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Le Révizor


La Fougère

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Posté

du 9 octobre au 5 novembre 2006 au Théâtre de la cite

http://www.theatredelacite.com/

Il ne reste que quelques jours sur paris mais la troupe fera une tournée :

Tournée en 2006/2007

22/29 septembre - Comédie de Reims-Centre Dramatique National •

2/6 octobre - Maison de la Culture de Loire-Atlantique •

11/12 novembre - Théâtre des Bergeries - Noisy-le-Sec •

15/16 novembre - Centre Dramatique National de Thionville •

21/22 novembre - Forum Meyrin (Suisse) •

5 décembre - Théâtre Gallia - Saintes •

7/8 décembre Scène Nationale d’Angoulême •

14/15 décembre Scène Nationale de La Rochelle •

21/22 décembre Scène Nationale de Martigues •

10/19 janvier Théâtre du Nord - Lille •

23/24 janvier Scène Nationale de Château-Gonthier •

1/3 février Centre Dramatique du Limousin.

Voici maintenant quelques extraits des textes que vous pourrez retrouver dans le dossier de presse :

http://www.theatredelacite.com/pdf/DPLeRevizorOK.pdf

Pris pour ce qu’il n’est pas - un inspecteur de l’administration tsariste - un jeune homme sans le sou, provoque dans la petite ville où il débarque, des réactions en chaîne chez ses habitants, surtout chez les notables, le gouverneur en tête, qui sont prêts à tout pour s’attirer ses bonnes grâces. La petite ville peureuse crée alors de toutes pièces un imposteur. Comme Le Menteur de Corneille ou Le Baladin du monde occidental de Synge, le jeune homme, Khlestakov, va servir de révélateur à toutes les lâchetés et fantasmes de ces êtres médiocres, empêtrés depuis longtemps dans les compromissions et les illégalités. Près d’être découvert, il abandonnera le terrain et la jeune fille du gouverneur qu’il devait épouser, seule vraie victime de ce quiproquo.

On dit que l’idée de la pièce fut donnée à Gogol par Pouchkine. Écrite en 1835, elle fut créée en 1836 mais, le metteur en scène n’en ayant donné que sa dimension vaudevillesque, Gogol écrivit une autre pièce La Sortie d’un théâtre, où il expliquait ce qu’était sa pièce, une tragi-comédie de la peur et du désir. Ce n’est qu’en 1926, lorsque Meyerhold s’y intéressa, que la pièce prit sa vraie dimension politique et nationale.

Christophe Rauck, qui nous a offert, avec son spectacle sur Cami, puis avec Le Dragon d’Evgueni Schwartz, de savoureux moments de théâtre, a créé ce spectacle au Théâtre du Peuple de Bussang en juillet 2005. Il nous propose une version joyeuse et cruelle de la pièce, à laquelle il a ajouté des chansons, comme un clin d’oeil à Brecht. Dans une scénographie où les armoires jouent une belle partition, s’agitent les personnages de Gogol, dont la bêtise et la lâcheté ordinaires nous tendent un drôle de miroir.

Histoire de la création de la pièce

L'histoire de la création de la comédie de Gogol, L'Inspecteur du gouvernement (Le Révizor) sur la scène russe et l'extraordinaire retentissement qu'elle connut n'a évidemment pas grand-chose à voir avec Gogol, qui est à l'origine de ces notes, mais quelques mots sur ces considérations extérieures ne seront peut-être pas inutiles. Comme il était inévitable que les simples d'esprit verraient dans cette pièce une satire sociale visant le système idyllique de la corruption officielle en Russie, on se demande quels espoirs l'auteur ou toute autre personne auraient pu nourrir de la voir un jour représentée. La commission de censure était un ramassis de crétins serviles ou d'ânes obséquieux comme dans toutes les organisations de ce genre, et le simple fait qu'un écrivain osât décrire les fonctionnaires de l'Etat autrement que sous l'aspect de représentations abstraites et de symboles d'une vertu surhumaine était un crime qui faisait frissonner les dos grassouillets des censeurs. Que cet Inspecteur du gouvernement fût la plus grande pièce jamais écrite en russe (et jamais égalée depuis), voilà naturellement qui était à mille lieux des préoccupations des membres de la commission.

Il se produisit cependant un miracle ; un de ces miracles concordant singulièrement avec le monde physique sens dessus dessous de Gogol. Le Censeur Suprême, Celui qui est au-dessus de tout et dont l'Etre Divin était si élevé que les vulgaires langues humaines pouvaient difficilement mentionner son nom, le rayonnant et tyrannique tsar en personne, succombant à un accès d'allégresse pour le moins inattendu, ordonna que la pièce fût autorisée et jouée.

Il est difficile de deviner ce qui plut à Nicolas Ier dans L’Inspecteur du gouvernement. L'homme qui, quelques années auparavant, avait porté en rouge sur le manuscrit de Pouchkine, Boris Godounov, des remarques ineptes suggérant que cette tragédie fût transformée en un roman à la manière de Walter Scott et qui, d'une façon générale, était aussi imperméable à la véritable littérature que le sont tous les dirigeants (Frédéric le Grand ou Napoléon compris), peut être difficilement suspecté de n'avoir vu dans la pièce de Gogol autre chose qu'un divertissement bouffon. D'un autre côté, une farce satirique (à supposer que nous puissions concevoir une telle erreur au regard de L'Inspecteur du gouvernement) ne semble pas avoir véritablement séduit l'esprit pédant et pisse-froid du tsar. Comme le personnage était intelligent - il avait du moins l'intelligence d'un politicien - ce serait l'amoindrir que de supposer qu'il se serait tellement réjoui de voir ses vassaux malmenés qu'il aurait à ce point ignoré les dangers de laisser l'homme de la rue partager l'allégresse impériale. En fait, on prétend qu'il aurait fait remarquer à l'issue de la première représentation : « Chacun a eu ce qu'il méritait, moi plus que les autres » ; et si cette information est exacte (ce qui n'est probablement pas le cas) il semblerait alors que le tsar ait perçu le lien évolutif entre la critique de la corruption sous un gouvernement donné et la critique du gouvernement lui-même. Il nous reste à supposer que l'autorisation de jouer la pièce résulta d'un caprice inopiné du tsar, de même que l'apparition d'un écrivain comme Gogol fut un choc inattendu pour un quelconque esprit qui puisse être tenu pour responsable du développement de la littérature russe au début du dix-neuvième siècle. En signant cette autorisation, le dirigeant despotique injectait, et c'était pour le moins curieux, un dangereux microbe dans le sang des écrivains russes ; dangereux pour la conception de la monarchie, dangereux pour l'iniquité officielle et dangereux - et c'était le danger le plus redoutable des trois - pour l'art de la littérature ; la pièce de Gogol fut en effet interprétée, à mauvais escient, comme une protestation sociale par les partisans du civisme et celle-ci engendra dans les années 1850 et 1860 un foisonnement de littérature dénonçant la corruption et les autres tares sociales, puis à la suite un débordement de critique littéraire déniant la qualité d'écrivain à celui qui ne consacrait pas son roman ou ses nouvelles à la critique systématique des officiers de police ou des propriétaires qui battaient leurs moujiks. Dix ans plus tard, le tsar avait complètement oublié la pièce et n'avait plus la moindre idée de qui était Gogol et de ce qu'il avait écrit.

La première représentation de L’Inspecteur du gouvernement fut déplorable tant pour ce qui fut du jeu des acteurs que de la mise en scène et Gogol s'en prit amèrement aux perruques horribles, aux vêtements grotesques ainsi qu'au jeu contrarié que le théâtre infligeait à sa pièce. De là naquit cette tradition qui consista à interpréter L’Inspecteur du gouvernement comme une pièce burlesque ; on y ajouta par la suite un arrière-plan suggérant une comédie de moeurs ; le vingtième siècle hérita ainsi du singulier mélange d'un discours gogolien extravagant et d'une mise en scène minable et terre à terre, état de fait sauvé de temps à autre par la personnalité d'un acteur de génie. Curieusement, ce fut durant les années où la mort du mot écrit était totale en Russie, comme c'est actuellement le cas depuis un quart de siècle, que le producteur russe Meyerhold, malgré toutes ses distorsions et ses ajouts, proposa une version scénique restituant en partie le véritable Gogol.

[…]

Vladimir Nabokov

Nicolas Gogol

traduit de l’anglais par Bernard Géniès

éd. Rivages 1988

édition originale 1944

Pour info, une bio de Vsevolod Meyerhold

http://fr.wikipedia.org/wiki/Meyerhold

A noter que la mise en scène de Christophe Rauck est probablement assez proche de ce que fut probablement celle de Meyerhold. C’est d’ailleurs pourquoi, des trois adaptations que j’ai pu voir de cette pièce, cette dernière était la plus intéressante.

Page 7, Un texte de Vladimir Nabokov : Les miroirs de Gogol

(…)

L'épigraphe de cette pièce est un proverbe russe qui dit : « Ne vous en prenez pas à votre miroir si vous avez la binette de travers. »

(…)

Même dans ses pires écrits, Gogol excellait toujours à créer son lecteur, ce qui est le privilège des grands écrivains.

(…)

C'est ne rien comprendre à cette pièce que de la considérer comme une satire sociale (l'opinion publique) ou morale (le mea culpa tardif de Gogol).

(…)

Page 9 : Quand Gogol donne la parole à ceux qui ont joué sa pièce

(…) Examinez donc attentivement la ville qui nous est montrée dans la pièce ! Tout le monde convient unanimement qu'une telle ville n'existe pas dans la Russie tout entière : on n'a jamais vu qu'il y ait un endroit où nos fonctionnaires soient tous, jusqu'au dernier, de tels monstres ; il doit bien y en avoir toujours deux au moins, ou trois, qui soient honnêtes, or ici, pas un seul. Bref, une telle ville n'existe pas. C'est bien cela ? Eh bien, si c'était la ville de notre âme, si elle s'étendait à l'intérieur de chacun de nous ?

(…)

Je crois que c’est en cela que cette pièce peut être considérée comme particulièrement sombre, pour ne pas dire noire.

Page 12, un texte de Vsevolod Meyerhold extrait de Théâtre Années Vingt

Écrits sur le théâtre - Tome II - 1917-1929

éd. La Cité - L’Age d’Homme - 1975

(Le livre étant indisponible, je reproduis le texte :

Meyerhold et Le Révizor

Quand il interprétait Le Révizor, le vieux théâtre tombait généralement dans l'un ou l'autre de ces excès, aussi étrangers l'un que l'autre à la comédie de Gogol : il s'était d'abord efforcé d'insister de façon trop appuyée, de donner à cette pièce un caractère démesurément outré ; mais il arrivait, qui plus est, que certains théâtres abordaient la pièce en s'imaginant que ses personnages vivaient comme ceux des peintres du groupe des peredvijniki. Nous avons essayé de tenir compte du mécontentement que l'interprétation scénique du Révizor provoqua chez Gogol quand la pièce fut montée au Théâtre Alexandrinski en 1836. Que s'est-il passé alors ? La technique des acteurs était tout entière placée sous l'influence, d'une part de la technique du vaudeville, d'autre part, de la technique du mélodrame, mais surtout du vaudeville. En vertu de quoi, quand ils se mirent à répéter la pièce, à l'étudier, ils considérèrent chaque personnage exactement comme nous considérons aujourd'hui tant de personnages de pièces révolutionnaires ; en d'autres termes, ils n'y perçurent qu'un schéma, tant étaient toujours abstraits les personnages de tous les vaudevilles le jeune homme élégant avec sa canne, la belle-mère, le vieillard qui fait irruption dans une pièce où il tombe sur des gens en train de s'embrasser, etc. On a là le bénêt typique, le père noble typique, la soubrette typique qui gazouille et qui chante toute la journée. Des gens habitués à ces schémas étaient évidemment incapables de voir dans les personnages de Gogol des hommes vivants. C'est un malentendu colossal.

Quand nous nous mettons à étudier l'interprétation du passé, je me demande bien pourquoi tout le monde se met à nous casser les oreilles avec les lettres dans lesquelles Gogol fixe sa propre attitude à l'égard du Révizor. Nous lisons ces lettres, et, bien évidemment, nous comprenons que ces donneurs de conseils parlent de choses différentes. Et maintenant que nous avons déjà présenté la pièce avec un nouvel éclairage, en tenant compte de toutes les remarques que Gogol avait faites aux acteurs, voilà qu'on vient nous dire : « Permettez, vous ne pouvez pas mettre sur le même plan toutes les lettres de Gogol qui ont trait au Révizor, car le Gogol de 1836 n'est pas le Gogol de 1847. En telle année, Gogol avait ceci, cela, etc. »

Un metteur en scène m'a envoyé un télégramme de voeux dans lequel il me met en garde : « Ne te laisse pas emprisonner par l'âme nocturne de Gogol ». Mais permettez, camarades ! Il n'y a pour moi ni âme nocturne, ni âme diurne chez Gogol. Il n'y a devant moi qu'un seul Gogol, Gogol l'auteur du Révizor. Quand j'étudie cette pièce, quand j'étudie l'attitude de l'auteur vis-à-vis du Révizor, je constate que les modifications qu'il a apportées à sa pièce relèvent précisément de cette période où mon camarade voit « l'âme nocturne » de Gogol, dont il est lui-même visiblement prisonnier. Je ne vois pas cette âme nocturne ». Ça ne m'intéresse absolument pas de savoir qu'un médecin a examiné Gogol et lui a prescrit des cachets. Je n'ai pas la moindre envie de savoir de quelle maladie souffrait Gogol en telle année. Ce qui m'importe, c'est la manière dont Le Révizor a évolué chez Gogol tout au long des années, ce qui m'importe, c'est de tenir fermement en main, en quelque sorte, ce pivot, c'est-à-dire uniquement Le Révizor, et si je m'aperçois que c'est précisément au moment de la maladie de Gogol que l'oeuvre se perfectionne, alors nous pourrons peut-être aller jusqu'à dire que c'est Le Révizor qui a guéri Gogol.

[…]

J'ai envie d'ajouter encore certaines choses des plus nécessaires.

La plus importante concerne Khlestakov. On nous a dit que Khlestakov était avant tout une nullité, et cette nullité, ce bénêt se retrouve dans un contexte tel qu'on le prend pour un révizor. C'est de là que tout découle. Ce même Gogol, en 1846 (et si je « me laisse emprisonner par l'âme nocturne de Gogol », tant pis !) écrit ceci à Sosnitski : « il faut absolument présenter ce personnage sous l'aspect d'un homme du monde comme il faut, sans avoir l'intention de présenter un hâbleur et un gratte-papier, mais avec le désir sincère de jouer ce rôle comme si Khlestakov occupait un rang supérieur au sien, de telle façon qu'à la fin des fins il apparaisse inéluctablement comme un petit menteur, une petite crapule, un petit trouillard, un gratte-papiers sous tous les rapports, etc. » Il est parfaitement clair, camarades, qu'on nous donne ici une indication directe sur la personnalité de Khlestakov : c'est une sorte d'aventurier.

Tikhonravov s'étonne que ce Pétersbourgeois, qui charge Ossip d'acheter des billets de théâtre dès que sa bourse est garnie, ce Khlestakov ne sache pas ce que c'est que la comédie, et demande : « La comédie ? Mais qu'est-ce que c'est que la comédie ? », puis déclare : « La comédie, c'est la même chose que l'artillerie. » Bien sûr, Khlestakov sait ce que c'est que la comédie. Il serait naïf de penser autrement. Mais ce passage indique chez Khlestakov un trait de caractère qui n'a jamais été mis en scène, mais qu'il faut mettre en scène. C'est un mystificateur et un aventurier par système. Et s'il en est ainsi, nous augmentons encore le champ des possibilités pour tourner Khlestakov en dérision. Nous n'avons donc pas simplement un hâbleur à qui il a été donné par chance de tomber dans une telle situation.

Théâtre Années Vingt

Vsevolod Meyerhold

Écrits sur le théâtre - Tome II - 1917-1929

éd. La Cité - L’Age d’Homme - 1975

Un autre lien :

http://www.fluctuat.net/3506-Le-Revizor-de-Nikolai-Gogol

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