait peut faire perdre la partie s'il est stratégiquement mauvais)

-Les échecs s'appuient d'avantage sur la lecture de séquence de mouvements (où les humains sont mauvais, mais où les ordinateurs excellent), tandis que le Go fait surtout appel à la reconnaissance de formes (où c'est exactement le contraire qui se passe).

-Aux échecs, les débutants doivent rapidement apprendre des ouvertures classiques, des attaques typiques, des mats standard - la créativité et l'intuition se développent après, quand on a déjà une base technique solide. Au Go, c'est le contraire - même s'il y a des formes typiques et des automatismes qu'un débutant doit bien évidemment prendre, l'essentiel de sa formation consiste à développer son instinct de jeu, à reconnaître intuitivement les bons coups sans avoir besoin de calculer pourquoi ces coups sont bons. C'est seulement à un niveau déjà bien avancé qu'on commence à aborder l'apprentissage par cœur des fuseki (ouvertures stratégiques), des joseki (ouvertures tactiques/séquences de coin) et des tesuji (coup remarquables), parce que même en les sachant par cœur, il est nécessaire d'avoir de solides bases stratégiques pour être à même de les choisir et de les employer correctement.

-Au Go, il y a effectivement moins de retournements de situation brutaux qu'aux échecs (sauf dans les combats de ko qui, sans entrer dans les détails, sont des combats locaux particuliers dont le déroulement et l'issue peuvent affecter la totalité du plateau de jeu), mais par contre, il est fréquent que les parties soient jouées vraiment sur le fil, et que la victoire soit incertaine jusqu'au décompte final des points. 1 tiers des parties se gagne dans le yose (fin de partie), alors même que la position globale est définitivement fixée et qu'il n'y a plus de surprises à attendre.

-Aux échecs, qu'une partie soit dominée par un joueur ou disputée, le niveau de "violence" est à peu près homogène d'une partie à l'autre, ça capture, ça échange, ça menace (en tout cas c'est comme ça que je le perçois, à mon niveau de débutant). Au Go, il y a des parties au cours très pacifique, ou pas une seule pierre n'est capturée, la lutte est subtile et calme, et d'autres parties d'une grande violence, où les groupes de pierres se chassent, s'attaquent et se défendent sans répit (c'est plus courant dans les parties de débutant, mais ce type de partie arrive aussi même chez les joueurs pros).

Donc voila, en gros, ce sont deux jeux qui malgré leur points communs, sont extrêmement différent et finalement il n'y a pas vraiment matière à faire une comparaison qualitative, ce n'est tout simplement pas la même chose, et moi j'aime bien les deux jeux. Je pense qu'on peut dire que le go est plus souple et plus intuitif, mais que les échecs sont plus concrets et plus dynamiques.

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Jouant aux deux aussi (enfin j'ai longtemps joué aux échecs, notamment dans l'équipe du Lycée pour les championnats de France, mais progressivement abandonné pour le Go) je partage tout à fait les remarques de Légion.

Pour ce qui est de possibilités (combinatoire) il faut reconnaître que le Go surpasse largement les échecs quant au nombre de parties possibles. Certains avancent que c'est l'une des raisons expliquant le faible niveau des programmes jouant au Go. Mais bon, la recherche informatique s'est aussi intéressée aux échecs bien avant.

La principale difficulté pour programmer le Go vient je pense de la frontière subtile qui sépare la tactique (un développement local ou un combat dans une zone du Goban) de la stratégie (l'impact que le rajout de pierres dans cette zone va avoir plus ou moins vite sur les autres groupes). Bref évaluer un coup, une forme, est extrêmement plus complexe. Aujourd'hui il n'y a pas encore de logiciel de niveau correct, on est loin d'un premier dan, alors qu'aux échecs un programme comme Fritz revient à avoir chez soi un entraîneur et conseiller du niveau d'un Maître international.

Au Go on est, j'ai l'impression, beaucoup plus proche d'un très grand ensemble d'heuristiques dont il faudrait évaluer la valeur de leur combinaison. Une simple pierre venue protéger une autre face à une menace d'invasion la renforce et ce début de mur commence à rayonner de l'autre côté pour permettre une extension, etc. Je crois que la dimension psychologique est plus importante au Go. En tout cas il faut accepter de faire régulièrement des concessions, surtout que le plus fort joueur (Blanc) va jouer là-dessus pour essayer de mystifier l'autre. Il est rare de pouvoir avoir le beurre, l'argent du beurre, etc.

Surtout ce qui me plaît au Go c'est que l'on voit rapidement et régulièrement ses progrès, mais les compétences qu'il demande sont nombreuses, comme s'ils s'agissait d'un apprentissage "en parallèle", pas forcément supérieur aux échecs mais plus "flou", moins formalisé. Et que c'est à ma connaissance le seul jeu qui permette de jouer contre bien plus fort (ou moins fort) que soi grâce au système de pierres de handicap. Et même si je joue contre un joueur extrêmement fort, comme un pro, même si avec 9 pierres d'avance et tout le territoire potentiel qui m'est donné, je ne gagnerai que très très rarement, le décompte des points permet de voir ma progression et je trouve cela stimulant.

En tout cas merci Légion pour cet historique d'échecquologie !

Comparison Between Chess and Go

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Pour ceux qui connaissent les échecs et le go, vous croyez pas que ce dernier est tout de même plus riche, moins axé sur le calcul et les anticipations que les échecs ?

D'une certaine façon oui. Disons que le "calcul" est une compétence surtout utile lors de combats locaux, et que l'on ne commence à vraiment travailler qu'une fois passé le stade de débutant. C'est là qu'on s'entraîne par exemple à résoudre des problèmes de vie ou de mort, à compter les libertés d'un groupe dans les courses contre un autre groupe. Le débutant doit généralement apprendre d'abord à se défendre et éviter de rentrer dans des combats, surtout au jeu à handicap, et à profiter stratégiquement du potentiel énorme que ces pierres d'avance lui donnent.

Je n'y joue pas assez, mais à chaque fois que j'y touche, je me dis qu'on est tout de même bien plus libre et moins conditionné qu'aux échecs.

Et c'est ce qui en fait sa difficulté. Notamment lorsque stratégiquement on doit régulièrement faire des choix, céder quelque chose à l'autre joueur, et/ou que certains choix commencent à être déterminants localement selon ce qui s'est passé ailleurs.

Une fois, j'ai essayé de retenir les règles de ce jeu, et ça a été un échec.

Pourtant y'en a pas beaucoup, à peine on les compte sur les doigts d'une main, n00b ! :icon_up:

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Et que c'est à ma connaissance le seul jeu qui permette de jouer contre bien plus fort (ou moins fort) que soi grâce au système de pierres de handicap. Et même si je joue contre un joueur extrêmement fort, comme un pro, même si avec 9 pierres d'avance et tout le territoire potentiel qui m'est donné, je ne gagnerai que très très rarement, le décompte des points permet de voir ma progression et je trouve cela stimulant.

Le Shogi le permet aussi. D'ailleurs c'est un jeu bien plus chaotique que le Go et les échecs ; une seule erreur et tu peux plier un pro même si 99,99% du temps il gagnera : pour caricaturer aux échecs avec le même pourcentage (disons 99,99%) il y aura plutôt tendance à ce que le pro cède des nulles de temps à autre (c'est plus stable) mais il ne perdra pas contre un newbie.

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Effectivement Fredo, je retrouve assez ce que je ressens dans ton analyse du go. C'est peut-être justement parce que je suis quelqu'un de plus intuitif qu'analytique que je préfère le jeu de go.

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Quelques liens qui se doivent de figurer dans

Parmi les variantes mes préférées sont le catch (on joue à 2 contre 2 et les pièces que je prend je les donnes à mon partenaire qui peut les parachuter, ça se rapproche alors du shogi) et Knight in the pocket (chaque joueur a un cavalier en poche qu'il peut poser quand il veut, où il veut). Les échecs psychologiques sont aussi très déstabilisants et plus fin qu'on pourrait le croire : on propose un coup, l'adversaire peut l'accepter ou le refuser, s'il refuse il est obligé d'accepter le deuxième (et ce processus est répété à chaque coup).

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La bibliothèque idéale pour les joueurs d'échecs (à compléter) :

A. Nimzowitch : pour partir sur de bonnes bases, la systématisation et l'invention (l'école hyper-moderne) d'une nouvelle manière de jouer. Trois incontournables : à noter de très belles idées d'ouvertures dans pratique de mon système, et les parties classiques sont exemplaires en ce que la différence de niveau entre les joueurs avant la 2ème guerre mondiale était tellement forte qu'on voit plus clairement les plans apparaîtres (aujourd'hui faut reconnaitre qu'une partie Topalov-Morozewitch est relativement incompréhensible si on a moins de 2300 élo et un ordi pour analyser) ! Ses commentaires imagés (ce qui se perd aujourd'hui où les commentateurs se contentent de balancer des lignes de variantes avec des annotations type informateur) sont excellents.

Tal : le magicien de Riga celui dont il faut plusieurs années pour découvrir que peut être son sacrifice de cavalier était faux. Un livre qui contient bien plus qu'une collection de parties : Tal a un humour dévastateur et un recul sur le jeu incroyable.

Il y a aussi Tartakover dans le même style (très imagé lui aussi dans ses commentaires : l'ouverture orang-outang etc.). C'est quasiment le seul livre que j'ai lu lors de ma progression de 1700 a 2190 en moins d'un an ! Plus dispo sur amazon a priori mais ici : Tartakover vous parle

Dans les biographies de joueur, même si je pense que toutes sont bonnes à prendre (Kramnik : My life and games, Shirov : Fire on board, Bologan : "Vers l'Elite des Grands Maitres". a la Recherche de la Créativité, Alekhine : 200 parties d'échecs, Kasparov : l'épreuve du temps) je mettrais en avant celle de Réti par H. Golombek. Réti est un joueur extraordinaire des années 30 : jeune il jouait comme Tal puis, de concert avec Nimzowitch, il a modifié l'approche qu'on avait du jeu en développant l'école hyper-moderne.

Je mets aussi en avant la bio de Goufeld, un de ces auteurs échiquéens de la trempe de Tartakower ou de Tal, "The search for Mona-Lisa" est le livre d'échecs parfait, un peu comme (oh le crime de lèse majesté) les essais de Montaigne : vous le prenez, lisez 3-4 pages au hasard et toujours de la fraicheur, de l'intelligence, des fulgurances :

Le meilleur livre d'ouverture qui me soit tombé dans les mains depuis longtemps, ultra spécialisé donc mais profitable à tous, le mélange entre théorie/idée générales/traitement des subtilités est vraiment remarquable. En ce moment c'est mon livre de chevet.

Toujours dans le domaine des ouvertures, le traitement de la défense française par Sveshnikov est lui aussi de premier plan.

Pour le milieu de jeu, s'il ne devait en rester qu'un ce serait bien sûr Bronstein et son incontournable "art du combat aux échecs" sur le tournois de Zurich en 53 :

Enfin dans le domaine des finales, un seul livre a réussi à m'accrocher (les Villeneuve sont quasi illisibles sauf par ceux qui font parti de la secte, de même pour le Kéres et ses finales d'échecs pratiques), celui de M. Cherchevsky (d'ailleurs tous ses livres d'échecs sont précieux même son "Méthode de perfectionnement aux échecs" qui a du être traduit par une machine contient des idées originales d'ouverture qui m'ont permi d'accrocher quelques jolis scalps). En fait il s'agit presque plus d'un livre sur le milieu de jeu sans les dames :

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