CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Retour sur l'approche évolutionniste de la morale, avec deux aspects non creusés pour le moment, à savoir le conflit et le groupe. Pour tout individu, le problème de base est survivre et se reproduire. Dans le cas des espèces sociales, il y a conflit potentiel entre l'individu et le groupe. Assez simple à comprendre : si j'accapare pour ma personne / ma famille tous les biens, j'avantage mes gènes mais je nuis à autrui ; si je séduis ou viole toutes les femmes du groupe, idem. Un des aspects importants des morales humaines est donc le rapport égoïsme / altruisme : dire ce qui est bon ou mauvais, c'est trancher lorsque l'on a des conflits égoïstes entre des individus qui menace l'unité du groupe, ou des attitudes d'égoïsme systématique qui mine le même groupe. Les sociétés de chasseurs cueilleurs sont de ce point de vue très communautaires et égalitaires, et l'on pense qu'il en fut ainsi au cours du Paléolithique (cf travaux de C. Boehm) Autre aspect du conflit : la violence. Autant il existe chez l'homme des processus très partagés de répugnance émotive au spectacle de la violence gratuite, sanguinaire ou imprévisible, autant il existe une tendance tout aussi partagée à des bouffées de violence dans certaines circonstances précises : si l'on me vole, si l'on menace mes enfants, si l'on séduit ma femme, si l'on empiète mon territoire etc. Les hommes sont portés à la violence pour défendre leurs femmes et leurs enfants, leurs ressources, leurs territoires, mais aussi bien "grâce" à la conscience pour défendre leur réputation, leur honneur et leurs symboles (je dis les hommes car dans toutes les sociétés connues, 90% des faits violents sont masculins). Dans des sociétés fondées sur la parenté comme celle de nos ancêtres, il y a risque d'escalade du conflit (la rivalité mimétique de Girard, qui rejoint ici les observations de l'anthropologie darwinienne, ainsi que les réflexions hobbesiennes d'ailleurs). Le deuxième aspect de la morale, c'est de fixer des règles au sein du groupe permettant de minimiser les risques de violence ; et si violence il y a, de dire dans quels cas elle est bonne ou mauvaise (justifiée). Troisième dimension : le groupe et les rapports intergroupes. Comme je l'ai dit, la moralité n'a de sens qu'en rapport à la socialité. Mais la socialité humaine n'est pas une abstraction : c'est mon groupe d'appartenance, d'autant plus important que l'on recule dans l'histoire. D'innombrables expériences et observations ont montré qu'il existe dans le cerveau humain un biais majoritaire en faveur des siens, dans une logique identitaire "eux contre nous". Cela donne ou nourrit des choses plutôt désagréables comme le népotisme, le clanisme, le favoritisme, l'esprit de clocher, la xénophobie, le racisme, le nationalisme, le patriotisme, le bellicisme, etc. De manière plus fine, quand on fait passer à des individus de toutes cultures des dilemmes moraux (inspirés de la théorie des jeux), on voit que ces individus ont tendance à mieux accepter l'altruisme dans leur groupe et à punir plus sévèrement les membres des groupes adverses (qu'il s'agisse de groupes ad hoc comme des équipes de jeu, ou de groupes réels quand on place les gens dans des situations proches de leur perception réelle d'eux-mêmes et des autres). La théorie de la sélection de groupe, que défendait Darwin (dans La descendance de l'homme) et qui connaît aujourd'hui un net regain d'intérêt, suggère que la morale a également émergé comme outil adaptatif dans la guerre entre groupes (comme toujours, guerre pour les biens, les partenaires sexuels, les territoires, les symboles). Le groupe qui se montrait le plus altruiste en interne est celui qui maximise ses chances de survie en tant que groupe face à des compétiteurs. Mais pour être efficace, cela suppose que la même morale altruiste en interne accepte et justifie la violence en externe. Outre que l'étude des guerres des sociétés primitives confirme ce trait, il permet de comprendre pourquoi nous sommes programmés à adhérer si fortement au cours de notre développement aux symboles, aux rites et aux règles qui définissent l'identité de notre groupe. Les maquillages, les hymnes, les drapeaux, les momuments aux morts, les récits des glorieux combats des ancêtres… tout cela "parle" aux humains, et l'histoire récente a montré que ce trait est bien loin d'être effacé. Même des morales hostiles à la violence ont développé des théories de la guerre juste, pas toujours des guerres préventives. Bon, je termine là parce que cela pourrait durer des pages, autant débattre. Ce qu'il faut retenir à mes yeux, c'est que la vision de la morale par un individu occidental du XXIe siècle, alphabétisé, éduqué, vivant dans une société à peu près pacifique, sous un Etat de droit et un Etat-providence redistributif, avec une moindre importance des identités et communautés, avec 2500 ans de tradition individualiste et rationaliste derrière lui n'offre qu'une fenêtre très partielle (et éventuellement très idéaliste) sur la réalité de la morale dans l'espèce humaine. Et qu'il serait tout à fait téméraire de s'imaginer que 6,5 milliards d'humains sont évolutivement prêts à accepter comme une évidence une morale hautement intellectuelle sur les droits abstraits de l'individu. D'autant qu'il faut bien l'admettre, les Occidentaux eux-mêmes ne sont nullement prémunis contre la logique de groupe et utilisent parfois leur belle morale universelle pour justifier des guerres sont des groupes concurrents.
h16 Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Bon, je termine là parce que cela pourrait durer des pages, On te fait confiance.
Legion Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Il ne me semble pas avoir affirmé fièrement ne pas connaitre Chamfort et m'être satisfait de cette lacune dans un sujet portant sur la morale. Mais taisez-vous donc ! Ça fait 20 messages que vous êtes sur ce forum et vous n'avez encore absolument rien dit.
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Tu pars du principe que l'homme est une espèce sociale et consciente, pour affirmer ensuite que la morale est une nécessité évolutive. Pourquoi pas, mais je ne vois pas pourquoi il faudrait séparer l'existence d'un homme conscient et social, de l'existence d'un homme qui a des principes moraux. Il n'y aucune raison de considérer que ces différents traits sont apparus dans des temps différents de l'évolution. L'homme est une espèce sociale, consciente et morale. Mais cela ne dit rien quand à la nécessité évolutive de la morale. Mon dernier post a précisé ma pensée, en fait c'est une synthèse rapide et grossière d'une partie de la littérature évolutionniste, il y a pas mal d'autres choses. La nécessité de la morale découle à la base de la survie et de la reproduction, mais c'est une nécessité "aveugle". Les hommes du passé (et en grande partie ceux d'aujourd'hui) ne se disent pas consciemment "voyons, voyons je vais faire une morale pour maximiser ma survie et ma reproduction" ; les règles qui la permettent émergent des pratiques humaines, avec un avantage différentiel de survie / reproduction pour certains individus et certains groupes suivant les règles les plus "efficaces" de ce point de vue. C'est à peu près la catallaxie de Hayek, mais appliquée sur les 100.000 générations ayant précédé l'histoire récente. En soi, les mécanismes d'émergence de la morale ne sont pas moraux. Ensuite, si tu examines des sociétés de chasseurs cueilleurs, tu ne vas pas trouver des concepts abstraits de bien et de mal. Simplement des rites et des règles centrés sur les aspects les plus importants (le mariage, le partage de nourriture). Tu poses de la même façon, qu'il existe des instincts protomoraux chez l'homme précédant toute formalisation d'une morale par le langage, mais ceci est également un a priori infondé. Peut on considérer que l'homme suit une morale si il est incapable de nommer ce qui est bon et ce qui est mal. Je considère qu'on ne peut parler de morale que lorsque l'homme dispose d'un langage qui lui permette de nommer ce qui est bon et ce qui est mauvais. C'est notament fondé sur l'observation des sociétés de primates non humains les plus proches de notre espèce (chimpanzé, bonobo, ancêtre commun avec l'homme env. 6 millions d'années). Bien qu'ignorant le langage, ces animaux sont très loins de se comporter n'importe comment : il existe des hiérarchies, des alliances, des rituels, etc. On n'observe pas chez ces sociétés de violences gratuites entre individus, mais des violences précises : en cas de déclin du mâle dominant (et de guerre de succesion), en cas de luttes territoriales avec des groupes voisins, en cas d'infanticides (le nouveau mâle dominant tue souvent les jeunes portées de son prédécesseur). Inversement, il existe des formes d'entraide dans l'"éducation" des jeunes, des formes de pacification (épouillage commun, léchage de blessures après combat), des rudiments de "théorie de l'esprit" (perception des états d'esprits d'autrui, notamment de la souffrance).
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Bon, on ne parle visiblement pas de la même chose, j'ai l'impression que pour toi la morale n'est jamais violé et que si un individu commet un acte, c'est nécessairement conforme a sa morale, tu décris donc ce qui est, et non ce qui doit être, ou plutôt tu considère que l'homme fait toujours ce qu'il pense bon. Si, les morales peuvent être violées. Mais ce qui est bon ou mauvais dépend du référentiel. Il est mauvais pour moi de lapider une femme adultère ou de pendre un homosexuel, mais c'est encore pratiqué dans certains coins et jugé bon là-bas. Il est mauvais pour moi de laisser une maladie génétique à un embryon si l'on a les moyens de la corriger, mais c'est jugé préférable par beaucoup, etc. etc. Fort heureusement (à mes yeux), sur les points les plus critiques (comme pendre ou lapider), il existe une très large majorité d'humains et de morales pour condamner. Mais la majorité est ce qu'elle est, elle n'empêche pas l'existence de la minorité. Aucun de ceux qui ont perpétué ces crimes n’a prétendu avoir été vertueux, les justifications étaient « la fin justifie les moyens », « pour s’amuser », « on n’avait pas le choix » ou même « vous avez fait pareil/pire, vous ne pouvez pas juger ». La fin justifie les moyens, c'est précisément une forme de justification morale consistant à dire que la réalisation du bien suspend la critique sur ses méthodes. Ensuite, il y a évidemment des déviances dues à des brutes psychopahes ou ultraviolentes que même les régimes totalitaires devaient sans doute condamner. Enfin je ne sais pas, vu que l'idéologie de ces régimes flattait la violence. Oui, les peuplades primitives sont des humains aussi, et si tu en conclues que nous sommes tous des primitifs, j’en conclus moi qu’ils partagent une conscience. Prétendrais-tu ne pas avoir de conscience, que tu ne puisses la voir chez les autres ?Il faudrait savoir, ta métamorale universelle minimale, elle permet de violer les enfants oui ou non, parce que si non, comment peut tu prétendre que les crimes de guerres en question étaient moraux dans le référentiel des criminels. Ma métamorale minimale… c'est la mienne justement, ce n'est plus une position méta-éthique d'observation, mais une position éthique normative. J'aimerais qu'elle soit universelle car elle me semble une condition simple pour bien vivre ensemble, mais j'observe qu'elle ne l'est pas spécialement. Elle entre forcément en conflit avec des morales maximales admettant la nuisance à autrui, notamment la morale nazie. Ou la morale des régimes islamiques estimant que l'orientation ou la fidélité sexuelles sont des motifs de mort.
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 (…)CMuller, en bon nietzschéen, se croit au-dessus de la meute, mais ne pense pas différemment qu'elle : pour lui est moral ce qui est conforme à ce qu'il aime faire. L'éthique est réduite à la volonté. Non, je respecte tout à fait la morale actuelle et commune de ma meute, à savoir les droits de l'homme pour faire simple. J'ai même tendance à la défendre activement, puisque je suis attaché aux libertés fondamentales des individus. Comme ta liberté de croire dans toutes les choses bizarres (à mes yeux) que tu énonces ici. Evidemment, quand je suis confronté à des dilemmes moraux plus spécifiques, je pose ce que je trouve bon ou mauvais de faire… donc, en un sens, ce que j'aime. Pour cela, je me fie effectivement à ma volonté et à ma raison, pas à la tradition ou à l'usage majoritaire. Et alors ?
Invité jabial Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Il est logique pour un relativiste d'être incohérent, puisque le relativisme est en soi un vol de concept
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Il est logique pour un relativiste d'être incohérent, puisque le relativisme est en soi un vol de concept Mais encore ? Pour la enième fois, le relativisme éthique est une position non tenable, puisque toute éthique défend une certaine conception du bien et du mal. Quand je dis que le consentement de l'individu est au fondement de mon choix éthique, par exemple, je désigne clairement comme mauvaises (pour moi) les morales affirmant que le consentement individuel doit être soumis à autre chose (par exemple des règles de comportement décidées arbitrairement par les autorités d'une église, d'un Etat, d'une majorité). Mais comme je suis pluraliste, et non relativiste, j'admets fort bien l'existence de ces morales tant qu'elles ne prétendent pas sortir de leur groupe et m'emmerder. Par ailleurs, je constate que ces morales ont des convictions communes avec les miennes sur certains points, bien qu'elles n'aient pas la même justification. Est-ce si difficile à comprendre ?
Invité jabial Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Donc, ça ne te dérange pas qu'on viole le consentement des gens tant que ça se passe loin de toi? Fichtre. Effectivement ce n'est pas du relativisme, c'est autre chose
neuneu2k Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Si, les morales peuvent être violées. Mais ce qui est bon ou mauvais dépend du référentiel. Il est mauvais pour moi de lapider une femme adultère ou de pendre un homosexuel, mais c'est encore pratiqué dans certains coins et jugé bon là-bas. Il est mauvais pour moi de laisser une maladie génétique à un embryon si l'on a les moyens de la corriger, mais c'est jugé préférable par beaucoup, etc. etc. Non, je ne parle pas de morales violées par ceux qui ne la partagent pas, je parle de morales violées par ceux qui les partagent, a l'intérieur du groupe, je parle de crimes de guerres fait par des gens qui condamnent les crimes de guerre, par des membres de sociétés qui condamnent les crimes de guerre, par des soldats élevés dans la croyance que le viol est interdit. Tu nie qu’un homme puisse violer sa propre morale, ce négationnisme n’est pas innocent car c’est toute la différence entre la soi-disant « programmation » et le libre arbitre. Le concept que tu décris existe, mais je doute que l’appeler morale soit très constructif ; C’est au mieux source de confusion, au pire une stratégie rhétorique pour éviter les sujets difficiles et métaphysiques.
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Donc, ça ne te dérange pas qu'on viole le consentement des gens tant que ça se passe loin de toi? Fichtre. Effectivement ce n'est pas du relativisme, c'est autre chose Evidemment que cela me dérange. Les régimes violant à un degré ou à un autre les consentements de l'individu sont pas loin d'être majoritaires démographiquement (entre le communisme chinois et les régimes islamiques faisant primer le Coran sur les droits de l'homme, cela fait déjà pas mal de monde). Je trouve bon d'accueillir chez moi les réfugiés de ces pays, je trouve bon de mener une guerre intellectuelle contre leurs morales maximalistes faisant primer le groupe sur l'individu et le dogme sur la raison, je trouve bon d'illustrer les vertus de l'individualisme et du rationalisme, je trouve bon de mener l'autocritique de mon propre pays et de ma propre civilisation quand ils continuent des interdits absurdes ou des guerres égoïstes, etc. Mais rien de tout cela ne me permet de nier le caractère moral des morales que je désapprouve par rapport à la mienne. Et rien de tout cela ne justifie à mes yeux le recours à la violence contre les pays concernés, recours dont le coût humain serait fort lourd. Par ailleurs, le consentement de l'individu est concrètement proportionné à son degré d'information. Qu'est-ce que cela signifie le consentement d'un Afghan qui a passé sa vie dans sa montagne, avec des gens semblables à lui, en ayant au mieux fréquenté une école coranique locale justifiant ses usages locaux ? Je suppose qu'il consent à la morale de son groupe, il n'a pas un réel choix culturel ou cognitif. Là encore, j'espère que l'information se développera partout où elle manque aujourd'hui, mais je ne vais pas intervenir militairement pour imposer la télé et internet à tous ceux qui ne l'ont pas (ce qui doit faire 2 ou 3 milliards d'humains, non ?)
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Non, je ne parle pas de morales violées par ceux qui ne la partagent pas, je parle de morales violées par ceux qui les partagent, a l'intérieur du groupe, je parle de crimes de guerres fait par des gens qui condamnent les crimes de guerre, par des membres de sociétés qui condamnent les crimes de guerre, par des soldats élevés dans la croyance que le viol est interdit.Tu nie qu’un homme puisse violer sa propre morale, ce négationnisme n’est pas innocent car c’est toute la différence entre la soi-disant « programmation » et le libre arbitre. Le concept que tu décris existe, mais je doute que l’appeler morale soit très constructif ; C’est au mieux source de confusion, au pire une stratégie rhétorique pour éviter les sujets difficiles et métaphysiques. Je ne comprends absolument pas ton propos. Il est évident que quiconque peut violer sa propre morale, et en éprouver du remords, de la honte, etc. EDIT : en te relisant, tu as l'air de dire que certains Allemands nazis étaient conscients qu'ils faisaient des horreurs malgré leur nazisme. C'est en effet le cas s'ils avaient échappé à la propagande du régime et avaient été éduqués avec d'autres morales, donc s'ils avaient des conflits intérieurs. Même un jeune nazi convaincu formé par le régime, s'il n'est pas psychopathe ou fanatique, aura eu très probablement des doutes sur la morale nazie s'il observe qu'elle se traduit sous ses yeux par des horreurs. Et ces doutes lui viennent justement de sa programmation d'espèce lui faisant ressentir la souffrance d'autrui, sensation que même son endoctrinement idéologique ne peut effacer.
POE Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Mon dernier post a précisé ma pensée, en fait c'est une synthèse rapide et grossière d'une partie de la littérature évolutionniste, il y a pas mal d'autres choses. La nécessité de la morale découle à la base de la survie et de la reproduction, mais c'est une nécessité "aveugle". Bien dans ce cas, il fallait préciser dès le départ que ton approche est issue de la littérature évolutionniste, et poster ton sujet dans sciences et technologies puisque tu pars du principe que la morale est une nécessité qui découle de la survie et de la reproduction. En effet, je ne vois pas ce que la philosophie ou la métaphysique pourrait t'apporter. C'est notament fondé sur l'observation des sociétés de primates non humains les plus proches de notre espèce (chimpanzé, bonobo, ancêtre commun avec l'homme env. 6 millions d'années). Bien qu'ignorant le langage, ces animaux sont très loins de se comporter n'importe comment : il existe des hiérarchies, des alliances, des rituels, etc. On n'observe pas chez ces sociétés de violences gratuites entre individus, mais des violences précises : en cas de déclin du mâle dominant (et de guerre de succesion), en cas de luttes territoriales avec des groupes voisins, en cas d'infanticides (le nouveau mâle dominant tue souvent les jeunes portées de son prédécesseur). Inversement, il existe des formes d'entraide dans l'"éducation" des jeunes, des formes de pacification (épouillage commun, léchage de blessures après combat), des rudiments de "théorie de l'esprit" (perception des états d'esprits d'autrui, notamment de la souffrance). Mais précisément, dans ces conditions il faut définir ce tu nommes morale puisqu'à l'évidence il existe des comportements chez les animaux qui permettent également de minimiser les conflits, et la violence. A mon sens, il faut donc que la morale soit plus que cela chez l'homme même si on observe qu'elle a des conséquences similaires sur la société.
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Bien dans ce cas, il fallait préciser dès le départ que ton approche est issue de la littérature évolutionniste, et poster ton sujet dans sciences et technologies puisque tu pars du principe que la morale est une nécessité qui découle de la survie et de la reproduction. En effet, je ne vois pas ce que la philosophie ou la métaphysique pourrait t'apporter. Au contraire : - l'essentiel du débat moral normatif commence avec la période historique, qui est philosophique et métaphysique (on n'en a pas encore parlé en fait) ; - toute philosophie ignorante de la science dans ses domaines de réflexion est nulle et non avenue à mes yeux. Si tu as envie de parler de la morale sans jeter un seul regard sur les travaux biologiques et psychologiques à son sujet, tu vas refuser des informations pertinentes pour la réflexion. (Et inversement, un scientifique ignorant des travaux philosophiques risque d'enfoncer des portes ouvertes). Nota : tu as sur la morale le même "réflexe" que sur la foi, à savoir "pas touche la science". J'avoue que je ne comprends pas cette volonté de rendre étanches les domaines.
POE Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Au contraire : - l'essentiel du débat moral normatif commence avec la période historique, qui est philosophique et métaphysique (on n'en a pas encore parlé en fait) ; - toute philosophie ignorante de la science dans ses domaines de réflexion est nulle et non avenue à mes yeux. Si tu as envie de parler de la morale sans jeter un seul regard sur les travaux biologiques et psychologiques à son sujet, tu vas refuser des informations pertinentes pour la réflexion. (Et inversement, un scientifique ignorant des travaux philosophiques risque d'enfoncer des portes ouvertes). Pourtant l'essentiel de la philosophie a été produite sans les connaissances de la science actuelle, faut il donc la mettre au placard ? Je n'ai rien contre la science, mais tu poses des hypothèses scientifiques comme le fondement de ta réflexion, cela me semble une démarche incorrecte.
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 (…)Mais précisément, dans ces conditions il faut définir ce tu nommes morale puisqu'à l'évidence il existe des comportements chez les animaux qui permettent également de minimiser les conflits, et la violence. A mon sens, il faut donc que la morale soit plus que cela chez l'homme même si on observe qu'elle a des conséquences similaires sur la société. En effet. La morale est plus chez l'homme car : - elle est infiniment plus complexe que les protomorales animales ; - elle peut aller à l'encontre de diverses programmations naturelles ; - elle passe par le langage et le symbole ; - elle se marie (parfois) avec la religion ou la métaphysique ; - elle est l'objet d'une réflexion rationnelle. Nous en arrivons ainsi à l'examen des morales humaines. Toutes ont en commun de juger bonnes / mauvaises ou bien / mal des comportements ou des situations. Mais comment les hommes formulent-ils ou acceptent-ils cela ? C'est le problème de la justification. - Dans les sociétés les plus proches de notre mode de vie paléolithique, généralement fermées et répétitives, la justification procède de l'usage : il n'y a pas d'Etat, les groupes sont petits et homogènes, les comportements sont réglés par des habitudes ancestrales, généralement légitimées par un discours religieux assez simple et surtout par un mode de vie très socialisé, où chacun observe les autres, où le gossip est l'activité principale des journées, où les manquements aux règles sont vite repérés et condamnés. Tout cela tourne en rond, pourrait-on dire, mais cela fonctionne ainsi depuis des dizaines de milliers d'années pour certaines tribus. - Dans les sociétés apparues au Néolithique, le cas de figure est différent : ce sont des ensembles plus nombreux, plus complexes et plus hiérarchisés, sédentaires, connaissant l'écriture (donc comparant avec le passé), avec division et spécialisation du travail, avec apparition de l'altérité immédiate (des voisins différents, des esclaves, parfois des populations diverses dans la même société dues à des conquêtes successives). Dans ces ensembles plus vastes, on a vu émerger des morales qui n'étaient pas forcément de simples répétitions de groupes, mais qui s'intéressaient aux règles morales elles-mêmes et s'adressaient aux individus, sans mention nécessaire de leurs appartenances. Il y en a plusieurs types : certaines font appel directement à Dieu et à ses prophètes comme sources de la morale (les trois monothéismes), d'autres sont attribuées à de grands réformateurs et à leur écoles (confucianisme et bouddhisme par exemple), d'autres encore sont des sortes de religions de la cité (ou de la nation) avec plus ou moins d'éléments sacrés (les morales antiques gréco-romaines, l'hindouisme et le shintoisme aujourd'hui). Par ailleurs, avec les Grecs apparaît le rationalisme, qui connaîtra surtout sa fortune plus tard : ce sont les grands systèmes moraux, rationnels et laïcs (utilitarisme, déontologisme, branche non religieuse du jusnaturalisme…). A cela s'ajoutent des morales locales (en Amérique, Asie ou Afrique) qui ont parfois survécu, mais qui ont souvent été absorbées par des morales externes (monothéismes chrétiens ou musulmans). Il est à noter que les monothéismes se sont divisés avec l'histoire, donnant eux aussi des variantes locales : catholicisme, protestantisme et orthodoxie, sunnisme et chiisme (pour les principales divisions). Dans leur contenu moral, ces branches peuvent diverger sur certains points de la vie des croyants. A partir des mêmes prémisses de base, l'humanité a donc produit dans les temps historiques une grande diversité de morales, souvent mêlées à des religions. Elles ne sont pas seulement distinctes sur leurs divers contenus normatifs (ce qui est bon ou non dans tel aspect de la vie, ce qui est valorisé et dévalorisé), mais aussi dans leur mode de justification ultime : le foi en Dieu (exemple christianisme), le respect de la tradition (exemple le confucianisme), la raison seule (exemple droits de l'homme). Au sein de l'option rationaliste, on distingue diverses justifications possibles : plaisir/souffrance et utilité (utilitarisme), dignité humaine et universalisation (déontologisme), finalités naturelles (jusnaturalisme*), liberté et propriété (libertariens*). (*) Là, il y a des nuances qui m'échappent, mais ceux qui se réclament du droit naturel ou des libertariens ici pourront préciser leur justification.
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Pourtant l'essentiel de la philosophie a été produite sans les connaissances de la science actuelle, faut il donc la mettre au placard ?Je n'ai rien contre la science, mais tu poses des hypothèses scientifiques comme le fondement de ta réflexion, cela me semble une démarche incorrecte. Non, c'est plutôt que l'on ne peut pas parler à mon sens de la morale si l'on pose arbitrairement que celle-ci commence et finit avec une tradition morale particulière. Si je fais appel à la science, c'est pour donner un minimum de profondeur à l'origine de la morale dans l'espèce humaine. Pour éviter aussi que l'on se réfère à "la nature" en disant un peu n'importe quoi, notamment des jugements de fait douteux sur les raisons d'être de tel ou tel trait humain.
Ash Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Non, je respecte tout à fait la morale actuelle et commune de ma meute, à savoir les droits de l'homme pour faire simple. J'ai même tendance à la défendre activement, puisque je suis attaché aux libertés fondamentales des individus. Comme ta liberté de croire dans toutes les choses bizarres (à mes yeux) - nb: Ouf ! J'ai eu peur - que tu énonces ici. Des droits de l'homme que vous ne considérez même pas comme universels. C'est dire…
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Des droits de l'homme que vous ne considérez même pas comme universels. C'est dire… Ils ne le sont pas en effet. Voudriez-vous que j'envoie quelques bombes atomiques sur les récalcitrants, mon cher ami ?
Ash Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Oui oui on sait… ils ne le sont pas parce que… tout le monde ne s'en réclame pas. Imparable.
POE Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Non, c'est plutôt que l'on ne peut pas parler à mon sens de la morale si l'on pose arbitrairement que celle-ci commence et finit avec une tradition morale particulière. Si je fais appel à la science, c'est pour donner un minimum de profondeur à l'origine de la morale dans l'espèce humaine. Pour éviter aussi que l'on se réfère à "la nature" en disant un peu n'importe quoi, notamment des jugements de fait douteux sur les raisons d'être de tel ou tel trait humain. Non, tu as dis toute philosophie ignorante de la science dans ses domaines de réflexion est nulle et non avenue à mes yeux Ce qui signifie qu'à tes yeux toute la philosophie produite depuis les pré socratiques aux philosophes du XIX est nulle et non avenue en ce qui concerne la morale. Le débat est terminé. Si tu n'es pas capable de faire une proposition simple qui dit une chose simple, je ne vois pas de quoi on peut parler.
h16 Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Météo. On peut parler météo. Et faire des contrepèteries. Par exemple : il fait beau et chaud.
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Non, tu as dis Ce qui signifie qu'à tes yeux toute la philosophie produite depuis les pré socratiques aux philosophes du XIX est nulle et non avenue en ce qui concerne la morale. Le débat est terminé. Si tu n'es pas capable de faire une proposition simple qui dit une chose simple, je ne vois pas de quoi on peut parler. Il y a par exemple un débat philosophique ancien sur la place des émotions dans la morale : se contenter aujourd'hui de répéter les termes du débat sans s'informer de la science, ce n'est pas recevable en philosophie à mes yeux, c'est de l'ignorance volontaire et rien d'autre. Je te rappelle quand même que la division de la science et de la philosophie ne date que de deux siècles, que la plupart des grands philosophes étaient aussi scientifiques et se tenaient informés des connaissances positives de leur temps. Réponds donc de manière simple à une question simple : trouves-tu qu'un philosophe faisant aujourd'hui profession de réfléchir sur la morale (il y en a) doit s'abstenir de lire les travaux issu des neurosciences cognitives et de la théorie de l'évolution ? Sauf bien sûr s'il est historien de la philosophie.
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Oui oui on sait… ils ne le sont pas parce que… tout le monde ne s'en réclame pas.Imparable. C'est en effet imparable. Le christianisme et le bouddhisme ne sont pas des croyances universelles parce que tout le monde ne s'en réclame pas. Les droits de l'homme ne sont pas une morale universelle pour les mêmes raisons. Tout cela a une vocation universelle, ce qui est quand même assez différent. Dans la réalité, cela n'attire et ne fédère qu'une partie de l'humanité. Par ailleurs, tu acceptes les droits de l'homme, moi aussi. Pour moi, les droits de l'homme impliquent naturellement la liberté d'avorter, de changer des gènes d'un embryon, de s'euthanasier, de se cloner, de se marier avec plusieurs femmes ou plusieurs hommes, etc. Sommes-nous d'accord ? J'en doute beaucoup. Alors n'exagérons pas l'universalité de nos positions morales, elles n'impliquent même pas les mêmes choses pour les individus d'une même société ! Sous le vocable droit de l'homme, un anarchiste va mettre un maximum de libertés individuelles, un socialiste va mettre des droits sociaux contraignants, un chrétien va mettre un droit naturel conforme à sa foi, etc. Ouvrez les yeux sur la réalité.
h16 Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Le christianisme et le bouddhisme ne sont pas des croyances universelles parce que tout le monde ne s'en réclame pas. Tu n'as pas l'impression d'utiliser le mot universel de travers, là ?
john_ross Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Vous avez raison H16 Le christianisme et le bouddhisme ne sont pas des croyances universelles parce que tout l'univers ne s'en réclame pas.
Ash Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 C'est en effet imparable. Le christianisme et le bouddhisme ne sont pas des croyances universelles parce que tout le monde ne s'en réclame pas. Les droits de l'homme ne sont pas une morale universelle pour les mêmes raisons. Tout cela a une vocation universelle, ce qui est quand même assez différent. Dans la réalité, cela n'attire et ne fédère qu'une partie de l'humanité.Par ailleurs, tu acceptes les droits de l'homme, moi aussi. Pour moi, les droits de l'homme impliquent naturellement la liberté d'avorter, de changer des gènes d'un embryon, de s'euthanasier, de se cloner, de se marier avec plusieurs femmes ou plusieurs hommes, etc. Sommes-nous d'accord ? J'en doute beaucoup. Alors n'exagérons pas l'universalité de nos positions morales, elles n'impliquent même pas les mêmes choses pour les individus d'une même société ! Sous le vocable droit de l'homme, un anarchiste va mettre un maximum de libertés individuelles, un socialiste va mettre des droits sociaux contraignants, un chrétien va mettre un droit naturel conforme à sa foi, etc. Ouvrez les yeux sur la réalité. Et vous sur le sens des mots. Est universel ce qui est bon pour la nature de l'homme (et oui, il s'agit d'un fait). Ca ne se décide pas en fonction de ce que la majorité (ou non) peut adopter et penser. Et en l'occurrence, du texte des droits de l'homme, je n'en garde que la première monture.
CMuller Posté 1 juillet 2008 Auteur Signaler Posté 1 juillet 2008 Tu n'as pas l'impression d'utiliser le mot universel de travers, là ? Non. Et vous sur le sens des mots.Est universel ce qui est bon pour la nature de l'homme (et oui, il s'agit d'un fait). Ca ne se décide pas en fonction de ce que la majorité (ou non) peut adopter et penser. (…) Eh bien justement, j'ai fait cette discussion pour creuser l'universalité et la naturalité. Donc, quels faits (selon vos termes) mettez-vous dans la nature universelle de l'homme ?
POE Posté 1 juillet 2008 Signaler Posté 1 juillet 2008 Il y a par exemple un débat philosophique ancien sur la place des émotions dans la morale : se contenter aujourd'hui de répéter les termes du débat sans s'informer de la science, ce n'est pas recevable en philosophie à mes yeux, c'est de l'ignorance volontaire et rien d'autre. Je te rappelle quand même que la division de la science et de la philosophie ne date que de deux siècles, que la plupart des grands philosophes étaient aussi scientifiques et se tenaient informés des connaissances positives de leur temps.Réponds donc de manière simple à une question simple : trouves-tu qu'un philosophe faisant aujourd'hui profession de réfléchir sur la morale (il y en a) doit s'abstenir de lire les travaux issu des neurosciences cognitives et de la théorie de l'évolution ? Sauf bien sûr s'il est historien de la philosophie. Reviens tu oui ou non sur cette proposition : toute philosophie ignorante de la science dans ses domaines de réflexion est nulle et non avenue à mes yeux Si tu ne reviens pas sur cette proposition, il te faut admettre que le travail de la plupart des philosophes est sans aucun intérêt pour toi, ce qui à mon sens limite grandement la discussion. Le débat a t il été posé ? Je n'ai pas l'impression. Je considère qu'on ne juge pas du travail d'un philosophe, de la qualité de sa réflexion à l'aune des travaux scientifiques qu'il a ou n'a pas lu.
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