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Les Droits De L'homme Ne Sont Pas


Sabato

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Posté

Bien je continue le flood-à-ma-façon, vous m'en direz des nouvelles. Le post est un peu faible à mon goût, mais il y a de l'idée, non ?

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THE LIBERTARIAN CREED rests upon one central axiom: that no man or group of men may aggress against the person or property of anyone else. This may be called the “nonaggression axiom.” “Aggression” is defined as the initiation of the use or threat of physical violence against the person or property of anyone else. Aggression is therefore synonymous with invasion.

Tout droit, toute liberté est droit de propriété ; tout crime, tout acte légalement répréhensible est vol, non-respect de contrat s'apparentant à un vol, ou "invasion" illégitime. C'est l'approche propriétariste, l'approche par la propriété de la justice.

Voilà.

Maintenant, prenons droits de l'homme dans le sens, droit de l'homme en tant qu'homme ; droit que je possède nécessairement de par ma seule nature d'être humain ; droit que certaines de mes caractéristiques humaines me confèrent.

Comme je l'ai déjà posté, on peut douter que le jusnaturalisme libertarien supporte les droits de l'homme ainsi définis. Or je pense que "droits de l'homme" est l'acceptation la plus répandue de "droits naturels", et blablabla, et que tout libéral entend défendre les droits de l'homme (je ne parle pas de ses diverses déclarations papier, auxquelles d'ailleurs on n'a certainement pas tort de se raccrocher). Rothbard ne crache pas dessus, et se vanterait même de les renforcer :

If no man may aggress against another; if, in short, everyone has the absolute right to be “free” from aggression, then this at once implies that the libertarian stands foursquare for what are generally known as “civil liberties”: the freedom to speak, publish, assemble, [and to engage in such “victimless crimes” as pornography, sexual deviation, and prostitution (which the libertarian does not regard as “crimes” at all, since he defines a “crime” as violent invasion of someone else’s person or property).]

Les droits de l'homme sont des droits de propriété. Est-ce exact ? L'approche propriétariste est-elle compatible avec les droits de l'homme ?

En parfaite ignorance des terminologies légales et philosophiques correctes, je propose de qualifier les "droits de l'homme en tant qu'homme", les droits fondamentaux, d'abstraits (nécessaires ? a priori ?). Paul, Pierre, x, y : peu importe. L'homme, l'individu (abstractions).

Or, prenons le droit de propriété légitime selon les libertariens. On remarque qu'il est toujours concret/particulier : telle personne possède tel bien précis à la suite de telle action qu'elle a entreprise ou en vertu de tel fait précis. Paul a un droit sur ce champ avec lequel il a mélangé son travail. Rothbard et les libertariens demandent : (à) qui ? quoi ? comment ? Si ces questions sont universalisables, elles ne sont pas celles de la justice universelle.

Evidemment, Paul, dans un sens, possède son champ "parce qu'il est un homme" ; son droit n'en reste pas moins particulier (concret ; Paul-champ-occurence d'homesteading). Ma conclusion serait que le libertarianisme (radical-propriétariste) ne reconnaît pas de droits naturels, ou plutôt de droits de l'homme, puisque selon lui tout droit est droit de propriété, droit concret.

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Posté

L'homme libertarien "naît" légalement tout nu. Et le droit de propriété sur soi-même ? A quoi correspond-il ? Qu'en tirer ?

Primo, je ne vois pas pourquoi, en termes propriétaristes, on ne pourrait pas s'en "séparer" (cf. fil sur le contrat) : reste rien du tout (l'homme peut se retrouver tout nu, sans avoir commis de crime). Le débat sur son aliénabilité, les réponses "techniques" et les tracasseries légales qui sont avancées montrent bien amha qu'il n'est pas envisagé comme un droit abstrait (ou plutôt qu'il n'en est pas un).

Est-ce que l'auto-propriété libertarienne implique, par exemple, la liberté d'expression ? Est-ce que le droit d'exprimer toute opinion n'est pas à la base autre chose que le fait de posséder ses maxillaires et ses cordes vocales, ses menottes, ses neurones… ? Est-ce que s'en prendre à ma liberté d'expression, c'est attenter à ma mâchoire ou me casser les mains ? Ou pour revenir au droit de propriété lui-même : est-ce qu'il convient, face à l'interdiction injustifiée d'une chaîne de télévision (probablement parce qu'elle exprime un point de vue particulier), de crier au viol de satellite ? d'antenne de transmission ? de réseau câblé ?…

Je dis n'importe quoi ? L'approche propriétariste insiste sur le critère d'"invasion" et les ressources matérielles. Il n'y a de droit que d'employer ce qui nous appartient ; de crime, que de nous empêcher de le faire. Bien sûr on ne dira pas qu'un meurtre est une simple invasion ; pourtant on insistera sur cet aspect. Or c'est tout de même hors sujet ; la nature du crime, ôter sans raison la vie d'un homme, dépasse complètement ces considérations. De même la liberté d'expression n'est pas (qu')une question de ressources, et donc doit être exprimée autrement.

La liberté transcende ses moyens ; des adversaires de la conception positive de la liberté devraient en être conscients. Tout comme être libre de faire x n'est pas le fait d'en avoir la possibilité effective, "agresser" ma mâchoire ou mon imprimante ou mon compte en banque, n'est pas en soi attenter à ma liberté d'expression. Instituer un délit d'opinion, est une atteinte à la liberté de parole ; je peux voir nier ma liberté d'expression que des moyens du même nom soient ou non à ma juste disposition (agression potentielle ? mais crime réel ?). Ces mesures sont en elles-mêmes graves et condamnables, pour peu qu'on accorde une quelconque valeur intrinsèque à la liberté. S'en prendre aux "moyens" peut être un… moyen, de bâillonner la population: l'objectif et le résultat sont intrinsèquement condamnables, indépendamment des violations de droits de propriété impliquées.

La liberté négative est une question d'"opportunités ouvertes", pas de ressources disponibles ; d'absence de "contraintes", c'est-à-dire, notamment, d'interdits légaux. Ce que les libertariens prennent pour une définition négative de la liberté est en réalité la délimitation positive d'un espace d'action particulier (en fonction duquel la coercition est alors définie, comme invasion)--espace qui a son importance, mais ne touche pas aux réalités morales universelles.

Un libertarien pourrait acquiescer mais remarquera que puisque des ressources seront toujours impliquées, il est pertinent d'insister sur les droits de propriété. La liberté d'expression, par exemple, n'est pas le droit de débouler chez les gens et de les forcer à écouter n'importe quel discours. C'est évident ; on conçoit qu'un propriétaire interdise de tenir tels ou tels propos sous son toit et qu'il soit spécieux de lui opposer la charte des droits de l'homme ; il n'a pas à subir ou héberger des idées qu'il réprouve, et la censure ou la liberté d'expression n'ont rien à voir là-dedans. D'accord, mais si c'est d'une rue dont il est question ? d'un immeuble (espaces "privés" compris) ? ou d'un quartier ? un village, une ville ? une "communauté" ?* (La remarque s'applique à l'idée que seuls les droits de propriété sont des droits négatifs.)

Bref il est important de ne pas confondre droits/libertés abstraits et droits de propriété. Dans le modèle de la société privée, on ne peut jamais invoquer la liberté d'expression ; pas parce qu'elle est toujours respectée, mais parce qu'elle n'existe pas. Et je tiens à souligner qu'il en est de même pour le droit d'être propriétaire. Ce droit abstrait, supposé amha par l'approche propriétariste, n'existe pas dans la société privée, où il peut être nié avec la plus grande fermeté sans qu'un libertarien ne le remarque.

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Posté

* melodius, si tu as quelque chose à dire, eh bien dis-le, et mets le en parallèle svp avec ce que l'on peut lire dans Law, property rights and air pollution (sur le droit de p), afin que je comprenne ; et montre aussi comment cela s'applique au cas de CID, que je n'ai pas inventés, et qui ont (presque !) tous les défauts des communautés libertariennes telles que je les (constate) cauchemarde. Les associations de proriétaires ne sont pas limitées par la théorie libertarienne comme peut l'être un gouvernement pour la simple et bonne raison qu'elle ne leur reconnaît pas le statut de gouvernement (au nom d'un critère historique).

Contrastez les passages précédents à ce que l'on peut lire dans Rothbard, Nations by Consent :

Under total privatization, many local conflicts and "externality" problems-not merely the immigration problem-would be neatly settled. With every locale and neighborhood owned by private firms, corporations, or contractual communities, true diversity would reign, in accordance with the preferences of each community. Some neighborhoods would be ethnically or economically diverse, while others would be ethnically or economically homogeneous. Some localities would permit pornography or prostitution or drugs or abortions, others would prohibit any or all of them.

Ah, les premières citations viennent de Rothbard, For a New liberty.

http://www.mises.org/rothbard/newliberty.asp

Posté
Ma conclusion serait que le libertarianisme (radical-propriétariste) ne reconnaît pas de droits naturels, ou plutôt de droits de l'homme, puisque selon lui tout droit est droit de propriété, droit concret.

Sabato, je comprends les raisons de ta dissidence, mais il me semble que tu as loupé un épisode ici. Grace à RonnieHayek et Patrick nous savons désormais que :

- le libéralisme est une philosophie (universalisme, individualisme, humanisme…), philosophie prônant l'affirmation de la liberté individuelle par le respect intégral de tous les individus : les individus ont des Droits naturels inaliénables qui sont le respect leur vie, de leur volonté et de ce qui leur appartient.

- le libertarianisme est une théorie du droit (droit de propriété, principe de non-agression…), cette doctrine inspirée du libéralisme ne se situe qu'au niveau juridique et évacue toute la dimension morale (philosophique) du libéralisme.

Contrairement aux idées reçues on peut très bien être libétarien sans être libéral pour autant. Cependant, les "libertariens" non libéraux, ont vraissemblablement le plus grand mal à justifier le fondement de leur conception puisqu'ils ne peuvent pas justifier que leur approche "radical-propriétariste" car ils rejettent l'approche philosophique libérale.

Posté

Je pense que tu voulais poster ça dans mon autre fil, car ce n'est pas le sujet ici. Ensuite je doute que les droits moraux/réels ne puissent pas être… moraux, cf. autre fil.

Invité jabial
Posté

Franchement, je sens l'amalgame à plein nez. Tout droit abstrait a une application concrère. Par exemple, la liberté d'expression, droit fondamental abstrait qui découle de la propriété de soi, ne signifie nullement que les muets parleront ou que les sourds vous entendront.

Posté
Franchement, je sens l'amalgame à plein nez.

Pour tout dire, moi aussi, mais je lutte :icon_up:

La liberté d'expression ne signifie pas que les muets parleront ni que les sourd entendront, alors, pourquoi insister sur le contrôle de la ressource "corps" et l'interférence avec son utilisation ?

Je ne me vois pas (je me vois peu) analyser la censure en termes d'agression/invasion ; ni moralement, ni légalement.

Invité jabial
Posté
Pour tout dire, moi aussi, mais je lutte  :icon_up:

La liberté d'expression ne signifie pas que les muets parleront ni que les sourd entendront, alors, pourquoi insister sur le contrôle de la ressource "corps" et l'interférence avec son utilisation ?

Je ne me vois pas (je me vois peu) analyser la censure en termes d'agression/invasion ; ni moralement, ni légalement.

Et pourtant si. Car comme l'a dit (Mélodius? Ronjie? Eskoh? J'ai oublié), il ne s'agit pas tant du corps que de la personne. La censure est bel et bien une agression.

Posté
il ne s'agit pas tant du corps que de la personne

Cad qu'il y a une différence entre un bras et une tête (ce qui ne nous gêne pas en réalité pour céder le titre de propriété -> Block). Il n'est toujours question que de corps et de ressource. On peut entendre beaucoup plus par "self-ownership" qu'un simple droit de propriété, mais ce n'est clairement pas ce que font les libertariens propriétaristes.

Rothbard gives the following answer to the question of what I

am justified doing here and now: every person owns his own physical

body as well as…

  • 2 weeks later...
Posté

Bien, ici, imaginez deux ou trois paragraphes expliquant lumineusement les suivants.

Les libertariens insistent trop sur les droits concrets aux dépens des droits abstraits, ou les portes qui nous sont ouvertes indépendamment des ressources particulières à notre disposition. On peut fermer une porte, sans toucher aux moyens, et les portes fondamentales ne sont pas ouvertes parce que l'on possède des moyens particuliers. Je peux poster des opinions sur le net parce que ma liberté d'expression est garantie, pas parce que j'ai contracté un abonnement auprès d'un FAI. On ne peut pas "trouver" la liberté d'expression dans un moyen particulier.

Le droit d'être propriétaire est certainement une liberté et n'est certainement pas un droit de propriété. La société anarchiste ou (super) minarchiste est gouvernée par les entreprises et les associations de propriétaires et basée sur le principe de la propriété limitée (la copropriété, les conventions restrictives ; plus limitée qu'elle ne le serait sous un régime public raisonnable). En conservant l'approche concrète, on pourra avoir l'impression qu'aucun droit de propriété n'est violé ; mais on the big picture et selon la perspective des droits de l'homme, le droit d'être propriétaire--qui "n'est qu'un" droit de l'homme parmi d'autres et ne se confond pas avec la liberté d'expression--est remis en question.

C'est ce qui se produit aux Etats-Unis sans soulever d'objections libertariennes. "We have a generation in this country that doesn't know you should be able to paint your house any color you want" (Richard Louv, cité par McKenzie, Privatopia p.142).

Ainsi des droits peuvent-ils être violés sans "invasion." En ce qui concerne la liberté d'expression et d'opinion, "some communities associations have banned political signs, prohibited distribution of newspapers, and forbidden political gatherings in the commons area."

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