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Baby Shortage...


Roniberal

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Posté

Je signale par avance que dans ce post, "droit" signifie exclusivement "droit positif".

Je signale aussi que si j'ai un ton aigri, ce n'est pas à l'encontre de mon interlocuteur mais de l'objet de mon discours (mon interlocuteur est devenu un tel modèle de courtoisie et de sagesse forumique que je m'en voudrais de laisser planer le doute :icon_up: ).

On "régule", on limite, c'est exact, mais on n'en modifie pas la nature. Or, le "droit de propriété" sur les bébés envisagés par Posner exclut d'office un certain nombre d'éléments constitutifs du droit de propriété. C'est donc au mieux un droit "sui generis".

Non, il reconnait un droit de propriété plein et entier, et puis il se trouve qu'une seconde règle vient "reguler". Autre construction, mêmes résultats, je sais, c'est ce que je reproche au droit.

Pour répondre à ton contre-exemple urbanistique, tu as toujours le droit de détruire ton immeuble pourvu que tu aies obtenu les autorisations ad hoc. C'est une démarche intellectuelle tout à fait différente, même si je suis prêt à concéder qu'en pratique on peut de facto t'interdire l'exercice de ce droit.

Oui mais précisément, comme tu le dis, la seule différence est qu'il s'agit d'une démarche intellectuelle différente. Mais cette différence sert de cache-sexe au pouvoir politique pour qu'il puisse en réalité être le maître de l'abusus sur les biens immobiliers. Comme le politique est finaud, il n'en abuse pas, C'est le plus gros hold-up sur la propriété privée qu'on ait connu en occident, mais il n'a ému personne parce que nous, les juristes, étions fort aises d'expliquer que sisi, le droit de propriété restait plein et entier, car il s'agissait d'une démarche intellectuelle différente. Tout à la joie de nos beaux jeux intellectuels, nous avons oubié le plus important: dans les faits les gens n'étaient plus libres.

Je suis par ailleurs surpris par ta vision très positiviste du droit que pour ma part je ne partage absolument pas; c'est bien sûr l'opinion dominante et la pratique soc-dem mais on voit où ça nous a mené.

Je suis (re-)devenu très positiviste quand il s'agit d'examiner le droit positif, j'en conviens aisément. Tu parlais dans un autre post de "voir la réalité comme elle est et non comme on voudrait qu'elle soit", et bien c'est ce que j'ai l'impression de faire. On pourra tous s'escrimer à théoriser la soumission du législateur au droit naturel, il reste que dans les faits, le législateur peut créer le droit positif qu'il veut. Est-ce légitime? Certainement pas, c'est même scandaleux, mais c'est malheureusement la réalité des choses. Le droit, en tant que tel, n'est rien d'autre que la violence qui utilise des mots plutôt que des armes. C'est à déplorer, mais je n'arrive plus à voir les choses autrement.

Alors bon, ca vient sans doute de mes expériences personnelles, mes scepticismes à moi. Collaborer à l'élaboration de textes législatifs a fortement refroidi mes enthousiasmes. Ceux qui croient encore que le droit, ce n'est pas la force se trompent lourdement. Mais pour moi, le fait reste, le droit n'a rien à voir avec le droit naturel. Il devrait, certainement, mais ce n'est pas le cas, et se tromper là-dessus, je pense que c'est renforcer les armes de nos adversaires. Rien n'est à mon avis plus inutile que de reprocher une irrégularité juridique à nos ennemis; cela leur permettra de corriger ladite irrégularité tout en déforçant par la suite tout autre argument sur la légitimité de la norme.

Bref, si on veut raisonner en tant que juriste, on joue au sein de ce sale terrain pourri qu'est le droit, et on reconnait que la seule chose qui compte pour le juriste, c'est la cohérence du système, qui se bricole facilement. "Cette règle est illégitime", ca ne veut rien dire dans un tribunal, ou alors tout autre chose que ce qu'un libartarien pourrait penser. Critiquer une solution juridique en philosophe/moraliste/jusnaturaliste/libertarien, c'est tout autre chose, c'est autrement plus noble et utile. Mais il faut toujours bien se garder de confondre les deux niveaux d'analyse, ils n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Et ne surtout pas dire que le droit naturel sous-tend le droit positif, car c'est malheureusement très faux.

Posté
Non, il reconnait un droit de propriété plein et entier, et puis il se trouve qu'une seconde règle vient "reguler". Autre construction, mêmes résultats, je sais, c'est ce que je reproche au droit.

Bon, j'ai bien compris que tu ne sembles pas juger cette évolution souhaitable.

Seulement, reconnais quand même qu'il est incohérent de vouloir parler de droit de propriété si on n'en a pas l'abusus.

Par ailleurs, le texte de Posner est théorique. Donc, il aurait pu faire preuve d'un peu plus de rigueur.

Que nos politocards n'en fassent pas preuve est une chose. Mais qu'un aussi "brillant" juriste tombe dans les mêmes travers, tu reconnaîtras qu'on peut trouver cela inquiétant, non?

Je suis (re-)devenu très positiviste quand il s'agit d'examiner le droit positif, j'en conviens aisément.

Sauf que même si on prend en compte le droit positif, le législateur se contredit.

Tout d'abord, le fait que le droit de propriété se compose de l'usus, de l'abusus et du fructus est reconnu par le Code Civil (même si je reconnais que je ne t'apprends rien en l'espèce).

Par ailleurs, le droit de propriété a une valeur constitutionnelle.

Donc, il est toujours intéressant de montrer aux politiciens, leurs incohérences. Et je regrette mais la seule personne qui soit incohérente ici est Posner qui semble adopter une position démissionnaire en disant implicitement: "de toute façon, le droit de propriété n'a plus aucun sens, le législateur l'a vidé de tout son contenu, donc autant s'adapter à cet état de fait".

C'est, pour ma part, une position que je refuse. Je refuse de rester les bras croisés et d'adopter la position positiviste que tu prends. Je sais bien que nos politocards s'assoient sur tous les grands principes juridiques qui ont fait la grandeur de nos civilisations mais nous ne devons pas rester impuissants devant de telles violations.

On pourra tous s'escrimer à théoriser la soumission du législateur au droit naturel, il reste que dans les faits, le législateur peut créer le droit positif qu'il veut.

Mais comme je l'ai dit, le démembrement du droit de propriété en usus, abusus et fructus n'est pas qu'un beau principe du Droit Naturel. C'est aussi reconnu en droit positif.

Ceux qui croient encore que le droit, ce n'est pas la force se trompent lourdement.

En réalité, il est vrai que ça le devient de plus en plus.

Mais ta position démissionnaire me chagrine un peu.

cela leur permettra de corriger ladite irrégularité tout en déforçant par la suite tout autre argument sur la légitimité de la norme.

En l'espèce, je ne considérais pas vraiment Richard Posner comme un "adversaire". C'est aussi la raison pour laquelle j'avoue être déçu par si peu de rigueur juridique de sa part.

Encore une fois, tu n'as pas répondu à ma question: quel est l'intérêt de parler de "droit de propriété sur les enfants"?

Bref, si on veut raisonner en tant que juriste, on joue au sein de ce sale terrain pourri qu'est le droit, et on reconnait que la seule chose qui compte pour le juriste, c'est la cohérence du système, qui se bricole facilement.

Sauf qu'encore une fois, même du point de vue de la cohérence du droit positif, ce n'est pas trop ça et, oui, contrairement à toi, je pense que nous nous devons de le signaler.

Je ne sais vraiment pas comment nous pourrons gagner notre combat si, comme toi, nous nous contentons de dire que "le droit, c'est de la tuyauterie que nos politocards peuvent bricoler à leur guise".

"Cette règle est illégitime", ca ne veut rien dire dans un tribunal

Sauf qu'ici, on est sur un forum, pas dans un tribunal.

Par ailleurs, Posner est un théoricien et je pense qu'il a dit à maintes reprises que telle ou telle règle qui ne lui plaisait pas était illégitime, dans ses bouquins.

Je ne vois donc pas pourquoi nous ne nous permettrions pas de le critiquer ici-même quand il commet des bourdes comme celle sur le "droit de propriété sur les enfants".

Posté

Bon, juste une remarque, ici je répondais de manière générale à Melo, donc le lien avec avec la thèse de Posner est plus ténu. Aussi, une fois de plus, pour éviter des confusions, tout ce que je dis ici se situe sur le plan du droit positif.

Bon, j'ai bien compris que tu ne sembles pas juger cette évolution souhaitable.

Seulement, reconnais quand même qu'il est incohérent de vouloir parler de droit de propriété si on n'en a pas l'abusus.

Le droit de propriété est ce que le droit positif dira qu'il est. S'il dit que c'est un droit composé d'usus/fructus/abusus, mais qui peut être régulé ou limité, ben ce sera ça. Nouveau greffon sur la théorie moderne de la propriété, qui s'éloigne du droit naturel. Au passage, l'abusus, dans la théorie de Posner, n'est même pas absent, puisque la vente est autorisée quand même.

Par ailleurs, le texte de Posner est théorique. Donc, il aurait pu faire preuve d'un peu plus de rigueur.

Que nos politocards n'en fassent pas preuve est une chose. Mais qu'un aussi "brillant" juriste tombe dans les mêmes travers, tu reconnaîtras qu'on peut trouver cela inquiétant, non?

Il n'y a rien de si aberrant du point de vue de la rigueur. Il applique les méthodes classiques du droit: A rentre dans la catégorie B, et voici en quoi il déroge aux règles habituelles applicables à B. Ca arrive tout le temps. Tu as la théorie du bail, et puis celle du bail de résidence principale ou du bail de rénovation, qui sont assez différents d'un bail classique. Pas de problème puisque ce sont des greffons à la théorie.

Sauf que même si on prend en compte le droit positif, le législateur se contredit.

Tout d'abord, le fait que le droit de propriété se compose de l'usus, de l'abusus et du fructus est reconnu par le Code Civil (même si je reconnais que je ne t'apprends rien en l'espèce).

Par ailleurs, le droit de propriété a une valeur constitutionnelle.

Et? Posner ne conteste pas la trilogie usus/frutus/abusus. Je rappelle quand même que tout ca vient de l'idée de vendre des bébés, donc l'abusus n'est pas complètement absent. Et comme tu le dis, toutes les "garanties" du droit de propriété admettent qu'il peut y avoir des dérogations.

Donc, il est toujours intéressant de montrer aux politiciens, leurs incohérences. Et je regrette mais la seule personne qui soit incohérente ici est Posner qui semble adopter une position démissionnaire en disant implicitement: "de toute façon, le droit de propriété n'a plus aucun sens, le législateur l'a vidé de tout son contenu, donc autant s'adapter à cet état de fait".

C'est, pour ma part, une position que je refuse. Je refuse de rester les bras croisés et d'adopter la position positiviste que tu prends. Je sais bien que nos politocards s'assoient sur tous les grands principes juridiques qui ont fait la grandeur de nos civilisations mais nous ne devons pas rester impuissants devant de telles violations.

Mais comme je l'ai dit, le démembrement du droit de propriété en usus, abusus et fructus n'est pas qu'un beau principe du Droit Naturel. C'est aussi reconnu en droit positif.

Se placer sur le plan du dorit, c'est perdre, parce que le dorit se modifie à l'envi. Je rappelle que si demain, le législateur a subitement envie de dire que la propriété c'est autres chose, il le peut. On aura l'air fins avec nos arguments juridiques. C'est pourquoi il faut se placer sur le terrain de la philo/morale/DN, autrement plus porteur.

En réalité, il est vrai que ça le devient de plus en plus.

Mais ta position démissionnaire me chagrine un peu.

Je comprends, mais à quoi bon nier les faits?

En l'espèce, je ne considérais pas vraiment Richard Posner comme un "adversaire". C'est aussi la raison pour laquelle j'avoue être déçu par si peu de rigueur juridique de sa part.

Moi non plus, je ne pensais pas à cadre-ci.

Encore une fois, tu n'as pas répondu à ma question: quel est l'intérêt de parler de "droit de propriété sur les enfants"?

Si, j'ai dit que je n'y voyais aucun. Mais que présenté comme il le faisait, ça pouvait se défendre d'un point de vue juridique.

Sauf qu'encore une fois, même du point de vue de la cohérence du droit positif, ce n'est pas trop ça et, oui, contrairement à toi, je pense que nous nous devons de le signaler.

Je ne sais vraiment pas comment nous pourrons gagner notre combat si, comme toi, nous nous contentons de dire que "le droit, c'est de la tuyauterie que nos politocards peuvent bricoler à leur guise".

Ce n'est pas parce que je veux gagner notre combat que je vais faire abstraction du réel. D'autant qu'en l'occurrence, ce serait me battre contre un moulin à vent plutôt que contre le véritable adversaire. Se placer uniquement du coté du droit positif, c'est s'exposer à se faire couper l'herbe sous le pied; rien n'est jamais acquis définitivement en droit. D'un point de vue combat, on gagnera donc beaucoup plus facilement si on se place sur le terrain philo/morale/DN et qu'on se contente de voir le droit comme un outil pour mettre en lace des règles qui sont ou non légitimes.

Sauf qu'ici, on est sur un forum, pas dans un tribunal.

Par ailleurs, Posner est un théoricien et je pense qu'il a dit à maintes reprises que telle ou telle règle qui ne lui plaisait pas était illégitime, dans ses bouquins.

Je ne vois donc pas pourquoi nous ne nous permettrions pas de le critiquer ici-même quand il commet des bourdes comme celle sur le "droit de propriété sur les enfants".

Je répondais sur la pure question du positivisme.

Posté
Non, il reconnait un droit de propriété plein et entier, et puis il se trouve qu'une seconde règle vient "reguler".

Je crois que tu commets une lourde erreur de logique. Si un phénomène se caractérise nécessairement par trois qualités et que l'une d'elle manque, c'est qu'il ne s'agit pas de ce phénomène. Je suis donc au regret de te signaler que, même si les élaborations juridiques de Roniberal sont moins précises et pertinentes que les tiennes, au final c'est lui qui remporte la mise, parce qu'il a raison sur le point essentiel.

Posté
Je crois que tu commets une lourde erreur de logique. Si un phénomène se caractérise nécessairement par trois qualités et que l'une d'elle manque, c'est qu'il ne s'agit pas de ce phénomène. Je suis donc au regret de te signaler que, même si les élaborations juridiques de Roniberal sont moins précises et pertinentes que les tiennes, au final c'est lui qui remporte la mise, parce qu'il a raison sur le point essentiel.

Je te rappelle que l'abusus ne manque pas dans la théorie de Posner, puisqu'on peut vendre les bébés. Il est réduit. Tout comme l'usus de mon arme à feu (et surtout de mes balles) est réduit par le fait que je n'aie pas le droit, du fait d'une réglementation tierce, planter mes balles dans la peau de mon voisin. Ou que l'usus de ma voiture est inexistant pour moi tant qe l'etat n'a pas jugé bon de me délivrer un permis (ce qu'il peut refuser de faire indéfinément). Ou, sous un angle légèrement différent, tout comme mon abusus matériel sur une oeuvre de l'esprit est inexistant du fait de l'impossibilité matérielle de détruire une chanson par exemple.

L'absolutisme de la propriété est àmha un grand mythe.

Posté
Je te rappelle que l'abusus ne manque pas dans la théorie de Posner, puisqu'on peut vendre les bébés. Il est réduit. Tout comme l'usus de mon arme à feu (et surtout de mes balles) est réduit par le fait que je n'aie pas le droit, du fait d'une réglementation tierce, planter mes balles dans la peau de mon voisin. Ou que l'usus de ma voiture est inexistant pour moi tant qe l'etat n'a pas jugé bon de me délivrer un permis (ce qu'il peut refuser de faire indéfinément). Ou, sous un angle légèrement différent, tout comme mon abusus matériel sur une oeuvre de l'esprit est inexistant du fait de l'impossibilité matérielle de détruire une chanson par exemple.

L'absolutisme de la propriété est àmha un grand mythe.

Pour la "propriété intellectuelle", tu viens de démontrer de manière tout à fait exacte pourquoi il s'agit d'un abus de langage et qu'il faudrait parler de "droits intellectuels". (il y a aussi la question de la durée du droit).

Pour l'abusus, je regrette, mais son point cardinal, comme le dénote bien le mot latin, est bien le droit de détruire, pas celui de vendre; d'ailleurs, il arrive qu'un non-propriétaire ait le droit de vendre, mais il n'a jamais le droit de détruire (sauf cas exceptionnels genre tout s'effondre sur la tête du voisin si on n'abat pas fissa)

Enfin, je n'ai jamais parlé du caractère absolu du DP en droit positif; je te signale que moi aussi je suis juriste…

Invité Arn0
Posté

Il me semble qu'il existe déjà dans la loi positive des restrictions du droit de propriété qui ont pour but de protéger les intérêts de la propriété elle même : l'interdiction de mauvais traitements infligés aux animaux. Il est important de signaler que ces lois n'ont pas pour but de protéger les autres sujets de droit mais bien les propriétés elles mêmes (qui ont ainsi un statut hybride : des propriétés qui ont des droits propres). Les esclaves était soumis à un régime proche : tout en étant considérés comme des propriétés un certain nombre de mauvais traitements étaient interdit au nom des intérêts de la "propriété humaine". Alors on peut trouver cela incohérent mais en tout cas il y a des précédents. Ceci étant dit ces comparaisons servent à elles toute seules pour condamner l'idée des enfants propriétés de leur parents.

Posté

Tu as parfaitement le droit de décider d'euthanasier un animal qui t'appartient.

Pour les esclaves, si je ne m'abuse, c'était pareil.

Invité Arn0
Posté
Tu as parfaitement le droit de décider d'euthanasier un animal qui t'appartient.

Pour les esclaves, si je ne m'abuse, c'était pareil.

Le contenu des droits c'est une autre question mais la loi reconnait bien des droits à ce qu'elle considère elle même comme des propriétés.
Posté
Le contenu des droits c'est une autre question mais la loi reconnait bien des droits à ce qu'elle considère elle même comme des propriétés.

Je ne connais pas assez les codes noirs pour te répondre au sujet de l'esclavage, mais en ce qui concerne les animaux, la loi impose des obligations à leurs propriétaires, et ne leur donne par contre aucun droit.

Posté
Pour la "propriété intellectuelle", tu viens de démontrer de manière tout à fait exacte pourquoi il s'agit d'un abus de langage et qu'il faudrait parler de "droits intellectuels". (il y a aussi la question de la durée du droit).

Je veux bien, néanmoins, si la loi consacre cet usage (ce qui n'est pas le cas en Belgique à ma connaissance), il devient juridiquement correct, même s'il est conceptuellement regrettable et philosophiquement condamnable.

Pour l'abusus, je regrette, mais son point cardinal, comme le dénote bien le mot latin, est bien le droit de détruire, pas celui de vendre; d'ailleurs, il arrive qu'un non-propriétaire ait le droit de vendre, mais il n'a jamais le droit de détruire (sauf cas exceptionnels genre tout s'effondre sur la tête du voisin si on n'abat pas fissa)

Ca ne me parait pas si clair. J'ai toujours entendu enseigner (et enseigné à l'occasion) que l'abusus comprenait les deux aspects, point, sans hiérarchiser. Quel est le fondement (légal) de l'abusus matériel comme élément critique du droit de propriété? Si on admet que des réglementations tierces viennent limiter tous les autres aspects sans qu'on renonce à la qualification de propriété, je ne vois pas pourquoi celui-ci serait privilégié (au regard du DP). Tiens, dit-on traditionnellement que le propriétaire d'un monument classé n'est plus propriétaire de son bien? Je ne crois pas, pourtant lui, il ne peut en aucun cas exercer l'abusus-destruction matérielle. Pas plus que je ne peux incinérer mes biens dans mon jardin comme je veux.

Au passage, l'abusus matériel comprend aussi les modifications, et pas seulement la destruction. Ainsi, si tu fais tatouer ou percer les oreilles à ton gamin, tu exerces l'abusus matériel, dans le cas où on t'en considère propriétaire. Donc même de l'abusus matériel il reste quelque chose dans la conception de Posner.

Enfin, je n'ai jamais parlé du caractère absolu du DP en droit positif;

Non? Il me semblait que tu l'avais évoqué en début de fil. Mais peut-être me trompé-je ou parlais-tu du DN à ce moment. Mais même sans ça, il me semble qu'à ton corps défendant tu te fais le défenseur d'une telle conception en DP, ce qui t'honore, mais ne me semble pas correspondre à la réalité de la chose.

je te signale que moi aussi je suis juriste…

Ah bon? :icon_up: Moi je ne le suis plus! :doigt: Mais même, il y a de bien meilleurs juristes que moi (ou même que toi) à avoir entretenu quelque illusion sur le DP, c'est une erreur qui n'aurait rien d'honteux, si elle était avérée.

Invité jabial
Posté
je n'aie pas le droit, du fait d'une réglementation tierce, planter mes balles dans la peau de mon voisin

Ce n'est pas du fait d'une réglementation tierce, c'est du fait des Droits de ton voisin.

Posté
Ce n'est pas du fait d'une réglementation tierce, c'est du fait des Droits de ton voisin.

Pas du point de vue du droit positif. C'est dû au Code Pénal qui interdit le meurtre.

Du point de vue du DN, tu as bien sûr raison (ainsi que dans tes autrres posts de ce thread), mais dans ce thread je parle exclusivement du DP. Et pour le meilleur ou pour le pire, ils sont totalement (ou presque) disjoints.

Posté
Je veux bien, néanmoins, si la loi consacre cet usage (ce qui n'est pas le cas en Belgique à ma connaissance), il devient juridiquement correct, même s'il est conceptuellement regrettable et philosophiquement condamnable.

Ca ne me parait pas si clair. J'ai toujours entendu enseigner (et enseigné à l'occasion) que l'abusus comprenait les deux aspects, point, sans hiérarchiser. Quel est le fondement (légal) de l'abusus matériel comme élément critique du droit de propriété? Si on admet que des réglementations tierces viennent limiter tous les autres aspects sans qu'on renonce à la qualification de propriété, je ne vois pas pourquoi celui-ci serait privilégié (au regard du DP). Tiens, dit-on traditionnellement que le propriétaire d'un monument classé n'est plus propriétaire de son bien? Je ne crois pas, pourtant lui, il ne peut en aucun cas exercer l'abusus-destruction matérielle. Pas plus que je ne peux incinérer mes biens dans mon jardin comme je veux.

Au passage, l'abusus matériel comprend aussi les modifications, et pas seulement la destruction. Ainsi, si tu fais tatouer ou percer les oreilles à ton gamin, tu exerces l'abusus matériel, dans le cas où on t'en considère propriétaire. Donc même de l'abusus matériel il reste quelque chose dans la conception de Posner.

Non? Il me semblait que tu l'avais évoqué en début de fil. Mais peut-être me trompé-je ou parlais-tu du DN à ce moment. Mais même sans ça, il me semble qu'à ton corps défendant tu te fais le défenseur d'une telle conception en DP, ce qui t'honore, mais ne me semble pas correspondre à la réalité de la chose.

Ah bon? :icon_up: Moi je ne le suis plus! :doigt: Mais même, il y a de bien meilleurs juristes que moi (ou même que toi) à avoir entretenu quelque illusion sur le DP, c'est une erreur qui n'aurait rien d'honteux, si elle était avérée.

Là c'est toi qui mêles deux registres. Tout d'abord, en DP il n'y a pas de droit de propriété sur les enfants, donc l'abusus qui s'exerce en leur perçant les oreilles, hein…

Ensuite, je ne défends pas une conception absolutiste du droit de propriété en DP puisque je sais qu'elle est inexacte; le Code Napoléon limite déjà le droit de propriété. On peut le regretter - et dans la mesure où on sanctionne l'abus de droit, je ne le regrette pas - mais il n'empêche que le DP n'a pas une conception absolutiste de la propriété. C'est un fait.

Enfin, le propriétaire d'un monument classé reste propriétaire. A nouveau, tu joues sur deux tableaux. Tu ne peux d'une part te faire le chantre du DP interprêté dans toute sa rigueur et d'autre part affirmer que réglementer l'usage d'un bien ou exproprier serait la même chose.

Il me semble donc que tu dois d'urgence clarifier ta position. Soit tu raisonnes en DP, et alors tu dois accepter 1/ que le droit de propriété ne porte que sur des choses et 2/ que ces ratiocinations qui te déplaisent tant sont pourtant l'état de la science, soit tu raisonnes en DN et alors tu dois accepter qu'on t'oppose des arguments de justice, voire philosophiques.

Et pour le meilleur ou pour le pire, ils sont totalement (ou presque) disjoints.

C'est un point de vue. Mais il y en a d'autres, et qui ne sont pas nécessairement pires. Le positivisme pur et dur me semble quand même être devenu fort rare.

Posté
Là c'est toi qui mêles deux registres. Tout d'abord, en DP il n'y a pas de droit de propriété sur les enfants, donc l'abusus qui s'exerce en leur perçant les oreilles, hein…

J'ai dit "dans la cas où on les considère propriétaires". Ce n'était peut-être pas clair, mais ce que je voulais dire c'était "n imaginant qu'on adopte la modification que propose Posner, il reste une partie d'abusus".

Ensuite, je ne défends pas une conception absolutiste du droit de propriété en DP puisque je sais qu'elle est inexacte; le Code Napoléon limite déjà le droit de propriété. On peut le regretter - et dans la mesure où on sanctionne l'abus de droit, je ne le regrette pas - mais il n'empêche que le DP n'a pas une conception absolutiste de la propriété. C'est un fait.

Et ben on est au moins d'accord sur les faits. C'est déjà pas mal :doigt:

Enfin, le propriétaire d'un monument classé reste propriétaire. A nouveau, tu joues sur deux tableaux. Tu ne peux d'une part te faire le chantre du DP interprêté dans toute sa rigueur et d'autre part affirmer que réglementer l'usage d'un bien ou exproprier serait la même chose.

Alors là, pas d'accord avec ton raisonnement. Le propriétaire d'un monument classé n'a aucun droit à démolir son bien (je ne parle pas d'expropriation ou d'usage, je comprends mal pourquoi tu les évoques ici). Il n'a donc clairement pas l'abusus sur son bien. Pourtant tu dis qu'il est considéré comme propriétaire? Ben alors, on peut être propriétaire sans disposer de l'abusus (en DP). C'est ce que je dis tout du long :icon_up:

Il me semble donc que tu dois d'urgence clarifier ta position. Soit tu raisonnes en DP, et alors tu dois accepter 1/ que le droit de propriété ne porte que sur des choses et 2/ que ces ratiocinations qui te déplaisent tant sont pourtant l'état de la science, soit tu raisonnes en DN et alors tu dois accepter qu'on t'oppose des arguments de justice, voire philosophiques.

Mais, évidemment que j'admets que le droit de propriété ne porte que sur des choses. Mais j'admets tout autant que ça peut changer, et ce que propose Posner, c'est simplement de changer ça. C'est aussi simple qu'une loi. Le DP ne s'opposera pas à ça; il sera modifié par ça. Fondamentalemt, ma thèse, c'est que le DP est toujours infiniment modifiable, et croire qu'il peut s'opposer à sa propre modification est une illusion. Et c'est à mon sens l'erreur de nombreux juristes, croire que le droit n'acceptera pas d'être changé. Malheureusement, il est très flexible, et il accepte tout, suffit d'avoir la force (=le pouvoir législatif).

Pour le reste, je suis bien d'accord avec toutes les critiques jusnaturalistes ou philosophiques. Tout ce que je dis, c'est que c'est directement sur ces plans-là qu'il faut attaquer des évolutions non souhaitables. Parce qu'ultimement, les attaques purement juridiques échoueront.

C'est un point de vue. Mais il y en a d'autres, et qui ne sont pas nécessairement pires. Le positivisme pur et dur me semble quand même être devenu fort rare.

Attention quand même à un truc. Le positiviste pur et dur dit que seul le DP est légitime. Ce n'est pas ce que je dis. Simplement, je dis qu'il ne faut pas se battre contre l'horreur car elle est illégale (elle pourrait être légalisée) mais car elle est illégitime. Et bien distinguer les deux.

Posté
Le droit de propriété est ce que le droit positif dira qu'il est.

En l'espèce, il se trouve que le droit positif (cantonnons-nous à l'exemple français) dit clairement que le droit de propriété se démembre en usus, fructus et abusus.

Si, après, les juges ne sanctionnent pas ces incohérences, je n'y peux rien. Ca contribuera bien à montrer que la "belle" séparation des pouvoirs qu'on essaye de nous vendre n'est qu'un leurre

Donc, je le dis et je le répète: accorder des droits de propriété sur sa progéniture viole ET le droit Positif ET le Droit Naturel.

Il applique les méthodes classiques du droit: A rentre dans la catégorie B, et voici en quoi il déroge aux règles habituelles applicables à B.

Oui, Posner raisonne en positiviste. Pire, il inclut implicitement dans son raisonnement que les pouvoirs publics s'asseyeront allègrement sur les règles adoptées auparavant sans les changer de manière légale ou constitutionelle.

Je trouve que, pour un texte théorique, ça ne fait pas très très sérieux.

Je rappelle que si demain, le législateur a subitement envie de dire que la propriété c'est autres chose, il le peut.

Disons plutôt le "pouvoir constituant".

Hélas, oui, tu as raison.

Demain, d'un point de vue constitutionnel, le pouvoir constituant pourra même décréter qu'il a droit de vie et de mort sur ses citoyens. :icon_up:

Ce n'est pas parce que je veux gagner notre combat que je vais faire abstraction du réel.

Certes, mais encore une fois, il ne faut pas oublier que, même d'un point de vue positiviste, la manière dont nos politiciens ont violé le droit de propriété n'est pas toujours très légale. :doigt:

Je te rappelle que l'abusus ne manque pas dans la théorie de Posner, puisqu'on peut vendre les bébés.

Attention quand même:

"'Further; we are speaking only of sales of newborn infants and do not suggest that parents should have a right to sell older children" (Richard Posner).

Donc, apparemment, l'abusus n'est en vigueur que le temps de la vente des nouveaux-nés. Après, il disparaît (ou alors, je surinterprète très fortement le texte de Posner, ce que je ne pense pas faire…)

Posté
En l'espèce, il se trouve que le droit positif (cantonnons-nous à l'exemple français) dit clairement que le droit de propriété se démembre en usus, fructus et abusus.

Ah bon? Tiens, c'est marrant, en Belgique on en est resté à la vielle version de 544 qui dit encore "La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.". Ce qui exige un effort interprétatif pour distinguer les trois composantes du droit dans leur acception commune, et montre bien qu'il est de la nature du droit de propriété en DP d'être limité par des règles tierces.

Si, après, les juges ne sanctionnent pas ces incohérences, je n'y peux rien. Ca contribuera bien à montrer que la "belle" séparation des pouvoirs qu'on essaye de nous vendre n'est qu'un leurre

Oui

Donc, je le dis et je le répète: accorder des droits de propriété sur sa progéniture viole ET le droit Positif ET le Droit Naturel.

Oui, Posner raisonne en positiviste. Pire, il inclut implicitement dans son raisonnement que les pouvoirs publics s'asseyeront allègrement sur les règles adoptées auparavant sans les changer de manière légale ou constitutionelle.

Let's agree to disagree :icon_up:

Demain, d'un point de vue constitutionnel, le pouvoir constituant pourra même décréter qu'il a droit de vie et de mort sur ses citoyens. :doigt:

My point exactly; le droit positif est une farce quand il s'agit de nous protéger.

Attention quand même:

"'Further; we are speaking only of sales of newborn infants and do not suggest that parents should have a right to sell older children" (Richard Posner).

Donc, apparemment, l'abusus n'est en vigueur que le temps de la vente des nouveaux-nés. Après, il disparaît (ou alors, je surinterprète très fortement le texte de Posner, ce que je ne pense pas faire…)

Ou l'enfant devient propriétaire de lui-même? Je ne sais pas ce qu'en dit Posner, mais quelque chose comme ça doit bien se passer à un moment. Un truc un peu absurde qui heurte la morale, mais pas le DP dès lors que c'est éntériné par la loi.

Invité jabial
Posté
Pas du point de vue du droit positif. C'est dû au Code Pénal qui interdit le meurtre.

Donc, si le code pénal n'interdit plus le meurtre, tu tues tes voisins s'ils mettent le son trop fort?

Si le code pénal demande de dénoncer les juifs à la gestapo, tu le fais?

Le droit positif n'est légitime que tant qu'il respecte les Droits des êtres humains.

Posté
Ah bon? Tiens, c'est marrant, en Belgique on en est resté à la vielle version de 544 qui dit encore "La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.". Ce qui exige un effort interprétatif pour distinguer les trois composantes du droit dans leur acception commune, et montre bien qu'il est de la nature du droit de propriété en DP d'être limité par des règles tierces.

Je crois que c'est exactement ce que j'avais dit en début du fil: effectivement, le droit de propriété connaît et a toujours connu des limites en droit positif.

Mais il faut interpréter l'esprit du texte.

Et je ne suis pas sûr que les rédacteurs du Code Civil et de la DDHC auraient cautionné de telles dérives (c'est-à-dire celles auxquelles on assiste aujourd'hui).

Ou l'enfant devient propriétaire de lui-même?

Gné?

Je ne sais pas ce qu'en dit Posner, mais quelque chose comme ça doit bien se passer à un moment.

Bon, pour ma part, je suis sceptique quant à la notion de propriété sur son propre corps mais il s'agit d'un débat que je ne veux pas ré-enclencher ici.

En tout cas, ça montre bien que parler de "droits de propriété sur les enfants" est absurde car même le "droit de vendre" ici en est réduit à une peau de chagrin.

Posté
Donc, si le code pénal n'interdit plus le meurtre, tu tues tes voisins s'ils mettent le son trop fort?

Si le code pénal demande de dénoncer les juifs à la gestapo, tu le fais?

Le droit positif n'est légitime que tant qu'il respecte les Droits des êtres humains.

Personne n'a contesté ce point. Ce n'est pas de quoi on parle !

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