Coldstar Posté 25 août 2009 Signaler Posté 25 août 2009 J'ai trouvé ici une note de lecture d'Olivier Baloucoune sur l'ouvrage de Ronald Coase, "the firm, the market and the law". Cet ouvrage est une collection de texte incluant "l'exemple du phare en économie". Dans ce texte, Coase propose une étude et une revue historique du système des phares britanniques. Le but peut paraître curieux, mais il faut savoir que le phare, comme nous allons le voir, a été souvent décrit comme un bien économique particulier qui doit, par nature, être géré par le gouvernement. note de lecture a dit : Les économistes traitent souvent du cas du phare, parce qu’il est censé éclairer le problème de la fonction économique de l’État. C’est une activité qui pour la plupart des économistes doit être assurée par l’État plutôt que par un établissement privé, puisqu’il est impossible que les navires en mer qui tirent profit d’un phare soient amenés à payer un droit à l’occasion de l’utilisation de ses services.Pour Coase, des auteurs comme Mills, Sidgwick et Pigou ont été mal informés sur le mode de fonctionnement des phares en général et particulièrement en Grande Bretagne. Plus précisément, on peut lire chez John Stuart Mill: Citation C'est une fonction propre au gouvernement de construire et d'entretenir des phares, des balises etc. pour la sécurité de la navigation: en effet, il est impossible que les navires en mer, qui tirent profit d'un phare, soient amenés à payer un droit à l'occasion de l'utilisation de ses services, personne ne construirait des phares pour des motifs d'intérêt personnel, à moins d'être indemnisé et rémunéré par un prélèvement obligatoire effectué par l'Etat chez Sidgwick Citation Il existe certains services dont l'appropriation par ceux qui les accomplissent ou qui souhaiterait les acquérir est pratiquement impossible. Par exemple, il arrive souvent que les avantages d'un phare bien placé puissent être largement appréciés par un navire auquel on ne pourrait pas imposer, sans difficulté, un droit de passage. Dixit Coase: Citation Pigou s'est servi du phare de Sidgwick comme d'un exemple de services non dédommagés pour lesquels "le produit marginal net est inférieur au produit social marginal net, parce que des services fortuits sont rendus à des tiers desquels il est techinquement difficile d'exiger un paiement". Samuelson inclut dans les services publics qu'il serait par nature impensable de laisser à l'entreprise privée, non seulement les fonctions régaliennes, mais aussi ces fameux phares. Citation Nous avons ici une divergence entre l'intérêt privé et le coût de l'argent (comme le verrait n'importe quel individu assez hors du commun pour se tenter de faire fortune en se lançant dans le commerce de phares) et l'intérêt et les coûts sociaux réels (tels que mesurés par les vies et les cargaisons sauvées, par comparaison avec le coût total du frais et les frais supplémentaires (…) Les philosophes et les hommes d'Etat ont toujours reconnu le rôle nécessaire du gouvernementdans de tels cas de divergence d'économie externe entre les bénéfices privés et sociaux. Plus loin Samuelson attire l'attention sur deux choses: 1/ le fait que les opérateurs du phare ne peuvent toucher de redevance de la part de ceux à qui il rend service en fond un bien public très adapté. 2/ Même si percevoir une telle redevance par un mécanisme de marché classique était possible, ce ne serait pas nécessairement optimal. Pourquoi? Parce qu'il ne coûte rien à la société de laisser un bateau supplémentaire utiliser le service; cependant, s'il existe une redevance, un prix positif, alors il est envisageable que des bateaux détournent leur trajet pour ne pas la payer, et cela a un coût social. C'est un argument classique des défaillances du marché face aux externalités, d'où nécessité de financer ce bien public par les fonds publics. Note: les citations en violet ont été retranscrites par moi de l'article original de Coase, traduction Boualem Aliouat
Coldstar Posté 25 août 2009 Auteur Signaler Posté 25 août 2009 Comme le résume O. Baloucoune dans sa note de lecture: note de lecture a dit : Le système des phares britanniques.Les phares sont construits et entretenus par la Trinity house (Angleterre et Pays de Galles), les Commissionners of Northern Lighthouse (Écosse) et le Commissionners of Irishlights (Irlande). Les frais de ces administrations sont couverts par le General Lighthouse Fund. Les revenus de cette caisse proviennent des redevances que paient les armateurs aux autorités douanières. Le budget doit être approuvé par le ministère de tutelle et est examiné lors d’un conseil des phares qui se tient chaque année et dans lequel sont représentés les armateurs, les assureurs et les affréteurs. Le ministère fixe le niveau du montant des redevances sur la base d’une loi qui date de 1898 et qui détermine les droits à régler par tonne transportée, payables par voyage pour tous les navires arrivants. L’évolution du système des phares britanniques. Une étude de l’histoire du sujet britannique des phares est nécessaire pour comprendre Mill et Sidgwick (en se limitant à l’Angleterre). Au départ, la Trinity House entretenait des foyers et gérait des œuvres charitables pour les marins, leurs épouses, veuves et orphelins. Elle avait aussi de nombreuses responsabilités telle l’inspection et la réglementation des phares locaux et la mise à disposition d’assesseurs navals lors d’auditions relatives à des affaires maritimes, ainsi qu’une représentation dans les conseils portuaires. Ce n’est qu’en 1566 que la Trinity House, sous les ordres du Lord de l'Amirauté, eut le droit de fournir et de réglementer les balises, ainsi que de veiller à ce que les balises des propriétaires privés soient entretenues. En 1594, tous les droits qui avaient été donnés au Lord de l'Amirautéfurent transférés à la Trinity House, même si le Lord continua de réglementer la pose de bouées et de balisages. Les particuliers commencèrent alors à ériger des phares et ce n’est qu’au début du 17ème siècle que la Trinity House commença à installer des phares. La Trinity House n’eut pas le monopole de gestion des phares car les particuliers parvenaient à trouver des brevets leur permettant de construire des phares et prélever des droits de passage sur les navires. La Trinity House en vint à une politique différente, à savoir à solliciter un brevet pour l’exploitation d’un phare et le céder sous forme de bail à un particulier qui construirait lui même un phare. Vers 1834, il existait 56 phares dont 42 exploités par la Trinity House. Elle n’en avait construit que très peu, profitant de l’expiration des baux. Entre 1823 et 1832, elle racheta le reste des phares avec un fort soutien du parlement. L’activité charitable de la Trinity House pesait beaucoup, et ainsi, le gouvernement décida en 1853 que le produit des redevances ne soit plus utilisé dans ce but. Ce qui, bien sur, eut pour effet le diminution des redevances des phares. Mais ce n’est que depuis 1898 que le fond général pour la marine marchande fut établi, et les fonds versés ne devaient être utilisés que pour le maintien de service des phares. Le système d’évaluation des redevances fut simplifié, la redistribution ne dépendait plus du nombre de phares qu’un bateau dépassait, mais du système de tonnage mis en place. J'ai l'article de Coase à disposition, je pourrai donc donner quelques précisions supplémentaires si besoin. Par rapport aux assertions des économistes vues précédemment, on remarquera que l'essentiel des phares construits et exploités en Grande-Bretagne du XVIè au XVIIIè siècle l'ont été par des particuliers! Et quoi que ce fait ne soit pas clairement détaillé chronologiquement chez Coase, on avait bien, dans les ports la perception d'une redevance des droits de phare, versés à un fond. Techniquement, les droits de passage eétaient perçus au port par des mandataires, agent de douanes, particuliers même parfois, représentant un ou plusieurs phares. En principe, percevoir ces droits étaient du ressort de la Trinity House, mais comme déjà expliqué, des particuliers ont contourné cette autorité en se faisant octroyer des brevets, concessions, directement par la Couronne d'Angleterre! Un historien, Harris, faisait remarquer: Citation Un élément caractéristique de la société élisabéthaine est l'existence de promoteur de projets ayant officiellement pour objectif le bénéfice public, mais en réalité visant au profit privé. Les phares n'ont pas échappé à leur attention. Et Coase de souligner l'embarras des directeurs de l'institution Trinity House, qui auraient souhaités être seuls décisionnaires en matière de construction de phare, mais qui répugnaient à investir leurs fonds à cet effet! Et comme le dit Harris: Citation Il est certes exact que la motivation principale des promoteurs était le profit personnel, mais eux au moins ont fait quelque chose Coase conclut note de lecture a dit : Il serait préférable que les économistes n’utilisent pas le système phare comme exemple d’un service qui ne pouvait être assuré que par le gouvernement. Car même si Sidgwick et Pigou soutiennent que des bateaux peuvent bénéficier du phare sans payer un droit de passage et qu’une intervention gouvernementale est nécessaire, car si des bateaux étrangers et ne nécessite pas une imposition des ressortissants anglais pour compenser ces pertes.Remplacer les redevances par une aide provenant de l’impôts comme le soutient Samuelson tendrait à réduire l’efficacité de la gestion du service des phares et exercerait un autre effet à savoir pouvoir créer une structure administrative moins appropriée. L’exemple du phare ne doit pas être utilisé pour fournir des détails allant dans le sens d’une démonstration, mais doit plutôt servir à découvrir les facteurs qui sont importants par rapport à ceux qui ne le sont pas, mais il peut surtout nous montrer la richesse des solutions sociales parmi lesquelles nous pouvons faire un choix. Certains faits historiques rapportés par Coase contredisent de manière particulièrement piquante une catégorie d'arguments économiques interventionnistes, notamment ceux qui caractériseraient un bien utile socialement mais ne permettant aucune opportunité de profit viable, ce qui en ferait des biens publics du ressort du gouvernement. Or, on voit qu'en Angleterre c'est l'initiative et les fonds privés qui ont permis d'ériger ces biens "publics".
Invité jabial Posté 26 août 2009 Signaler Posté 26 août 2009 Cette initiative privée, il me semble, n'a été possible que grâce à la possibilité, nécessitant le recours à l'Etat, de prélever des droits de passage. Ceci dit dans un monde libéral ce sont probablement les sociétés d'armateurs qui financeraient les phares.
john_ross Posté 26 août 2009 Signaler Posté 26 août 2009 jabial a dit : Ceci dit dans un monde libéral ce sont probablement les sociétés d'armateurs qui financeraient les phares. Dans un premier temps ça serait les armateurs. Puis ça serait les sociétés qui assurent le personnel et les cargaisons
Coldstar Posté 26 août 2009 Auteur Signaler Posté 26 août 2009 jabial a dit : Cette initiative privée, il me semble, n'a été possible que grâce à la possibilité, nécessitant le recours à l'Etat, de prélever des droits de passage.Ceci dit dans un monde libéral ce sont probablement les sociétés d'armateurs qui financeraient les phares. Si on se place d'un point de vue anarcap, cela complexifie quelque peu ce problème; mais néanmoins, la perception de redevances dans les ports ne me paraît pas nécessiter le recours à l'Etat, tout au plus le concours des autorités portuaires. Si on fait une comparaison avec des autoroutes privées, le système de péage ne se situera pas au même endroit, mais restera comparable. Pour rester dans une terminologie à la Coase, il me paraît pertinent de dire, sur la perception de redevance de droits de phares, qu'elle soulève des difficultés techniques assimilables à des coûts de transaction, et que ces coûts de transaction vont rentabiliser le regroupement de cette perception de droits avec d'autres (je pense aux droits perçus par le port), et justifient qu'une institution puisse regrouper des domaines d'intervention distincts (ce genre de regroupement est lui-même source de coûts, mais ici il permet de générer une recette). Du point de vue anarcap, cet article est justement intéressant, non parce qu'il prouve la viabilité de la théorie anarcap, mais parce qu'il abat un argument théorique adverse conduisant à la non-viabilité de cette théorie.
thabor Posté 26 août 2009 Signaler Posté 26 août 2009 Par analogie, les assurances automobiles financent souvent des mesures de préventions routières parce qu'elles y ont un intérêt économique.
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