Etienne Posté 13 mars 2005 Signaler Posté 13 mars 2005 Après avoir prêché l’orthodoxie libérale en Amérique latine, le Vénézuélien Ricardo Hausmann reconnaît ses erreurs. Il prône une plus forte implication des Etats dans l’économie.En 1989, un jeune économiste vénézuélien, Ricardo Hausmann, est allé à Washington pour élaborer avec des collègues une série de propositions visant à réformer de fond en comble l’Amérique latine. Connu sous le nom de “consensus de Washington”, leur manifeste présentait l’Etat comme un obstacle à la prospérité et appelait au démantèlement des barrières douanières, à l’apurement des déficits budgétaires, à la privatisation des entreprises publiques et à l’ouverture des économies aux investissements étrangers. L’Amérique latine a suivi ce conseil. Pendant les dix années qui ont suivi, elle a renoncé à une bonne partie de ses habitudes protectionnistes. Pourtant, la région a creusé son retard par rapport à l’Asie et au monde industrialisé, tandis que la pauvreté demeurait. “Malgré de profondes réformes, la croissance n’a pas suivi”, souligne Hausmann, qui enseigne aujourd’hui à Harvard. “Il y a quelque chose qui cloche dans les théories de la croissance.” Hausmann et une poignée d’économistes du développement en sont venus à repenser l’orthodoxie libérale pour l’Amérique latine. Ils estiment que l’Etat n’est plus le principal frein à la croissance ; en fait, il serait bien souvent la solution. Ils conseillent aux gouvernements de subventionner des projets d’investissement, dans l’espoir de susciter des créations d’entreprise et de faire repartir la croissance. Etant donné les antécédents de l’Amérique latine en matière de corruption, ils prévoient aussi des mesures pour aider les gouvernements à limiter l’influence des hommes politiques. Ils vont même jusqu’à envisager de recourir au protectionnisme. “Depuis deux cents ans, le développement industriel s’est accompagné d’une certaine dose de protectionnisme, et il n’a pas pour autant été capté par des intérêts particuliers”, note le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, professeur à l’université Columbia. Cette nouvelle approche – Hausmann parle de “retour aux sources” – est qualifiée de naïve par certains économistes, qui estiment que l’Amérique latine doit pousser plus loin les réformes, notamment en assouplissant le droit du travail. Mais tout cela dépasse le simple débat universitaire. Si les propositions de Hausmann sont acceptées par les spécialistes du développement, elles pourraient influer sur la répartition de milliards de dollars de prêts ainsi que sur les politiques économiques de la région. Elles devraient tout particulièrement séduire les leaders de gauche qui ont pris le pouvoir en Argentine, au Venezuela, en Uruguay et ailleurs. Certaines agences de développement s’intéressent aussi de près à ces propositions. La Banque mondiale travaille avec Hausmann et deux de ses collègues de Harvard pour évaluer les économies de onze pays pauvres. La Banque interaméricaine de développement leur a demandé d’élaborer un programme pour le nouveau gouvernement de gauche de l’Uruguay. Après l’obtention de son doctorat d’économie à l’université Cornell [à New York], Hausmann, qui a aujourd’hui 48 ans, est rentré au Venezuela, où il a durement condamné les projets visant à subventionner l’expansion du secteur de l’aluminium. Le gouvernement est passé outre – et a enregistré des pertes importantes. Mais les mesures libérales restaient controversées. ( ) Des émeutes ont éclaté lorsqu’un gouvernement réformiste a pris le pouvoir, en 1989, s’engageant à réduire le déficit budgétaire en augmentant le prix de l’essence. Trois ans plus tard, un militaire, Hugo Chávez, faisait une tentative de putsch. (Il devait être élu à la présidence en 1998.) Aider les entreprises à investir Nommé ministre de la Planification en 1992, Hausmann prend alors des mesures d’austérité. En 1994, il devient économiste en chef de la Banque interaméricaine de développement et incite les pays d’Amérique latine à appliquer le programme libéral du consensus de Washington et à adopter le dollar comme monnaie locale. Le but : limiter la marge de manœuvre des gouvernements en matière de politique monétaire, réduire l’inflation et faciliter le remboursement de dettes extérieures colossales. Sans aller aussi loin, l’Argentine a tout de même indexé sa monnaie sur le billet vert – avec les conséquences désastreuses que l’on sait : lorsque le peso argentin est remonté, en 2001, le pays a cessé d’être compétitif à l’exportation. Hausmann a alors brusquement changé de cap. Il a conseillé à Buenos Aires de ne plus rembourser sa dette en dollars, mais en pesos, afin de stabiliser l’économie. L’Argentine a rejeté ses conseils – et a fini, en décembre 2001, par se déclarer en cessation de paiement. L’économiste défend sa volte-face. “Un scientifique, fait-il valoir, doit faire passer le souci de la vérité avant celui de la cohérence.” ( puisque la vérité est cohérente…) A la même époque, alors qu’il préparait un cours sur les prévisions à long terme pour l’Amérique latine, Hausmann a été frappé par une évidence : les économies de la région avaient crû davantage des années 1950 aux années 1980, période protectionniste, que pendant les années 1990, pourtant très riches en réformes. “Notre théorie postulait qu’il fallait réformer pour relancer la croissance, rappelle-t-il. Les réformes ont été faites, et les résultats ont été décevants.” Après avoir quitté la banque, fin 2000, Hausmann s’allie avec un économiste issu comme lui d’un pays en développement – la Turquie – et formé aux Etats-Unis, Dani Rodrik. Très critique envers les mesures libérales jusqu’alors prônées par Hausmann, Dani Rodrik était connu dans les milieux libéraux pour avoir réalisé une étude contestant le lien entre ouverture des marchés et croissance. Les deux hommes sont tombés d’accord sur le fait suivant : le plus important, pour le développement, n’est pas la libéralisation des marchés mais l’investissement des entreprises. Et les Etats peuvent encourager celui-ci en proposant des subventions et des prêts. ( Ca a très bien marché, chez le ferroviaire anglais d'ailleurs…) Dans le cadre de leurs recherches sur les sources de la croissance, Hausmann et Rodrik ont produit une série d’études aux résultats peu orthodoxes. D’après eux, moins de 20 % des épisodes de forte croissance entre 1957 et 1992 peuvent être attribués aux réformes économiques. Au Salvador, ils ont montré que la principale entrave à la croissance était le manque d’esprit d’entreprise. Leur solution : subventionner de nouveaux projets. Ils ont découvert qu’en Uruguay le problème était l’inefficacité des programmes d’investissement du gouvernement. Leur solution : confier au président ou au vice-président un vaste programme de subventions. Pour autant, toutes leurs recommandations ne reposent pas sur la politique industrielle. Concernant le Brésil, par exemple, ils estiment que les taux d’intérêt élevés inhibent la croissance, si bien qu’ils préconisent une réduction classique des déficits. A en croire Rodrik et Hausmann, les économistes sont aveuglés par l’orthodoxie économique et refusent de reconnaître le rôle joué par la planification dans le succès de la Chine, de la Corée du Sud et de Taïwan, où les entreprises et les milieux politiques sont pourtant corrompus. Pour eux, si la politique industrielle a fonctionné dans ces pays, c’est parce que les gouvernements ont obligé les entreprises à exporter et à affronter la concurrence des sociétés les plus productives de la planète. Alors, pourquoi l’Amérique latine n’aurait-elle pas le droit, elle aussi, de bénéficier de l’aide de l’Etat ? Bob Davis The Wall Street Journal Bon, voila ce qu'on peut lire dans le WSJ, pas très joyeux.
Chitah Posté 13 mars 2005 Signaler Posté 13 mars 2005 Ici, nous ne sommes plus sur le plan de la controverse théorique, ou sur celui de l'évaluation de telle ou telle politique réputée libérale. Ici, on est dans le domaine de la dyslexie, du mongolisme, et de la mauvaise foi pure et simple. En tapant "consensus de Washington" dans Google, l'auteur de l'article aurait pu trouver ceci: Ce que l’on appelle le consensus de Washington est un accord tacite entre le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et les organes économiques internationaux qui estiment qu’une bonne performance économique demande un commerce libéralisé, une stabilité macroéconomique et un Etat "en retrait" qui s’abstient de réguler l’économie. Ces politiques ont montré leurs limites. Il est donc temps d’en faire un bilan après la bourrasque économique qui a sécoué l’Asie, l’Amérique latine et la Russie et réfléchir à un système économique et social mondial plus durable et plus juste. Vachement libéral tout ça. La notion de «consensus de Washington» a été créée en 1999 par l’économiste John Williamson. Sous ce nom, il a résumé tout ce qu’il considérait comme consensus actuel entre le Congrès des Etats-Unis, le FMI, la Banque mondiale et d’importantes «fabriques à penser». Dix recommandations politiques formaient ce consensus concernant la «réforme» d’économies en souffrance:1. La discipline budgétaire, 2. L’acheminement des dépenses publiques dans des directions qui promettent aussi bien une croissance économique qu’une répartition égale des revenus, 3. Des réformes fiscales comportant des taux d’imposition maximaux peu élevés et une large assiette fiscale, 4. Une libéralisation des marchés financiers, 5. La création d’un cours du change stable et compétitif, 6. La libéralisation du commerce, 7. L’abolition des barrières à l’entrée sur le marché et la libéralisation des investissements directs étrangers (égalité de traitement entre les entreprises étrangères et celles du pays), 8. Les privatisations, 9. La déréglementation, 10. La protection de la propriété privée. Le seul et unique point en rapport au libéralisme arrive donc en dernière position, et cette protection est bien évidemment emoussée par les neuf premiers principes, comme tout le monde peut le voir.
Ronnie Hayek Posté 13 mars 2005 Signaler Posté 13 mars 2005 En effet, parler d' "orthodoxie libérale" pour désigner les diktats et/ou conseils du FMI relève de la malhonnêteté. Evidemment, il ne faut pas trop en demander au "War Street Journal" en matière de connaissance du libéralisme… A ce sujet, voici une interview de Joseph T. Salerno qui évoque la crise en Argentine: http://www.quebecoislibre.org/020706-13.htm
Etienne Posté 13 mars 2005 Auteur Signaler Posté 13 mars 2005 Le seul et unique point en rapport au libéralisme arrive donc en dernière position, et cette protection est bien évidemment emoussée par les neuf premiers principes, comme tout le monde peut le voir. <{POST_SNAPBACK}> Oui, bien sur le FMI est ultra-ultra-ultra-libéral, c'est bien connu. Et la Banque Mondiale aussi. Ces organismes - comme je le disais sur le fil "FMI' - font de l'orientation de l'économie et des investissements vers "l'international". D'autres formes d'étatisme, mais le mode opératoire est le même… Et moi, je trouve très libéral aussi d'imposer une monnaie à un pays (le dollar, ici) sans taux de change flottant, ni étalon tangible. Pour un économiste libéral, je trouve ça pas très sérieux, d'autant plus que c'est une des raisons majeures des crises en Amérique du Sud. Ici, nous ne sommes plus sur le plan de la controverse théorique, ou sur celui de l'évaluation de telle ou telle politique réputée libérale.Ici, on est dans le domaine de la dyslexie, du mongolisme, et de la mauvaise foi pure et simple. Raison pour laquelle, j'ai posté cet article dans le forum "International" et pas "Economie" :icon_mrgreen:
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