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Débat 2007


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Etat, un mal nécessaire ?

Par Roland Verhille, le 16 janvier 2007

La réforme de l’Etat : sujet de dispute de longue date, et sujet inépuisable. L’Etat est une création artificielle de l’humain d’il y a cinq millénaires. L’examiner sommairement est fort instructif, car il s’en dégage la tendance naturelle de toute organisation étatique. De nos jours, et en France, le pays est malade de l’Etat, au point que la question de sa réforme est en permanente discussion. Hélas, elle est plus heurt entre croyance en l’action publique prévalant sur la liberté individuelle ou vice versa que diagnostic et proposition de traitement rationnels.

L’Etat est apparu il y a cinq millénaires chez les Sumériens (Basse Mésopotamie, aujourd’hui Irak du sud). Leur civilisation, la plus ancienne et brillante connue, a débuté il y a six millénaires. C’est elle qui a inventé peut-être le calcul, certainement l’écriture, d’abord celle des nombres pour dresser des comptes, puis bien vite celle des mots pour dire ce qui était compté avant d’écrire des poèmes. Peuple travailleur établi on ne sait pourquoi ni comment dans un environnement hostile, semi désertique, il s’est fait agriculteur, investissant beaucoup d’efforts dans la mise en culture de la terre jusqu’à y construire un grand réseau d’irrigation en tirant parti du Tigre et de l’Euphrate. La nourriture est devenue abondante, la population s’est multipliée comme nulle part ailleurs. Elle s’est répandue dans les campagnes, s’organisant en petites agglomérations familiales distantes les unes des autres. Le plus ancien de la famille la réunissait périodiquement dans une construction adaptée à ces rassemblements, en vue de prendre les décisions collectives nécessaires. En un millénaire, presque tout y a été inventé. La spécialisation des activités économiques s’est accrue, le développement des échanges s’en suivant. L’investissement a fait boule de neige. Le niveau de vie s’est incomparablement élevé. Cette démographie a conduit au début d’urbanisation de la société. Pour l’instant, il ne semble pas y avoir de trace matérielle d’activités guerrières à cette époque. Le paradis sur la terre d’Abraham ?

Hélas, après mille ans de brillant développement apparaissent les rois, se disant choisis par les Dieux apparus avec eux pour conduire les humains. Ils disent la terre propriété des dieux les ayant chargé de l’administrer. Par son attribution aux uns et aux autres, ils se constituent une clique croissante de fidèles administrateurs et militaires détournés de la production et qu’il faut entretenir. Bien vite, leur désir de puissance leur fait entreprendre militairement l’extension géographique de leur pouvoir. Leur prélèvement d’une partie des récoltes des gens va croissant. L’activité économique passe de plus en plus sous leur contrôle, avec suivi comptable allant jusqu’aux normes de rendement et contrôles de productivité. De libre, l’activité économique devient de plus en plus contrainte. La misère apparaît, au point que la population civile, après un millénaire de conduite par les Rois, en devient à l’état de semi esclavage. Cette brillante civilisation s’effondre, les Sumériens disparaissant on ne sait où ni comment.

Ce long mais nécessaire car très instructif rappel de l’évolution du premier Etat connu s’est reproduit presque à l’identique avec les anciens Egyptiens, les anciens Grecs, et les Romains. Un millénaire de Royauté française a débouché sur la révolution ayant enfanté dans la douleur la République et la démocratie. La célèbre déclaration fondatrice de 1789 énonce enfin clairement le but de toute institution politique : le "bonheur de tous", et ses moyens, "la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme" que sont "la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression". "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui". "La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société". Ces principes constitutifs de l’Etat moderne, on ne peut plus pertinents, ne semblent pas deux siècles plus tard avoir favorisé le bonheur de tous. Passons sur les immenses tragédies causées par la conquête de leur puissance par les Etats modernes, pour ne s’attacher qu’à leurs résultats d’aujourd’hui, en se limitant à la France : tellement d’individus pourtant ni stupides ni paresseux empêchés d’essayer de maîtriser le plus possible leur destin faute de pouvoir travailler ; la fuite des autres pas plus stupides ni plus paresseux devant le travail ; le marasme de l’économie par fuite devant les échanges, leur coût étant devenu prohibitif ; la fuite ailleurs des capacités de production du pays ; la ruine financière en cours de l’Etat ayant surtout produit une montagne de dettes publiques ; l’exil du quart des jeunes les plus formés faute de pouvoir mettre en œuvre au pays leurs compétences et leur dynamisme ; et d’innombrables maux évidents causés par pareille situation. Mettre en exergue les bienfaits du ciel dont bénéficie le pays ou les beaux restes de ses activités antérieures ne compense pas ses plaies. Le tout dans un pays où l’emprise de l’Etat sur les individus devenue parmi les plus élevées : il maîtrise l’emploi des deux tiers des ressources du pays qui passent dans ses caisses (les dépenses publiques s’élèvent à environ 65% du produit des activités économiques, le pourcentage officiel de prélèvements obligatoires de 45% étant incroyablement mais irréfutablement faux, démenti d’ailleurs par le seul examen des informations fournies au bulletin de paie des salariés et des impôts qu’ils paient personnellement).

Il n’est donc pas étonnant que la réforme de l’Etat soit encore plus aujourd’hui un sujet d’actualité. Mais est-il réformable ? Et comment ? Grand cas est fait de la modernisation de la comptabilité publique, de la réforme de la présentation comme de l’examen de la loi de finances, de l’incitation des agents de l’Etat à ajouter la performance aux services rendus, notamment en mettant plus en œuvre les procédés de gestion appliqués par les entreprises privées, etc. Mais l’essentiel semble n’être pas considéré.

C’est d’abord la première des caractéristiques de l’Etat qui le distingue des entreprises privées. Disposant du pouvoir et des moyens matériels de coercition, ses actions sont considérées par lui qui en est le seul juge comme étant une nécessité publique non subordonnée à l’existence de ressources pour les financer. Aux citoyens de les fournir. A tel point qu’un précédent Président de la République ait pu énoncer sentencieusement à destination des millions de Français l’écoutant : "L’argent, ce n’est pas un problème, il suffit de le prendre là où il est". Il en résulte que les agents de l’Etat chacun dans son secteur d’attributions n’ont de cesse d’essayer par tous les moyens imaginables de se faire attribuer le maximum de ressources possible tirées des caisses publiques, afin de faciliter leur tâche et de pouvoir déployer le plus possible leurs activités. La même propension à dépenser existe dans les entreprises privées dès qu’elles atteignent une grande dimension. C’est la nature humaine qui le veut. Là, les procédures comptables et de contrôle de gestion tentent de la maîtriser, non sans succès. En cas d’échec, c’est l’épuisement des ressources financières obtenues seulement sous condition de services rendus jugés compétitifs par ceux qui les sollicitent librement ; c’est la mort de l’entreprise. Son caractère incitatif comme sa fonction d’élimination des entreprises manquant à l’exigence de performance n’existe pas dans les organismes d’Etat, être éternel jugeant lui-même de l’utilité de ses actions le plus souvent monopolisées.

C’est ensuite la deuxième caractéristique de l’Etat, son immensité. Il dirige l’activité de millions d’agents. Cela dépasse les capacités humaines de direction et de contrôle. Les entreprises privées habiles et performantes croissent en taille. Heureusement, jamais jusqu’à atteindre des dimensions du même ordre que celles d’un Etat. Et on observe qu’en pratique, celles parvenant à une croissance extrême perdent leur efficacité, même en ayant mis en œuvre des procédures raffinées de direction et de contrôle de gestion ; jusqu’à s’effondrer quelque fois.

C’est enfin sa troisième caractéristique, son omnipotence. Titulaire du pouvoir de coercition, et parvenant à s’attribuer des ressources immenses, il est la visée d’innombrables individus et organismes privés ne cessant de solliciter son intervention à leur profit, au détriment des finances publiques et des acteurs de l’activité économique exclus d’une relation équilibrée dans les échanges ; en somme, un véritable cheval de Troie des intérêts individuels. Et la démocratie y perd son âme.

Alors, la réforme de l’Etat, c’est le rocher de Sisyphe, un sujet de discussion et de dispute survivant à tous les autres ayant été tranchés. A moins d’en revenir à la sagesse des révolutionnaires aujourd’hui piétinée : une loi n’ayant pas tous les droits, un Etat respectueux des droits naturels des individus, cessant de paralyser leur activité et de vouloir leur imposer le mode de vie choisi par certains idéologues, des actions publiques limitées à celle d’une évidente nécessité. Un rêve ?

Roland Verhille

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La réforme de l'Etat c'est la quadrature du cercle. Le texte est bon même si je n'aurais pas tout à fait la même approche. Je ne dirais pas que l'Etat est un phénomène artificiel mais un phénomène spontané, qui privilégie certaines classes sans pour autant être au services exclusif de celles-ci.

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