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Domino Démocratique


Chitah

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Posté

La stratégie américaine du domino démocratique est assez discutée, comme vous le savez.

Ci dessous une chronique de Sergio Romano quii pose le problème.

La chronique de SERGIO ROMANO (Milan)

Après avoir inspiré les propos de George W. Bush dans le discours par lequel il a inauguré son nouveau mandat, la philosophie de la démocratie serait en train de modifier la carte politique du Moyen-Orient et de l'ancienne Union soviétique. La victoire de Ioutchenko en Ukraine, les élections en Irak et en Palestine, les consultations administratives en Arabie saoudite, la réforme de l'élection présidentielle annoncée par le président Moubarak en Egypte, les manifestations antisyriennes à Beyrouth et le nouveau climat démocratique en Moldavie semblent faire partie d'une même vague qui, provoquée par le tournant de la politique étrangère des Etats-Unis après le 11 septembre 2001, pourrait débarrasser le monde des régimes autoritaires, théocratiques ou pseudodémocratiques qui représentent une menace pour la paix du Levant et de l'Asie.

Les néoconservateurs américains s'en réjouissent. Comme Léon Trotsky, convaincu en son temps que le succès du communisme en Russie allait provoquer une « révolution permanente » dans les démocraties « bourgeoises » de l'Europe et du continent américain, les brillants conseillers du président des Etats-Unis pensent que la paix et la sécurité dans le monde dépendent d'une « révolution démocratique permanente ». Les faits semblent leur donner raison et ont eu une influence positive sur l'accueil qui a été réservé au président Bush lors de sa visite en Europe. Peut-on souscrire à cette vision rassurante sur l'avenir de la démocratie dans le monde ?

Il faudrait d'abord faire quelques distinctions. Dans certains mouvements populaires, l'aspiration nationale ou communautaire est plus importante que le désir de démocratie. L'Ukraine occidentale voulait se débarrasser de la tutelle du grand frère russe. Les Libanais désirent d'abord le départ de leurs cousins syriens. Les chiites irakiens et les Kurdes sont allés aux urnes, en dépit des menaces et des attentats, car ils ont vu dans les élections la promesse du pouvoir. Dans d'autres pays, les réformes démocratiques sont le prix que les classes dirigeantes croient devoir payer pour ne pas irriter leur grand ami américain. C'est probablement le cas de l'Arabie saoudite et du président Moubarak en Egypte, où la perspective d'un véritable changement reste incertaine. Il ne faut pas oublier d'autre part que les élections sont une introduction à la démocratie là où l'alternance est acceptée par la culture politique du pays. Si les gagnants gagnent pour toujours et si les perdants savent qu'ils n'auront pas droit à un deuxième round, la démocratie n'est qu'apparence.

Il y a un autre aspect de la situation internationale qu'il faut prendre en considération. La philosophie de la liberté a produit dans certains pays des résultats considérables. Mais elle a suscité en même temps les réactions effrayées des pays qui se sentent menacés par les Etats-Unis et qui voient dans la démocratie la nouvelle arme de choc de la diplomatie américaine. Les Russes se sont rapprochés de la Chine et sont maintenant les principaux fournisseurs d'armements de la République populaire. Les Nord-Coréens misent, pour échapper à la pression américaine, sur les armes nucléaires. Les Iraniens ne semblent avoir aucune intention de renoncer à leurs projets dans ce domaine et ont récemment conclu un accord avec la Russie pour le matériel fissile dont ils ont besoin. Préoccupée par les admonitions américaines, la Syrie s'est tournée du côté de la Turquie et a renoncé, pour gagner son amitié, à ses revendications sur Alexandrette. Un peu plus de démocratie d'un côté, un peu moins de sécurité de l'autre : voici un bilan que les Américains, vraisemblablement, n'avaient pas prévu.

SERGIO ROMANO est historien et éditorialiste

Comme vous le savez aussi, nombreux sont les libéraux qui adhèrent à cette stratégie: http://www.lmae.net/?itemid=269#nucleus_cf

Personellement, j'ai de grands doutes sur ces velléités divine de remodeler le monde à sa sauce.

Posté
Personnellement, s'il devait s'avérer que sur ce point-là nous nous sommes trompés, je m'en réjouirais.

Moi aussi.

J'avoue qu'il m'arrive de douter, à force de regarder ma série préférée The West Wing:

- recevoir en grandes pompes à la Maison Blanche un dissident de tel ou tel pays attire l'attention de la presse, et peut aider à propulser ledit dissident dans la "cour des grands", et donc obtenir une certaine crédibilité dans son pays.

- essayer de régler le compte de tel ou tel despote par des opérations secrètes peut marcher, mais peut conduire aussi au chaos.

- chercher à influencer les conseillers des despotes plutôt que les despotes eux-mêmes peut porter ses fruits.

- etc…

Bref, une action de politique etrangère active peut marcher pour libérer tel ou tel pays de son despote (ici, on partira du principe qu'il existe une très grande différence entre Jacques Chirac et Zine el Abidine Ben Ali, et entre Ben Ali et Poutine, et entre Poutine et le dictateur nord-coréen, bien que cette hypothèse puisse être très largement discutable et à discuter).

Maus vu la pagaille que cela peut provoquer, et vu les effets boomerangs à long terme (activation du djihadisme pour les besoins de la cause de l'ouest: virer les soviétiques d'Afghanistan; quelques années plus tard, les guerriers formés retournent dans leur pays, et forment à leur tour d'autres combattants pour une autre cause).

Posté
Personnellement, s'il devait s'avérer que sur ce point-là nous nous sommes trompés, je m'en réjouirais.

Comme il est facile de jouer aux dominos avec des soldats de plomb.

Laissons de côté l'Irak (pour éviter toute polémique) et concentrons-nous sur le prétendu effet domino. En fait, pour qui connaît un peu le Moyen-Orient, la libéralisation est soit inéluctable (auquel cas Bush peut toujours s'en attribuer la paternité si cela le chante) soit déjà en marche depuis longtemps, soit inexistente.

Par exemple, la question de l'occupation syrienne se pose au Liban depuis mai 2000 et le départ des Israéliens. L'assassinat de Hariri a amplifié ce désir d'indépendance. Je ne vois pas ce que Bush a voir avec ces deux événements.

En Palestine, la paix entre Israël et les Palestiniens n'était pas possible tant que Sharon et Arafat, qui se détestaient, étaient au pouvoir. C'est la mort d'Arafat qui a permis cette accalmie.

En Egypte et en Arabie Saoudite (régimes autoritaires), les concessions démocratiques sont minimes voire illusoires. Les évolutions démocratiques au Qatar, U.A.E, au Koweit et autres émirats sont déjà anciennes.

Et il y a d'autres exemples, encore moins glorieux, pour l'administration US, comme l'Azerbaidjan ou le Pakistan. En fait, la région est tellement complexe que l'on peut toujours trouver des raisons de se réjouir ou de critiquer n'importe quelle communauté.

Posté
Comme il est facile de jouer aux dominos avec des soldats de plomb.

Laissons de côté l'Irak (pour éviter toute polémique) et concentrons-nous sur le prétendu effet domino. En fait, pour qui connaît un peu le Moyen-Orient, la libéralisation est soit inéluctable (auquel cas Bush peut toujours s'en attribuer la paternité si cela le chante) soit déjà en marche depuis longtemps, soit inexistente.

Par exemple, la question de l'occupation syrienne se pose au Liban depuis mai 2000 et le départ des Israéliens. L'assassinat de Hariri a amplifié ce désir d'indépendance. Je ne vois pas ce que Bush a voir avec ces deux événements.

En Palestine, la paix entre Israël et les Palestiniens n'était pas possible tant que Sharon et Arafat, qui se détestaient, étaient au pouvoir. C'est la mort d'Arafat qui a permis cette accalmie.

En Egypte et en Arabie Saoudite (régimes autoritaires), les concessions démocratiques sont minimes voire illusoires. Les évolutions démocratiques au Qatar, U.A.E, au Koweit et autres émirats sont déjà anciennes.

Et il y a d'autres exemples, encore moins glorieux, pour l'administration US, comme l'Azerbaidjan ou le Pakistan. En fait, la région est tellement complexe que l'on peut toujours trouver des raisons de se réjouir ou de critiquer n'importe quelle communauté.

je suis assez d'accord avec toi sous commendanté

mais je crois que l'intervention us en irak à tout de même fait bouger les lignes. Pour le meilleur et pour le pire…

le texte que Chita à mis à notre dispo est pertinent. fait bien la part des choses

Il me semble qussi que les néocons sont persuadés que les régimes démocratiques embryonnaires du moyen orient seront une soource de stabilité. je crois qu'ils se trompent, ou tout du moins qu'ils voient à court terme.

ces futurs régimes "démocratiques" seront moins hostiles aux usa, et encore . mais surtout dans des guerres aujourd'hui et demain assymetriques. que les fous égorgeurs vivent dans des démocraties ou des dictatures cela ne changera pas grand chose dans le fond…ou si peu

Posté
Par exemple, la question de l'occupation syrienne se pose au Liban depuis mai 2000 et le départ des Israéliens. L'assassinat de Hariri a amplifié ce désir d'indépendance. Je ne vois pas ce que Bush a voir avec ces deux événements.
comme l'a déclaré Walid Joumblatt, le leader historique des Druzes, jusque-là notoirement antiaméricain : «Le soulèvement contre l'occupation syrienne a été rendu possible par l'invasion américaine de l'Irak.»
Posté
comme l'a déclaré Walid Joumblatt, le leader historique des Druzes, jusque-là notoirement antiaméricain : «Le soulèvement contre l'occupation syrienne a été rendu possible par l'invasion américaine de l'Irak.»

Oui, enfin, c'est peut-être aussi une façon de dire "coucou, salut, c'est moi Walid je vous aime bien vous les américains".

Posté
comme l'a déclaré Walid Joumblatt, le leader historique des Druzes, jusque-là notoirement antiaméricain : «Le soulèvement contre l'occupation syrienne a été rendu possible par l'invasion américaine de l'Irak.»

Ce n'est pas ce que Jumblatt a dit. Sorman devrait vraiment vérifier ses sources.

Jumblatt est cité par David Brooks, du Washington Post. Je n'ai pas pu retrouver l'article exact mais il est repris dans:

http://modeforcaleb.blogspot.com/2005/03/l…e-protests.html

It's strange for me to say it, but this process of change has started because of the American invasion of Iraq. I was cynical about Iraq. But when I saw the Iraqi people voting three weeks ago, eight million of them, it was the start of a new Arab world.

Notez le "it's strange for me to say it" (généralement absent des utilisations qui sont faites de cette citation par les néo-conservateurs) et le "because of", qui pourraient signifier que Jumblatt maintient que l'invasion de l'Irak est mauvaise. Sinon, Jumblatt aurait peut-être dit "thanks to".

Il me semble pense que cette citation peut-être comprise comme: l'invasion américaine de l'Irak est globalement mauvaise (ce que Jumblatt a dit depuis le début dans d'autres citations qui lui ont valu l'interdiction d'entrer sur le territoire des USA) mais elle a produit un effet positif: montrer que les Arabes peuvent se mobiliser en masse.

En allant plus loin (mais c'est maintenant mon opinion personnelle), comme 48% des Irakiens ont voté pour l'United Iraqi Alliance qui demandait l'établissement d'un programme de départ des troupes d'occupation, Jumblatt souhaite peut-être que tous les Arabes se mobilisent en masse contre toutes les occupations étrangères.

Plus probablement, Jumblatt a voulu faire une fleur à son invité ou aux Etats-Unis. C'est une attitude courante, en particulier chez les Libanais. En tout cas, la citation de Sorman est fausse.

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