Guest Posted March 10, 2010 Report Posted March 10, 2010 Voilà une belle petite pique dans mon code. Je lisais Je, François Villon de Jean Teulé, et en bref, il raconte l'histoire d'une mère pauvre, au milieu d'une période de pénurie, qui vole du poisson pour nourrir son enfant. En punition, elle s'est fait coupée l'oreille. (Une fois qu'on a les deux oreilles coupées, on a gagné le droit d'être enterré vivant.) Bien évidemment, nous sommes tous d'accord que le châtiment est largement disproportionné par rapport au crime. Mais est-ce vraiment un crime ? La nécessité de la situation n'exempterait pas la mère des contraintes morales et juridiques ? Ne serait-ce pas immoral de punir quelqu'un qui a voler dans des conditions qui l'y forçait ? Comme un musulman ne serait pas coupable s'il mange du porc pour sa survie. Je pense que voler dans ces conditions n'est pas un crime. Mais c'est contre mon code libéral. Et tout à l'heure, au théâtre, dans la pièce Bonté Divine (que j'ai trouvé bien mais pas top au passage), le prêtre dit : "La nécessité n'a pas de loi." Et j'ai donc froncer les sourcils et à ce moment je me suis souvenu du passage du livre décrit ci-dessus. Donc me voilà face à une contradiction, et en tant qu'appréciateur de Rand, je la trouve très dérangeante. Voilà, je me demandais donc vos avis sur la question.
Guest jabial Posted March 10, 2010 Report Posted March 10, 2010 Qui définit ce qu'est la "nécessité" qui permettrait de s'affranchir des conséquences de ses actes ? Les gens ont leurs droits en toutes circonstances. Aucune "nécessité" ne permet de les violer. Si véritablement une personne juge qu'il est préférable de violer les droits de quelqu'un pour faire face à une nécessité, c'est-à-dire que la fin justifie les moyens, il est logique qu'elle fasse face aux conséquences de ses actes. La mère en question aurait donc dû… rembourser deux fois son vol, par son travail si elle n'est pas solvable. Et certes pas se faire couper une oreille, hypothèse farfelue qui biaise totalement le jugement moral : même le voleur le plus cynique et non-"nécessiteux" ne mérite pas cela, et encore moins de se faire enterrer vivant. La fin ne justifie pas les moyens, point barre. Les gens violeront certes la loi lorsque leur vie est en jeu, mais la loi doit s'appliquer à chaque fois que c'est possible, car les droits des uns ne sont pas abolis par la nécessité des autres.
Samahell Posted March 10, 2010 Report Posted March 10, 2010 +1, mais que penser de ce qu'elle n'avait pas la possibilité de se racheter en travaillant pour deux fois le prix de son larcin, considérant sa situation telle que personne n'est prêt à l'embaucher et que le seul châtiment qui lui est réservé, si elle confesse son acte, est cruel et inique ? C'est aussi à prendre en compte dans la considération de la nécessité.
Guest Posted March 11, 2010 Report Posted March 11, 2010 Oui on ne peut pas définir la nécessité qui permettait de s'affranchir des lois, c'est donc juridiquement invivable si la nécessité n'a pas de loi. Mais donc la juste punition dans cet exemple serait qu'elle travaille pour rembourser ce qu'elle a volé et payer des intérêts. Se pose le problème de lui trouver un employeur, peut être la victime même de son vol, mais si la victime n'a aucun besoin d'elle il y a un problème : parce qu'il me parait juste qu'elle répare civilement son larcin, mais toute punition pénale serait immorale et si elle ne peut pas travailler ou trouver un employeur… n'y aurait-t-il plus que l'indulgence du jury ?
Guest jabial Posted March 11, 2010 Report Posted March 11, 2010 +1, mais que penser de ce qu'elle n'avait pas la possibilité de se racheter en travaillant pour deux fois le prix de son larcin, considérant sa situation telle que personne n'est prêt à l'embaucher et que le seul châtiment qui lui est réservé, si elle confesse son acte, est cruel et inique ? C'est aussi à prendre en compte dans la considération de la nécessité. Non, ça n'a pas de sens. Si elle risque un châtiment injuste, alors ce n'est pas un châtiment mais un crime. Si elle risque d'être la victime d'un crime, alors il est plus urgent de la protéger que de la châtier justement - c'est-à-dire de lui faire rembourser deux fois le montant du vol. n'y aurait-t-il plus que l'indulgence du jury ? Le jury n'a pas le droit de violer les droits du propriétaire plus que quiconque. Le propriétaire a un droit sur ce qui a été volé, il doit le récupérer, rien ne peut changer ça. Le propriétaire ne peut perdre de droit en raison de la nécessité d'autrui. Si le jury reconnaît qu'elle a bien commis un vol, alors il ne peut pas ne pas la condamner à rembourser au moins ce qu'elle a volé. Le jury peut éventuellement réduire à zéro ou à un euro symbolique le montant des dommages pénaux supplémentaire (qui ne peut être supérieur au montant dérobé à rembourser), mais en tout cas elle doit rembourser le propriétaire, il n'y a rien à faire. Si vraiment elle ne trouve aucun employeur, au tribunal de fixer les conditions et la durée d'un travail à effectuer directement pour le bénéfice du propriétaire spolié - ou de l'assureur de celui-ci qui avance les fonds.
Esperluette Posted March 11, 2010 Report Posted March 11, 2010 Comme un musulman ne serait pas coupable s'il mange du porc pour sa survie. En fait il existe une distinction dans les cas de nécessité (concept à définir, c'est là qu'on rigole). *** Principe essentiel : Le moindre mal ne devient jamais un bien et tout mal appelle le repentir et la réparation du préjudice. Prends mes intonations pontifiantes dans ta face en même temps qu'un loukoum. Pour faire court, piétiner les droits d'un tiers entraîne un péché double : d'abord envers Dieu (transgression d'un interdit) et ensuite envers la victime (dont les droits sont bafoués). Le repentir exige de réparer la faute envers Dieu (par des actes d'expiation) ET aussi envers la victime (en la dédommageant). Ex : une famine locale. Si un type vole un bien indispensable à sa survie immédiate (j'ai pas dit du caviar, plutôt une portion de riz), les autorités locales suspendent les poursuites, mais l'auteur du vol demeure redevable d'une dette envers sa victime - remboursement ou indemnisation. Pareil si je poignarde un individu par légitime défense. C'est un moindre mal ; le meurtre ne devient jamais un bien. Voilà le peu que j'en ai retenu et je sais que ça ne casse pas trois pattes à un canard. *** NB : Prière de ne pas y voir une invitation à en découdre sur l'islam et sa barbaritude connue toussa, merci.
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