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Littérature Française: Tzvetan Todorov Tire La Sonnette D'alarme


Taranne

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Faut dire que Amette, le déclin de la littérature française, ça le connait. Il y contribue à raison d'un roman par an!

Polémique

Tzvetan todorov, cassandre des lettres

Tzvetan Todorov, linguiste, historien et essayiste, vient de publier un pamphlet, « La littérature en péril » (Flammarion), dans lequel il annonce la mort imminente du roman et l'affadissement de notre culture littéraire. Jacques-Pierre Amette n'est pas du tout de cet avis.

Jacques-Pierre Amette

Il est doux de constater que, régulièrement, comme le froid en hiver et les feuilles mortes en automne, on annonce la mort de notre littérature française. Il y en a plein les tiroirs, de ces textes prophétiques qui mènent nos écrivains au cimetière. Cette fois-ci, c'est le sémiologue Tzvetan Todorov, historien, tout chamarré de son titre de directeur honoraire de recherche au CNRS, qui nous alerte. Notre littérature est en danger, elle s'affale, elle perd ses boulons. L'auteur n'est pas n'importe qui : il a écrit plus de trente ouvrages universitaires chez des éditeurs sérieux, dont « Poétique de la prose » en 1971, au Seuil, et un « Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage » aux mêmes éditions. On note aussi un alarmant « Nouveau désordre mondial » en 2003, chez Laffont. Avec une sérénité sévère, l'auteur a multiplié interventions, conseils, points de vue philosophiques, indignations.

Maintenant, il passe à l'insurrection. Son pamphlet de 94 petites pages sonne le tocsin. L'enseignement du français est une catastrophe. Les chefs-d'oeuvre, de Montaigne à Céline, sont en péril. Il flétrit l'enseignement tourné désormais vers la sémiotique, la poétique dont lui-même a été un des brillants avocats dans les années 70 avec sa revue Poétique. Il dénonce ces lycées, ces classes préparatoires où l'on déconstruit, avec d'effrayantes méthodes, les grandes proses classiques. On découpe des morceaux de texte, on les arrache à leur époque, on les étale sur la table à dissection, on les autopsie avec des instruments et scalpels qu'on appelle des concepts. Œuvre de mort. On tue le plaisir de lire avec un charabia de médecins moliéresques. Ce pamphlet ressemble à un remords, car, si j'ai bonne mémoire, Todorov a contribué à installer lui-même ces outils de médecin-légiste qui, aujourd'hui, lui font peur. Le risque de désamour des élèves envers nos classiques est certain avec une telle boîte à outils conceptuelle qui transforme en plomb l'or des textes… Qui ne préfère effectivement les grenouilles bavardes et rieuses de La Fontaine aux structuralistes du champ littéraire ? Qui ne préfère le bourdonnement sexuel des romans de Zola aux grilles de lecture des sémiologues réunis à Cerisy ? Qui ne préfère les jeunes filles en fleur de Proust sur la digue de Balbec aux analyses d'anacoluthes de Gérard Genette ?

Mais Todorov va plus loin. Il voit au-delà de l'école. Il marche dans nos villes et voit des « journalistes qui recensent les livres » ; il aperçoit même des écrivains (rappelons qu'il est l'époux de l'excellente romancière Nancy Huston, prix Femina 2006 pour son roman « Lignes de faille ») qui se livrent au massacre. L'auteur désigne trois responsables : le « formalisme », le « nihilisme » et le « solipsisme ». C'est donc tout le cycle littéraire qui est mis en cause. Il fustige aussi un genre qui conduit au déclin, l'« autofiction », dans lequel, selon lui, « l'auteur se consacre toujours autant à l'évocation de ses humeurs ». O anathème lancé contre une lignée française qui va de Montaigne à Léautaud et à François Nourissier… comme s'il n'était plus permis de labourer dans les terres autobiographiques !

Mais notre déclinologue, sur sa lancée, dépasse le cadre de l'autofiction. Il voit grand, large, panoramique en quelques menus paragraphes. Son diagnostic, tel un arbre généalogique, remonte aux Anciens (comme le critique Nisard, qui, en pleine génération romantique brillantissime, hurlait au déclin de la littérature au nom des Grecs et des Latins), il nous entretient de la Renaissance italienne, des mutations du XVIIIe siècle, de Lessing, de Kant, de Benjamin Constant. Survol magistral et quelques pages bizarres sur une confrontation idéologique entre Sand et Flaubert qui tourne court sous sa plume. Ce qu'il redoute le plus, Todorov ? Une « image singulièrement appauvrie de l'art et de la littérature ». Qui vise-t-il ? Angot et son autofiction ? Houellebecq et sa blafarde vision morale de la planète ? Les auteurs des Editions de Minuit et leur écriture blanche ?

Par bonheur, dans les dernières pages, une lueur. Todorov plaide pour « une compréhension élargie du monde humain ». Qui ne la souhaite ? Des chiffonniers d'Emmaüs à Ségolène Royal, qui n'appelle cette littérature de « compréhension élargie d'un monde humain » ? Une citation de l'universitaire Paul Bénichou (« C'est dans cette communication inépuisable, victorieuse des lieux et des temps, que s'affirme la portée universelle de la littérature ») nous apporte un réconfort au milieu de ces menaces. Mais, comment ne pas l'avouer, cette citation si pieuse, si splendide dans sa grandeur floue, est digne de Monsieur Perrichon. La carriole Littérature, malmenée par Dada et les surréalistes en son temps, livrée aux pires marchands du temple depuis, aux espaces culturels des grandes surfaces, corrompue par des « nègres » d'édition, perdue parmi les plateaux de télévision les plus improbables, rayonne et avance. Pauvre chose imprimée, la charrette L ittérature, pleine de livres bons ou médiocres, truculents ou pâlichons, avance dans l'aube des villes, commentée par des critiques amers ou frivoles et même, parfois, intelligents, carriole traînée par des libraires eux-mêmes en péril.

Il n'empêche ! La Littérature continue son bonhomme de chemin, Mère Courage qui traite de tout, de Littell à Le Clézio, d'Angelo Rinaldi à Nina Bouraoui, d'Emmanuel Carrère à Olivier Rolin. Malgré les doctes grincheux, les faux savants, les biographes désinvoltes, les croque-morts, les infirmiers de la onzième heure, les pleureuses, les soldeurs, les plans médias, les magazines people, la carriole Littérature et son tas de romans poursuit sa route avec polars et romans historiques, ses Gracq et ses Céline, ses jeunes effrontés, ses néoféministes, ses Dantec hurleurs et ses changements de génération.

Finalement, cette Littérature, éternelle condamnée à mort, joue à cache-cache, tenace, opaque, jamais là où on l'attend (relire les féeriques erreurs de la critique de tous temps), et se porte comme un charme. Elle laisse superbement sur le côté les pleureuses professionnelles qui, depuis les frères Goncourt jusqu'à Paul Valéry, prophétisent son décès au nom de ce qui s'écrivait « avant ». Loin des bigots, des liquidateurs et des nostalgiques d'une « autre » littérature, elle garde son formidable appétit. Elle amène sa fête dans sa curieuse taverne, même si certains la sifflent. Elle reste batailleuse et tolstoïenne… Sous les coups de marteau, elle rebondit. Sous les commentaires apocalyptiques, elle reverdit. Un vrai printemps, la Littérature

« La littérature en péril », de Tzvetan Todorov, collection « Café Voltaire » (Flammarion, 94 pages, 12 E).

© le point 15/02/07 - N°1796 - Page 116 - 1033 mots

http://www.lepoint.fr/litterature/document.html?did=189516

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J'ai parcouru ce livre ce week-end et il n'a absolument aucun intérêt. Ca à l'air complètement mou, Todorov tourne autour du pot, il a une conception assez étrange de la littérature qui aurait une mission: parler aux lecteurs de leur vie. Moi, je n'attribue pas de mission au roman, et je trouve que la bonne littérature va nettement plus loin qu'un simple protrait humaniste du monde. Si les livres à la Angot ne passent pas par moi, je ne suis pas certain que ceux à la Todorov m'excitent des masses.

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J'ai parcouru ce livre ce week-end et il n'a absolument aucun intérêt. Ca à l'air complètement mou, Todorov tourne autour du pot, il a une conception assez étrange de la littérature qui aurait une mission: parler aux lecteurs de leur vie.

Pas si étrange au fond: n'oublions pas que ce sont les Français qui ont inventé le naturalisme. Je crois d'ailleurs que le problème majeur de la littérature française est que, entre l'autobiographie plus ou moins bien déguisée et le réalisme plus ou moins populiste, il n'y a pas beaucoup de place pour l'imaginaire. Comme bien d'autres choses, les Français vénèrent l'imagination chez les autres mais ils se gardent bien d'en faire usage.

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Peut-être, mais entre Murakami (ou Calvino, etc.) et Dostoïevski (ou Maupassant, etc.), la veine réaliste plane deux milliards de kilomètres au-dessus de l'imaginaire. Le problème des publiés français, c'est qu'ils n'ont rien à dire sur eux ni sur les autres. Mais en soi, une oeuvre réaliste n'est pas foncièrement moins bonne (je dirais : au contraire).

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Peut-être, mais entre Murakami (ou Calvino, etc.) et Dostoïevski (ou Maupassant, etc.), la veine réaliste plane deux milliards de kilomètres au-dessus de l'imaginaire. Le problème des publiés français, c'est qu'ils n'ont rien à dire sur eux ni sur les autres. Mais en soi, une oeuvre réaliste n'est pas foncièrement moins bonne (je dirais : au contraire).

Perso quand je veux voir la réalité, je regarde par la fenêtre, j'ouvre mon journal ou je regarde les infos à la télévision. La littérature m'intéresse comme alternative. Et je pense comme Valéry (Paul, pas Giscard) que le problème n'est pas de dire, mais de faire, et les Français ne sont bons ni à l'un ni à l'autre.

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Si ton truc c'est l'alternative, alors rien de tel que les contes. Tu y trouveras des maisons en pain d'épice, des bottes de sept lieues et des pantoufles de vair. Il y a des choses passionnantes là-dedans, mais le roman c'est autre chose.

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Peut-être, mais entre Murakami (ou Calvino, etc.) et Dostoïevski (ou Maupassant, etc.), la veine réaliste plane deux milliards de kilomètres au-dessus de l'imaginaire. Le problème des publiés français, c'est qu'ils n'ont rien à dire sur eux ni sur les autres. Mais en soi, une oeuvre réaliste n'est pas foncièrement moins bonne (je dirais : au contraire).

Je ne reproche rien au réalisme en soi - bien que si Maupassant est l'horizon indépassable, plutôt me jeter par la fenêtre-, par contre prétendre que ça vole deux milliards de kilomètres au dessus de l'imaginaire, je trouve ça un peu court, mon ami.

D'ailleurs, qu'est-ce que le roman? Tu dis, en parlant des contes, "ce n'est pas ça le roman", donc j'imagine que tu as une conception assez précise de la chose. Tu pourrais détailler un peu?

Ce qui m'ennuie dans le propos de Todorov - ce que je crois en comprendre, puisque je n'ai fait que parcourir les 94 pages police taille aveugle-, c'est une vision prescriptive de la littérature (ce qu'elle doit être, ce qu'elle ne doit pas être) qui revient à faire une croix sur Borges, par exemple, ou 90% du catalogue de la collection "L'imaginaire" de Gallimard. Je note que Todorov aime Céline, alors que bien des gens le classerait dans la case nihiliste (ce que ne doit pas être la littérature, selon Todorov). J'en conclus donc que le bon Tzetan est trop vague, ne mesure pas la conséquence de sa classification et a peur d'être trop précis et de donner le nom des "ennemis". Un essai ventre mou, pseudo-provocateur.

Invité jabial
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Si ton truc c'est l'alternative, alors rien de tel que les contes. Tu y trouveras des maisons en pain d'épice, des bottes de sept lieues et des pantoufles de vair. Il y a des choses passionnantes là-dedans, mais le roman c'est autre chose.

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Je ne reproche rien au réalisme en soi - bien que si Maupassant est l'horizon indépassable, plutôt me jeter par la fenêtre-, par contre prétendre que ça vole deux milliards de kilomètres au dessus de l'imaginaire, je trouve ça un peu court, mon ami.

D'ailleurs, qu'est-ce que le roman? Tu dis, en parlant des contes, "ce n'est pas ça le roman", donc j'imagine que tu as une conception assez précise de la chose. Tu pourrais détailler un peu?

Ce qui m'ennuie dans le propos de Todorov - ce que je crois en comprendre, puisque je n'ai fait que parcourir les 94 pages police taille aveugle-, c'est une vision prescriptive de la littérature (ce qu'elle doit être, ce qu'elle ne doit pas être) qui revient à faire une croix sur Borges, par exemple, ou 90% du catalogue de la collection "L'imaginaire" de Gallimard. Je note que Todorov aime Céline, alors que bien des gens le classerait dans la case nihiliste (ce que ne doit pas être la littérature, selon Todorov). J'en conclus donc que le bon Tzetan est trop vague, ne mesure pas la conséquence de sa classification et a peur d'être trop précis et de donner le nom des "ennemis". Un essai ventre mou, pseudo-provocateur.

C'est amusant Taisei, je m'étais fait la réflexion que tu ne m'avais plus demandé des comptes depuis quelques mois, et revoilà soudain une intervention aux accents de sommation comme tu les aimes. Sur le fond, Maupassant n'est certes pas l'horizon indépassable, mais "Bel-ami" est un chef-d'oeuvre du genre. Bien sûr, il n'arrive pas au genou des Frères Karamazov, mais si l'on devait prendre ces derniers pour étalon, il n'y aurait que trois ou quatre livres valables sur toute l'histoire de l'humanité. Concernant Todorov, je n'ai pas encore lu le livre mais je l'ai commandé, et vu que je ne me sens pas particulièrement lié par son avis, je n'ai pas à le défendre. Sur le roman, j'aime bien la définition du Robert : "Oeuvre d'imagination en prose, assez longue, qui présente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels, fait connaître leur psychologie, leur destin, leurs aventures." Elle est toutefois limitative car, par exemple, la part d'imagination dans "De sang-froid" de Capote est minime, mais le bouquin est néanmoins un roman formidable. Je transformerais également "réels" en "réalistes". Bref, l'important, c'est "prose", "long", "personnages réalistes", "psychologie", "aventures". Le conte, selon le Robert, est "un court récit de faits, d'aventures imaginaires, destiné à distraire". Cette définition est excellente, on voit que le personnage en est totalement absent, tout comme sa psychologie, ses pensées, son évolution, ainsi que le monde environnant. Les bouquins de Murakami, Calvino, et tant d'autres dans cette veine, ne s'intéressent en effet pas du tout à la réalité humaine, tant par le monde décrit, qui est anhistorique et inexistant (dans le sens où il n'est que le réceptacle creux et lisse des bizarreries inventées par l'auteur), que par les personnages, qui n'existent que par la suite de péripéties qu'ils traversent et qui est supposée leur donner une consistance. Ces livres sont sans objet autre que l'affirmation d'une morale (Calvino, contes pour enfants) ou le simple délassement procuré par une imagination en roue libre (Murakami). Pour autant, je ne dis certainement pas que le roman doit être chiant, bien au contraire, mais il ne se réalise que dans représentation réaliste du monde et de ceux qui le peuplent. Réaliste ne signifie pas qu'il faille faire du journalisme, mais que les personnages appartiennent manifestement au même règne que nous, et que le monde décrit trouve des échos dans le nôtre. 1984 est ainsi un roman réaliste, même s'il ne se déroule dans aucune société actuellement connue. De plus, tu remarqueras que ce roman comporte des personnages forts et vivants, dont nous connaissons les ressorts psychologiques, les envies, les peurs, les faiblesses. C'est ce qui rend 1984 tellement supérieur à La ferme des animaux, ce superbe conte.

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C'est amusant Taisei, je m'étais fait la réflexion que tu ne m'avais plus demandé des comptes depuis quelques mois, et revoilà soudain une intervention aux accents de sommation comme tu les aimes.

:icon_up:

Allons, allons, nulle sommation dans ma question - et si je me permets d'être parfois sec, ce n'est que pour contre-balancer le côté fort sentencieux de tes interventions lorsqu'il s'agit de parler de tes goûts et de ceux des autres. Je crois que tu prends plus au sérieux ma façon de te demander des comptes que moi. Admets tout de même que tu te contentes souvent d'affirmer des choses sans argumenter plus avant - ça fait bien un an que tu nous a promis de nous expliquer en quoi le ciné asiatique était mauvais et quelques mois que tu as dit que tu répondrais à Timur, je crois, sur ce qui faisait du Cuirassé Potemkine un échec. Je n'y vois pas de problème particulier, mais je pense pouvoir me permettre quelques sentences de ce type aussi.

Concernant Todorov, je n'ai pas encore lu le livre mais je l'ai commandé, et vu que je ne me sens pas particulièrement lié par son avis, je n'ai pas à le défendre.
Là, je crois qu'il y a maldonne. Je ne t'ai pas demandé de défendre Todorov. Mon intervention était d'une part une question authentique, sans arrière pensée, pour obtenir des précisions quant à ta réponse à Harald, et d'autre part un commentaire général destiné à tous sur le livre de Todorov. De plus, il parle de littérature, et je te pose une question sur le roman.

Sinon:

Sur le roman, j'aime bien la définition du Robert : "Oeuvre d'imagination en prose, assez longue, qui présente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels, fait connaître leur psychologie, leur destin, leurs aventures." Elle est toutefois limitative car, par exemple, la part d'imagination dans "De sang-froid" de Capote est minime, mais le bouquin est néanmoins un roman formidable.

Je ne sais pas si je le qualifierais de roman, mais c'est en effet formidable.

Bref, l'important, c'est "prose", "long", "personnages réalistes", "psychologie", "aventures". Le conte, selon le Robert, est "un court récit de faits, d'aventures imaginaires, destiné à distraire".
Les définitions sont intéressantes pour les bases, mais elles souffrent souvent quand on essaye de les appliquer à ce qui existe hors des dicos. Eugène Oneguine, prose? Qu'est-ce qu'un personnage réaliste? Stephen King écrit-il des romans? Ses personnages sont-ils réalistes, appartiennent-ils au même règne que nous (et que veux-tu dire par là)? Les livres de Murakami, que tu sembles classer en contes, sont souvent bien longs. De nombreux romans ne sont rien de plus que des aventures imaginaires destinées à distraire. La psychologie dépend de la qualité du romancier - certains écrivains sont tout simplement mauvais, leur approche psychologique s'en ressent et on a l'impression qu'elle est absente - pour être roman, faut-il que l'écrivain soit doué? Et puis, Tristram Shandy, Quichotte, Gargantua, Pantagruel sont-ils des personnages dignes de figurer dans des romans, ou appartiennent-ils au domaine des contes?
1984 est ainsi un roman réaliste, même s'il ne se déroule dans aucune société actuellement connue. De plus, tu remarqueras que ce roman comporte des personnages forts et vivants, dont nous connaissons les ressorts psychologiques, les envies, les peurs, les faiblesses. C'est ce qui rend 1984 tellement supérieur à La ferme des animaux, ce superbe conte.

Dans ce cas précis-ci, je me trouve en accord parfait avec ce que tu dis. Je me demande juste si c'est une façon pertinente de discriminer les oeuvres entre conte et roman en général, d'autant plus que si les peurs, les faiblesses et les envies sont généralement communes, il arrive souvent que les lecteurs se trouvent en désaccord sur ce qui est fort, vivant, juste, réaliste ou purement fantaisiste - et donc qu'on dira selon ce jugement que tel ou tel livre n'est pas un roman, alors qu'un autre le considérera comme le meilleur qu'il ait jamais lu.

Entre une définition qui me semble soit trop rigide, soit pas précise (je sais, c'est contradictoire), et une autre approche qui me semble trop personelle, je dois bien avouer ne pas trop faire confiance en ces approches de ce qu'est le roman.

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Il me semble que la définition gadrélienne est relativement classique; un de mes profs nous avait expliqué que, pour les mêmes raisons, le Seigneur des Annaux ne peut être considéré comme un roman.

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Il me semble que la définition gadrélienne est relativement classique; un de mes profs nous avait expliqué que, pour les mêmes raisons, le Seigneur des Annaux ne peut être considéré comme un roman.

Oui, elle est classique - après tout, elle vient du dico, à deux, trois aménagements près. mais le roman classique n'est pas tout le roman - et je ne suis pas convaincu que cette définition puisse s'appliquer à Tristram Shandy ou à Pantagruel.

Invité jabial
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En ce cas, à quelques exceptions près, les romans m'emmerdent.

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Et puis, Tristram Shandy, Quichotte, Gargantua, Pantagruel sont-ils des personnages dignes de figurer dans des romans, ou appartiennent-ils au domaine des contes?

Quid aussi de l'Orlando furioso de l'Arioste ? De même, les récits arthuriens de Chrétien de Troyes sont-ils ou non des romans (au sens originel du terme, ils le sont de toute façon :icon_up: ) ?

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De même, les récits arthuriens de Chrétien de Troyes sont-ils ou non des romans (au sens originel du terme, ils le sont de toute façon :icon_up: ) ?

Ce sont des romans gothiques.

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Pour revenir à la littérature française: il y a des trucs dignes d'intérêt en ce moment ou je peux continuer à l'ignorer? (Derniers lus et bien aimés, l'Acacia de Claude Simon et Quelqu'un d'Autre de Tonino Benacquista).

Posté
ça fait bien un an que tu nous a promis de nous expliquer en quoi le ciné asiatique était mauvais et quelques mois que tu as dit que tu répondrais à Timur, je crois, sur ce qui faisait du Cuirassé Potemkine un échec. Je n'y vois pas de problème particulier, mais je pense pouvoir me permettre quelques sentences de ce type aussi.

Je n'ai pas encore eu l'occasion de regarder les films prêtés par melodius, mais samedi passé j'ai vu "Ong Bak", un film d'une connerie sans nom qui, en plus de combiner tous les défauts du cinéma asiatique que je connais (= acteurs archi-nuls, du genre "expressionnistes allemands" ; incapacité à mélanger les genres (un drame n'aura jamais une pointe d'action ou d'humour, par ex.), premier degré permanent ; académisme dans la prise de vue, utilisation jusqu'à la corde des rares trouvailles visuelles ; naïveté des histoires, incapacité à gérer la narration, prévisibilité des retournements, personnages stéréotypés), y ajoute un racisme anti-occidental et une nostalgie du bon sauvage (ie le bon paysan dans sa belle campagne) du pire effet. Je le déconseille fortement.

Sur Eisenstein, je m'étonne qu'il faille expliquer en quoi ses films sont mauvais. Je te conseille par exemple de voir "La maison de la rue Troubnaïa" de Boris Barnet, et tu comprendras directement : dans les mêmes conditions (1928, URSS), Barnet parvient à créer des personnages qui ne sont pas d'horribles clichés propagandistes (par ex., le coiffeur, qui est au départ hostile au soviet local, se montre par la suite prêt à aider un syndicaliste ; une jeune femme de chambre, élue au soviet, participe à une manifestation avec ses camarades, qui l'abandonnent immédiatement après la manif, etc. Compare ça avec les personnages d'Eisenstein, qui sont outranciers et inexistants, des monstres totaux ou des héros totaux), à offrir un semblant d'histoire (il n'y a tout simplement pas d'histoire chez Eisenstein, seule une succession de scènes édifiantes dans le sens le plus con du mot) avec des images tout aussi intéressantes. L'estime dont jouit Eisenstein, c'est le résultat d'une formidable intox communiste.

Les définitions sont intéressantes pour les bases, mais elles souffrent souvent quand on essaye de les appliquer à ce qui existe hors des dicos. Eugène Oneguine, prose? Qu'est-ce qu'un personnage réaliste? Stephen King écrit-il des romans? Ses personnages sont-ils réalistes, appartiennent-ils au même règne que nous (et que veux-tu dire par là)?
C-à-d qu'ils agissent, se comportent, pensent comme des êtres humains. Il faut également qu'ils fassent preuve de continuité psychologique (ce qui est le plus difficile à atteindre ; cet élément est souvent négligé pour permettre des rebondissements. A mon sens les plus belles réussites du genre sont Ivan et Aliocha Karamazov, qui existent réellement et restent fidèles à eux-mêmes, en ce compris dans leur complexité psychologique).
Dans ce cas précis-ci, je me trouve en accord parfait avec ce que tu dis. Je me demande juste si c'est une façon pertinente de discriminer les oeuvres entre conte et roman en général, d'autant plus que si les peurs, les faiblesses et les envies sont généralement communes, il arrive souvent que les lecteurs se trouvent en désaccord sur ce qui est fort, vivant, juste, réaliste ou purement fantaisiste - et donc qu'on dira selon ce jugement que tel ou tel livre n'est pas un roman, alors qu'un autre le considérera comme le meilleur qu'il ait jamais lu.

Je crois que l'avis éventuellement discordant des lecteurs ne change rien. Que certains ne soient pas capables de saisir les qualités objectives d'une oeuvre n'invalide pas les théories discriminantes.

Entre une définition qui me semble soit trop rigide, soit pas précise (je sais, c'est contradictoire), et une autre approche qui me semble trop personelle, je dois bien avouer ne pas trop faire confiance en ces approches de ce qu'est le roman.

Une peinture peut avoir toutes les dimensions, tous les sujets (ou les abstractions), il n'en reste pas moins que toutes les peintures ont des points communs. Le roman idem.

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:icon_up: Ong Bak est un excellent film, à condition de le voir pour ce qu'il est: une manière de lier des acrobaties incroyables. Ca n'a aucun sens de s'intéresser au scénario ou à la filmographie, c'est un écrin pour les prouesses physiques de l'acteur principal.
Invité jabial
Posté
Compare ça avec les personnages d'Eisenstein, qui sont outranciers et inexistants, des monstres totaux ou des héros totaux)

Toi, tu ne dois pas aimer Ayn Rand :doigt:

:icon_up: Ong Bak est un excellent film, à condition de le voir pour ce qu'il est: une manière de lier des acrobaties incroyables. Ca n'a aucun sens de s'intéresser au scénario ou à la filmographie, c'est un écrin pour les prouesses physiques de l'acteur principal.

De fait. C'est un spectacle, pas une histoire. Ce n'est pas parce qu'un film ne correspond pas à l'idée qu'on s'en fait en Occident que c'est un mauvais film, ou "pas un film".

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Toi, tu ne dois pas aimer Ayn Rand :icon_up:

De fait. C'est un spectacle, pas une histoire. Ce n'est pas parce qu'un film ne correspond pas à l'idée qu'on s'en fait en Occident que c'est un mauvais film, ou "pas un film".

En fait Gadrel est incapable de voir les qualités objectives du film et son avis discordant n'y change rien.

  • 2 weeks later...
  • 2 weeks later...
Posté
ca c'est du gosurori

Ouais ! Un peu plus de lâcher prise et on aura de nouvelles suicide girls. :icon_up:

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