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On n'en avait pas parlé ici, il me semble. Moi-même, je viens d'apprendre la triste nouvelle:

Musique : 95 ans de droits pour les interprètes

par Camille Gévaudan

jeudi 17 juillet 2008

tags : politique, musique, droits d’auteur, Europe

CC [i’m Heavy Duty !-> Money Mark — Change is Coming

Johnny Hallyday en rêvait, Charlie McGreevy l’a fait. La commission européenne a voté hier l’amendement proposé par le libéral britannique sur l’allongement des droits des artistes interprètes. Leur durée de protection passe ainsi de 50 ans à 95 ans à partir de la date d’enregistrement d’une œuvre.

C’est en février 2008 que McGreevy avait pour la première fois proposé de doubler la durée de ces droits dits "voisins". Pour que les interprètes ne soient plus les « parents pauvres » de l’industrie musicale, il estimait nécessaire que les redevances puissent couvrir la vie entière des interprètes. Il prenait l’exemple de ceux qui ont débuté leur carrière à 17 ans : « Compte tenu de l’espérance de vie dans l’UE, 75 ans pour les hommes et 81 ans pour les femmes, il n’est pas rare que ces personnes deviennent octogénaires, voire nonagénaires, alors qu’elles ne perçoivent plus aucun revenu de leurs enregistrements ». On peut rapidement calculer qu’un de ces précoces devenu octogénaire aujourd’hui aura totalisé 63 ans (80 – 17) d’exploitation de ses chansons - 73 ans s’il passe nonagénaire. La proposition démesurée d’une protection de 95 ans avait donc suscité un vaste débat. Car derrière ce généreux souci pour la retraite de nos vieux chanteurs, McGreevy s’est surtout fait le porte-parole des majors qui craignent de perdre leurs filons les plus sûrs – Hallyday, Aznavour et autres Beatles qui risquaient de tomber prochainement dans le domaine public si le régime en vigueur était conservé. Le syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) estimait qu’une extension de la durée de protection « aurait pour effet direct d’augmenter les revenus issus de l’exploitation de la musique enregistrée en Europe de 3 à 10 %».

L’Electronic Frontier Foundation (EFF) avait lancé en mars une pétition contre l’allongement des droits voisins, dont les perdants seraient selon eux « les auteurs individuels, les médiathèques, les universitaires, les entreprises, le public » ainsi que l’industrie musicale. Voire l’humanité toute entière, car c’est bien le patrimoine culturel universel que vient enrichir chaque œuvre passant dans le domaine public. EFF rappelait avec espoir que les disques du premier âge d’or de l’enregistrement atteindraient bientôt la fin de leur exclusivité, ce qui libèrerait « de la soul, du reggae et du rock and roll influents » et permettrait « à n’importe qui (y compris les auteurs eux-mêmes et leurs héritiers), de les préserver, les redistribuer et les remixer ». Car, la technique de l’enregistrement du son étant encore récente, il n’existe à ce jour aucun enregistrement sonore dans le domaine public et l’allongement de leur protection à 95 ans ne fera qu’empirer la situation.

Sourd à cette cause, Charlie McGreevy n’a pas renoncé. Il est revenu à la charge cette semaine pour réitérer ses propositions à la commission européenne, épaulé par trois organisations d’artistes-interprètes : l’AEPO-ARTIS, la Fédération internationale des acteurs et la Fédération internationale des musiciens. Celles-ci se sont dit fortement déçues de constater qu’aucune proposition formelle n’ait été avancée depuis l’annonce de McGreevy. Pour ne pas briser les « grands espoirs » que celle-ci avait suscité dans la communauté des artistes interprètes, les trois organisations ont envoyé un courrier à José Manuel Barroso, Président de la commission, pour lui demander de donner suite aux propos de McGreevy. Et elles ont obtenu gain de cause, au détriment des perspectives d’archivage, de promotion et de redistribution de la musique, au détriment de l’accès du public à la culture.

La discussion s’est inscrite dans le cadre du débat sur le projet d’unification des régimes de sociétés d’auteurs européennes. Pour garantir une “saine concurrence”, la commission a mis fin aux monopoles nationaux et, sans toutefois infliger d’amende à la CISAC (Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs), leur a interdit de limiter « leur capacité d’offrir leurs services aux auteurs et utilisateurs commerciaux en dehors de leur territoire national ». Chaque artiste européen pourra donc désormais choisir sa société d’auteurs dans le pays de son choix, selon la qualité du service, l’efficacité de la gestion collective, les frais de gestion et le niveau des redevances qu’elle propose. Car le montant des droits reversés reste, lui, fixé de façon nationale. Le nouveau système unifié devrait également permettre de faciliter la diffusion paneuropéenne de musique en ligne, qui n’était auparavant possible qu’au terme de négociations avec chaque société nationale concernée. « La suppression de ces restrictions permettra aux utilisateurs d’obtenir plus facilement des licences pour la diffusion de musique sur Internet, par câble et par satellite dans plusieurs pays auprès d’une société de gestion collective unique qu’ils auront choisie. » Neelie Kroes, commissaire chargée de la concurrence, promet aux auditeurs européens un choix plus vaste, et aux auteurs des revenus plus importants.

Question pour les juristes du forum: les enregistrements déjà dans le domaine public (les premiers titres de Brassens ou de Brel par exemple) vont-ils en ressortir? J'ai cherché des infos sur le net, mais je n'ai rien trouvé. Une loi n'est en principe pas rétroactive, mais c'est l'UE, hein…

Posté

En tout cas, ils s'assurent ainsi que dans 100 ans, certains artistes ne seront définitivement plus écoutés.

Concernant Brel, soyons franc, je m'en réjouis.

Posté
On n'en avait pas parlé ici, il me semble. Moi-même, je viens d'apprendre la triste nouvelle:
N'est ce pas une simple forme de transmission de patrimoine aux héritiers qui deviennent les ayant-droits ?
Posté

A propos de la rétroactivité, en droit civil le principe est très peu respecté et sanctionné. M'enfin pour le coup ca m'étonnerait.

C'est en droit pénal que la non rétroactivité de la loi pénale plus sévère est un principe constitutionnel.

Je comprends pas la logique de la loi. Oui, à 70 ans, un artiste qui a commencé sa carrière à 20 ans ne perçoit plus de droits sur ses premiers enregistrements. Mais s'il a eu du succès, il ne s'est pas arrêté à 20 ans. Et à 80 ans, s'il a bien géré sa carrière, il a encore de quoi vivre…

Evidemment, un égorgeur de cochonschanteur de type starakadémi ne risque pas de récupérer de l'argent à 80 ans. Mais c'est normal, c'était pas son métier que de chanter.

Posté
N'est ce pas une simple forme de transmission de patrimoine aux héritiers qui deviennent les ayant-droits ?

Encore faut il se mettre d'accord sur ce non-droit qu'on veut transmettre.

Le cas de la "propriété intellectuelle" est fascinant en ce que des aspects technologiques ont précédé des aspects moraux : d'où sort le fait qu'on "doive être payé" pour une chanson, une histoire, une idée ? Un truc duplicable et dont la duplication ne spolie pas le premier propriétaire. Il est ridicule de croire que les calculs économiques liés à cette notion de propriété intellectuelle vont rester les mêmes alors que la duplication devient si facile.

Bref, cette extension est la prolongation d'un modèle de raisonnement économique qui est dors et déjà obsolète. C'est, pour reprendre une image qui a du succès, similaire à foncer dans le mur en klaxonnant…

  • 2 weeks later...
Posté

Vous savez, il est très difficile de le dire. Et à défendre aussi. Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour que l'affichage! J'ai apprécié la lecture de l'article!

Posté

La "propriété" intellectuelle a toujours été obsolète. Avant, quand il n'était pas possible de copier soi-même, elle était inutile ; maintenant que c'est possible, on se rend compte que ça n'y change pas grand-chose, du moment qu'on est honnête. Je veux dire par là qu'il n'y en a pas besoin pour se faire de l'argent, du moment que le produit est bon.

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