Etienne Posté 10 mars 2005 Signaler Posté 10 mars 2005 Alors, c'est un petit texte que j'ai griffonné tout à l'heure, pour le moment, il est plus à l'état d'ébauche qu'autre chose. A la limite (rico?), il pourra peut-être s'intégrer dans le fameux projet wiki-libéralisme, ou un texte dans la même veine. Alors, tout cela est fort intéressant, mais je ne savais pas exactement où le poster : dans le forum Philosophie, ou dans le Action! — La justification habituelle "philanthropique" de l'intervention de l'Etat réside, en autres, pour les étatistes dans le concept vague et un peu passe-partout de "dérives du marché". En fait, il s'agit là d'une justification a posteriori des premières interventions de l'Etat, une justification de l'augmentation du pouvoir de l'Etat, et de son emprise, bien éloigné de buts prétendument philanthropiques. En réalité, l'emploi par l'Etat de la coercition lorsqu'il intervient, implique nécessairement des conséquences néfastes, puisque l'Etat ne vient pas comme un être surnaturel, hors du monde, qui ne fait que, par exemple, modifier les répartitions de richesse. La violence que l'Etat fait aux hommes induit une agression au sens propre du terme, et une appréhension, qui n'aurait pas eu cours dans une société de liberté où la répartition de la richesse - issue de la création - est spontanée. Il s'ensuit que, dans la plupart des cas, l'intervention conduit à un effet contraire au but recherché par le philanthrope. Les exemples sont nombreux, on pourrait ici citer l'explication Rothbardienne de la crise de 1929, prétendument emblématique des faiblesses du capitalisme : elle trouve sa source dans le protectionnisme et l'interventionnisme des années 1920, ainsi que dans les décisions arrêtées par la toute jeune Federal Reserve américaine sur le marché monétaire. Il advient donc de l'intervention de l'Etat une série d'aggravations des situations présentes, mais qui ne sauraient être attribuées à l'Etat qui se caractérise, pour beaucoup d'étatistes, par une sorte d'infaillibilité; encouragée d'ailleurs par la croyance de suivre des idées progressistes, qui vont "dans le sens de l'Histoire", pour améliorer sciemment le sort des "classes défavorisées". Sorte d'emprunt à la dialectique matérialiste marxiste. En ce sens, les étatistes ne sont pas conscients de la causalité des effets pervers de l'interventionnisme. Ils s'expliquent pour eux par une sorte de "causalité libre", sans source. Cette "causalité libre", où des étatistes ne comprennent pas l'origine des "effets indésirables ou non souhaités", ne serait alors qu'une propriété d'émergence des interactions individuelles, incapable d'être prévu au niveau microscopique (ou microéconomique), mais qui est observable au niveau de la macroéconomie. Cependant, la pensée est également pervertie par un autre principe, à partir de ce point : le marché, ensemble des actions individuelles, est donc imprévisible, peut conduire à des "dérives", il ne pourrait alors être utilisé comme remède à quelconque situation. L'Etat s'impose donc comme la solution d'une force personnifiée, et qui s'attribue des objectifs précis. Et on note, en bout de cours, une projection de la conception de l'Etat sur celle du marché, où celui-ci devient personnifié. D'où les multiples "dérives du marché", qui ne peuvent en aucun cas être laissées "à ses forces aveugles indomptables".
Toast Posté 10 mars 2005 Signaler Posté 10 mars 2005 D'où les multiples "dérives du marché", qui ne peuvent en aucun cas être laissées "à ses forces aveugles indomptables". Les étatistes ont en effet la fâcheuse tendance de penser le marché comme une entité extérieure à l'homme, comme un sorte de "machine" qu'il conviendrait de maîtriser en appuyant sur de petits boutons à l'aide du panneau de contrôle qu'est l'Etat. Cette croyance - je parle de la fausse conception du marché - plonge les individus dans des situations assez paradoxales. Le marché n'étant que la somme des actions individuelles, le nier revient à nier ses propres actes ; pointer du doigt ses "défaillances" revient ni plus ni moins à avouer que l'on est un incapable - ou de considérer les autres individus comme tels. Les étatistes en viennent donc à opposer la démocratie au marché de façon à régler de prétendus problèmes engendrés par celui-ci ; et c'est en cela que leur pensée est paradoxale. Alors qu'ils avouent, condamnant le marché, que les individus sont comme incapables de faire les bons choix dans leurs vies, ils pensent cependant qu'ils les feront une fois les pieds posés dans un bureau de vote.
Le Clown Posté 10 mars 2005 Signaler Posté 10 mars 2005 Le marché n'étant que la somme des actions individuelles, le nier revient à nier ses propres actes ; pointer du doigt ses "défaillances" revient ni plus ni moins à avouer que l'on est un incapable - ou de considérer les autres individus comme tels. Pas exactement : des situations du style "dilemme du prisonnier" montre comment des individus qui agissent rationnellement et "parfaitement" (c'est-à-dire sans "défaillance") montre que les résultats "collectifs" ne sont pas forcément optimaux. Voir aussi la notion d'effet pervers chez Boudon.
Ronnie Hayek Posté 10 mars 2005 Signaler Posté 10 mars 2005 Pas exactement : des situations du style "dilemme du prisonnier" montre comment des individus qui agissent rationnellement et "parfaitement" (c'est-à-dire sans "défaillance") montre que les résultats "collectifs" ne sont pas forcément optimaux. Voir aussi la notion d'effet pervers chez Boudon. <{POST_SNAPBACK}> Mais le dilemme du prisonnier n'est que la modélisation d'une situation "one shot", au contraire de la situation réelle des échanges. Cette parabole, dont certains intellectuels se sont ensuite servis pour essayer de montrer que le marché était un jeu - au mieux - à somme nulle, n'est en l'espèce pas pertinente.
Le Clown Posté 10 mars 2005 Signaler Posté 10 mars 2005 Mais le dilemme du prisonnier n'est que la modélisation d'une situation "one shot", au contraire de la situation réelle des échanges. Cette parabole, dont certains intellectuels se sont ensuite servis pour essayer de montrer que le marché était un jeu - au mieux - à somme nulle, n'est en l'espèce pas pertinente. Certes. Cela dit, il y a quand même une énorme littérature en économie publique qui montre que le marché n'a pas forcément toujours pour effet de donner des résultats optimaux. Soulignons par ailleurs que les "défaillances" de marché peuvent être résolues sans l'intervention de l'Etat. On peut tout à fait reconnaitre les imperfections du marché et être totalement contre l'intervention de l'Etat.
Ronnie Hayek Posté 10 mars 2005 Signaler Posté 10 mars 2005 Certes. Cela dit, il y a quand même une énorme littérature en économie publique qui montre que le marché n'a pas forcément toujours pour effet de donner des résultats optimaux. Soulignons par ailleurs que les "défaillances" de marché peuvent être résolues sans l'intervention de l'Etat. On peut tout à fait reconnaitre les imperfections du marché et être totalement contre l'intervention de l'Etat. <{POST_SNAPBACK}> Assurément. Personne ne dit ici que le marché est infaillible. Sinon, il n'existerait d'ailleurs pas.
Toast Posté 10 mars 2005 Signaler Posté 10 mars 2005 On peut tout à fait reconnaitre les imperfections du marché et être totalement contre l'intervention de l'Etat. Pour ma part je n'ai jamais dit le contraire. Le marché est imparfait - puisque l'homme est lui-même imparfait - mais l'intervention de l'Etat est au mieux inefficace et au pire contre-productive.
Le Clown Posté 10 mars 2005 Signaler Posté 10 mars 2005 Assurément. Personne ne dit ici que le marché est infaillible. Sinon, il n'existerait d'ailleurs pas. Pour ma part je n'ai jamais dit contraire. Le marché est imparfait - puisque l'homme est lui-même imparfait - mais l'intervention de l'Etat est au mieux inefficace et au pire contre-productive Alors on est globalement d'accord !
Invité jabial Posté 11 mars 2005 Signaler Posté 11 mars 2005 Certes. Cela dit, il y a quand même une énorme littérature en économie publique qui montre que le marché n'a pas forcément toujours pour effet de donner des résultats optimaux. Soulignons par ailleurs que les "défaillances" de marché peuvent être résolues sans l'intervention de l'Etat. On peut tout à fait reconnaitre les imperfections du marché et être totalement contre l'intervention de l'Etat. <{POST_SNAPBACK}> En effet : le marché n'est pas infaillible, mais toute utilisation de la violence provoque nécessairement des dégâts plus grands qu'une erreur du marché.
glouglou Posté 11 mars 2005 Signaler Posté 11 mars 2005 Typiquement, on dénombre trois familles de cas supposées être résolues par l'intervention étatique: les biens publics, les effets externes et les monopoles naturels. Ce sont les imperfections de marché dans la tradition néoclassique. Dans cette tradition, une imperfection de marché ne signifie rien d'autre que le marché n'a pu spontanément maximiser la somme des utilités individuelles. On compare un état présent à un état qui aurait été jugé socialement optimal: la situation est jugée non optimale non pas parce qu'aucun échange n'a pu être réalisé, mais parce qu'il aurait été possible d'en réaliser davantage. On ne peut pas dire combien (ce qui nécessiterait d'être omniscient), mais on le déduit d'un raisonnement. Un autre critère plus pertinent mais moins applicable est le critère de Pareto: il existe un état social tel que la situation de tous est supérieure. Il s'agit de la démarche numéro 1 en microéconomie, et il est très rare de ne pas trouver dans un article théorique un modèle de ce type. Or, avec des raisonnements de ce type, il est facile de trouver un nombre incalculable de situations justifiant l'intervention de l'Etat, comme par exemple le paiement d'un impôt pour que des touristes fassent du canoë kayak dans une rivière. Les imperfections du marché n'ont comme limite que notre imagination. D'autres imperfections sont liées au contraire à l'inexistence d'un marché: tel est le cas de la pollution (Coase). Il est donc préférable de montrer que dans la plupart des cas, la régulation peut s'effectuer au moyen de mécanismes de marché, ou bien que l'Etat en cherchant à corriger les problèmes ne fera qu'en créer d'autres (Bastiat). Je suis assez d'accord avec un texte de François Faré qui explique que l'Etat est lui-même une externalité négative.
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