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Les magistrats, ces humoristes méconnus


Alix

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En ces temps agités pour la magistrature, rendons hommage à certain de ses éléments :icon_up:

Forcément, je balance la première décision :doigt:

Tribunal correctionnel de Chalons-sur-Marne, 13 octobre 1982, présidence de M. Gelle.

Attendu qu’il appert des pièces de la procédure, des débats à l’audience et des déclarations de N. que Dlle D., lors âgée de 17 ans et demi, servait des boissons dans l’auberge dont la femme R. était la tenancière, lorsque, sur le minuit, arrivèrent quatre hommes et deux filles;

que le sieur N., à l’époque âgé de 18 ans et 3 mois, qui était parmi ceux-ci, convia la mineure à la danse et, envisageant ses attraits, fit d’icelle prompte conquête;

qu’enhardi par l’absence de toute barrière que la jouvencelle eut pu dresser contre son entreprise et même conforté par l’accueil sans nuance qu’elle réservait au projet de son fier vainqueur, N. ne balança point à rechercher ses grâces secrètes et ses faveurs ultimes;

que Dlle D.les lui prodigua d’ailleurs sans différer aucunement ni les restreindre davantage;

que cependant, dame B., ci-devant Joséphine D., instruite dans le même temps de l’aventure et mue par le désir tardif de préserver sa fille d’une atteinte qu’elle croyait peut-être originelle mais qui n’était que nouvelle, la mineure ayant en effet déclaré aux procès-verbaux qu’un tiers avait déjà bénéficié de ses suffrages trois mois auparavant, vint heurter à la porte du logis où s’étaient retranchés les amants, interrompant ceux-ci en leurs ébats avant même qu’ils en eussent atteint le sommet;

Attendu que le sieur N. bien qu’il ne laissât point de confesser la connaissance entière qu’il avait de l’âge de la donzelle, fait néanmoins plaider aujourd’hui sa relaxe au motif pris de ce qu’il n’aurait pas eu la volonté durable de la soustraire à la parentale autorité;

Attendu, en droit, que si le délit d’enlèvement ou de détournement de mineure est constitué nonobstant l’adhésion que la victime ait pu y mettre, pour ce qu’un mineur, en effet, ne peut point valablement consentir, encore faut-il qu’il existe chez son auteur un élément intentionnel consistant en la conscience d’une part, de soustraire ledit mineur des lieux où l’avaient placé ceux à l’autorité ou à la direction desquels il était soumis ou confié et, d’autre part, de l’en retirer d’une manière sinon définitive, en tout cas durable;

Et attendu qu’en la cause, il n’est pas certain que le prévenu N. eût d’autres desseins que de satisfaire à une impétuosité momentanée devenue fugitive dès son assouvissement; que dès lors, non seulement n’est établie à son encontre nulle intention de ne plus représenter la mineure, mais que, de surcroît, la preuve n’est pas rapportée que le détournement se fût prolongé au-delà du temps habituellement nécessaire à l’apaisement d’un désir d’utant plus vivement consumé qu’il était ardent;

Attendu qu’il n’est donc point en l’espèce de rapt de séduction;

Et considérant que le fait poursuivi ne saurait recevoir aucune qualification pénale;

Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, relaxe Stéphane N. des fins de la poursuite sans peine ni dépens”.

Posté

Cour d’appel de Riom, 1ère chambre civile, 7 septembre 1995:

"Attendu que les faits et la querelle sont exposés dans les décisions rendues à CLERMONT-FERRAND le 11 janvier 1994 et le 25 janvier 1995, cette dernière dont appel ; que la Cour en adopte les motifs ; que, céans, les époux Roche concluent au débouté de Rougier. ; qu’au contraire celui-ci, enchanté du jugement qui a prescrit la fin du poulailler, demande la confirmation et 20 000 F de dommages-intérêts.

Attendu que la poule est un animal anodin et stupide, au point que nul n’est encore parvenu à le dresser, pas même un cirque chinois ; que son voisinage comporte beaucoup de silence, quelques tendres gloussements et des caquêtements qui vont du joyeux (ponte d’un oeuf) au serein (dégustation d’un ver de terre) en passant par l’affolé (vue d’un renard) ; que ce paisible voisinage n’a jamais incommodé que ceux qui, pour d’autres motifs, nourrissent du courroux à l’égard des propriétaires de ces gallinacés ;

Que la Cour ne jugera pas que le bateau importune le marin, la farine le boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la poule un habitant du lieu-dit La Rochette, village de Salledes (402 âmes) dans le département du Puy-de-Dôme".

Par ces motifs : statuant publiquement et contradictoirement, infirme le jugement, déboute le sieur Rougier de son action et le condamne aux dépens…”.

Posté

Arrêt d'Assemblée rendu par le Conseil d'Etat le 27 octobre 1995. Un lancer de nains humains devait être organisé dans la commune de Morsang-sur-Orge par une société, et les nains avaient accepté moyennant rémunération. Le maire de la commune avait exercé son pouvoir de police pour interdire cette activité de lancer de nain. La société a effectué un recours devant le tribunal administratif et a gagné. La commune se pourvoit devant le Conseil d'Etat, pour demander l'annulation du jugement du tribunal administratif. Voici l'arrêt :

Considérant qu'aux termes de l'article L 131-2 du code des communes : "La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique" ;

Considérant qu'il appartient à l'autorité investie du pouvoir de police municipale de prendre toute mesure pour prévenir une atteinte à l'ordre public ; que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l'ordre public ; que l'autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en l'absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine ;

Considérant que l'attraction de "lancer de nain" consistant à faire lancer un nain par des spectateurs conduit à utiliser comme un projectile une personne affectée d'un handicap physique et présentée comme telle ; que, par son objet même, une telle attraction porte atteinte à la dignité de la personne humaine ; que l'autorité investie du pouvoir de police municipale pouvait, dès lors, l'interdire même en l'absence de circonstances locales particulières et alors même que des mesures de protection avaient été prises pour assurer la sécurité de la personne en cause et que celle-ci se prêtait librement à cette exhibition, contre rémunération ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté du 25 octobre 1991 du maire de Morsang-sur- Orge interdisant le spectacle de "lancer de nains" prévu le même jour dans une discothèque de la ville, le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur le fait qu'à supposer même que le spectacle ait porté atteinte à la dignité de la personne humaine, son interdiction ne pouvait être légalement prononcée en l'absence de circonstances locales particulières ; qu'il résulte de ce qui précède qu'un tel motif est erroné en droit ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société Fun Production et M Wackenheim tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat ;

Considérant que le respect du principe de la liberté du travail et de celui de la liberté du commerce et de l'industrie ne fait pas obstacle à ce que l'autorité investie du pouvoir de police municipale interdise une activité même licite si une telle mesure est seule de nature à prévenir ou faire cesser un trouble à l'ordre public ; que tel est le cas en l'espèce, eu égard à la nature de l'attraction en cause ;

Considérant que le maire de Morsang-sur- Orge ayant fondé sa décision sur les dispositions précitées de l'article L 131-2 du code des communes qui justifiaient, à elles seules, une mesure d'interdiction du spectacle, le moyen tiré de ce que cette décision ne pouvait trouver sa base légale ni dans l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni dans une circulaire du ministre de l'intérieur, du 27 novembre 1991, est inopérant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a prononcé l'annulation de l'arrêté du maire de Morsang-sur- Orge en date du 25 octobre 1991 et a condamné la commune de Morsang-sur- Orge à verser aux demandeurs la somme de 10 000 F ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions tendant à l'augmentation du montant de cette indemnité ;

Sur les conclusions de la société Fun Production et de M Wackenheim tendant à ce que la commune de Morsang-sur- Orge soit condamnée à une amende pour recours abusif :

Considérant que de telles conclusions ne sont pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées de ces mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Morsang-sur- Orge, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la société Fun Production et M Wackenheim la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au profit de la commune de Morsang-sur- Orge et de condamner M Wackenheim à payer à cette commune la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner la société Fun Production à payer à la commune de Morsang-sur- Orge la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Posté

Les juges de prox ne sont pas mal non plus :icon_up: Je rêve qu'un juge dise ça à une certaine agence immobilière que je ne citerai pas.

Cass. civ. II 14 sept. 2006 n° 04-20524, Bull. civ. 2006 II n° 222) [1] :.

« Vu l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;.

Attendu que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ;.

Attendu que, pour condamner Mme X…, le jugement retient notamment "la piètre dimension de la défenderesse qui voudrait rivaliser avec les plus grands escrocs, ce qui ne constitue nullement un but louable en soi sauf pour certains personnages pétris de malhonnêteté comme ici Mme X… dotée d’un quotient intellectuel aussi restreint que la surface habitable de sa caravane, ses préoccupations manifestement strictement financières et dont la cupidité le dispute à la fourberie, le fait qu’elle acculait ainsi sans état d’âme et avec l’expérience de l’impunité ses futurs locataires et qu’elle était sortie du domaine virtuel où elle prétendait sévir impunément du moins jusqu’à ce jour, les agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par elle nécessitant la mise en oeuvre d’investigations de nature à la neutraliser définitivement" ;.

Qu’en statuant ainsi, en des termes injurieux et manifestement incompatibles avec l’exigence d’impartialité, le juge a violé le texte susvisé ».

Invité jabial
Posté

Dites, tous ces cas me semblent être cités dans un petit bouquin qui vient de sortir.

Allez, des cas originaux !

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