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Libéraux, conservateurs et transcendance


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Posté
A votre tour ne faites pas l'âne, je critiquais la proposition générale de POE selon laquelle il vaut vivre et pratiquer une discipline pour pouvoir en parler. Ce n'était pas une assimilation à la religion, mais celle-ci n'a aucune raison d'avoir un régime d'exception.

Répondre à POE en me répondant directement justifie ma qualification.

Bon, mais donnez-moi des faits au lieu d'assertion générale répétée : concrètement, en France ou dans n'importe quelle société occidentale, pouvez-vous me dire comment j'observe le besoin de sens et de spiritualité, comment il se matérialise ?

Vous faîtes comment pour vivre parmi vos frères humains et les connaître, vous passez tous les soirs dans les chaumières avec un questionnaire de sondage?

Posté
Allons, arrêtons un peu ces piques, elles témoignent d'un défaut d'argument et d'imagination. Ai-je parlé dans cette discussion du gloubi-boulga de bas étage servant de contenu de la foi à la plupart des gens qui se disent croyants, et qui n'ont pas ouvert de leur vie un texte religieux, qui seraient incapables de me citer les Evangiles, ou trois livres de l'Ancien Testament, et pour qui les mystiques rhénans sont des brasseurs de bière ?

Mais pourquoi vous sentir personnellement visé, je ne pensais absolument pas à vous mais à bcp d'opinions exprimées de nos jours sur les blogs et forums?

Donc, tu reconnais que la religion recouvre plein de croyances fondamentalement différentes ?

Non, c'est un contresens. La religion ne recouvre pas un tas de croyances en tout et n'importe quoi (là, on rejoint effectivement le niveau de certains blogs et forums…), elle est foi en Dieu ou en dieux, puisqu'il faut le prèciser. Un petit détours vers un cours sur les religions ne serait pas superflu.

Moi aussi, pas tant que cela sur le plan cognitif, mais certainement sur les contenus, les dogmes, les récits des origines, etc. J'en déduis que les croyants prétendant avoir la seule vraie foi dans le seul vrai dieu sont dans une situation problématique par rapport à la réalité. Qu'en penses-tu ?
:icon_up:

Quelle est cette curieuse logique? Que tous les croyants ne croient pas au même Dieu, il s'en suivrait qu'aucun de ces Dieux ne serait crédible? Je vous assure que dans la réalité de la foi des croyants il n'en est rien, que l'on n'a pas besoin d'unanimité des avis certifiés par la science pour se prononcer. Dieu, ce n'est pas le résultat d'une élection démocratique, comme le président de la république…

Raviver suppose surtout que ce phénomène s'était quelque peu atténué - précisément avec l'avènement de la sécularisation. LeSanton voulait dire que cette ère de refoulement du religieux était peut-être en train d'atteindre ses limites.

Oui.

Posté
Désolé, mais ta réaction prouve simplement que tu es contaminé par une vision moderne, que tu projettes sur toute l'Histoire.

Remarque : c'est comme cela que procède l'histoire. Quand l'Europe est devenue catholique, je suppose que les clercs ont qualifié les anciens rites païens soit de superstitions dangereuses, soit de pressentiment de la venue du Christ. Bref, les systèmes du présent relisent le passé à leur aune.

L'Ancien Régime n'est pas un système idéologique, et c'est en cela principalement qu'il diffère des régimes qui sont apparus avec la modernité.

Mais c'est un système qui produisait déjà certaines représentations collectives, non ? Le clergé avait aussi un discours qui s'adressait aux masses de croyants, je suppose, et qui ne concernait pas que les dimensions métaphysiques de l'au-delà. Même la division en trois ordres assurant la prééminence des oratores est une reprise de "l'idéologie tripartite" (ou trifonctionnelle) dont Dumézil et ses disciples ont montré l'ancienneté dans les régions européennes.

Tu raisonnes comme s'il fallait rejeter en bloc l'Ancien Régime ("les crimes institutionnels de l'Ancien Régime", c'est d'ailleurs un peu nébuleux comme accusation), au même titre qu'un système totalitaire - et tu voudrais en gros que je critique comme tel l'Ancien Régime, puisque tu me reproches de cibler mes critiques sur tel ou tel monarque. Par là, tu prouves que tu raisonnes de façon binaire, alors qu'il n'y a pas de symétrie possible. Ton disclaimer final est donc vain.

(…)

Je suis d'accord que le jugement "de bloc" n'a pas de sens : exemple que j'avais donné, la Hollande des Provinces-Unies, très tolérante, n'a rien à voir avec l'Espagne d'Isabelle la Catholique. Ou bien les premières royautés électives avec la monarchie absolue, etc.

Cela dit, tu n'as pas répondu à ma suggestion : pourquoi n'expliques-tu pas les avantages de l'Ancien Régime sur les régimes modernes, ce qui permettrait de voir avec plus de nuances ce que tu apprécies chez le premier ?

(…)

Vous faîtes comment pour vivre parmi vos frères humains et les connaître, vous passez tous les soirs dans les chaumières avec un questionnaire de sondage?

Eh bien, j'accorde le minimum de confiance à mon petit doigt ou à mon intime conviction. Et je lis le maximum d'articles ou de livres rédigés par des personnes faisant profession d'étudier mes frères humains, notamment de manière factuelle et quantifiée.

Posté
(…)

Non, c'est un contresens. La religion ne recouvre pas un tas de croyances en tout et n'importe quoi (là, on rejoint effectivement le niveau de certains blogs et forums…), elle est foi en Dieu ou en dieux, puisqu'il faut le prèciser. Un petit détours vers un cours sur les religions ne serait pas superflu.

C'est une définition restrictive, je remplacerai au minimum dieu par "agent surnaturel", ce qui permet d'inclure des croyances locales, et nombreuses, en des esprits et âmes, des animaux fantastiques, des ancêtres mythiques, etc. Il me semble que dans son traité classique, Eliade voyait l'animisme ou le chamanisme comme des formes religieuses par excellence. Voir aussi Pascal Boyer.

Quelle est cette curieuse logique? Que tous les croyants ne croient pas au même Dieu, il s'en suivrait qu'aucun de ces Dieux ne serait crédible? Je vous assure que dans la réalité de la foi des croyants il n'en est rien, que l'on n'a pas besoin d'unanimité des avis certifiés par la science pour se prononcer. Dieu, ce n'est pas le résultat d'une élection démocratique, comme le président de la république…

Non, cela signifie plutôt que tous sont aussi crédibles pour les croyants concernés - et aussi, cf. ci-dessus, que dieu n'est pas un élément nécessaire pour définir un religion, même si les religions majoritaires croient en un dieu. Quand tu regardes cela de l'extérieur et sans aucun souci prosélyte, tu en déduis simplement que l'expérience religieuse de l'humanité revêt des formes très différentes selon les époques et les lieux.

Posté
Et de mentionner l'École de Chicago (dont le libéralisme peut difficilement être mis en doute) comme exemple contemporain.

Bon, le livre paraît intéressant. Par contre, je ne suis pas d'accord avec toi sur le libéralisme de l'Ecole de Chicago. Pour nombre de ses représentants, le libéralisme n'est qu'un moyen (et encore, un libéralisme souvent modéré) pour parvenir à des fins beaucoup plus hautes: l'efficacité économique.

D'ailleurs, il me semble que toi-même avais écrit un article fort instructeur sur CPS il y a 4 ans à ce sujet.

Posté
Mais c'est un système qui produisait déjà certaines représentations collectives, non ? Le clergé avait aussi un discours qui s'adressait aux masses de croyants, je suppose, et qui ne concernait pas que les dimensions métaphysiques de l'au-delà. Même la division en trois ordres assurant la prééminence des oratores est une reprise de "l'idéologie tripartite" (ou trifonctionnelle) dont Dumézil et ses disciples ont montré l'ancienneté dans les régions européennes.

Moi qui suis un fervent dumézilien, je dois avouer que le choix du terme idéologie concernant la perception tripartite de l'organisation humaine me semble pour le moins erroné.

Posté
Bon, le livre paraît intéressant. Par contre, je ne suis pas d'accord avec toi sur le libéralisme de l'Ecole de Chicago. Pour nombre de ses représentants, le libéralisme n'est qu'un moyen (et encore, un libéralisme souvent modéré) pour parvenir à des fins beaucoup plus hautes: l'efficacité économique.

Je savais que tu réagirais ! :doigt:

Peu importe que le libéralisme soit ici une fin ou un moyen, Becker, Posner et d'autres suivent le paradigme libéral. Comment ne pas reconnaître dans ses analyses de la famille, du mariage, de la sexualité une véritable doxa libérale - que l'on retrouve de ce côté de l'Atlantique chez tant de libéraux comme Lemennicier, par exemple.

D'ailleurs, il me semble que toi-même avais écrit un article fort instructeur sur CPS il y a 4 ans à ce sujet.

Il est aussi permis de changer et affiner son appréciation (signe que le doute existe :icon_up: ). S'il fallait exclure du libéralisme tous les libéraux qui prônent telle ou telle intervention (même économique), il ne resterait plus grand monde.

Je crois que tu restes prisonnier du préjugé selon lequel "libéral=pertinent".

Posté
Peu importe que le libéralisme soit ici une fin ou un moyen

Pour moi aussi, le libéralisme n'est pas une fin mais disons que la diminution du poids de l'Etat est un objectif qui n'intéresse finalement qu'à la marge les théoriciens de l'Ecole de Chicago (du moins, pour un certain nombre d'entre eux).

Comment ne pas reconnaître dans ses analyses de la famille, du mariage, de la sexualité une véritable doxa libérale - que l'on retrouve de ce côté de l'Atlantique chez tant de libéraux comme Lemennicier, par exemple.

Tu sais ce que je pense de ces analyses. :icon_up:

Posté
Remarque : c'est comme cela que procède l'histoire. Quand l'Europe est devenue catholique, je suppose que les clercs ont qualifié les anciens rites païens soit de superstitions dangereuses, soit de pressentiment de la venue du Christ. Bref, les systèmes du présent relisent le passé à leur aune.

Les chrétiens ont effet relu (et continuent de relire) le passé païen à la lumière de leur foi. Les modernes ont procédé par mimétisme… pour se détacher du passé chrétien. Dans le premier cas, c'était pleinement justifié, vu la nature du message chrétien; dans le second, pas du tout, puisqu'il s'agissait de transférer le Paradis sur Terre en croyant que les hommes allaient vivre en paix avec l'État moralement neutre comme garant des libertés. En fait, vous commettez l'erreur - fréquente de nos jours - de confondre religion véritable et idéologie politique (phénomène exclusivement moderne).

Cela dit, tu n'as pas répondu à ma suggestion : pourquoi n'expliques-tu pas les avantages de l'Ancien Régime sur les régimes modernes, ce qui permettrait de voir avec plus de nuances ce que tu apprécies chez le premier ?

Parce que plusieurs débats ont déjà eu lieu à ce sujet.

Pour moi aussi, le libéralisme n'est pas une fin mais disons que la diminution du poids de l'Etat est un objectif qui n'intéresse finalement qu'à la marge les théoriciens de l'Ecole de Chicago (du moins, pour un certain nombre d'entre eux).

Bien entendu, mais je parlais de l'aspect sociétal.

Posté
Moi qui suis un fervent dumézilien, je dois avouer que le choix du terme idéologie concernant la perception tripartite de l'organisation humaine me semble pour le moins erroné.

De mémoire, il l'avait lui-même employé comme titre de l'un de ses essais. Ce qui n'est pas très étonnant vu l'époque où il écrivait, surchargée en idéologie (et aussi influencée par le structuralisme, important chez Dumézil). Le mot prête à confusion, disons que Dumézil a mis en évidence la persistance dans l'ensemble de l'ère indo-européenne de récits mythologiques et légendaires ou de structures sociales (castes indiennes, ordres médiévaux) inspirée par une répartition trifonctionnelle (le sacré, la guerre, la production/reproduction, avec un statut ambivalent du roi selon les lieux, tantôt chef de guerre tantôt chef sacré). Dans le cadre du MA dont on parle, Duby parlait de "l'imaginaire du féodalisme". Ce n'est pas une idéologie au sens moderne, disons une représentation collective pour être neutre.

Posté
Dans le cadre du MA dont on parle, Duby parlait de "l'imaginaire du féodalisme". Ce n'est pas une idéologie au sens moderne, disons une représentation collective pour être neutre.

Le ver dans le fruit fut la montée en puissance des commerçants qui faussa l'organisation de la société en rompant l'harmonie.

Posté
Non: on pourrait dire la même chose de pratiques spirituelles de type non-religieux.

Non.

Posté
Les chrétiens ont effet relu (et continuent de relire) le passé païen à la lumière de leur foi. Les modernes ont procédé par mimétisme… pour se détacher du passé chrétien. Dans le premier cas, c'était pleinement justifié, vu la nature du message chrétien; dans le second, pas du tout, puisqu'il s'agissait de transférer le Paradis sur Terre en croyant que les hommes allaient vivre en paix avec l'État moralement neutre comme garant des libertés. En fait, vous commettez l'erreur - fréquente de nos jours - de confondre religion véritable et idéologie politique (phénomène exclusivement moderne).

(…)

Vous essayez de justifier une chose (relecture religieuse du passé) en condamnant l'autre (relecture idéologique du passé), ce qui indique clairement que vous êtes dans une attitude engagée et partiale (en tenant ces propos). Pour ma part, je n'ai aucune difficulté à admettre que les modernes ont fait comme les anciens et n'étaient pas aussi originaux qu'ils le croyaient, bien de leurs attitudes relevant d'une simple translation mondaine des anciennes mentalités religieuses. Vouloir convertir le sauvage à la vraie foi ou vouloir le convertir à la vraie liberté libérale (ou au vrai sens de l'histoire marxiste), c'est pour moi le même réflexe. Et je suis indifférent à la nature des justifications avancées : c'est un mauvais réflexe à mes yeux, parce que je valorise la capacité des individus et des communautés à déterminer de manière autonome ce qu'ils ont envie de croire ou de faire, sans qu'un tiers prétende diriger leurs consciences ou leurs actes.

Posté
Le ver dans le fruit fut la montée en puissance des commerçants qui faussa l'organisation de la société en rompant l'harmonie.

De ce point de vue, un dumézilien ne doit pas être très libéral :icon_up: Car en effet, la tripartition représentait concrètement une soumission des valeurs marchandes à des valeurs supérieures (bravoure, sacré), et le mythe des guerres de fondation (Rome ou Scandinavie) semble indiquer que l'ivresse de l'or, menace permanente de déstabilisation, devait être contenue pour un ordre durable.

Posté
Vous essayez de justifier une chose (relecture religieuse du passé) en condamnant l'autre (relecture idéologique du passé), ce qui indique clairement que vous êtes dans une attitude engagée et partiale (en tenant ces propos).

Il n'empêche que j'aie objectivement raison.

Et votre scientisme qui prétend tout éclairer à la lueur du darwinisme, qu'est-ce donc ? Vous n'êtes pas engagé et partial quand vous prétendez balayez prestement toute notion de dignité humaine et que vous vous indignez que des conservateurs puissent contester la légitimité de recherches sur les cellules souches ? La neutralité axiologique dans laquelle vous vous drapez ne signifie pas que vous soyez impartial, mais que vous voulez neutraliser tout jugement moral sur les activités humaines.

Posté
Il n'empêche que j'aie objectivement raison.

Non justement, votre propos démontre à mon sens l'absence d'objectivité. Ou alors, vous devez montrer en quoi une réinterprétation religieuse et une réinterprétation idéologique diffèrent objectivement, et en quoi vous êtes fondé tout aussi objectivement à accepter la première pour un motif indépendant de ce qu'elle est pour vous à titre personnel (c'est-à-dire autre chose que votre adhésion religieuse).

Et votre scientisme qui prétend tout éclairer à la lueur du darwinisme, qu'est-ce donc ? Vous n'êtes pas engagé et partial quand vous prétendez balayez prestement toute notion de dignité humaine et que vous vous indignez que des conservateurs puissent contester la légitimité de recherches sur les cellules souches ?

Selon les textes que j'écris sur mon blog, j'annonce la couleur : en gros, la catégorie recherches est un compte-rendu de travaux scientifiques, la catégorie analyses (et autres) une expression de mon engagement. Et c'est pareil ici, sauf que c'est impossible à préciser et que j'alterne les registres. Pour l'instant, je ne vous ai jamais lu dans un registre disons posé où le contenu du propos n'est pas immédiatement indexé sur une volonté démonstrative au service d'un point de vue. Un exemple simple : je demande dans cette discussion des données d'observations sur l'évolution des pratiques religieuses (simples statistiques permettant de ne pas parler dans le vide sur un sujet), personne parmi les gens intéressés par la religion ne les fournit. On préfère des grandes déclarations de principe, de belles propositions générales. Et on accuse de "scientisme" le souhait d'intégrer des éléments factuels. Mais bon j'ai compris : il faut être religieux pour parler de la religion, et parler de la religion consiste à dire qu'elle est admirable sans entrer dans les détails. Bon courage pour essayer de faire progresser vos choix chez les personnes ayant un minimum d'exigence intellectuelle. Sur les autres, cela continuera de marcher, cela marche depuis la nuit des temps…

La neutralité axiologique dans laquelle vous vous drapez ne signifie pas que vous soyez impartial, mais que vous voulez neutraliser tout jugement moral sur les activités humaines.

Non, je dis que même lorsque l'on a un point de vue éthique particulier, on devrait pouvoir débattre depuis un point de vue méta-éthique où sa position particulière n'entre pas en ligne de compte, au moins dans la manière de poser le débat lui-même. Je suis par exemple pour la liberté d'avorter, je n'en souhaite pas moins connaître et poser précisément toutes les justifications des gens qui sont contre, et cela de manière la plus objective possible. Cela ne m'intéresse pas de débattre avec une caricature de position adverse que j'ai créée ad hoc. Quand j'ai envie de débattre bien sûr, ce qui n'est pas toujours le cas avec des interlocuteurs incapables de faire deux posts sans attaque ad hominem ou citations sans rapport avec la discussion en cours…

Posté
En passant, une réflexion: en parcourant ces derniers mois les fils relatifs de près ou de loin aux questions religieuses, j'ai eu souvent l'impression que tout libéral qui se déclarait méfiant à l'égard des religions (c'est mon cas, pour mettre tout le monde à l'aise) était considéré par des sources autorisées comme un progressiste mal assumé.

Or, je ne pense pas pouvoir passer pour un gauchiste ultime.

Autrement dit, j'ai parfois le sentiment que pour certains contributeurs, on ne peut être uniquement libéral-conservateur que si on croit en une transcendance.

Quelqu'un pourrait-il me dire si j'ai mal compris ?

je suis anarcap' et croyant…

il ne me semble pas que l'anarcapisme soient une pure lignée conservatrice :icon_up:

Posté
Mais bon j'ai compris : il faut être religieux pour parler de la religion,

C'est ce qu'il semble effectivement, voir par exemple cette réponse à un post qui n'incluait aucun élément polémique.

Posté
Un livre qui peut éclairer certaines divergences :

L'auteur, Pierre de Lauzun, n'est apparemment ni économiste ni historien, ce qui en l'espèce n'a rien de rédhibitoire. Nous ne sommes pas ici dans le domaine hermétique de la physique mathématique et un érudit peut présenter des réflexions novatrices et d'intérêts sur les rapports entre christianisme et croissance économique sans disposer nécessairement d'une chaire universitaire. Plus gênante en revanche, la méconnaissance affichée de la nature de la recherche en économie n'augure rien de bon sur l'intérêt global du bouquin :

Beaucoup de ceux qui se sont détournés de la religion traditionnelle ont trouvé le sens de leur vie dans l'une ou l'autre forme de ce qu'on peut appeler ici "théologie économique". Car toute une partie de la théorie économique actuelle a une valeur normative qui lui donne de plus en plus les accents d'une "théologie" laïque. Ceci vaut notamment pour l'École de Chicago. Même si les détails de l'enseignement de cette école sont très différents des thèses marxistes, elle donne elle aussi une impression de quasi-religion.

Il est étonnant qu'un croyant (c'est ainsi qu'il se présente) ne cesse de voir des religions partout, surtout pour attribuer à ce terme une connotation qui semble bien péjorative. L'emploi d'analogies non explicitées (article de foi, l’économie qualifiée tour à tour de théologie, de religion ou directement de nouveau dieu) ressortit à la seule rhétorique et à une vaine logomachie : en quoi la science économique remplit-elle les fonctions sociales ou cognitives de la religion ? Fait-on appel au surnaturel dans la littérature économique?

Au coeur de ce projet il y a une hypothèse - en réalité un article de foi - qui est le monde dirigé par une rationalité économique fondée sur les intérêts de chacun. Dans tous les domaines, si les gens font des choses, c'est dit-on parce que, en définitive, cela leur offre des bénéfices plus grands que les coûts qu'ils subissent. L'école a appliqué cette façon de penser à tous les domaines de la vie : nous avons une économie du droit, du crime, de la famille, du sexe, de la santé et de l'éducation, etc.

A ma connaissance il n'existe pas "d'économie du sexe" qui semble une invention de l'auteur.

Sinon, le fait est que depuis le début du XXème siècle et les travaux de Ludwig von Mises, l’économie se définit volontiers comme la science du comportement rationnel de l’homme (et non la science des mécanismes de marchés, car les échanges n’ont pas d’existences autonomes mais font sens rapportés aux seuls choix humains). D'où l'existence actuelle, effectivement, de nombreux travaux en économie de la santé ou de l’éducation.

On dit par exemple que les gens peuvent penser qu'ils tombent amoureux et se marient, mais qu'en réalité ils négocient un arrangement de services mutuels, comprenant l'échange de services sexuels, l'accomplissement de tâches ménagères, etc.

Strawman insensé. Personne ne prétend que "les gens" ne tombent pas réellement amoureux, ou que les sentiments ne seraient que les oripeaux destinés, même inconsciemment, à couvrir le froid calcul des intérêts égoïstes. Simplement l'économie na rien à dire sur le sentiment amoureux, elle laisse cela entre autres aux poètes ou aux biochimistes ; exactement au même titre qu'elle n'a rien à dire les cycles d'activité solaire ou la théorie électromagnétique, ce n'est pas son champ d'étude.

Dans cette perspective, il n'y a plus de limite à l'économie. Et si certains croient qu'il y a des choses sacrées qui dépassent une rationalité centrée sur nos intérêts, le projet de Chicago considère que c'est une idéologie superficielle, cachant le fonctionnement réel. Ceci s'applique même à la religion. Elle peut avoir une fonction pratique, mais comme moyen efficace de réduction des coûts de transaction dans la société. Par exemple, l'honnêteté, qu'elle favorise, est efficace économiquement, car elle simplifie la contractualisation et réduit d'autres coûts de transaction.

Il y a toujours une limite à l’économie : son champ d’étude (le domaine des choix conscients). Dire que la religion peut avoir des conséquences sociales bénéfiques, expliquer lesquels et par quels mécanismes, n'épuise pas la recherche sur le sujet ni le sens qu'elle revêt pour les fidèles. Nouveau strawman donc.

Avec ce genre d'approche, on est tout proche de la tradition marxiste. Certes, contrairement au léninisme, on ne vise pas à imposer un système par la force. Mais sur le terrain intellectuel, les effets pour le christianisme peuvent être les mêmes. Entre lui et ces doctrines, il y a incompatibilité radicale. Un dieu dont le message décrit le fonctionnement de forces fondées sur l'intérêt égoïste ne peut être le Dieu de la Bible. Par exemple, quand Becker examine les relations personnelles à l'intérieur des familles entre maris et femmes, parents et enfants, etc., il n'en trouve pas la vraie explication dans un sens du devoir et de la responsabilité ; pour lui, la conduite des affaires familiales résulte des "incitations à investir dans la création de relations plus proches". La famille comme lieu de calculs les plus égoïstes : on est aux antipodes du christianisme.

(…) les valeurs que l'économie politique officielle favorise entrent souvent en conflit avec les enseignements chrétiens sur le service de la communauté.

Plus généralement, la pratique de l'économie au XXe siècle a été associée avec des religions séculières qui sont pour l'essentiel des concurrents du christianisme. Comme le marxisme, elles lui empruntent beaucoup de leurs thèmes. Mais si cette religion séculière n'est pas le christianisme, c'est donc une religion concurrente. Être un économiste actif peut donc vouloir dire entrer dans une forme de sacerdoce rival du christianisme, au service d'une religion concurrente. Que le développement de la profession pendant ce siècle ait coïncidé avec la sécularisation de la société n'est donc pas un hasard. Le rôle de l'économie dans le processus de substitution au christianisme des religions séculières a été clef. Nous avons affaire ici à une prétention quasi religieuse.

Il n’est pas question « d’antipodes du christianisme » mais de domaines totalement différents, pourquoi vouloir à toute force les faire s’affronter ? Il me semble que Gary Becker se définit volontiers lui-même comme un conservateur et il est douteux que son intention est jamais été de partir en guerre contre la famille traditionnelle ou le christianisme.

Il est vrai que pendant longtemps, beaucoup de monde s'est foutu des travaux de Becker qui prétendait pouvoir endogénéiser dans la théorie économique des variables telles que le taux de fécondité (alors que par exemples les démographes constatent ex post les évolutions de la natalité, mais sans pouvoir réellement les expliquer) jusqu'à ce que les données empiriques sur de nombreux pays viennent confirmer la qualité de ses prévisions dans le domaine.

A lire les extrait ci-dessus, il semble que Pierre de Lauzun, considèrent ces recherches comme indignes ou insensées car elles ne perçoivent pas la dimension sacrée de la famille. C'est plutôt un contre-exemple (duquel je ne tire personnellement aucune généralité) de l'affirmation selon laquelle un esprit religieux n'est pas l'ennemi de la recherche scientifique (ou autant scientifique qu'on peut l'être dans le domaine des sciences sociales).

Posté
C'est ce qu'il semble effectivement, voir par exemple cette réponse à un post qui n'incluait aucun élément polémique.

On en revient à mon sens à ce que j'avais souligné dans un post un peu perdu au milieu de la présente discussion, et à partir du texte de Russell Kirk posté par Harald : il faudrait creuser du côté des états d'esprits et des psychologies, pas seulement des contenus propositionnels. Par exemple, prenez une proposition de n'importe quelle nature (religieuse, politique, scientifique, etc.), un fanatique en fera toujours le même type d'usage : une arme au service de son fanatisme. C'est à mes yeux assez indépendant de la proposition (même si certaines sont bien sûr taillées sur mesure pour alimenter le fanatisme).

Le conservatisme est heureusement assez peu fanatique, on peut même dire qu'il devrait être modéré par nature puisqu'une attitude conservatrice consiste à faire confiance aux usages et à se méfier des innovations, d'autant plus qu'elles paraissent éloignées des usages en question. Mais je me demande si la modernité n'est pas susceptible de produire un néo-conservatisme de type fanatique : à mesure que les traditions dont on se réclame concrètement reculent, les discours se radicalisent et défendent de plus en plus âprement des usages qui n'en sont justement plus, ou alors dont la base démographique se rétrécit. En d'autres termes, moins une société est traditionnelle, plus les discours traditionnalistes sont artificiels, plus ils sont tentés par une radicalisation de dernier recours. De ce point de vue, les discours conservateurs du XIXe siècle étaient tenus dans une société objectivement conservatrice (au sens de peu modernisée, fidèle à des pratiques anciennes éloignées du mode de vie moderne naissant). Mais au début du XXIe siècle, cela n'est plus tellement vrai. Je pense que bon nombre de gens se disant conservateurs ici tiennent un discours qui ne représente qu'une minorité de leur société. C'est donc devenu un conservatisme paradoxal.

Posté
L'auteur, Pierre de Lauzun, n'est apparemment ni économiste ni historien, ce qui en l'espèce n'a rien de rédhibitoire. Nous ne sommes pas ici dans le domaine hermétique de la physique mathématique et un érudit peut présenter des réflexions novatrices et d'intérêts sur les rapports entre christianisme et croissance économique sans disposer nécessairement d'une chaire universitaire. Plus gênante en revanche, la méconnaissance affichée de la nature de la recherche en économie n'augure rien de bon sur l'intérêt global du bouquin :

Il est étonnant qu'un croyant (c'est ainsi qu'il se présente) ne cesse de voir des religions partout, surtout pour attribuer à ce terme une connotation qui semble bien péjorative. L'emploi d'analogies non explicitées (article de foi, l’économie qualifiée tour à tour de théologie, de religion ou directement de nouveau dieu) ressortit à la seule rhétorique et à une vaine logomachie : en quoi la science économique remplit-elle les fonctions sociales ou cognitives de la religion ? Fait-on appel au surnaturel dans la littérature économique?

A ma connaissance il n'existe pas "d'économie du sexe" qui semble une invention de l'auteur.

Sinon, le fait est que depuis le début du XXème siècle et les travaux de Ludwig von Mises, l’économie se définit volontiers comme la science du comportement rationnel de l’homme (et non la science des mécanismes de marchés, car les échanges n’ont pas d’existences autonomes mais font sens rapportés aux seuls choix humains). D'où l'existence actuelle, effectivement, de nombreux travaux en économie de la santé ou de l’éducation.

Strawman insensé. Personne ne prétend que "les gens" ne tombent pas réellement amoureux, ou que les sentiments ne seraient que les oripeaux destinés, même inconsciemment, à couvrir le froid calcul des intérêts égoïstes. Simplement l'économie na rien à dire sur le sentiment amoureux, elle laisse cela entre autres aux poètes ou aux biochimistes ; exactement au même titre qu'elle n'a rien à dire les cycles d'activité solaire ou la théorie électromagnétique, ce n'est pas son champ d'étude.

Il y a toujours une limite à l’économie : son champ d’étude (le domaine des choix conscients). Dire que la religion peut avoir des conséquences sociales bénéfiques, expliquer lesquels et par quels mécanismes, n'épuise pas la recherche sur le sujet ni le sens qu'elle revêt pour les fidèles. Nouveau strawman donc.

Il n’est pas question « d’antipodes du christianisme » mais de domaines totalement différents, pourquoi vouloir à toute force les faire s’affronter ? Il me semble que Gary Becker se définit volontiers lui-même comme un conservateur et il est douteux que son intention est jamais été de partir en guerre contre la famille traditionnelle ou le christianisme.

Il est vrai que pendant longtemps, beaucoup de monde s'est foutu des travaux de Becker qui prétendait pouvoir endogénéiser dans la théorie économique des variables telles que le taux de fécondité (alors que par exemples les démographes constatent ex post les évolutions de la natalité, mais sans pouvoir réellement les expliquer) jusqu'à ce que les données empiriques sur de nombreux pays viennent confirmer la qualité de ses prévisions dans le domaine.

A lire les extrait ci-dessus, il semble que Pierre de Lauzun, considèrent ces recherches comme indignes ou insensées car elles ne perçoivent pas la dimension sacrée de la famille. C'est plutôt un contre-exemple (duquel je ne tire personnellement aucune généralité) de l'affirmation selon laquelle un esprit religieux n'est pas l'ennemi de la recherche scientifique (ou autant scientifique qu'on peut l'être dans le domaine des sciences sociales).

Toutes ces dénégations venant de quelqu'un qui va vous citer du Lemennicier à propos de l'économie du mariage sont assez rigolotes.

EDIT et comme exemple d'économie du sexe, en voilà un difficilement niable : http://economics.uchicago.edu/pdf/Prostitution%205.pdf

Posté
C'est celui qui dit qui l'est.

Eh bien, je pense que ne pas faire de distinction entre les religions révélées, et les pratiques spirituelles de toute sorte est une erreur.

Posté
De ce point de vue, les discours conservateurs du XIXe siècle étaient tenus dans une société objectivement conservatrice (au sens de peu modernisée, fidèle à des pratiques anciennes éloignées du mode de vie moderne naissant). Mais au début du XXIe siècle, cela n'est plus tellement vrai. Je pense que bon nombre de gens se disant conservateurs ici tiennent un discours qui ne représente qu'une minorité de leur société. C'est donc devenu un conservatisme paradoxal.

Merci de rappeler aux conservateurs qu'ils sont peu nombreux ; ils ne s'en étaient pas du tout rendu compte ! :icon_up:

Posté
(…)

Sinon, le fait est que depuis le début du XXème siècle et les travaux de Ludwig von Mises, l’économie se définit volontiers comme la science du comportement rationnel de l’homme (et non la science des mécanismes de marchés, car les échanges n’ont pas d’existences autonomes mais font sens rapportés aux seuls choix humains). (…)

C'est HS ici, mais cela fait partie des points que j'aimerais bien creuser. La notion de "comportement rationnel" me semble discutable au sens où il y a toujours des degrés de rationalité dans un comportement, une variation continue plutôt qu'une séparation claire entre ce qui serait rationnel et ce qui ne le serait pas. Je pense que depuis les marginalites, la dimension subjective (éventuellement pas rationnelle du tout) de l'utilité est intégrée dans l'analyse, mais cela m'intéresserait de savoir comment au juste, et ce que cela permet comme prédiction.

Posté
Non, cela signifie plutôt que tous sont aussi crédibles pour les croyants concernés - et aussi, cf. ci-dessus, que dieu n'est pas un élément nécessaire pour définir un religion, même si les religions majoritaires croient en un dieu. Quand tu regardes cela de l'extérieur et sans aucun souci prosélyte, tu en déduis simplement que l'expérience religieuse de l'humanité revêt des formes très différentes selon les époques et les lieux.

Non. Si tu regardes l'humanité tu te rends compte que les religions révélées ont eu un impact sur les hommes que les autres n'ont pas eu. Le bouddhisme est un peu à part. Mais, on ne peut pas mettre sur un même plan l'ensemble des autres croyances.

Posté
Non justement, votre propos démontre à mon sens l'absence d'objectivité. Ou alors, vous devez montrer en quoi une réinterprétation religieuse et une réinterprétation idéologique diffèrent objectivement, et en quoi vous êtes fondé tout aussi objectivement à accepter la première pour un motif indépendant de ce qu'elle est pour vous à titre personnel (c'est-à-dire autre chose que votre adhésion religieuse).

Selon les textes que j'écris sur mon blog, j'annonce la couleur : en gros, la catégorie recherches est un compte-rendu de travaux scientifiques, la catégorie analyses (et autres) une expression de mon engagement. Et c'est pareil ici, sauf que c'est impossible à préciser et que j'alterne les registres. Pour l'instant, je ne vous ai jamais lu dans un registre disons posé où le contenu du propos n'est pas immédiatement indexé sur une volonté démonstrative au service d'un point de vue. Un exemple simple : je demande dans cette discussion des données d'observations sur l'évolution des pratiques religieuses (simples statistiques permettant de ne pas parler dans le vide sur un sujet), personne parmi les gens intéressés par la religion ne les fournit. On préfère des grandes déclarations de principe, de belles propositions générales. Et on accuse de "scientisme" le souhait d'intégrer des éléments factuels. Mais bon j'ai compris : il faut être religieux pour parler de la religion, et parler de la religion consiste à dire qu'elle est admirable sans entrer dans les détails. Bon courage pour essayer de faire progresser vos choix chez les personnes ayant un minimum d'exigence intellectuelle. Sur les autres, cela continuera de marcher, cela marche depuis la nuit des temps…

Non, je dis que même lorsque l'on a un point de vue éthique particulier, on devrait pouvoir débattre depuis un point de vue méta-éthique où sa position particulière n'entre pas en ligne de compte, au moins dans la manière de poser le débat lui-même. Je suis par exemple pour la liberté d'avorter, je n'en souhaite pas moins connaître et poser précisément toutes les justifications des gens qui sont contre, et cela de manière la plus objective possible. Cela ne m'intéresse pas de débattre avec une caricature de position adverse que j'ai créée ad hoc. Quand j'ai envie de débattre bien sûr, ce qui n'est pas toujours le cas avec des interlocuteurs incapables de faire deux posts sans attaque ad hominem ou citations sans rapport avec la discussion en cours…

http://www.mutageneses.com/2008/06/bavardages.html

J’observe souvent que le prosélyte semble avoir un avantage sur les autres : il parle sans cesse, quitte à répéter mille fois les mêmes choses
Posté
Eh bien, je pense que ne pas faire de distinction entre les religions révélées, et les pratiques spirituelles de toute sorte est une erreur.

D'accord sur ce point, il y a plusieurs différences importantes entre les monothéismes et les autres, dont la vérité révélée.

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