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Dérapages tarifaires aux péages


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Les sociétés d'autoroutes taxent l'usager sur les kilomètres les plus fréquentés.

Marc Michaux, avec Vincent Paes - 01/07/2008 (?)- L'Expansion

Au vingtième étage de la Grande Arche de la Défense, la vue sur Paris a beau être magique, aucun des participants à cette réunion n'a le cœur à rêver en ce 16 mai, dans les locaux de la Direction générale des routes (DGR). L'ambiance est plutôt tendue. Daniel Bursaux, le directeur général de la mer et des transports, assisté de Pierre-Denis Coux, sous-directeur au sein de la DGR, chargé de suivre la bonne gestion des autoroutes et des ouvrages concédés, a convoqué en urgence les représentants des fédérations de transporteurs et les présidents des sociétés d'autoroutes françaises. Le message de Daniel Bursaux est clair, direct. L'Etat, via la Dgr, l'autorité de régulation des concessions, ne tolérera plus désormais le moindre dérapage tarifaire.

Dans le collimateur, la technique dite du « foisonnement », instaurée depuis plusieurs années par les sociétés d'autoroutes. En clair, l'Etat fixe chaque année l'augmentation globale des tarifs des péages pour chaque concessionnaire autoroutier. Mais nombre de ces derniers contournent cette règle en appliquant les plus fortes hausses sur les sections les plus empruntées et en limitant les augmentations sur les portions les moins fréquentées. Bref, sur le papier, les concessionnaires respectent scrupuleusement la progression moyenne annuelle mais, en coulisses, beaucoup calculent comme ils l'entendent les prix aux péages.

Et ça paie ! Pour preuve, alors que le trafic autoroutier augmentait seulement de 2,8 % et que la hausse globale des tarifs fixés par l'Etat pour l'ensemble des réseaux n'était que de 1,7 %, le chiffre d'affaires des sociétés d'autoroutes a bondi de 7,88 % de 2006 à 2007. Quant à la rentabilité, sous l'effet conjugué de l'automatisation et de la hausse de la tarification, elle ne cesse de progresser, pour atteindre des niveaux plus que confortables, comme le montre le champion de notre classement, la société Alis, exploitant depuis 2005 l'autoroute A28 avec une marge de 77 %. Fait aggravant, cette pratique ne date pas d'aujourd'hui. « En 2000, nous avons travaillé avec ASF sur les modalités d'ouverture du capital. Nous avons rencontré des membres de la direction qui nous ont présenté leur business model et nous ont parlé sans détour du foisonnement », révèle un banquier.

Certes, l'opacité, le manque de cohérence et la complexité qui entourent les méthodes de calcul des hausses annuelles tarifaires ne pouvaient que servir de terreau à toutes sortes de dérapages. La Cour des comptes les dénonce d'ailleurs à maintes reprises dans un rapport au vitriol publié en février. Et les exemples ne manquent pas. Ainsi, le prix d'un même tronçon peut varier dans une fourchette de 1 à 14. C'est le cas du tronçon Avignon sud-Cavaillon (A7). Cette partie de 13 kilomètres sera facturée 10 centimes d'euro à l'automobiliste qui sort à Montélimar. Mais s'il va jusqu'à Chanas, 80 kilomètres plus loin, il devra débourser 13,40 euros au péage, dont 1,40 euro pour ces mêmes 13 kilomètres ! Ce n'est pas un cas isolé. On retrouve des différences similaires sur l'A43 ouest, avec le tronçon L'Isle-d'Abeau centre-Bourgoin-Jallieu.

Plus grave, les écarts se creusent entre les différentes sections d'une même autoroute. C'est le cas de l'A16, une autoroute de plaine. Le contournement de Beauvais est facturé 13 centimes par kilomètre, alors que le trajet Amiens ouest-Méru ne coûte que 6,6 centimes. Plus à l'ouest, sur le bitume de l'A28, le coût du kilomètre sur le tronçon Alençon-Sées s'élève à 15,30 centimes d'euro par kilomètre, alors que sur le parcours Gacé-Orbec, il ne coûte que 7,20 centimes.

« Face à de telles incohérences tarifaires, la DGR aurait dû être encore plus vigilante, or elle a laissé faire », martèle Christian Descheemaeker, président de la septième chambre de la Cour des comptes. Sans aucun doute, la peur d'entamer un bras de fer avec des sociétés d'autoroutes disposant de bataillons de juristes confirmés et rodés aux procédures contentieuses n'est pas étrangère à cette inertie. Sans parler des liens qui se sont peu à peu tissés entre la DGR et les groupes autoroutiers. Leurs ingénieurs ont souvent la même formation, majoritairement des polytechniciens - X-Mines et X-Ponts et Chaussées. Il n'est pas rare d'ailleurs que des ingénieurs de la DGR soient débauchés par les sociétés d'autoroutes.

La routine quoi.

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