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Manifeste des Chômeurs Heureux


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Manifeste des chômeurs heureux

Le Manifeste des Chômeurs Heureux est un petit bouquin de moins d’une centaine de pages, édité par Le Chien Rouge / CQFD (2006). Il rassemble divers textes et documents, diffusés pour la plupart à partir de 1996, dont notamment le texte central d’abord connu sous le titre A la recherche de ressources obscures. Ci-dessous la couverture d’une brochure datant de 1999 (à la suite, donc, de la première manifestation des Chômeurs Heureux à Berlin en 96 et de l’Assemblée Générale de Jussieu en 98, comme indiqué), constituée de simples photocopies reliées par une grosse ficelle :

cover_chomeurs_heureux.jpg

Le libéral blasé craindra peut-être de trop s’en approcher, flairant d’avance une bonne vieille merde syndicaliste. Au contraire, qu’il hume à plein nez ce drôle de carnet au doux parfum situationniste, qu’il y goûte même ! Oui, on peut le mettre à la bouche, ce pseudo-manifeste est une véritable petite friandise libertaire au rayon des publications « alter ».

On connaît par cœur les rengaines des mouvements de chômeurs et pauvres travailleurs – ou plutôt de leurs leaders auto-proclamés qui prétendent en défendre les intérêts – ; un de plus pourrait-on se dire. Pourtant, le titre associe à « chômeurs » un qualificatif pour le moins impromptu en ces durs temps de crise. « Heureux ». « Heureux » ! Indécent. Qui pourrait bien trouver l’occasion d’un sourire dans la précarité de nos existences soumis à l’impitoyable logique économique hypra-méga-libérale, dans la violence et la gravité de notre lutte contre le grand capital ?

« Chômeurs heureux » : par ce qui apparaît de prime abord comme un oxymore, les auteurs annoncent donc un authentique renversement des valeurs. Par valeur, il ne s’agit pas seulement de s’en référer à un principe idéal, mais bien d’adopter une nouvelle attitude, d’exprimer la quête de ce principe idéal au travers d’une praxis. Voici des chômeurs qui vivent bien leur chômage. Voici des individus, des hommes, des femmes, que l’on désigne comme « inactifs » et qui pourtant multiplient les activités. Voici des chercheurs d’emplois qui ne cherchent aucun emploi, mais qui plutôt s’emploient eux-mêmes à chercher, peut-être à se chercher eux-mêmes d’ailleurs, bref, à tout chercher sauf un travail. Ils n’ont pas d’expérience professionnelle, mais vivent des expériences au quotidien, font de leur quotidien une expérience de vie à part entière. Ce sont des parasites et ils l’assument complètement, mieux, ils le revendiquent ! Ils redéfinissent le chômage pour lui donner un sens positif :

« "Chômage" est un mauvais mot, une idée négative, le revers de la médaille du travail. Un chômeur n’est qu’un travailleur sans travail. Ce qui ne dit rien de la personne comme poète, comme flâneur, comme chercheur, comme respirateur. »

Dans cette douce rêverie, un problème doit pourtant bien se poser… et ces chômeurs heureux le diagnostiquent parfaitement. De façon très explicite, un chapitre entier a pour titre : « L’argent est le problème ». Bien qu’il soit introduit par quelques formules trahissant une certaine mécompréhension des principes économiques, les développements qui en découlent ne suintent pas la mauvaise foi comme les habituelles conneries alter-mondialistes ; il faut voir dans l’extrait suivant une fantaisie, un clin d’œil, et davantage s’attacher au ton, au style, qu’au contenu. Ce n’est pas l’exposé d’une vision, alter-machin ou -truc, mais, dans le cadre d’une vision, un jeu sarcastique avec les mots et les idées :

« C’est justement parce que l’argent, et non l’utilité sociale, est le but que le chômage existe. Le plein emploi c’est la crise économique, le chômage c’est la santé du marché. Que se passe-t-il, dès qu’une entreprise annonce une charrette de licenciement ? Les actionnaires sautent de joie, les spéculateurs la félicitent pour sa stratégie d’assainissement, les actions grimpent, et le prochain bilan témoignera des bénéfices ainsi engrangés. De la sorte, on peut dire que les chômeurs créent plus de profits que leurs ex-collègues. Il serait donc logique de les récompenser pour leur contribution sans égale à la croissance. Au lieu de cela, ils n’en touchent pas un rogaton. Le Chômeur Heureux veut être rétribué pour son non-travail. »

Suit à cette provocation une citation de l’artiste Kazimir Malevitch – célèbre pour son Carré noir sur fond blanc – :

« L’argent n’est rien d’autre qu’un petit morceau de paresse. Plus on en a, plus on peut goûter en abondance aux délices de la paresse. […] Le capitalisme organise le travail de telle sorte que l’accès à la paresse n’est pas le même pour tous. Seul peut y goûter celui qui détient du capital. Ainsi la classe des capitalistes s’est-elle libérée de ce travail dont toute l’humanité doit maintenant se libérer. » (Kazimir Malevitch, La paresse comme vérité effective de l’homme, voir lien amazon plus bas*)

Présenté de cette façon, la paresse perd son caractère outrageant, n’apparaissant plus exactement comme un défaut, et le « droit à la paresse » – ainsi que certains libertariens fustigent le RMU par exemple – devient une expression sans équivoque, sans visée de dénigrement :

« Si le chômeur est malheureux, ce n’est pas parce qu’il n’a pas de travail, mais parce qu’il n’a pas d’argent. Ne disons donc plus "demandeur d’emploi" mais "demandeur d’argent", plus "recherche active d’un emploi" mais "recherche active d’argent". Les choses seront plus claires. Comme on va le voir, le Chômeur heureux cherche à combler ce manque par la recherche de ressources obscures. »

Le problème est donc déplacé, ne consistant plus en l’absence d’activité rentable, mais dans l’absence de rentabilité de telle ou telle activité : on sort de la perspective du « travail » comme valeur sociale suprême, ultime vecteur de socialisation, activité d’assainissement ou d’accomplissement de soi. On se concentre sur l’argent, sur sa mauvaise redistribution ou son absurde utilisation :

« Comptez au total combien d’argent les contribuables et les entreprises consacrent officiellement "au chômage", et divisez par le nombre de chômeurs : Hein ? Ça fait sacrément plus que nos chèques de fin de mois, pas vrai ? Cet argent n’est pas principalement investi dans le bien-être des chômeurs, mais dans leur contrôle chicanier, au moyen de convocations sans objet, de soi-disant stages de formation-insertion-perfectionnement qui viennent d’on ne sait où et ne mènent nulle part, de pseudo-travaux pour de pseudo-salaires, simplement afin de baisser artificiellement le taux de chômage. Simplement, donc, pour maintenir l’apparence d’une chimère économique. »

Découle de ce constat – sur lequel s’accorderont les libéraux (l’Etat dépense vraiment l’argent n’importe comment, d’autant plus quand il entend résoudre des problèmes de dépenses par une dépense supplémentaire…) – une proposition inattendue – sur laquelle s’accorderont également les libéraux – – et qui ne les surprendra peut-être que du fait de figurer dans une telle publication – – – :

« Notre première proposition est immédiatement applicable : suppression de toutes les mesures de contrôle contre les chômeurs, fermeture de toutes les agences et officines de flicage, manipulation statistique et propagande (ce serait notre contribution aux restrictions budgétaires en cours), et versement automatique et inconditionnel des allocations augmentées des sommes ainsi épargnées. »

Si c’est pas de l’ultra-libéralisme ça ! Exit le Ministère du travail ! Exit les grands plans sociaux pour l’emploi et la solidarité ! A bas le gaspillage étatique ! Pour un emploi utile des ressources ! Pour une solution privée aux problèmes publics !! Les chômeurs, qui se tournent habituellement vers le gouvernement pour demander aide et assistance – comme tous les autres citoyens pour n’importe quel autre problème –, proposent ici une véritable alternative et basculent vers un nouveau paradigme :

« Le nouveau délire conservateur reproche aux chômeurs de se complaire dans l’assistance, de vivre aux crochets de l’Etat et patati et patata. Bon, pour autant que l’on sache, l’Etat existe toujours, et encaisse des impôts, c’est pourquoi nous ne voyons pas en quel honneur nous devrions renoncer à son soutien financier. Mais nous ne sommes pas polarisés sur l’Etat. Nous ne verrions aucun inconvénient à un financement venant du secteur privé, que ce soit sous la forme du sponsoring, de l’adoption […]. »

Tout en désignant clairement la faille du système (« l’Etat est là, pourquoi ne pas en profiter ? »), nos heureux chômeurs s’efforcent néanmoins de regarder au-delà (« pourquoi ne pas se passer l’Etat ? Ne serait-ce pas autrement plus profitable ? »). Plutôt que de se faire prélever une large part sur ses revenus au nom de la redistribution auprès des sans-emploi – et de la laisser presque intégralement à l’Etat en guise de « commission » –, un employeur pourrait effectuer une redistribution directe, sans intermédiaire, en « sponsorisant » un chômeur. Voire en « l’adoptant » ! Voir ce génial formulaire reproduit en annexe :

formulaire.jpg

Au-delà du gag, n’y a-t-il pas là les bases sérieuses et sincères d’un système invitant à contourner l’Etat ? On trouve d’ailleurs un mot à ce propos, à l'attention de ceux qui interpréteraient ce délire comme une utopie :

« […] Le Chômage heureux ne représente pas pour autant une nouvelle utopie. Utopie veut dire : "lieu qui n’existe pas". L’utopiste dresse au millimètre les plans d’une construction supposée idéale, et attend que le monde vienne se couler dans ce moule. Le Chômeur heureux, lui, serait plutôt un "topiste", il bricole et expérimente à partir de lieux et d’objets qui sont à portée de main. Il ne construit pas de système, mais cherche toutes les occasions et possibilités d’améliorer son environnement. »

Voilà la vraie morale de ce projet : le citoyen, chômeur ou pas, de ré-investir son environnement, doit re-faire société, avec les autres, et ne plus laisser l’Etat organiser la société comme bon lui semble. Il faut réhabiliter une authentique solidarité, une solidarité inter-individuelle directe, et ne pas laisser l’Etat se faire le seul intermédiaire entre chacun des citoyens. Aujourd’hui, entre toi et moi, il y a l’Etat. Et pour ce stupide rôle d’intermédiaire, l’Etat - la corporation d’hommes et de femmes qui l’incarnent – se prend au passage une exorbitante commission. La société, la vraie solidarité, c’est toi et moi, sans l’Etat. Les libéraux rappellent souvent à qui veut bien l’entendre que dans les régions du monde où l’Etat est moins présent voire quasi-inexistant pour « organiser » la solidarité, naît ou se maintient une solidarité réelle et concrète entre les habitants de ces régions. De même les Chômeurs Heureux reprennent à leur compte l’exemple de l’Afrique :

« Nous ne mentionnerons ici qu’un exemple. Il y a quelques années, des sociologues s’étaient penchés sur la manière de vivre des habitants du Grand Yoff, une des banlieues les plus déshéritées de Dakar. Ils établirent que les revenus d’une famille moyenne de douze personnes étaient sept fois supérieurs à leurs ressources officielles. Non que ces gens aient trouvé la formule miracle pour multiplier les billets de banque, mais ils savent augmenter l’effectivité des finances précaires en en organisant la circulation intensive. Il est impossible de vivre en Afrique sans appartenir à une ethnie, un clan, une famille élargie, un cercle d’amis. A l’intérieur de chacun de ces réseaux, l’argent circule méthodiquement par un système précis, élaboré et impératif de cadeaux, dons, emprunts, remboursements, placements, droits à diverses tontines. Le fait que ces possibilités de tirage soient accumulées au sein de chaque famille permet à celle-ci d’avoir à tout moment accès à une somme d’argent sans commune mesure avec ses ressources officielles. Encore ces flux monétaires ne sont-ils qu’un aspect de "l’économie de la réciprocité", laquelle consiste aussi en échanges de services de réparation, entretien et installation, fabrication de chaussures et vêtements, préparation collective de repas, travail des métaux et d’ébénisterie, services de santé et d’éducation, sans oublier l’organisation de fêtes qui maintiennent la cohésion du groupe, toutes choses dans lesquelles l’argent ne joue aucun rôle. C’est la raison pour laquelle il est impossible de mesurer le "niveau de vie" de ces populations avec les critères et instruments de l’Occident. »

Nous comprenons mieux l’engagement « topiste » évoqué plus haut. Nous ressentons aussi d’autant plus la difficulté du retournement des valeurs qui s’opère : car si le manque d’argent est le problème, à l’inverse l’argent n’est pas la solution. Evidence simple que nous avons tous intégrée depuis bien longtemps, implicitement ou sous sa formule commune tant de fois répétée : « l’argent ne fait pas le bonheur »… Pourtant la difficulté est bien là : le Chômage Heureux ne peut se résumer en quelques propositions pouvant figurer parmi d’autres dans un simple programme gouvernemental ; le Chômage Heureux est un projet de société à part entière, par-delà la droite, la gauche, par-delà tous les gouvernements, par-delà la politique et l’Etat. Le Chômage Heureux n’est pas seulement un projet « social » ou économique, c’est un projet de vie, dans tous les aspects qu’elle peut receler et auxquels la politique telle qu’elle se joue aujourd’hui n’aura jamais accès.

« Imaginons un instant que ce système [le système mis en place par les habitants du Grand Yoff, évoqué plus haut] soit transposable ici : un RMIste disposerait alors de 11000 francs [1675 euros] par mois, ce qui, certes, ne résoudrait pas tous les problèmes, mais mettrait du beurre dans les épinards ! Sans compter toutes les choses dont il profiterait, que l’argent ne peut acheter. La question classique, combien d’argent me faudrait-il pour bien vivre, est mal posée. Qui vit complètement isolé, en état d’apesanteur sociale, n’aura jamais assez de fric pour combler sa misère existentielle. Les RMIstes ici ont bien sûr ce gros handicap qu’ils ne peuvent s’appuyer sur aucun clan, aucune coutume qui serait déjà là. Il nous faut partir de zéro. »

En dépit de nombreuses erreurs économiques, les Chômeurs Heureux finissent donc malgré tout par placer avec justesse l’économie devant ses propres erreurs, ou disons ses sources de malentendus dans son propre langage : le PIB, qui indique une forme de richesse, se révèle finalement un indicateur bien pauvre ; et si l’on peut avoir des raisons de rechercher et motiver la croissance, il ne faut pas oublier qu’elle n’implique pas forcément le développement. Or toute communauté humaine devrait être fondée sur le projet d’atteindre le bonheur, et de permettre à chacun de ses membres d’être heureux…chômeurs ou pas !

*autres bouquins :

Posté
Valentin, après toutes ces années, tu n'es pas encore guéri de cette lubie de l'allocation universelle ?

Ce dont je pourrais être malade, à la limite, c’est de n’avoir, pendant "toutes ces années", continué d’approfondir ma maitrise de ce sujet! :mrgreen: La littérature sur le RMU est pourtant maigre à ce jour.. Mais ce que j’ai pu lire est toujours éclairant, et même éclatant !, et je tiens ce projet de RMU, cumulé à celui de Flat tax, comme un but, une fin en soi, d’un système total. Il n’y a décidemment que les libéraux de ce forum pour s’en faire les pires pourfendeurs :doigt: Ce système de redistribution peut pourtant s’inscrire dans la perspective d’un authentique et intransigeant (géo-)libertarianisme, et je n'ai jamais trouvé de contre-argument valable.

Néanmoins, ce n’était pas exactement le sujet de ce fil, et si un bouquin sur l’alloc universelle est mentionné à la fin, c’est seulement parce qu’il me semble impossible d’envisager complètement le "Chômage Heureux" sans aborder également cette proposition, qui constituerait en réalité la meilleure des solutions, au détriment du gag de "l’adoption". Par ailleurs le RMU est évoqué au moins une fois plus haut, comme "droit à la paresse"… -d'ailleurs, à ce propos, ma seule réaction à ce débat sera donc ici : :icon_up: oui à la paresse, vive la sieste! :mrgreen:

Posté
…le RMU est évoqué au moins une fois plus haut, comme "droit à la paresse"…

Ce qui est mentir par la gueule, puisque'il prétend être un "droit" à être entretenu par d'autres.

De même les Chômeurs Heureux reprennent à leur compte l’exemple de l’Afrique…

:icon_up: Non mais quels cons ces Africains ! Dire qu'ils préfèrent risquer la mort en traversant l'Atlantique vers les Canaries en espérerant venir travailler en Europe, alors qu'ils bénéficient du "droit à la paresse" chez eux.

Posté
Ce système de redistribution peut pourtant s’inscrire dans la perspective d’un authentique et intransigeant (géo-)libertarianisme, et je n'ai jamais trouvé de contre-argument valable.

Moi j'en ai un : c'est totalement illibérale, en plus d'être profondément immoral - la charité c'est pour les personnes qui peuvent pas faire autrement, pas pour les feignants.

Posté
Ce dont je pourrais être malade, à la limite, c’est de n’avoir, pendant "toutes ces années", continué d’approfondir ma maitrise de ce sujet! :mrgreen: La littérature sur le RMU est pourtant maigre à ce jour.. Mais ce que j’ai pu lire est toujours éclairant, et même éclatant !, et je tiens ce projet de RMU, cumulé à celui de Flat tax, comme un but, une fin en soi, d’un système total. Il n’y a décidemment que les libéraux de ce forum pour s’en faire les pires pourfendeurs :mrgreen: Ce système de redistribution peut pourtant s’inscrire dans la perspective d’un authentique et intransigeant (géo-)libertarianisme, et je n'ai jamais trouvé de contre-argument valable.

Néanmoins, ce n’était pas exactement le sujet de ce fil, et si un bouquin sur l’alloc universelle est mentionné à la fin, c’est seulement parce qu’il me semble impossible d’envisager complètement le "Chômage Heureux" sans aborder également cette proposition, qui constituerait en réalité la meilleure des solutions, au détriment du gag de "l’adoption". Par ailleurs le RMU est évoqué au moins une fois plus haut, comme "droit à la paresse"… -d'ailleurs, à ce propos, ma seule réaction à ce débat sera donc ici : :icon_up: oui à la paresse, vive la sieste! :mrgreen:

C'est là tout le problème : l'allocation universelle, si elle devait exister, ce serait quelque chose de suffisant pour survivre mais pas pour vivre. Une sorte de charité organisée par l'Etat, puisque personne ne serait content de voir des pauvres mourir devant sa maison, tout comme il est préférable que la voirie ou l'armée soit gérée par la communauté (mairie, région…) puisque quiconque vit dans le pays utilise ses routes et est protégée par l'armée

Mais ce ne serait en aucun cas un "droit à la paresse". Les gens qui ne vivraient qu'avec l'allocation universelle, donc qui ne contribueraient pas à son financement (par opposition aux gens salariés qui toucheraient aussi l'allocation universelle - parce qu'elle est universelle- mais contribueraient pas l'impôt), auraient certes le droit de ne rien faire s'ils le veulent, mais ce serait s'attendre à vivre de façon très précaire, et en marge de la société. On est loin de l'image de l'artiste bohême de ton livre :doigt:

Par contre, le rôle de la communauté familiale (ou tribale) dans le maintien d'un certain niveau de vie, les échanges (plutôt troc) et l'entretien d'une activité économique non-monétaire n'est absolument pas pris en compte dans le calcul de la "richesse", du "revenu" ou du "PIB". Et c'est impossible à évaluer.

Mais plus la société est développée économiquement, moins ce rôle est important dans l'activité, en proportions. Ce n'est donc pas vraiment une notion d'avenir, puisque satanés optimistes que nous sommes, nous envisageons plus le développement que la récession.

Mais c'est vrai que ça devrait être pris en compte dans certains discours politiques fondés sur des chiffres : le PIB/hab de l'Angola est 3 fois supérieur à celui de l'Inde. Le développement économique de l'Inde est pourtant bien supérieur à celui de l'Angola.

Posté
C'est là tout le problème : l'allocation universelle, si elle devait exister, ce serait quelque chose de suffisant pour survivre mais pas pour vivre. Une sorte de charité organisée par l'Etat

Pourquoi par l'état ? Pourquoi en faire un monopole, et diviser par environ deux l'efficacité du bazar, si pas plus encore ? La charité moyenne de la population de ce pays suffit largement à alimenter les structures libres et associatives d'assistance à tous ceux qui en ont vraiment besoin.

Posté
Pourquoi par l'état ? Pourquoi en faire un monopole, et diviser par environ deux l'efficacité du bazar, si pas plus encore ? La charité moyenne de la population de ce pays suffit largement à alimenter les structures libres et associatives d'assistance à tous ceux qui en ont vraiment besoin.

Le libéralisme, ce n'est pas défendre l'efficacité économique. C'est avant tout défendre les libertés individuelles.

Justement, l'homme rationnel, dans son idéal d'égalité, a tendance à vouloir forcer les gens à emprunter la voie qui lui parait, mais à lui seulement, la plus efficace et la plus juste. C'est de ce postulat erroné que le socialisme part : en raisonnant scientifiquement et en intégrant toutes les variables, on peut forcer la société à emprunter un chemin qui maximise le bien-être général.

Le libéralisme s'est toujours opposé à ce principe, puisqu'il prétend avec raison que la liberté individuelle est une valeur inaliénable, que le "bien-être général" est une notion qui n'a pas de sens, et que nécessairement, la libre concurrence est nécessaire et la coercition interdite.

En outre, il s'avère que sur bien des points, l'efficacité économique du libéralisme a été maintes fois démontrée. L'innovation et la justice s'épanouissent mieux. Ce n'est qu'un argument de plus, mais ce n'est pas le principe fondateur.

Donc s'opposer à l'allocation universelle parce que l'Etat la gèrera de manière moins efficace, c'est fallacieux. Tu peux t'opposer à l'allocation universelle parce que cela implique des prélèvements obligatoires, et donc la coercition. Et je ne me lancerai pas dans ce débat ici.

Je relevais juste l'erreur de Valentin, je ne me déclarais pas un ferme partisan de l'allocation universelle.

Posté
Le libéralisme, ce n'est pas défendre l'efficacité économique. C'est avant tout défendre les libertés individuelles.

Et la voie de l'efficacité économique est dans la liberté individuelle.

Dans le cas présent, permettre la libre initiative d'œuvres caritatives et structures associées au lieu de les monopoliser toutes dans l'état. Je ne dis rien d'autre.

Posté
:icon_up: Non mais quels cons ces Africains ! Dire qu'ils préfèrent risquer la mort en traversant l'Atlantique vers les Canaries en espérerant venir travailler en Europe, alors qu'ils bénéficient du "droit à la paresse" chez eux.

Voir le bouquin de Thomas, je l'avais d'ailleurs en tête en abordant ce passage sur "l'exemple africain". < http://www.liberaux.org/index.php?showtopic=38532 > J'ai cru bien y comprendre ce système d'"économie de la réciprocité", ce que l'on gagne à travers la communauté - même si cela se fait au détriment d'une certaine expression de "l'individualité"..

Pas tous !

:doigt:

yeap, je me souviens toutefois d'une opposition sur le RMU comme fin et le RMU comme moyen. Je défends le RMU comme fin en soi. En tant que moyen, autant le dire ainsi, la stratégie consistant en la fusion de toutes les allocs pour n'en supprimer définitivement qu'une seule me semble un leurre pour les libertariens. Non seulement c'est ce scenar que pressentent certains opposants au RMU, mais surtout la suppression de cette seule et dernière alloc se révélera quasi-impossible. On a mieux fait dans cette perspective de supprimer plein de petites taxes anodines une à une. Le RMU met littéralement des existences en jeu, et se dote d'un statut éthique particulier - ce n'est pas pour rien que certains auteurs défendent ce même projet sous l'appellation "revenu d'existence" -- c'est aussi dans cette perspective qu'il peut se révéler contestable d'un point de vue parfaitement libéral.

Posté

Je relevais juste l'erreur de Valentin, je ne me déclarais pas un ferme partisan de l'allocation universelle.

salut coco, tu la vois où l'erreur, tu balances ça par provoc ou par aveuglement ? en tout cas si tu veux éviter d'en faire une, tu peux déjà essayer de lire le premier post, plutôt que de réagir au commentaire d'un commentaire à un message qui n'est lui-même qu'un commentaire/paraphrase d'un autre texte.

Bien sûr que le RMU n'est pas un "droit à la paresse" : c'est seulement par cette expression que la plupart des libertariens dénigrent ce projet d'allocation. Tout d'abord parce qu'ils ne reconnaissent pas de "droit à…", mais aussi et surtout parce la "paresse", qui est ici l'objet de la revendication, demeure une notion entendue de façon négative, péjorative; la paresse est un défaut. Sur ce second point, la seule chose que j'ajoute c'est que les Chômeurs Heureux offrent un nouveau langage, ou plutôt une redéfinition de certains termes, qui permet de retourner l'expression "droit à la paresse" en faveur de ses vrais partisans, les partisans du RMU. Quelle est la redéfinition en question ? Je la recopie, parce que tu n'iras peut-être pas la chercher plus haut :

« L’argent n’est rien d’autre qu’un petit morceau de paresse. Plus on en a, plus on peut goûter en abondance aux délices de la paresse. […] Le capitalisme organise le travail de telle sorte que l’accès à la paresse n’est pas le même pour tous. Seul peut y goûter celui qui détient du capital. Ainsi la classe des capitalistes s’est-elle libérée de ce travail dont toute l’humanité doit maintenant se libérer. » (Kazimir Malevitch)

Et comme il est ensuite expliqué par la suite :

"Présenté de cette façon, la paresse perd son caractère outrageant, n’apparaissant plus exactement comme un défaut, et le « droit à la paresse » – ainsi que certains libertariens fustigent le RMU par exemple – devient une expression sans équivoque, sans visée de dénigrement :

« Si le chômeur est malheureux, ce n’est pas parce qu’il n’a pas de travail, mais parce qu’il n’a pas d’argent. Ne disons donc plus "demandeur d’emploi" mais "demandeur d’argent", plus "recherche active d’un emploi" mais "recherche active d’argent". Les choses seront plus claires. Comme on va le voir, le Chômeur heureux cherche à combler ce manque par la recherche de ressources obscures. »

C'est là tout le problème : l'allocation universelle, si elle devait exister, ce serait quelque chose de suffisant pour survivre mais pas pour vivre. Une sorte de charité organisée par l'Etat, puisque personne ne serait content de voir des pauvres mourir devant sa maison, tout comme il est préférable que la voirie ou l'armée soit gérée par la communauté (mairie, région…) puisque quiconque vit dans le pays utilise ses routes et est protégée par l'armée

Mais ce ne serait en aucun cas un "droit à la paresse". Les gens qui ne vivraient qu'avec l'allocation universelle, donc qui ne contribueraient pas à son financement (par opposition aux gens salariés qui toucheraient aussi l'allocation universelle - parce qu'elle est universelle- mais contribueraient pas l'impôt), auraient certes le droit de ne rien faire s'ils le veulent, mais ce serait s'attendre à vivre de façon très précaire, et en marge de la société. On est loin de l'image de l'artiste bohême de ton livre :icon_up:

Tout d'abord, le caractère tout juste suffisant pour "survivre" du RMU est largement entendu par ses partisans. En effet, le but de ce projet n'est pas de financer une vie entière de glandouille à qui le veut. Le RMU constitue une ressource qui permet de se lancer (études, fin d'études, début d'activité ou entreprise, premier appart, etc), de se retourner (chômage involontaire, accident, échec ou autre coup dur, ou déménagement, changement d'activités, reprise d'études..) ou de finir. Mais tenir une vie entière sur la seule base du RMU ne permettrait pas de jouir d'un confort optimal. Avoir un travail présentera donc pour l'immense majorité des individus un avantage indéniable sur cette situation, ne serait-ce que pour le salaire.

Il est bien évident que la situation où tout le monde se contente pleinement de son RMU et attend de le toucher sans jamais travailler de leur vie, est tout simplement impossible!!! Il n'y a pas à chercher d'accord sur ce point là, il est évident, et il faut vraiment ne rien comprendre pour penser qu'il s'agit de la société telle que la rêvent les partisans du RMU.

Par contre, il existera peut-être une minorité qui tentera de s'en satisfaire et évitera tout travail. Cette vie sera peut-être précaire, comme tu le dis, mais précaire ne veut pas dire "pauvre"! Ce que rappellent les Chômeurs Heureux, c'est qu'il n'y a pas forcément besoin de richesses pour mener une vie riche. En faisant de la récup, en se faisant inviter, en squattant à droite à gauche, on peut très bien vivre en France avec quelques dizaines d'euros par mois. Le temps d'un été, on peut traverser plusieurs fois le pays en stop, profiter des festoches gratuits, manger gratuit, boire et fumer gratuit, se faire héberger, et s'amuser et multiplier les rencontres et surtout foutrent les boules à ceux qui se tuent à la tache derrière une caisse de supermarché ou sur une viseuse à l'usine 8h par jour pour une misère..

Par ailleurs on peut ne pas "travailler", sous-entendu ne pas être salarié pour son activité, mais on peut profiter d'un tissage de liens sociaux similaire, et faire profiter d'autres de notre activité, par l'engagement associatif, le bénévolat, etc.

(ok, passé l'été, c'est plus chaud, surtout quand on n'est plus tout jeune, mais ça se fait, et si certains doivent se retrouver en marge, ils seront plusieurs, en marge d'une certaine société, mais pourront en recréer une autre, faire communauté, sur l'exemple de Christiania pourquoi pas! chacun vit sa vie comme il veut. Et ce qui t'a l'air plutôt riqué, chaud ou inconfortable peut se révéler enrichissant, exaltant ou intéressant pour d'autres. (cela dit insistons sur le fait que nous parlons bien de "marge", tout le monde n'est pas forcément un hippie dans l'âme et c'est pourquoi l'instauration du RMU n'inciterait pas spécialement tout le monde à adopter se genre de vie et à retourner la société.))

Bref, tu te trompes en dévalorisant d'avance ceux qui décideraient de "ne rien faire", et quand bien même le portait que tu dépeins d'eux serait juste, je ne vois pas en quoi ça invalide le projet de RMU et la philosophie du "Chômage Heureux" qui pourrait alors l'accompagner.

Bon, j'ai évoqué le RMU et mentionné le bouquin sur l'alloc universelle de façon anecdotique, comme des clins d'œil, c'est saoulant de retrouver ça au centre des échanges qui suivent. Si vous voulez prolonger le débat sur ces questions, il y a déjà des fils consacrés, ici:

http://www.liberaux.org/index.php?showtopi…t=0&start=0

et là:

http://www.liberaux.org/index.php?showtopic=30882&st=0

Posté
Moi, je refuse de donner une seule seconde de mon temps/de mon travail pour cette allocation universelle. Qu'est-ce que vous faites de moi ? (Passage à tabac ? Prison ?)

On te déporte dans un pays fisco-totalitaire comme la France du début du XXI° siècle et tu feras moins le malin. :icon_up:

Posté
Moi, je refuse de donner une seule seconde de mon temps/de mon travail pour cette allocation universelle. Qu'est-ce que vous faites de moi ? (Passage à tabac ? Prison ?)

et là tu fais comment à ce jour? tu fais déjà tout seul grève de l'impôt? chapeau mec!

mais pour tous les autres qui payent leurs impôts, taxes et autres, tout réduire à une seule la plus petite qui soit, ce serait extra.

Si tu veux pas payer, ce ne sera ni prison ni passage à tabac, ce sera pire: tu seras honni de la société. :icon_up:

Posté
et là tu fais comment à ce jour? tu fais déjà tout seul grève de l'impôt? chapeau mec!

mais pour tous les autres qui payent leurs impôts, taxes et autres, tout réduire à une seule la plus petite qui soit, ce serait extra.

Si tu veux pas payer, ce ne sera ni prison ni passage à tabac, ce sera pire: tu seras honni de la société. :icon_up:

Etre honni d'une société qui érige la rapine en vertu quel bonheur!

Posté
et là tu fais comment à ce jour? tu fais déjà tout seul grève de l'impôt? chapeau mec!

mais pour tous les autres qui payent leurs impôts, taxes et autres, tout réduire à une seule la plus petite qui soit, ce serait extra.

Si tu veux pas payer, ce ne sera ni prison ni passage à tabac, ce sera pire: tu seras honni de la société. :icon_up:

Oui, on sait comment ça commence… Monsieur Valentin et autres cigales proposent d'imposer les fourmis et, des années plus tard, on se retrouve à subir une énième taxe (genre sur les produits de pique-nique).

Etre honni de la société, concrètement, ça veut dire quoi ? Me faire mépriser et insulter par les gauchistes parce que je considère que le temps que je passe péniblement derrière un bureau doit servir à construire le meilleur avenir possible pour ma famille et pas à financer leurs loisirs ? C'est déjà le cas…

Oui, parce qu'un argument avancé par les "chômeurs heureux" est : "le travail, c'est dur et c'est chiant". Ben oui ! C'est triste mais c'est comme ça. Il faudrait qu'ils réalisent que c'est au moins aussi dur et aussi chiant pour les autres, et même plus s'ils doivent bosser gratis pour les improductifs !

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…En faisant de la récup, en se faisant inviter, en squattant à droite à gauche, on peut très bien vivre en France avec quelques dizaines d'euros par mois. Le temps d'un été, on peut traverser plusieurs fois le pays en stop, profiter des festoches gratuits, manger gratuit, boire et fumer gratuit, se faire héberger, et s'amuser et multiplier les rencontres et surtout foutrent les boules à ceux qui se tuent à la tache derrière une caisse de supermarché ou sur une viseuse à l'usine 8h par jour pour une misère

Tu ne vois toujours pas le problème? Ceux de qui tu te moques sont ceux qui finançent ton mode de vie. En gros, tu vis sur le salaire des autres.

Tu fais l'apologie du parasitisme. Ne viens pas me dire que c'est une manière de voir, c'est un fait.

Invité jabial
Posté
et là tu fais comment à ce jour? tu fais déjà tout seul grève de l'impôt? chapeau mec!

mais pour tous les autres qui payent leurs impôts, taxes et autres, tout réduire à une seule la plus petite qui soit, ce serait extra.

Si tu veux pas payer, ce ne sera ni prison ni passage à tabac, ce sera pire: tu seras honni de la société. :doigt:

Il sera peut-être honni de votre société mais le Club des Méchants Egoïstes lui ouvrira les bras :icon_up:

Posté
une énième taxe (genre sur les produits de pique-nique).

Ah ah ah ah ah… :icon_up:

Quelle imagination cet Herbert West !

:doigt:

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