Ronnie Hayek Posté 10 janvier 2005 Signaler Posté 10 janvier 2005 http://www.lefigaro.fr/debats/20050110.FIG0363.html Le gouvernement et la relance des grands projets industriels Un attristant retour… Par PASCAL SALIN * [10 janvier 2005] On la croyait reléguée au rang des souvenirs, la belle époque de la politique industrielle, de la «filière bois», du «plan calcul», des «champions nationaux», tous ces gadgets qui ont fait les délices des hommes politiques et des technocrates, mais qui ont coûté si cher aux contribuables français… Et l'on pouvait espérer que le dynamisme de la concurrence mondiale et la pression européenne aideraient à enterrer définitivement ces dinosaures du centralisme et du nationalisme économique, mais non ! C'était oublier l'extraordinaire capacité de la nomenklatura française à cultiver superbement – et coûteusement – l'exception française. Voici donc la politique industrielle remise sur les rails grâce à l'alliance – elle aussi typiquement française – des dirigeants politiques et de quelques grands patrons du sérail, avides d'obtenir des subventions publiques au nom d'un prétendu intérêt national. On a pu voir les prémices du désastreux retour de la politique industrielle nationale dans l'interventionnisme étatique des affaires Alstom ou Aventis. Mais il se manifeste avec une particulière vigueur aujourd'hui avec la création de l'Agence pour la promotion de l'innovation industrielle, une structure publique centralisée censée apporter son appui à la recherche développée par quelques grandes entreprises pour un certain nombre de projets considérés comme «porteurs d'avenir». Cette création, particulièrement pittoresque, est caractéristique de l'illusion scientiste entretenue dans toutes les économies planifiées. Elle suppose qu'il existerait un certain nombre de technologies efficaces – appelées technologies de pointe ou technologies du futur – que des experts indépendants seraient en mesure d'identifier et sur lesquels l'Etat devrait investir en priorité, en prenant notamment en charge une grande partie des dépenses de recherche-développement. Or procéder ainsi revient à substituer une approche purement technique à une approche économique, cette dernière étant pourtant la seule qui ait véritablement du sens. En effet, d'un point de vue purement technique, on peut toujours développer une technologie dans un domaine plutôt qu'un autre et, en y mettant les moyens humains et financiers nécessaires, on obtiendra forcément un résultat, ce qui incitera à se féliciter du succès (technique) du projet ainsi développé. Mais les prouesses techniques ne justifient pas, à elles seules, l'utilisation des ressources qui ont été consacrées à ce projet. Créer une Agence de l'innovation, c'est imaginer qu'il existe une sorte de grand placard aux innovations et qu'il convient simplement de demander à des experts indépendants de choisir les technologies qui leur paraissent les plus «porteuses d'avenir». Or il existe une grande différence entre ces experts et les vrais innovateurs, à savoir que, contrairement aux seconds, les premiers sont irresponsables, en ce sens qu'ils ne supportent pas eux-mêmes les conséquences de leurs choix et les risques qu'il faut prendre pour innover, comme l'atteste le fait même qu'ils sont indépendants, c'est-à-dire libres de faire des erreurs. Certes, dans le cas de l'Agence, il est prévu que l'Agence ne supportera qu'environ la moitié des dépenses de recherche-développement, le reste étant laissé à la charge de l'entreprise dont le projet aura été sélectionné. Mais il n'en reste pas moins que l'on biaise les choix technologiques et économiques en faussant le calcul économique des entrepreneurs bénéficiaires de ce programme. En effet, si la recherche est subventionnée, on cache son véritable coût. Il se peut alors fort bien que le développement d'une technologie apparaisse rentable, alors qu'il ne le serait pas en réalité en l'absence de subventions (et c'est d'ailleurs bien pour cela qu'une entreprise demande une subvention). Par ailleurs – on l'oublie trop souvent – les subventions sont nécessairement prélevées sur les contribuables et elles diminuent donc les ressources disponibles pour les autres activités. La politique industrielle est ainsi frappée d'un terrible biais : elle consiste à aider un petit nombre de grandes entreprises, mais aux dépens d'une masse immense, active et souvent innovatrice, de petites entreprises. Comme l'aurait souligné Frédéric Bastiat, il y a ce que l'on voit – la réussite technique des projets subventionnés – et ce que l'on ne voit pas – la destruction de richesses et les obstacles à l'innovation dans les autres. Il y a en effet un cycle dans la vie des entreprises. Elles commencent à petite échelle et, si elles sont suffisamment innovatrices, elles vont grandir. Certaines des meilleures d'entre elles deviendront de grandes entreprises. Mais ceci est un legs du passé et ce n'est pas parce qu'on a été innovateur dans le passé qu'on le restera dans le futur, précisément parce que la lourdeur de l'organisation risque de porter un coup fatal à l'esprit d'innovation. Si l'on veut vraiment parier sur le futur, c'est vers de plus petites entreprises, fortement innovatrices, qu'il conviendrait de regarder. Mais personne par définition ne peut connaître à l'avance et comparer ce que feront les unes et les autres et c'est bien pourquoi l'existence d'une agence centralisée de l'innovation est quelque chose de dérisoire. Il est d'ailleurs intéressant de constater que, partout dans le monde, l'innovation ne vient pas essentiellement des grandes entreprises, en dépit de l'importance de leur budget de recherche-développement. Beaucoup échouent pour cette raison, comme cela a été le cas pour IBM, incapable de voir venir la révolution de l'ordinateur personnel, ou avec les compagnies aériennes traditionnelles, secouées par l'émergence de compagnies à bas coût. Les grandes firmes qui restent innovatrices sont essentiellement celles qui achètent des licences à des entreprises de taille moyenne, mais extrêmement dynamiques et flexibles. Dans le cas français, la création de l'Agence pour la promotion de l'innovation industrielle semble liée aux recommandations faites par M. Beffa, le président de Saint-Gobain. Certes on peut comprendre que ce dernier souhaite recevoir des subventions étatiques, mais on peut aussi s'étonner qu'il puisse ainsi être juge et partie, prescripteur et bénéficiaire. On peut aussi s'inquiéter de ce terrible aveu de faiblesse. Si le dirigeant d'une grande entreprise affirme qu'une grande entreprise comme la sienne a nécessairement besoin de l'aide étatique pour développer ses activités de recherche, c'est dire à quel point elle n'est pas capable de mettre en oeuvre la fonction essentielle de l'entreprise, c'est-à-dire sa capacité d'innovation ! Les entreprises françaises n'ont en tout cas pas besoin d'une bureaucratie supplémentaire, de prélèvements supplémentaires, de subventions supplémentaires. Elles ont tout simplement besoin de bien plus de liberté. Parce qu'il existe un retard économique français inquiétant, c'est dans cette voie qu'il faudrait s'engager d'urgence et vigoureusement au lieu d'accroître indéfiniment la présence envahissante de l'Etat sous toutes sortes de prétextes fallacieux. * Professeur à l'université Paris-Dauphine, cofondateur de l'Institut Turgot.
ricotrutt Posté 10 janvier 2005 Signaler Posté 10 janvier 2005 le figaro a fait très fort aujourd'hui parce que cet article de salin était accompagné de deux autres articles non moins intéressants. A voir éventuellement sur leur site. Sinon en ce qui concerne Salin je trouve que le concept "small is beautiful" sent un peu l'admiration trop béate de you-know-who et est trop sectaire. Jusqu'à preuve du contraire pour distribuer des crédits à des PME qui font de la recherche active il faut bien la puissance des grandes firmes. De même en ce qui concerne le "volontarisme" annoncé, je crois qu'il ne faut pas monter trop vite sur nos grands chevaux. Il est sur que les experts ne peuvent pas déterminer quelles seront les futures tendances, mais si sa principale préoccupation est de faire de la veille technologique avec éventuellement qqs crédits de ci de là (ce qui semble plus ou moins se profiler) ça ne peut être que bénéfique aux entreprises, et d'autres pays l'ont déjà expérimenté avec succès
Sylvain Posté 10 janvier 2005 Signaler Posté 10 janvier 2005 Sinon en ce qui concerne Salin je trouve que le concept "small is beautiful" sent un peu l'admiration trop béate de you-know-who et est trop sectaire. Jusqu'à preuve du contraire pour distribuer des crédits à des PME qui font de la recherche active il faut bien la puissance des grandes firmes. De même en ce qui concerne le "volontarisme" annoncé, je crois qu'il ne faut pas monter trop vite sur nos grands chevaux. Il est sur que les experts ne peuvent pas déterminer quelles seront les futures tendances, mais si sa principale préoccupation est de faire de la veille technologique avec éventuellement qqs crédits de ci de là (ce qui semble plus ou moins se profiler) ça ne peut être que bénéfique aux entreprises, et d'autres pays l'ont déjà expérimenté avec succès <{POST_SNAPBACK}> C'est donc ça le néo-libéralisme ?
Sylvain Posté 10 janvier 2005 Signaler Posté 10 janvier 2005 Typique en tout cas le fait qu'une telle agence existe déjà : http://www.anvar.fr/
Olivier Posté 10 janvier 2005 Signaler Posté 10 janvier 2005 Affirmer que seules les petites entreprises innovent c'est certes aller un peu vite en besogne (d'ailleurs ce n'est pas ce que Salin dit exactement), mais son raisonnement n'a pas besoin de cela pour tenir. L'idée est que de subventionner une activité donnée (même privée par ailleurs) fausse la rationalité économique de celle-çi (l'analyse coût-bénéfice s'en trouvant modifiée). Le résultat prévisible est que les ressources seront attribuées moins efficacement qu'en l'absence de subventation. C'est cela qu'il faudrait réfuter, plutôt que d'affirmer que "d'autres pays l'ont expérimenté avec succès". Comment fait-on pour evaluer les succès d'une telle politique ? Comment prend on en compte son coût ("ce qu'on ne voit pas") dans l'évaluation ? le figaro a fait très fort aujourd'hui parce que cet article de salin était accompagné de deux autres articles non moins intéressants. A voir éventuellement sur leur site. Sinon en ce qui concerne Salin je trouve que le concept "small is beautiful" sent un peu l'admiration trop béate de you-know-who et est trop sectaire. Jusqu'à preuve du contraire pour distribuer des crédits à des PME qui font de la recherche active il faut bien la puissance des grandes firmes. De même en ce qui concerne le "volontarisme" annoncé, je crois qu'il ne faut pas monter trop vite sur nos grands chevaux. Il est sur que les experts ne peuvent pas déterminer quelles seront les futures tendances, mais si sa principale préoccupation est de faire de la veille technologique avec éventuellement qqs crédits de ci de là (ce qui semble plus ou moins se profiler) ça ne peut être que bénéfique aux entreprises, et d'autres pays l'ont déjà expérimenté avec succès <{POST_SNAPBACK}>
Invité Albert Li Posté 11 janvier 2005 Signaler Posté 11 janvier 2005 Tout à fait d'accord avec P Salin. (Rico rassure nous, ton intervention, c'était une blaque ?) Vous trouverez ci dessous l'article de Bernard Zimmern sur le même sujet (le passage sur le "radar des fonctionnaires" m'a bien fait rire ). Enfin, vous trouverez mon article sur ce même sujet ici : http://cvincent.club.fr J'ai dégainé plus vite que PS et BZ. Mais bon, il faut encourager les ptits jeunes Une agence de l'innovation, pour quoi faire ? Volontarisme et aveuglement économique PAR BERNARD ZIMMERN * [10 janvier 2005] La voiture propre, la pile à combustible, l'énergie solaire, les usines non polluantes en CO2, etc. La litanie des secteurs évoqués par le chef de l'État le 4 janvier pour prouver son volontarisme n'évoque pas des voies d'avenir, mais toutes celles qui nous sont fermées parce que nous arrivons trop tard ; et si nous arrivons trop tard, c'est grâce au dirigisme qui veut faire de l'État le guide de l'économie alors que c'est un guide aveugle. La voiture propre ? Mais elle est mise au point par Toyota. La pile à combustible ? Mais j'y travaillais et en fabriquais déjà en 1965 et nul ne peut prédire quand elle débouchera. L'énergie solaire ? Mais la France est peuplée de cadavres de fours solaires et autres projets mirifiques payés par l'argent public. Après trente ans, ce gouvernement n'a toujours rien appris de l'échec du plan calcul, de celui de la machine-outil, de celui de la télévision haute définition. Il n'a toujours pas compris que si un domaine technique apparaît sur le radar de nos hauts fonctionnaires, c'est qu'il y a longtemps qu'il est déjà trop tard. Les seuls domaines où l'État a réussi sont le nucléaire et l'espace car ce sont les deux seuls où les masses critiques pour réussir dépassent les capacités financières des plus grandes firmes industrielles. Et encore : si l'on faisait le total de l'argent public dépensé par emploi créé dans ces deux domaines, on serait effaré ; heureusement que le secteur privé a su développer des innovations avec des coûts par emploi créé infiniment plus performants, ou nous serions ruinés. On nous vante les Etats-Unis et on nous assène qu'il nous faut permettre de disposer de champions dans des secteurs où la concurrence est déjà brutale. Mais copions alors les méthodes qu'ils ont, eux, utilisées et qui sont le fondement de leur succès. Règle numéro 1 : surtout laisser le secteur privé choisir ses cibles et prendre ses risques ; ce sont les entrepreneurs qui sont les mieux à même de deviner où est l'avenir technique ; quand on en parle dans les médias ou dans les réunions ministérielles, les jeux sont déjà faits. Règle numéro 2 : personne ne peut dire aujourd'hui quelles seront les techniques qui demain émergeront ou réussiront. Rappelons que Bill Gates a voulu vendre à IBM pour 50 000 $ le langage DOS qui a fait sa fortune… et qu'IBM a heureusement refusé. Qu'Intel avait vendu l'exclusivité de la technique des circuits imprimés à un Japonais avant d'en comprendre la portée et de la racheter grâce aux difficultés financières de Bucicom. Que la machine à vapeur fut inventée pour puiser l'eau des mines avant d'être l'âme des chemins de fer, etc. Un État qui veut réussir une politique industrielle ne doit pas choisir les domaines mais encourager le maximum d'entrepreneurs à tenter leur chance, à prendre des risques en essayant de concrétiser leurs rêves. Faute de savoir où sont les routes de l'avenir, il faut multiplier les éclaireurs. Exactement le contraire de ce que fait l'État français et en particulier ce gouvernement. Il se refuse à comprendre que seuls des individus, les Business Angels, sont capables de financer avec succès ces éclaireurs, les Bill Gates ou les Denis Payre de demain. Au lieu de cela, on multiplie les structures aussi inefficaces qu'inutiles, les pires étant les agences qui subventionnent, les moins mauvaises étant les fonds à risque qui, à grand renfort d'argent partiellement détaxé, viennent concurrencer les fonds de capital-risque dont nous n'avons déjà que faire. Comprenons que le succès des Américains est d'avoir 500 000 à 1 million de Business Angels faisant déferler sur les éclaireurs de l'avenir, les créateurs d'entreprises, 50 à 100 milliards de dollars, 5 à 10 fois plus que les fonds de capital-risque. Fonds qui ne trouvent pâture que parce que les Business Angels ont d'abord contribué à créer des entreprises dont ils vont financer le développement. Si les Business Angels existent aux Etats-Unis en si grand nombre, c'est parce que l'État a mis en place des incitations fiscales massives très largement remboursées par les impôts payés par les réussites. Nous allons encore faire disparaître dans l'énième agence de l'innovation 2 milliards d'euros alors que les mêmes sommes, confiées à des entrepreneurs, en auraient rapporté dans l'année le double et plus de 100 000 emplois. Pauvre pays ou plutôt pauvres dirigeants qui, depuis trente ans, nous entraînent comme des moutons dans la rivière, au son de la flûte du dirigisme étatique. * Président de l'Ifrap (Institut français pour la recherche sur les administrations publiques).
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