(V) Posted February 1, 2007 Report Posted February 1, 2007 En cette journée qui lui est fatalement dédiée, où tout le monde a son nom à la bouche mais plus personne ne l’a au bec, une petite nouvelle en guise d’hommage paradoxal (écriture à deux mains au fil des cours de maths des années lycée…) : Une idée fumante C’était une idée de génie. Le genre d’idée qui mérite de figurer dans les encyclopédies en tant qu’exemple à la rubrique « Perfection ». Elle ne provenait pourtant pas d’une soudaine étincelle d’inspiration, comme la plupart des idées formidables. Elle n’était pas apparue dans son cerveau au saut du lit à la suite d’un sommeil constructeur, ni lors d’une longue promenade le long des sentiers champêtres par une chaude soirée d’été. Elle n’était pas non plus issue de conditions préparatoires rendant l’esprit subitement plus ouvert à la brise de l’inspiration par la consommation de substances pour la plupart illicites, ni d’une intense séance de méditation traditionnelle si loin de la réalité que le corps repousse jusqu’au concept de gravité, ni même de la lecture solitaire d’un vieux Picsou Magazine dans le confinement protecteur des toilettes familiales. En fait, cela enlevait un certain charme à l’idée. Car c’était une idée conçue, élaborée, montée pièce par pièce, taillée dans un roc de problèmes pour n’en laisser que leur solution. C’était une idée stratégisée. Elle avait même ensuite été peaufinée, fignolée dans les moindres détails et au final se trouvait être – caractéristique suffisamment rare chez les grandes idées pour être mentionnée – réalisable. L’idée était à classer dans le registre – aussi rempli qu’un panier de cerises en automne – des solutions aux problèmes majeurs rythmant la vie d’une société. Il n’est pas impossible que d’autres y aient déjà pensé, dans d’autres univers, peut-être. Mais là, l’idée provenait du haut, ce qui la rendait infiniment plus intéressante qu’une discussion arrosée au comptoir d’un bar à l’angle d’anonymes ruelles des faubourgs de Paris. C’était donc une idée du gouvernement, et il avait bien planifié son coup, le fourbe. Il allait toucher la population par l’intérieur, en se faufilant par la porte de la naïveté et de l’orgueil. Le peuple, considéré comme un simple tas d’individus (et dans ce cas avec autant de respect qu’un tas de fumier), constituerait lui-même la solution à l’un des problèmes contre lequel il occupe son temps libre à bougonner. Et il le ferait inconsciemment, inéluctablement. On ne peut pas exactement dire « contre sa volonté », car sa volonté ne comptera même pas. Il le fera, c’est tout. Et personne ne saurait rien du vice de la manipulation. Sauf, bientôt, vous. Le problème était du genre qui colle normalement aux baskets (disons pour cette fois aux souliers vernis) d’un Président tout le long de son mandat. Le problème était matérialisé – un peu trop aux yeux du même Président – par un classeur aussi épais qu’un soufflet au fromage face à un calendrier annuel décorant la cabine d’un routier célibataire. Le classeur, dont les feuilles étaient maintenues par l’équivalent d’une boite complète d’élastiques bon marché dans leur prison de carton (ça aurait en fait bien arrangé le Président que quelques unes d’entre elles aient la courageuse idée de s’évader), semblait étonnement ne jamais pouvoir être en dehors du champ de vision. Il portait une étiquette, sur laquelle était inscrit en lettres majuscules d’une écriture que l’on sentait remplie de crainte : "RETRAITES". On sentait également que chaque main présidentielle l’ayant manipulé s’était rapidement humidifiée d’une irrationnelle envie de le laisser intact à son successeur. On imagine donc aisément l’immense soulagement que l’Idée avait inspiré chez chaque membre du cabinet gouvernemental. L’idée était en fait une solution détournée. On allait tout d’abord créer une substance facile à ingérer (ou à inspirer) et à transporter, distribuable en lot de plusieurs (pourquoi pas en paquets), agréables à absorber et produisant un intense effet d’accoutumance physique par des composés chimiques adaptés. Le principe est simple : les consommateurs croient aimer, mais c’est en réalité leur corps qui ne peut plus vivre sans. Une fois initié, l’arrêt serait physiquement difficile à supporter. La cible à toucher était donc l’avenir de la population, la jeunesse. Comment imposer aux jeunes de consommer ce produit ? En leur interdisant, et en le réservant aux adultes. A l’âge de la pré-maturité, les jeunes, touchés dans leur orgueil et guidés par leur sens inné (exacerbé à cet âge-là) de la transgression, se mettraient tout naturellement à en consommer. Les ingrédients sont dans la marmite. Remuez légèrement, laissez agir les phénomènes sociologiques de groupes d’appartenance, d’influence sociale des personnes charismatiques vecteurs de comportements et tendances, le sens du groupe et le culte du Paraître. Saupoudrez alors de conditionnement médiatique (faire en sorte que tous les films, par exemple, présentent des scènes naturelles où l’acteur principal consomme la substance), et la base du gâteau est prête. Les effets à court terme seraient quasiment invisibles en apparence (un léger sentiment de relaxation serait une idée à développer), mais détruiraient en profondeur l’organisme consommateur. Au bout de quelques dizaines d’années, les destructions physiques internes seraient si cumulées que la personne en mourrait. Mais la société ne pourrait pas laisser se produire cette horrible destinée et rabâcherait à la population que cette substance est dangereuse et mortelle. On le rabâcherait de manière si ennuyeuse que les gens le sauraient tous (mais s’en donneraient une raison de plus d’en consommer) et écouteraient le message sans y réfléchir. Par sa dictature, le message avertisseur perdrait en lui-même sa crédibilité. Ne serait-ce qu’apporter la vérité déclencherait rires et moqueries en société. La vente ne devra surtout pas être assurée par l’Etat, qui devra en perdre le contrôle direct (afin de ne pas être considéré comme responsable, sinon la manœuvre serait trop visible). La distribution sera assurée par de grandes firmes multinationales (la méthode étant connue et reconnue comme efficace) qui travailleront indirectement de mèche avec les gouvernements. Ces derniers profiteront de la dénonciation de la toxicité du produit pour faire croire à la population qu’ils veulent s’en débarrasser en le garnissant d’exorbitantes taxes. Le résultat, le dessein, le but : non seulement les consommateurs cotiseront pour payer les retraites actuelles, mais en plus, personne n’aura à payer les leurs, car l’espérance de vie de la population aura alors tous les atouts nécessaires pour redescendre en dessous de soixante ans. Les gens seront volontaires de leur perte, se suicideront à petit feu, sans jamais prendre conscience qu’ils n’obéissent pas véritablement à eux-mêmes, mais à leur stupidité. Arrivés enfin au terme de leur vie écourtée, ils ne pourront alors s’en prendre qu’à eux-mêmes. Cette idée semblerait si fumeux stratagème que personne n'oserait même la supposer. C’était décidemment une idée fumante… > http://acl38.blogspot.com/2007/01/une-ide-fumante.html
A.B. Posted February 1, 2007 Report Posted February 1, 2007 ni même de la lecture solitaire d’un vieux Picsou Magazine dans le confinement protecteur des toilettes familiales Y'a des espions chez moi c'est pas possible!
Guest jabial Posted February 2, 2007 Report Posted February 2, 2007 Valentin, tu ne vas pas participer à la vague de propagande moralisatrice antitabac et antifumeurs? Pitié.
Dardanus Posted February 2, 2007 Report Posted February 2, 2007 Comme dit Qohélet : fumée des fumées, tout est fumée.
(V) Posted February 2, 2007 Author Report Posted February 2, 2007 Y'a des espions chez moi c'est pas possible! Valentin, tu ne vas pas participer à la vague de propagande moralisatrice antitabac et antifumeurs? Pitié. ""Aurais-tu des doutes sur mon libéralisme ?"" Je me demandais au contraire si je n’allais pas me mettre à fumer, maintenant que c’est devenu un acte révolutionnaire..
melodius Posted February 2, 2007 Report Posted February 2, 2007 ""Aurais-tu des doutes sur mon libéralisme ?"" Je me demandais au contraire si je n’allais pas me mettre à fumer, maintenant que c’est devenu un acte révolutionnaire.. Très mauvaise idée. Crois-en un (pour l'instant ?) ex-fumeur.
Guest jabial Posted February 2, 2007 Report Posted February 2, 2007 Je confirme. Entre parenthèses, le sujet du tabac est une des incohérences majeures d'Ayn Rand. Alors que l'objectiviste cohérent devrait considérer le fait de fumer comme mauvais puisque les avantages relèvent essentiellement du plaisir des sens alors que les inconvénients sont des problèmes de santé graves, elle refusait d'accepter la montagne de preuves qui s'accumulait et considérait au contraire qu'un objectiviste devait fumer. Sur la fin, Ayn Rand pensait vraiment qu'être rationnel, c'était faire comme Ayn Rand - c'est d'autant plus dommage que tous les outils contre ce piège figurent dans ses bouquins.
A.B. Posted February 2, 2007 Report Posted February 2, 2007 Je confirme. Entre parenthèses, le sujet du tabac est une des incohérences majeures d'Ayn Rand. Alors que l'objectiviste cohérent devrait considérer le fait de fumer comme mauvais puisque les avantages relèvent essentiellement du plaisir des sens alors que les inconvénients sont des problèmes de santé graves. Stop, pourquoi devrait-il y avoir une position cohérente sur ce sujet là. Explique moi comment l'objectivisme permet de trancher sur un tradeoff individuel ?
Guest jabial Posted February 3, 2007 Report Posted February 3, 2007 Stop, pourquoi devrait-il y avoir une position cohérente sur ce sujet là. Explique moi comment l'objectivisme permet de trancher sur un tradeoff individuel ? Question de rationnalité. Pour un objectiviste jabialien, fumer ou manger trop est objectivement mal parce que c'est céder à ses pulsions en échangeant un malheur objectif contre un bonheur subjectif. Ca ne m'empêche pas de manger trop
(V) Posted February 3, 2007 Author Report Posted February 3, 2007 Très mauvaise idée. Crois-en un (pour l'instant ?) ex-fumeur. Je précise au passage que je n’ai jamais fumé et que je n’ai pas du tout l’intention de commencer ! Non seulement parce que je trouve ça vraiment dégueulasse et que les conséquences sont pires encore, mais aussi et surtout parce que sur chaque paquet acheté la part reversée à l’Etat est excessive !! Et que je préfère utiliser mon argent autrement. Bref, quand je dis que je vais commencer en guise de protestation, c’est uniquement par provocation ! Parce que j’en ai marre de tous ces cons qui en viennent à considérer que la nouvelle loi sur le tabac est au final une bonne chose dans la mesure où elle les obligera à arrêter de fumer Argh ! Si la cigarette est un poison en barre, cette loi est un dictat hygiéniste, et si l’on choisit librement de s’empoisonner (ou pas !) on ne se soumet pas volontairement à la néodictature soft.. (enfin bref inutile de rappeler ça sur ce forum ) Je confirme. Entre parenthèses, le sujet du tabac est une des incohérences majeures d'Ayn Rand. Alors que l'objectiviste cohérent devrait considérer le fait de fumer comme mauvais puisque les avantages relèvent essentiellement du plaisir des sens alors que les inconvénients sont des problèmes de santé graves, elle refusait d'accepter la montagne de preuves qui s'accumulait et considérait au contraire qu'un objectiviste devait fumer. Sur la fin, Ayn Rand pensait vraiment qu'être rationnel, c'était faire comme Ayn Rand - c'est d'autant plus dommage que tous les outils contre ce piège figurent dans ses bouquins. CARSON (se tournant vers KEITH) : Keith, voulez-vous une cigarette ? C'est une marque particulièrement rationnelle. KEITH (un peu hébété) : "Rationnelle…?" (Après un petit silence) Oh, je suis désolé, merci, je ne fume pas. (Exclamations de désapprobation de JONATHAN et GRETA.) GRETA (violemment) : Vous ne fumez pas ! Pourquoi ? KEITH (surpris) : Eh bien, euh… parce que je n'aime pas ça. CARSON (avec une fureure à peine contrôlée) : Vous n'aimez pas ! Vous permettez à vos caprices subjectifs, vos sensations (ce mot était prononcé avec avec le plus grand mépris) de se mettre sur le chemin de la raison et de la réalité ? KEITH (transpirant à nouveau) : Mais, Mademoiselle Sand, quelles autres raisons peuvent exister pour fumer en dehors d'aimer simplement ça ? (Expressions de fureur, de consternation de la part de GRETA, JONATHAN, et CARSON, "Oh!", "Ah!", etc.) JONATHAN (bondissant) : Mr. Hackley, Carson Sand ne fait jamais, jamais rien d'après ses sensations subjectives ; uniquement d'après la raison, ce qui veut dire : la nature objective de la réalité. Vous avez grossièrement insulté cette grande dame, Carson Sand, vous avez abusé de sa courtoisie et de son hospitalité. (se rasseoit) KEITH : Mais. ..mais…quelle raison peut exister…? CARSON : Mr. Hackley, pourquoi fuyez-vous les faits évidents ? Fumer est un symbole du feu de l'esprit, du feu des idées. Celui qui refuse de fumer est par conséquent un ennemi des idées et de l'esprit. KEITH : Symbole ? Mais une allumette est encore plus un symbole… > http://herve.dequengo.free.fr/Rothbard/Mozart.htm :warez: Stop, pourquoi devrait-il y avoir une position cohérente sur ce sujet là. Explique moi comment l'objectivisme permet de trancher sur un tradeoff individuel ? Le problème c’est quand même que c’est l’Etat qui est en immense partie responsable du succès organisé de la clope, et de sa production et distribution. Et c’est encore à lui que la vente profite le plus. Les clopes que l’on distribuait par cartouche aux jeunes qui faisait leur service militaire dans les années 50-60, pour les habituer et en faire de parfaits consommateurs jusqu’à la fin de leur vie… La position libérale qui me semble la plus cohérente : accepter la fumette de ceux qui sont déjà condamnés, pas parce que c’est bien mais parce que, d’une certaine façon, c’est trop tard ; quant à soi ne jamais commencer, et s’efforcer de prévenir le plus possible du danger de la clope, afin d’inciter les autres à ne jamais commencer, sans appeler pour autant à des lois répressives au nom de la santé collective.
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