F. mas Posted April 3, 2010 Report Posted April 3, 2010 J'ai terminé il y a quelques jours un ouvrage collectif sur la pensée libérale (c'est plutôt un ouvrage d'histoire des idées politiques plus que de philosophie), que j'ai prévu de chroniquer pour "Contrepoints". J'aimerais vous soumettre quelques réflexions à ce sujet. L'ensemble est assez inégal, et parmi les points négatifs, je relève la dernière contribution, qui entend critiquer le "néolibéralisme" du point de vue social-démocrate. Le terme "néolibéral" y est synonyme d'ultra-libéralisme, de retour au libéralisme d'avant le welfarism l'utilitariste millien, avec une forte dimension antirationaliste humien. Il me semble que le propos est débile parce que confus, puisqu'il mélange allègrement différentes propositions propres à plusieurs sensibilités libérales dans le but de les dénoncer (il fait de l'"irrationalisme" de Hayek l'inspiration principale du néolibéralisme, tout en soutenant quelques pages plus loin qu'il fut un apôtre du laissez faire et du modèle néoclassique de concurrence pure et parfaite, ce qui est aussi parfaitement faux). Il s'agit d'un très classique strawman argument. Seulement, je ne pense pas que le terme "néolibéral" soit totalement dépourvu de sens. Je pense même qu'on peut en avoir un usage correct, mais qu'il n'est pas synonyme de libéralisme classique, d'"ultra-libéralisme" ou de libertarianisme. Dans tous les textes qui traitent de la question, je crois pouvoir déceler un accord minimal qui me semble être le bon point de départ pour en donner une interprétation plausible : tous les auteurs qui utilisent le terme (de manière négative) le ramène à l'expérience politique des gouvernements Thatcher et Reagan. Le néolibéralisme est le fondement théorique de ces politiques gouvernementales (l'ensemble des règles qui ont guidé son action, et la synthèse théorique qui résume son activité de gouvernement). Cette idée peut expliquer en partie les usages confus du terme : le travail de définition est subordonné à un travail d'interprétation global des politiques de Reagan et Thatcher, ce qui n'est pas chose facile. Comment les deux gouvernements ont réinterprété et intégré les différentes exigences du libéralisme ? Il faut reconnaître que le travail le plus subtil que j'ai rencontré sur le sujet et celui de deux marxistes, P Dardot et C Laval (La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale) qui a le mérite d'opérer une division essentielle entre le discours néolibéral et sa pratique réelle (chose que ne font pas la plupart des gauchistes dans leur dénonciation, ni d'ailleurs les néolibéraux dans leur démarche). Si le discours a emprunté au lexique classique du libéralisme en en appelant à moins d'Etat et à la dérégulation du marché, sa pratique n'a pas remis en cause l'existence d'un Etat fortement interventionniste et autoritaire (même si cet autoritarisme s'est présenté pour faire passer des réformes jugées nécessaires pour fluidifier le marché). C'est là pour moi le point essentiel : le néolibéralisme est une forme de rationalité économique qui ne vise pas spécialement à réduire la taille de l'Etat au profit du marché libre, mais à l'internaliser (ou plutôt à le redécrire sous l'angle exclusif de l'efficacité économique) : le marché (les acteurs individuels et les entreprises commerciales) devient le modèle de gestion de l'Etat, qui cherche alors à réorganiser ses services comme s'il était un prestataire de services ordinaire (ce qu'il n'est pas). Il y a là une opération de légitimation qui me semble tout aussi insoutenable que celle du libéralisme classique (au sens lockien, qui fait du parlement le lieu exclusif de la production du droit) ou du social libéralisme. Les gouvernements R et T ont sélectionné parmi les auteurs, les thèmes et les théories celles qui étaient compatibles avec l'exercice du pouvoir (éliminant du même coup les versions libertariennes les plus antiétatistes) : il s'agissait autant d'un exercice de critique du modèle socioéconomique en place que de justification du sien propre. Parmi les auteurs les plus susceptibles de justifier l'intervention de l'Etat tout en empruntant au lexique du libéralisme, ils ont été pas mal aidé par deux écoles, celle du public choice, et celle issue de la théorisation de l'entreprise comme économie des couts de transactions. Je n'invente rien : J Buchanan, R Coase, G Tullock ont tous, comme M Friedman ou FA Hayek fait preuve du même activisme dans les think tanks (notamment l'IEA et l'Adam Smith institute) pour peser sur les décisions publiques, avec un réel succès. Buchanan notamment a introduit par l'intermédiaire de la théorie des jeux la nécessité de l'Etat comme autorité externe au marché garantissant son efficience. Il prend dans un de ses derniers livres (rapporté par A de jasay) l'exemple humien entre deux fermiers qui cherchent à creuser une digue. Chacun a intérêt à ce que la digue soit creusé, ce qui fait que rationnellement, les deux peuvent prévoir que l'autre creusera, et en foutre le moins possible (chacun anticipe le travail fournit par l'autre, et à l'aune de cette anticipation, décide de ne pas creuser) : résultat la coopération ne se fait pas, elle est sous optimale. L'institution de l'Etat est justifiée comme l'agent extérieur qui va forcer la coopération entre les deux individus pour leur bien mutuel, c'est à dire par souci d'efficacité économique (il s'agit du come back de la théorie du contrat débouchant sur la création de l'Etat). Buchanan et ses disciples ne s'arrêtent pas là, et vont également faire de la politique un marché comme un autre, avec ses biens, ses services, et l'idée qu'il est une sorte d'agence capitalisant informations, ressources humaines et matérielles plus efficaces que les agents sur le marché pris individuellement. Là, c'est du côté de Ronald Coase qu'il faut à mon avis chercher : pour réduire les couts de transaction occasionnés par la recherche d'infos sur le marché, les individus créés des organisations (des entreprises), et ne restent pratiquement jamais comme des atomes isolés contractant les uns avec les autres. L'adoption de cette rationalité néolibérale est à mon avis désastreuse et contreproductive, autant du point de vue libéral que libertarien. Du point de vue libéral classique, qui cherche à encadrer le pouvoir par le droit, la préférence donnée à l'efficacité économique est un non sens : l'idée même de droit est de poser une médiation entre les désirs des individus et leur réplétions : on oblige les gens à adopter des procédures ou d'agir par l'intermédiaire de la loi par prudence, pour laisser le temps de la délibération ou éviter les interférences du pouvoir (la division du pouvoir par le droit est par définition inefficace). Adopter la démarche contraire équivaut à augmenter le pouvoir discrétionnaire des politiques, comme celui de l'administration : ce sont en effet les deux outils les moins couteux en temps au sein de l'appareil d'Etat pour réaliser un objectif circonscrit et déterminé (Hayek soulève le problème à juste titre dans DLL). je note au passage que l'efficacité économique n'est pas synonyme de libéralisation du marché : T Blair ou G Schroeder ont adopté la même mentalité néolibérale, en l'appliquant à l'Etat providence (en sectorialisant par exemple les populations nécessitant l'aide publique). Du point de vue libertarien, le néolibéralisme équivaut à justifier l'intervention de l'Etat, tout en réinvestissant son vocabulaire anti-étatique (ce qui n'est pas sans le mettre mal à l'aise). La naissance de l'Etat par un contrat remédiant à une situation antérieure moins enviable reste une position discutable, parce que totalement invérifiable et logiquement fumeuse (quel état de nature ? si les individus ne sont pas capables de se mettre d'accord entre eux en état de nature, pourquoi se mettraient ils d'accord pour instituer l'Etat ?). Ce que le néolibéralisme retrouve dans la théorie de l'entreprise, c'est l'idée qu'on retrouve sur le marché un minimum d'organisation bureaucratique pour répondre à l'impératif d'efficience. D'où la mode du New Public management, de l'idéologie de la gouvernance et autres joyeusetés (que j'ai découvert à titre personnel en lisant la LOLF) qui tout en se présentant comme empruntés au libéralisme, renoue assez souvent avec les pathologies des organismes bureaucratiques les plus socialisants (incompétence de l'encadrement, irrationalité des décisions, compétitions internes qui pèsent sur la productivité externe, etc). L'erreur néolibérale me semble être de croire que l'Etat peut être gérer comme un prestataire de service comme tous les autres, alors que son capital est public, que ses fonctions principales (coercition et expropriation) sont exhorbitantes du droit, et surtout, que l'efficience des entreprises se juge en situation de concurrence : l'évaluation des coûts et des bénéfices de l'organisation hiérarchique ne s'évalue que vis à vis de concurrents directs distribuant le même type de produit sur le même marché. Or, par définition, l'Etat sur son territoire est un monopole : il est le seul état providence, le seul fournisseur de sécurité. Il n'y a aucun point de comparaison pour juger de son degré d'efficacité. Cela tend à réduire ce discours à une idéologie autoréférentielle (il faut être plus efficace pour être plus efficace). je reviendrai sur cette question qui me turlupine, mais là, je n'ai plus le temps.
xara Posted April 9, 2010 Report Posted April 9, 2010 C'est quand même dingue. Un type qui fait un bouquin sur le sujet doit être un chercheur, il doit connaitre un minimum les écrits d'Hayek en économie. Il ne devrait donc pas pouvoir dire que c'était le chantre du modèle de concurrence pure et parfaite. Je veux dire, bien sûr on ne peut pas être expert en tout, mais si on fait un livre sur un sujet, il faut le connaitre. Manifestement, l'auteur est d'une grande légèreté, ce n'est pas sérieux. Sinon, sur l'usage du terme "néo-libéralisme", je n'en avais pas vu d'autre que ceux dénonciateurs et généralement non argumentés de militants anti-libéraux et ne voyais donc aucune définition substantielle jusqu'à ce que je tombe sur cet article de Frank van Dun, qui si je me souviens bien va grosso modo dans ton sens et me semblait très sensé et important.
F. mas Posted April 9, 2010 Author Report Posted April 9, 2010 Merci pour la référence, je la lirai. Le problème avec les chercheurs, c'est que certains sont de mauvais prosélytes, essentiellement guidés par des intérêts particuliers liés à la côterie et aux postes qu'ils occupent. Le type qui a écrit l'article dans l'ouvrage cité l'a visiblement fait dans le cadre d'un postdoc d'un an (j'interprète ses remerciements) dans un labo dirigé par Lukas Sosoé, qui est un pote de mon ancien directeur de thèse. Comme lui, c'est un socdem militant, voire totalement partisan (c'est aussi un proche de toute la clique rassemblée autour de Canto Sperber, S Audier et C Audard : leur ambition est très claire, réduire l'ensemble du libéralisme à la social démocratie d'inspiration rawlsienne). Un an de recherches sur le néolibéralisme dans un centre dirigé par un antilibéral militant, ça n'augure rien de bon, car ce n'est pas bien long, et surtout parce que ce n'est pas dans ce genre de structures qu'on trouvera la liberté intellectuelle la plus totale.
pierreyves Posted April 9, 2010 Report Posted April 9, 2010 L'adoption de cette rationalité néolibérale est à mon avis désastreuse et contreproductive, autant du point de vue libéral que libertarien. Du point de vue libéral classique, qui cherche à encadrer le pouvoir par le droit, la préférence donnée à l'efficacité économique est un non sens : l'idée même de droit est de poser une médiation entre les désirs des individus et leur réplétions : on oblige les gens à adopter des procédures ou d'agir par l'intermédiaire de la loi par prudence, pour laisser le temps de la délibération ou éviter les interférences du pouvoir (la division du pouvoir par le droit est par définition inefficace). Adopter la démarche contraire équivaut à augmenter le pouvoir discrétionnaire des politiques, comme celui de l'administration : ce sont en effet les deux outils les moins couteux en temps au sein de l'appareil d'Etat pour réaliser un objectif circonscrit et déterminé (Hayek soulève le problème à juste titre dans DLL). je note au passage que l'efficacité économique n'est pas synonyme de libéralisation du marché : T Blair ou G Schroeder ont adopté la même mentalité néolibérale, en l'appliquant à l'Etat providence (en sectorialisant par exemple les populations nécessitant l'aide publique). […] L'erreur néolibérale me semble être de croire que l'Etat peut être gérer comme un prestataire de service comme tous les autres, alors que son capital est public, que ses fonctions principales (coercition et expropriation) sont exhorbitantes du droit, et surtout, que l'efficience des entreprises se juge en situation de concurrence : l'évaluation des coûts et des bénéfices de l'organisation hiérarchique ne s'évalue que vis à vis de concurrents directs distribuant le même type de produit sur le même marché. Or, par définition, l'Etat sur son territoire est un monopole : il est le seul état providence, le seul fournisseur de sécurité. Il n'y a aucun point de comparaison pour juger de son degré d'efficacité. Cela tend à réduire ce discours à une idéologie autoréférentielle (il faut être plus efficace pour être plus efficace). Ce travers pose des problèmes au moins aussi grands dans les études Law & Economics (Coase, Becker).
ernest Posted April 9, 2010 Report Posted April 9, 2010 Buchanan notamment a introduit par l'intermédiaire de la théorie des jeux la nécessité de l'Etat comme autorité externe au marché garantissant son efficience. Il prend dans un de ses derniers livres (rapporté par A de jasay) l'exemple humien entre deux fermiers qui cherchent à creuser une digue. Chacun a intérêt à ce que la digue soit creusé, ce qui fait que rationnellement, les deux peuvent prévoir que l'autre creusera, et en foutre le moins possible (chacun anticipe le travail fournit par l'autre, et à l'aune de cette anticipation, décide de ne pas creuser) : résultat la coopération ne se fait pas, elle est sous optimale. L'institution de l'Etat est justifiée comme l'agent extérieur qui va forcer la coopération entre les deux individus pour leur bien mutuel, c'est à dire par souci d'efficacité économique (il s'agit du come back de la théorie du contrat débouchant sur la création de l'Etat). Est-ce que ce que tu décris comme étant la position de Buchanan, ce n'est pas plutôt la théorie du bien être (welfare economics) de Pigou, puis de Samuelson ? Je croyais que c'était Pigou qui avait inauguré l'idée de l'Etat devant intervenir pour faire face aux défaillances d'une part des biens publics et d'autre part, des externalités négatives. Bref, je ne vois pas trop la référence à Buchanan, qui est surtout reconnu pour sa microéconomie du marché politique comme tu le soulignes, est-ce que tu aurais la référence dont parle A. de Jasay ?
Régis S. Posted April 9, 2010 Report Posted April 9, 2010 Est-ce que ce que tu décris comme étant la position de Buchanan, ce n'est pas plutôt la théorie du bien être (welfare economics) de Pigou, puis de Samuelson ? Je croyais que c'était Pigou qui avait inauguré l'idée de l'Etat devant intervenir pour faire face aux défaillances d'une part des biens publics et d'autre part, des externalités négatives. Bref, je ne vois pas trop la référence à Buchanan, qui est surtout reconnu pour sa microéconomie du marché politique comme tu le soulignes, est-ce que tu aurais la référence dont parle A. de Jasay ? N'ayant pas lu de Jasay je ne sais pas de quelle référence il parle, mais il est probable qu'il s'agisse de The Limits of Liberty de Buchanan. Car Buchanan soutient effectivement cette idée dans ce livre, comme son titre l'indique, que l'État doit intervenir pour faire face aux défaillances des relations spontanées – les relations spontanées ont leur limites (Buchanan est un des premiers critiques de Hayek sur ce point, dès la fin des années soixante-dix). Sauf que Buchanan ne parle pas des biens publics que tu sembles avoir en tête, tels que l'éducation ou les infrastructures par exemple – contrairement aux économistes comme Samuelson ou Pigou (un État produisant de tels biens serait qualifié par Buchanan d'État producteur). Dans le contexte où en parle F. mas – et il me dira si je le mésinterprète – le bien public discuté par Buchanan, c'est la loi, par exemple la propriété privée, qu'il qualifie de bien public, donc nécessitant l'intervention de l'État comme garanti (Buchanan parle d'État protecteur). Tout ceci sous réserve d'inventaire, F. mas me corrigera ou complètera.
xara Posted April 10, 2010 Report Posted April 10, 2010 Est-ce que ce que tu décris comme étant la position de Buchanan, ce n'est pas plutôt la théorie du bien être (welfare economics) de Pigou, puis de Samuelson ? Je croyais que c'était Pigou qui avait inauguré l'idée de l'Etat devant intervenir pour faire face aux défaillances d'une part des biens publics et d'autre part, des externalités négatives. Bref, je ne vois pas trop la référence à Buchanan, qui est surtout reconnu pour sa microéconomie du marché politique comme tu le soulignes, est-ce que tu aurais la référence dont parle A. de Jasay ? Il est clair que ce point de vue est celui de l'économie du bien-être mainstream et existait bien avant que Buchanan ne mette son nez dedans. Maintenant, je ne sais pas si c'est Pigou ou quelqu'un d'autre qui a théorisé ça en premier.
ernest Posted April 10, 2010 Report Posted April 10, 2010 Sauf que Buchanan ne parle pas des biens publics que tu sembles avoir en tête, tels que l'éducation ou les infrastructures par exemple – contrairement aux économistes comme Samuelson ou Pigou (un État produisant de tels biens serait qualifié par Buchanan d'État producteur). Dans le contexte où en parle F. mas – et il me dira si je le mésinterprète – le bien public discuté par Buchanan, c'est la loi, par exemple la propriété privée, qu'il qualifie de bien public, donc nécessitant l'intervention de l'État comme garanti (Buchanan parle d'État protecteur). En économie, on parle de biens publics lorsque le bien en question n'est pas exclusif à un utilisateur. Du style, une rivière dans laquelle plusieurs entreprises déversent leurs déchets est un bien publics, cf Coase. (il y aussi le fameux exemple du phare etc.) Personne n'a donc un intérêt direct à le financer car le reste du groupe le financera pour lui. Bref, le bien public est intimement lié au free-rider, donc à la théorie des jeux comme l'a signalé F Mas. Et je sais que de Jasay a beaucoup écrit la dessus, mais je ne l'ai jamais vu citer Buchanan. De fait, l'éducation n'est pas vraiment un "bien public" au sens économique du terme. Ce serait plutôt un monopole sous protection étatique.
Régis S. Posted April 10, 2010 Report Posted April 10, 2010 En économie, on parle de biens publics lorsque le bien en question n'est pas exclusif à un utilisateur. Du style, une rivière dans laquelle plusieurs entreprises déversent leurs déchets est un bien publics, cf Coase. (il y aussi le fameux exemple du phare etc.) Personne n'a donc un intérêt direct à le financer car le reste du groupe le financera pour lui. Bref, le bien public est intimement lié au free-rider, donc à la théorie des jeux comme l'a signalé F Mas. Et je sais que de Jasay a beaucoup écrit la dessus, mais je ne l'ai jamais vu citer Buchanan.De fait, l'éducation n'est pas vraiment un "bien public" au sens économique du terme. Ce serait plutôt un monopole sous protection étatique. Effectivement Ernest, mon exemple de l'éducation était erroné, je pensais à tort qu'il était considéré comme bien public par Samuelson. Sinon, dans The Limits of Liberty, Buchanan applique justement l'exemple du phare que tu cites, aux lois. Dans un état de nature hobbesien, personne n'a intérêt à respecter la propriété privée des autres parce qu'il anticipe que les autres ne la respecteront pas. C'est donc effectivement le problème de free-rider, que Buchanan applique donc à la loi. En France, Alain Marciano est un des rares à ma connaissance qui ait écrit sur ce thème chez Buchanan.
F. mas Posted April 11, 2010 Author Report Posted April 11, 2010 je voudrais apporter une précision : je pense qu'il s'agit d'un usage (par les politiques) des théories de l'agence et de l'entreprise, et non la position de Buchanan (ni celle de Coase), qui a mon avis n'est pas prêt à souscrire à la totalité des politiques publiques d'inspiration néolibérales (je pense que le néolibéralisme est d'abord une synthèse historique, pas théorique). De mémoire, je me souviens même que Buchanan espère la réforme de l'Etat pour l'obliger à ne prendre que des règles générales (donc le contraire des injonctions administratives), à l'inverse de ce que l'état managérial tend à faire ( le bouquin que commente de Jasay est the reason to rule : constitutional political economy dans justice and its surroundings : les deux auteurs sont amis et s'estiment bcp l'un l'autre). C'est aussi pour cette raison qu'il faut à mon avis parler de synthèse perverse entre plusieurs théories libérales sans autre justification que son efficacité (la possibilité pour les gouvernants d'en faire usage). Je pense que si le néolibéralisme est une synthèse qui vise à maximiser l'efficacité de l'Etat, il est aussi possible d'y intégrer des types comme le social démocrate Tony Giddens, qui a pas mal inspiré le New Labour de Tony Blair (la fameuse troisième voie). L'exemple des deux types qui construisent une digue est emprunté à Hume, et se trouve dans le livre de Buchanan (dixit de Jasay) : il vise à justifier le contrat originel qui va instituer l'Etat (et rendre le marché libre possible par la suite). Ernest : Buchanan suit Hobbes, et fait de l'Etat l'organisme qui va instituer la propriété et le marché. Il est possible qu'il ait repris ça à Pigou et à d'autres, mais j'avoue ne pas bien connaître Pigou et consorts.
ernest Posted April 13, 2010 Report Posted April 13, 2010 Ernest : Buchanan suit Hobbes, et fait de l'Etat l'organisme qui va instituer la propriété et le marché. Il est possible qu'il ait repris ça à Pigou et à d'autres, mais j'avoue ne pas bien connaître Pigou et consorts. Si chez Buchanan l'Etat institue la propriété et le marché, alors c'est autre chose. Pigou dénonce les problèmes de marché (en gros : monopoles naturels, biens publics et externalités), et pense que l'Etat est là pour nous sauver. Mais il ne se place jamais d'un point de vue philosophique sur la notion d'Etat et de propriété. D'après ce que tu dis, en philosophie, Buchanan s'inscrit dans la lignée de Hobbes, l'état de nature etc. et fait une généalogie des institutions. C'est donc absolument différent du travail de Pigou et Samuelson. Buchanan fait un travail généalogique tandis Pigou initie l'économie du droit (qu'on fait naître par erreur avec Coase qui répond aux problèmes de Pigou/Samuelson, corrigez moi si je me trompe ). Je t'avais mal compris, mais je note dans un coin que je devrais parcourir The limits of liberty à l'occasion.
G7H+ Posted April 14, 2010 Report Posted April 14, 2010 (quel état de nature ? si les individus ne sont pas capables de se mettre d'accord entre eux en état de nature, pourquoi se mettraient ils d'accord pour instituer l'Etat ?). Excellent. J'aime les arguments qui écrasent une idée fausse en un minimum de mots.
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