ernest Posté 28 octobre 2010 Signaler Posté 28 octobre 2010 En parcourant Naissance de la biopolitique de ce bon vieux Michel, j'ai vu que ce livre traite quasi-exclusivement du libéralisme. Foucault dit, en deux mots, que le capitalisme, pour fonctionner, a donné naissance au biopouvoir (ou contrôle politique de la vie humaine). J'ai été "attiré" car Foucault cite plusieurs fois Mises (à l'époque, seul Socialisme était édité en français, mais il cite aussi Human Action). Il fait aussi une analyse longue et détaillée du Colloque Lippman (évenement important qui marque le fondement du néolibéralisme, en 1938, et qui préfigure un peu la Mont-Pelerin Society). J'ai aussi vu que Foucault a fait tout un cours sur le "néolibéralisme allemand" où il cite abondamment Eucken et Röpke. Enfin, j'ai vu que Becker est très souvent cité lorsque Foucault évoque l'homo oeconomicus. Bref Foucault ne veut pas comprendre, mais a visiblement lu bien des auteurs intéressants. Le sujet n'est pas forcément de relancer une discussion sur Foucault, dont on sera d'accord pour dire qu'il n'est pas le pire des post-modernes français (voir le seul lisible). Mais je n'ai pas trouvé dans l'historique du forum de discussion sur (1) ce livre de Foucault dans sa "dernière période" et (2) sa conception du biopolitique. Déjà, est-ce que quelqu'un l'a lu ? Et qu'est-ce que donne le concept de biopolitique pour des libéraux ? Si ce sujet fait un flop et que personne n'a eu envie de lire ce truc. Je me ferai un plaisir de vous en reparler quand je l'aurai lu (mais ma pile de bouquins à lire atteint facilement les 100,000 pages, donc soyez patient ).
Chitah Posté 28 octobre 2010 Signaler Posté 28 octobre 2010 Le concept de biopolitique apparaît de nombreuses fois dans le forum, je pense que si tu te reportes au résultat de recherche par Google, tu trouveras dans quel contexte cela a été évoqué. Cela devrait t'intéresser.
ernest Posté 28 octobre 2010 Auteur Signaler Posté 28 octobre 2010 Le concept de biopolitique apparaît de nombreuses fois dans le forum, je pense que si tu te reportes au résultat de recherche par Google, tu trouveras dans quel contexte cela a été évoqué. Cela devrait t'intéresser. Oui oui. Pour biopolitique (et biopouvoir) j'ai trouvé pas mal de messages. Curieusement, on en a surtout parlé dans les posts qui touchent à l'euthanasie, l'avortement ou la contraception. Moins en ce qui concerne la prison et l'esclavage en général. En fait, c'est pour ça que je suis allé voir le livre de Foucault : je voyais ce "concept" cité un peu partout. Donc j'ai été voir à la source. Mais je ne pensais pas que Foucault reliait avant tout cette idée au (néo)libéralisme.
(=S=) Posté 28 octobre 2010 Signaler Posté 28 octobre 2010 Le sujet n'est pas forcément de relancer une discussion sur Foucault, dont on sera d'accord pour dire qu'il n'est pas le pire des post-modernes français (voire le seul lisible). Mais je n'ai pas trouvé dans l'historique du forum de discussion sur (1) ce livre de Foucault dans sa "dernière période" et (2) sa conception du biopolitique. Déjà, est-ce que quelqu'un l'a lu ? Et qu'est-ce que donne le concept de biopolitique pour des libéraux ?Si ce sujet fait un flop et que personne n'a eu envie de lire ce truc. Je me ferai un plaisir de vous en reparler quand je l'aurai lu (mais ma pile de bouquins à lire atteint facilement les 100,000 pages, donc soyez patient ). Je DOIS lire Naissance de la biopolitique. Insulte-moi si je ne l'ai pas fait dans les mois à venir. Dans "Il faut défendre la société" (1976) je trouvais que son raccourci libéralisme = rationalisation ne pouvait pas concerner Hayek. Quelques notes de Maria Bonnafous dans Le libéralisme de la pensée de Michel Foucault : un libéralisme sans liberté (2003) m'avaient aussi conduit à penser qu'il y avait entre les deux auteurs des convergences sur lesquelles le français était passé à côté. Je me ferai donc un plaisir d'en reparler aussi lorsque je l'aurais lu.
ernest Posté 14 décembre 2010 Auteur Signaler Posté 14 décembre 2010 Je reviens sur ce sujet avec quelques informations supplémentaires. J'ai trouvé les cours de Foucault en version audio, et spécialement celui sur la Naissance de la biopolitique. Et bien, après avoir écouté cinq ou six cours pour l'instant (sur douze), je suis impressionné par leur qualité. Déjà, Foucault à une diction très particulière (que je connaissais) qui rend l'écoute très agréable. Ensuite, Foucault a incontestablement fournit un travail gigantesque et très novateur pour l'époque (en 1978 - 1979). Il y est déjà question de la théorie du capital humain, tout à fait bien comprise. Et analysée avec une subtilité grandiose,par exemple comme une réadaptation des thèses de Bentham et Beccaria sur l'aspect "théorie économique du crime". C'est un commentaire superbe de l'école de Chicago, très très bien comprise par Foucault. À l'époque, les nouveaux-économistes en France (Salin, J-J Rosa, Aftalion etc.) publiaient le premier livre sérieux qui reprenait l'école de Chicago, L'économique retrouvée. Et Lepage publiait aussi la première introduction de cette école en France avec son Demain le capitalisme. Mais ces deux ouvrages pré-cités sont une simple présentation de ce qui se fait outre-atlantique. Alors que Foucault en donne une approche historique & philosophique dont la pertinence a rarement été atteinte depuis lors. Autre sujet, sur ce qu'on pourrait appeler la socio-histoire du concept de « société civile », Foucault fait un commentaire de Ferguson, qu'il discute avec Kant (projet de paix perpétuelle) si mes souvenirs sont bons. Ferguson est très bien compris par Foucault. Tout est subtil, et l'évolutionnisme de Ferguson est parfaitement retranscrit par Foucault, au point qu'on se dit qu'Hayek a vraiment tout pompé chez les écossais du XVIIIe… Enfin, sur l'ordo-libéralisme, c'est tout simplement la meilleur introduction au sujet possible. C'est même ahurissant que Foucault soit aussi précis dans son analyse du libéralisme allemand d'après guerre (1948, date fondatrice de l'école de Fribourg). Foucault donne une interprétation de toute l'histoire de la pensée allemande, qui -- selon lui -- est influencé par Weber et non plus Marx depuis le début du siècle. Weber et Marx ayant des préoccupation différentes : la rationalisation de la société a priori irrationnelle pour l'un ; et la logique autodestructrice du capitalisme pour l'autre. Foucault fait aussi un parallèle entre l'ordo-libéralisme et l'école de Francfort, qui s'inscrivent toutes deux dans le même contexte. Bref, je ne peux que vous inciter à écouter ces cours de Foucault (on les trouve en torrent sur le net), qui sont très denses et ne s'adressent pas à la populace (contrairement aux philosophes-citoyens d'aujourd'hui, Onfray, Enthoven, Comte-Sponville, Ferry etc). La pertinence dans l'analyse du néo-libéralisme rend ces cours souvent plus intéressants que les commentaires les plus récents sur la pensée libérale. Tout simplement parce que Foucault a lu - déjà à l'époque - tous les textes essentiels de l'école de Chicago, de Hayek et de Mises (qu'il évoque à propos de la planification socialiste contre le fameux Lange). Dernière précision ; Foucault est le premier philosophe de formation que j'entends à être très à l'aise avec la terminologie économique : des concepts aussi simples que monopoles, variation des prix, équilibre offre/demande, politique monétaire, commerce international etc. ne sont jamais compris par l'immense majorité des « penseurs », et depuis longtemps.
pilgrim Posté 14 décembre 2010 Signaler Posté 14 décembre 2010 Si tu pouvais nous fournir un lien ça serait extra.
free jazz Posté 15 décembre 2010 Signaler Posté 15 décembre 2010 C'est surtout le Foucault anti-constructiviste, anti-humaniste et anti-Lumières d'après 1975 qui est intéressant, lorsqu'il commence sa grande enquête sur la généalogie du pouvoir, de l'histoire des techniques de châtiment et des procédures judiciaires, en passant par le changement de paradigme introduit par la Raison d'Etat au XVIIIè siècle, jusqu'à son fractionnement post moderne en machines de micropouvoir qui sont autant de dispositifs pour discipliner les individus dans une société de contrôle et de transparence. Son enquête montre en gros qu'avant le rationalisme des Lumières, le pouvoir s'exerçait de haut en bas, du souverain vers les sujets, mais que l'irruption des sciences sociales et de l'économie politique va changer le rapport au pouvoir, qui ne s'exerce plus du corps du roi sur le corps des sujets mais d'une certaine gouvernance rationnelle (la raison d'Etat) sur la population prise comme un ensemble vivant dans son milieu (biopolitique), qu'il s'agit de faire croître par la démographie, la statistique, l'hygiène et l'organisation de la santé publique, d'en optimiser la production de richesses par la sécurisation et la surveillance du territoire. C'est ici qu'intervient son explication critique du libéralisme, fort pertinente à mon avis, qu'il définit d'abord comme une doctrine s'opposant aux abus de pouvoirs, mais qui va être progressivement intégrée à la science de la bonne gouvernance sous la forme de l'utilitarisme, d'un marché encadré par des normes contraignantes et de méthodes disciplinaires en vue d'améliorer le bonheur du plus grand nombre. Au fond Foucault dit que nous sommes rentrés dans l'ère du biopouvoir horizontal et immanent, qui à travers des discours et des pratiques de médecine sociale pénètre les aspects fondamentaux de la vie des individus : santé, alimentation, sexualité, environnement, etc.
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