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pilgrim

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Est-ce que Bastiat a écrit sur les crises économiques de son temps ? Je parle d'ouvrages d'histoire économique.

C'est pour un exposé sur les crises au XIX, j'ai parlé de la théorie des cycles, de la théorie marxiste, de celle de schumpeter, aftalion … Mais je ne trouve pas d'écrits libéraux sur le sujet.

Merci

Posté
  pilgrim a dit :
Est-ce que Bastiat a écrit sur les crises économiques de son temps ? Je parle d'ouvrages d'histoire économique.

C'est pour un exposé sur les crises au XIX, j'ai parlé de la théorie des cycles, de la théorie marxiste, de celle de schumpeter, aftalion … Mais je ne trouve pas d'écrits libéraux sur le sujet.

Merci

Clément Juglar

Posté

- Ne cherches pas à lire Juglar dans le texte, c'est pas marrant car c'est principalement un recueil des taux d'escompte en France et Angleterre,

- Pour une description des crises :

Marion M., Ce qu’il faut connaître des crises financières de notre histroire, Paris, Boivin, 1926

- Il apparaît que, contrairement aux idées reçues, les crises du XIXème sont beaucoup moins violentes qu'au XXème siècle. Ainsi, les marchés d'actions ne baissent que modestement lors des crises du XIXème :

http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1328305

- Enfin pour une approche plus théorique:

Nouveau dictionnaire d'économie politique. 1. A-H / publ. sous la dir. de M. Léon Say et de M. Joseph Chailley, Guillaumin (Paris), 1900

p. 639 et suivantes:

CRISES AGRICOLES.

1. Caractères particuliers des crises agricoles.

2. Effets des crises agricoles.

Bibliographie.

1. Caractères particuliers des crises agricoles.

Dans l'industrie agricole, les crises sont

souvent dues à des causes tout autres que

celles qui provoquent les crises industrielles

ou financières. Ces causes sont d'ailleurs

multiples et très diverses. On peut cepen-

dant les classer en trois groupes nettement

distincts

1° L'irrégularité des récoltes qui se traduit

dans les prix des produits et dans les reve-

nus agricoles, par des variations annuelles

d'assez faible importance par suite de la

concurrence universelle. Ce n'est en effet

que très exceptionnellement que les récoltes

d'une même denrée viennent à manquer sur

tous les points de production à la fois; il se

produit ordinairement sur le globe un équi-

libre approximatif, annuel, entre la produc-

tion et la consommation, qui laisse peu d'am-

plitude aux variations annuelles des prix.

Cette cause ne provoque pas en réalité une

véritable crise.

2° Les épidémies, qui atteignent la produc-

tion dans une proportion considérable. La

nature physique de la cause de ces crises les

rattache à la première catégorie par leur

origine; mais elles s'en distinguent par leurs

effets toujours prolongés pendant plusieurs

années, et par leur gravité exceptionnelle.

Les remèdes qu'elles comportent sont d'ordre

purement scientifique. Leur caractère initial

est toujours une maladie qui frappe les

plantes ou les animaux. L'histoire agricole

de ce siècle en compte de nombreux exem-

ples la maladie de la pomme de terre,

l'oïdium de la vigne, la peste bovine. La plus

grave de toutes celles que l'on ait eues à rele-

ver jusqu'ici est encore la crise phylloxéri-

que, qui a eu un pénible retentissement dans

toutes les régions viticoles de l'univers et

qui a pris en France plus particulièrement

les caractères d'un désastre. C'est aussi cette

crise qui a marqué une étape importante,

dans l'évolution scientifique de notre agricul-

ture méridionale (V. VITICULTURE).

3° Les causes économiques et sociales qui

peuvent influencer les autres industries. Les

crises agricoles qu'elles entraînent conser-

vent néanmoins presque toujours des carac-

tères qui les différencient des crises del'indus-

trie manufacturière ou minière. S'il se produit

une insuffisance notable de production, on

ne peut la combler à bref délai en faisant

appel à la production d'autres régions lors-

que survint la crise cotonnière de 1864,

amenée par la guerre d'Amérique, il se pro-

duisit sur les marchés européens une hausse

exagérée dans le prix du coton qui ne prit

fin qu'après la guerre, malgré l'introduction

de la culture du coton en Egypte, en Algérie

et ailleurs. Il faut en effet plusieurs années

pour acclimater une culture dans une ré-

gion et surtout pour donner à une culture

nouvelle une extension quelque peu consi-

dérable. Inversement, si un débouché impor-

tant vient à manquer, la production agricole

trouve difficilement à y substituer d'autres

marchés équivalents. A la suite de la dénon-

ciation du traité de commerce avec la France,

en 1888, l'Italie s'est trouvée avoir un excé-

dent de récolte en vin qu'elle n'a pu vendre,

ce qui a produit dans les transactions et sur le

marché des capitaux une crise dont les effets

ont été très sensibles.

A cette troisième série de causes se ratta-

chent les crises des fermages, les crises de la

propriété foncière, etc.; crises spéciales qui

méritent d'être suivies et étudiées avec la plus

grande minutie, car elles sont très généra-

lement l'indice d'une évolution dans l'éco-

nomie rurale du pays. Elles se produisent

surtout aux époques d'incertitude ou dans les

périodes de transition et de transformation

des systèmes de culture (voy. ce mot).

La hausse et la baisse des prix de vente

se produisant en conséquence des variations

de la production ou de la consommation, sont

soumises aux influences générales que l'éco-

nomie politique a déterminées en étudiant

le fonctionnement de la loi universelle de

l'offre et de la demande il n'y a donc pas

lieu de s'en préoccuper spécialement ici

(V. OFFRE 'et DEMANDE, PRIX, PRODUITS).

2. Effets des crises agricoles.

Le premier et le plus important des effets

particuliers des crises agricoles est la rapi-

dité de leur répercussion dans les transac-

Vue 663 sur 1170

1. 41

CRISES AGRICOLES 641 CRISES COMMERCIALES

le la campagne et dans la vie des popu- CRISES COMMERCIALES.

tions de la campagne et dans la vie des popu-

lations rurales. Dès que la gêne apparaît,

l'agriculteur restreint ses dépenses tout

souffre autour de lui, car il s'attache tout

de suite à équilibrer ses consommations

avec ses ressources; les salaires baissent en

même temps avec la plus grande rapidité.

Dans les autres industries ces mêmes effets

se produisent aussi, mais avec plus de len-

teur, en marquant les transitions; et souvent

la répercussion est loin de se faire complè-

tement sentir. Cela tient à ce que la vie

rurale équilibre généralement très étroi-

tement ses dépenses et ses recettes. Le

paysan place volontiers ses économies en

achetant des terres ou en améliorant son

fonds; il a peu de valeurs mobilières à perdre

et les crises l'atteignent presque uniquement

dans son régime domestique. Lapetite culture,

quoique très frappée par les crises, les sup-

porte cependant avec plus de souplesse que la

grande, lorsqu'elles ne prennent pas un de-

gré de gravité excessif; car elle produit elle-

même la plus grande part des produits de

consommation qui sont nécessaires à l'entre-

tien de la famille, et l'échange qui se traduit

par la circulation des capitaux mobiliers, ne

représente pour elle qu'une petite part de

son activité. Si le petit propriétaire vend

peu, il a également peu à acheter.

Les crises agricoles sont, il faut le recon-

naître, un puissant stimulant de progrès.

Dans la plupart des cas, après que la crise

est liquidée, on peut constater dans l'agri-

culture de la région atteinte une grande

avance par rapport à sa situation antérieure;

ce n'est que très exceptionnellement que

cette amélioration ne se produit pas. Il n'est

pas besoin d'insister sur ce fait, tant il est

évident. La recherche des remèdes à une

crise qui vient d'éclater conduit presque tou-

jours à adopter les procédés économiques ou

scientifiques les plus propres à en prévenir

le retour. On ne peut nier, par exemple, que

.la situation du vignoble français ne soit

aujourd'hui bien supérieure à ce qu'elle

4tait avant la terrible crise phylloxérique

qu'elle vient de traverser. Quant aux consé-

quences générales, elles sont, dans l'industrie

agricole, absolument analogues à ce qu'elles

sont dans les autres industries. Nous n'avons

pas à entrer ici dans des développements

particuliers. FRANÇOIS BERNARD.

Bibliographie.

EUGÈNE RISLER, Rapport au ministre de l'agriculture sur

la situation de l'agriculture du départemènt de l'Aisne en

1884. Bulletin du ministère, 1884. Du même, La crise

agricole en France et en Angleterre, Revue des Deux

Mondes, t. I, 1885. Congrès international d'agriculture à

Paris en 1889. Rapports de la première section La crise

agricole, 1889.

CRISES COMMERCIALES.

SOMMAIRE

1. Esquisse d'une crise trois périodes.

2. Définition d'une crise; causes des crises,

3. Mécanisme des crises.

4. Rapport des crises avec la richesse des pays.

5. Influence des crises sur l'état économique

des sociétés comment la constater et la

mesurer.

Bibliographie.

Il y a bien des sortes de crises. Vouloir ici

les traiter toutes demanderait plus d'un vo-

lume nous nous bornerons à étudier celles

qui regardent les choses économiques; et en-

core ne pourrons-nous nous occuper des

crises agricoles et des crises financières, du

moins des crises de cette dernière catégorie

qui, tout en retentissant sur les affaires, ne

touchent qu'aux opérations du Trésor pour

des liquidations partielles ou de grands em-

prunts.

Nous étudierons surtout les crises com-

merciales, qui toutes se compliquent et sont

accompagnées d'embarras monétaires, les-

quels leur donnent leur principal caractère,

sans que l'on puisse les appeler crises finan-

cières.

Toutes les crises troublent sans doute tout

le mouvement des affaires et par suite le

mouvement des échanges, mais aucune ne

le suspend comme les crises commerciales.

L'arrêt est brusque, paraît éclater comme

un coup de tonnerre par suite d'un accident

imprévu, toujours nouveau dans chaque

crise, et qu'une observation superficielle

prend pour la cause de tout le mal, tandis

que cet accident ne fait que précipiter le dé-

noûment.

1. Esquisse d'une crise trois périodes.

La crise commerciale, comme dans les ma-

ladies, est un moment .critique à passer. Il

s'agit de savoir, dès que les embarras se pré-

sentent, si l'on résistera ou si l'on succom-

bera. La crise, c'est la pierre de touche qui

permet de reconnaltre la solidité des maisons

de commerce, l'importance de leurs engage-

ments et des ressources qu'elles possèdent,

capital ou crédit, pour y faire face. Il s'opère

grâce à elle sur le marché comme un tri; les

maisons dont l'équilibre a été rompu suc-

combent; les autres résistent. C'est ainsi que

les crises signalent les comptoirs douteux et

ceux auxquels on peut se fier. Emporté qu'on

était sur les ailes du crédit on reprend pied,

quoique à côté des établissements qui flot-

tent un grand nombre soient engloutis.

La crise n'a donc qu'une durée très courte,

si nous ne considérons que son explosion,

c'est-à-dire l'état aigu, le moment où toutcré.

Vue 664 sur 1170

dit ayant disparu, le mouvement des échanges

suspendu, toutes les affaires sont arrêtées et

de grandes maisons s.'écroulent, Mais toutes

ne croulent pas le même jour il y en a qui,

seulement blessées, avec de grands efforts

parviennent encore à se tenir debout et suc-

comberont plus tard. Nous entrons alors dans

la période de liquidation, période longue et pé-

nible, où, par suite de la baisse des prix de

tous les produits et de toutes les propriétés

meubles et immeubles, rien ne marche plus.

Cette baisse des prix ne permettant plus que

des échanges très limités et forcés, on produit

et on vend uniquement pour ne pas laisser

un matériel immobile, puisqu'à côté de quel-

ques faibles bénéfices, le plus souvent il y a

perte. C'est un état de langueur qui déses-

père et que l'on décore encore du nom de

crise; mais ce n'est plus la crise, c'est la liqui-

dation de la crise qui, selon l'importance des

affaires, la situation des marchés, dure de

deux à trois et même quatre années.

Voilà donc deux périodes bien marquées

l'explosion de la crise, période très courte

liquidation de la crise, période plus lon-

gue mais il y a une troisième période à

envisager, c'est celle qui a précédé. Quels

sont ses caractères? Ce sont ceux d'une

grande activité d'affaires et par suite d'une

grande prospérité. Le capital au début est

abondant etàbas prix; le crédit facile permet

d'engager des affaires qui se liquident avec

la plus grande aisance, par suite de la tenue

et de la hausse des prix qui activent encore

la rapidité des échanges. Ces échanges faits

avec bénéfices mettent un nouveau capital

à la disposition des industriels et des hommes

d'affaires, ce qui augmente encore le volume

et la rapidité de leurs opérations. Tout mar-

che ainsi pendant un certain nombre d'an-

nées, que l'expérience révèle être de sept à

dix années environ. Mais si les prix montent

toujours ou se maintiennent dans les hauts

cours, à la fin la situation du marché n'est

plus la même qu'au début. Le capital immo-

bilisé est devenu plus rare de 2 p. 100, le

taux de l'escompte s'est relevé à 3, 4 et même

5 p. 100; les prix des reports sont des plus

tendus on sent qu'il y a beaucoup d'ache-

teurs qui voudraient se défaire d'une partie

de leurs achats, mais qui ne peuvent pas trou-

ver de nouveaux preneurs aux cours actuels.

Les produits ne circulent plus et restent en

magasin ou en entrepôt, dans les mêmes mains

qui les gardent, après les avoir payés au prix

de reports ou, si ce sont des immeubles, d'ex-

pédients ruineux, espérant que le mouvement

de hausse qui a toujours été favorable jus-

qu'ici ne les abandonnera pas. C'est alors

que la situation devient critique; la crise va

CRISES COMMERCIALES 642 CRISES COMMERCIALES

it disparu, le mouvement des échanges éclater, c'est une question de mois et il suffit

du. toutes les affaires sont arrêtées et qu'une grande compagnie ou qu'une grande

éclater, c'est une question de mois et il suffit

qu'une grande compagnie ou qu'une grande

institution du crédit succombe pour que

toutes les affaires, s'appuyant sur une base

aussi fragile, s'écroulent.

Voilà la crise, voilà son explosion, l'arrêt

de toutes les affaires avec l'arrêt de la hausse

des prix. Et cela, non pas seulement sur un

marché, mais sur tous les marchés du monde

qui opèrent à l'aide du crédit il y a donc

solidarité entre eux.

En effet, si nous remontons seulement jus-

qu'au début du siècle (et nous pourrions re-

monter beaucoup plus haut, en Angleterre),

nous constatons que dans les trois pays du

monde les plus grands par leur activité in-

dustrielle et commerciale, on observe l'explo-

sion de ces crises au même moment, ainsi

que les périodes qui les précèdent et qui les

suivent. Nous rencontrons donc bien ici l'en-

semble des circonstances qui accompagnent

les;crises commerciales, ce qui indique la so-

lidarité des marchés et de plus la répétition

des mêmes accidents dans les mêmes condi-

tions, ce qui nous montre leur périodicité. Un

coup d'œil sur le tableau ci-joint suffira pour

le prouver. Crises

s le prouver. Crises

FRANCE. ANGLETERRE. ETATS-UNIS.

En 1804 En 1803 »

1810 1810 »

1813-1814 1815 Eni8i4

1818 1818 1818

1825 1825 1826

1830 1830 »

1836-1839 1836-1839 1837-1839

1847 1847 1848

1857 1857 1857

1864 1864-1866 Guerre de la sécession.

» 1873 1873

1882 1882 1882

La question des crises ainsi posée et limi-

tée, quoiqu'elle embrasse l'ensemble des

affaires du monde, il s'agit de l'étudier dans

Lt ses causes et dans ses manifestations.

,s

t 2. Définition d'une crise; causes des crises.

Depuis longtemps déjà l'attention a été

appelée, par les troubles qu'elle entraîne,

sur ce qu'on est convenu de nommer' crise

s commerciale, crise monétaire, sans trop se

rendre compte de la différence que l'on

semble attacher à ces deux dénominations.

Crise, quand on prononce ce mot, est-on

bien d'accord sur ce qu'il veut dire ou sur ce

que l'on comprend sous ce terme très usité,

s trop usitét? Selon quelques personnes, on

décore du nom de crise les moindres acci-

dents. Pour d'autres, dès qu'il y a un peu

1. M. de Foville a fait très justement observer que notre

langue confond sous l'unique dénomination a crise n, des

phénomènes bien différents. Les Anglais ont deux mots:

a inflation et depression; et cela même ne suffit pas.

Vue 665 sur 1170

CRISES COMMERCIALES 643 CRISES COMMERCIALES

gêne, un ralentissement dans les affaires, des espèces métalliques ou plutôt des lingots

est en état de crise. Quel qu'il soit, le mot pour faire des remises à l'étranger.

de gêne, un ralentissement dans les affaires, dE

on est en état de crise. Quel qu'il soit, le mot p<

crise indique un état de malaise ou de

souffrance. La crise peut atteindre une ou

plusieurs industries ou l'ensemble des in-

dustries; l'agriculture elle-même n'en est

pas à l'abri (V. CRISES AGRICOLES). La crise

peut être appelée industrielle, commerciale,

monétaire ou financière, suivant qu'un de

ces caractères domine aux yeux du public. fé

Pour l'observateur, le terme de crise ne doit te

s'appliquer qu'à un ensemble bien défini

d'accidents, ensemble que l'on rencontre tou-

jours quand elle éclate. Une crise ne survient d

jamais à l'improviste, elle a toujours été pré- n

cédée d'une période de grande prospérité et e

d'un grand mouvement d'affaires qui n'a pu s:

avoir lieu sans une progression pour ainsi

dire, continue de hausse. P

La crise serait donc l'arrét de la hausse des s

prix, c'est-à-dire le moment où l'on ne trouve

plus de nouveaux preneurs. Le mouvement

des échanges, jusqu'ici très rapide, très avan- o

tageux, est tout à coup arrêté; ceux qui es- s

péraient vendre et surtout les derniers ache- v

teurs ne savent plus que faire de leurs mar- e

chandises; ni au dedans ni au dehors on ne t

peut les placer, et cependant il faut faire

face aux échéances. On se précipite sur les c

Banques pour obtenir de nouveaux moyens

de crédit, pour proroger les échéances par des c

renouvellements; afin de répondre aux de-

mandes, les portefeuilles des banquiers, déjà

remplis pendant la période de hausse, pren- <

nent des proportions de plus en plus considé- 1

rables.

Pour l'intérieur, on obtient ainsi un sursis,

on maintient artificiellement les prix sans

affaires nouvelles; mais pour l'étranger, il

n'en est pas de même. On est acheteur de ma-

tières premières qu'il faut payer, et comme

les produits fabriqués ne sont plus acceptés

aux prix où on les tient, après avoir mis en

œuvre tous les moyens de crédit, il faut ce-

pendant remplacer ces produits, pour arriver

à la compensation des affaires engagées. Or,

il ne reste qu'une marchandise, qui, marchan-

dise comme les autres, est, par la plus grande

stabilité de sa valeur et la facilité de son

transport, toujours acceptée sur tous les mar-

chés ce sont les métaux précieux, l'or et

l'argent. On va donc les faire intervenir sur

une grande échelle et changer ainsi le

rôle qu'ils remplissent habituellement,

quand ils ne servent que de solde pour les

grandes opérations commerciales ou pour

le comptant. Ce ne sont plus des moyens de

crédit que l'on demande aux Banques, des

billets ou un compte ouvert pour opérer des

virements ou des compensations, ce sont

des espèces métalliques ou plutôt des lingots

pour faire des remises à l'étranger.

Les réserves métalliques des Banques qui,

depuis le début de la période prospère, n'ont

cessé de baisser, sont déjà tellement mena-

cées et tellement réduites, que la suspension

des payements est imminente et inévitable si

l'on ne prend pas des mesures pour sauve-

garder l'encaisse. Autrefois on ne savait que

faire et la suspension des payements était

toujours inévitable; depuis peu de temps on

sait la prévenir par la hausse de l'escompte

(voy. ce mot). C'est cette hausse que l'on accuse

d'être la cause de tous les embarras, quand elle

ne fait qu'indiquer la gravité de la situation,

en présence de l'imminence de la suspen-

sion des payements. Afin de prévenir cette

ruineuse extrémité à laquelle on n'échappait

pas autrefois, on est souvent forcé, quand on

s'y prend trop tard, de porter le taux de l'es-

compte à 7, 8, 9, 10 p. 100.

Privée de crédit, ou ne pouvant encore en

obtenir qu'à des conditions aussi dures, la

spéculation mal engagée doit liquider et li-

vrer en baisse les produits qu'elle a achetés

en hausse. De là, une situation des plus cri-

tiques tout est ébranlé et rien ne paraît

plus tenir debout; non seulement les impru-

dents sont renversés, mais les plus prudents

ne savent même pas à quel prix ils sortiront

de la bourrasque. Tout crédit, toute con-

fiance a disparu, c'est un sauve-qui-peut gé-

néral. Il ne s'agit plus d'affaires à terme;

c'est du comptant que l'on réclame pour se

liquider, et comme toutes les rentrées sont

douteuses, on cherche partout à se créer des

disponibilités, ce qui augmente encore le

nombre des demandes dont les Banques sont

assiégées. Aussi, pour maintenir leur encaisse,

doivent-elles hausser le taux de l'escompte

tant qu'on y puise, ce qui indique qu'on n'est

pas liquidé.

Cet état aigu, qui décide du sort du plus

grand nombre des spéculateurs, ne saurait

persister plus de dix ou quinze jours; c'est

l'état aigu de la crise, comme dans les ma-

ladies la période critique qu'on appelle du

même nom; ce qui indique combien elle est

éphémère. Cette liquidation inévitable de

tous les engagements qui dépassaient les

forces de la spéculation sitôt opérée, le calme

se rétablit, le taux de l'escompte redescend

presqu'aussi vite qu'il était monté, la période

de liquidation s'ouvre et dure plusieurs an-

nées.

Comme toujours, dans la connaissance des

crises et dans la distinction de ces périodes

successives, la théorie a marché plus vite que

la pratique; aussi ne faut-il pas être surpris

si cette théorie, il y a vingt-cinq ans, était

Vue 666 sur 1170

CRISES COMMERCIALES 644 CRISES COMMERCIALES

onsidérée comme une des plus obscures de On le voit, c'est toujours la théorie de

économie politique. Chaque auteur, se pla- l'excès de production comme cause première

considérée comme une des plus obscures de

l'économie politique. Chaque auteur, se pla-

çant à son point de vue, indiquait comme

cause des crises celle qui cadrait le mieux

avec le système qu'il avait conçu ou fondé

d'après une pratique dont on avait abusé dans

une période précédente, mais qui le plus sou-

vent, au moment où il écrivait, n'avait plus

cours.

Robert Peel accusait l'abus de l'émission

des billets de banque dont il avait vu les fu-

nestes effets pendant le cours forcé; Tooke,

venu plus tard, était d'un avis contraire, mais

le président des États-Unis, Jackson, placé

dans un milieu semblable à celui qui avait

impressionné Robert Peel, partageait ses opi-

nions. Ch. Coquelin, partisan de la liberté

des Banques, accuse le monopole d'être la

cause de tout le mal. Les capitaux s'accu-

mulent et viennent se réfugier improductifs

dansles comptes courants, l'encaisse s'accroît;

pour leur trouver un emploi, les Banques

favorisent l'escompte en vue des dividendes,

puis tout à coup on retire ces dépôts et la crise

éclate. Malheureusement, les bilans sous les

yeux, on ne saisit aucune trace de cette

théorie, qui propose comme remède la liberté

des Banques, sans s'apercevoir qu'aux Etats-

Unis, où cette liberté existe, ces accidents sont

aussi fréquents et plus violents qu'ailleurs.

Stuart Mill se préoccupe aussi de l'émis-

sion du papier, mais c'est sous la forme

d'effets de: commerce, de lettres de change,

de chèques; en un mot, c'est l'abus du cré-

dit, l'achat conclu en échange d'une promesse

de payer, qu'il rend seuls responsables.

Pour M. de Laveleye, c'est la rareté du nu-

méraire et du crédit, c'est-à-dire des moyens

d'échange, qui détermine les crises.

M. Bonamy Price explique les crises non par

la surproduction, mais parla diminution des

moyens d'achat; l'argent n'étant qu'un sim-

ple instrument d'échange, ce n'est pas lui

qui manque. D'où vient donc la dépression

commerciale? De ce qu'il y a peu de mar-

chandises à échanger, ou plutôt de ce que

les marchandises qui peuvent être acceptées

en échange font défaut.

Pour M. Leroy-Beaulieu, il faudrait appe-

ler crise l'intervalle nécessaire pour opérer

la transformation qui, par suite de la baisse

des prix, doit appeler de nouveaux consom-

mateurs. Il n'y a pas d'excès permanent de

production. Les bas prix agissent comme

stimulants pour amener des couches nou-

velles de consommateurs.

Toutes ces explications pèchent par ceci,

que des trois périodes de la crise, il n'est

question que de la dernière, de la période de

liquidation.

On le voit, c'est toujours la théorie de

l'excès de production comme cause première

des crises. On a devancé la demande, un ar-

rêt est nécessaire, on sent la nécessité d'une

baisse de prix; mais alors pourquoi ne pas

signaler la hausse qui a précédé, car là est

bien la cause première qui ressort de ces.

observations?

Comme cause nouvelle (pour nous simple

accident) venue dans ces derniers temps

s'ajouter à toutes les autres, M. Leroy-Beau-

lieu signale la dénonciation des traités de

commerce. Les États, par le protectionnisme

et par le socialisme, sont les artisans des

crises. Conclure des traités de commerce à

longue échéance en adoptant des droits ad

valorem au lieu des droits spécifiques lui

semble le meilleur remède pour prévenir ces

terribles accidents.

Max Wirth signale la rupture de l'équilibre

entre la production et la consommation et

constate la difficulté de vendre. Sans doute,

c'est la source de tous les embarras; mais

d'où vient cette rupture, il ne l'indique pas.

Enfin les crises, selon M. Yves Guyot, vien-

draient non pas d'un excès de production,

mais d'un excès de consommation; comme

preuve, il signale les disettes qui les ont ac-

compagnées quelquefois, plus rarement de

nos jours.

L'appréciation des causes varie beaucoup

selon le milieu et le moment. Ainsi, pendant

la liquidation de la crise de 1873, quand on

se plaignait du ralentissement des affaires, on

attribuait ce retard à la série des guerres qui

ont troublé le monde, aux armées perma-

nentes, à l'incertitude, à l'inquiétude géné-

rale, au retour du système protecteur depuis

l'abandon des traités de commerce.

Ces opinions sur les causes des crises pré-

sentent donc de grandes variétés; mais dans

tous les cas, on signale la suspension des

échanges; c'est donc là le principal vice.

Pourquoi les échanges sont-ils suspendus'

Par suite de l'abus de l'émission du papier

qui chasse le numéraire, répondent Robert.

Peel, Jackson, Laveleye; à cause de la dimi-

nution des moyens d'achat, dit Bonamy Price,

lequel s'empresse d'ailleurs d'ajouter que

l'argent n'étant qu'un simple instrument

d'échange, ce n'est pas lui qui manque, mais

les marchandises qui peuuent acheter; or, ces

dernières ne manquent-elles pas par suite des

hauts prix auxquels on les maintient?

Malgré la réserve de Bonamy Price, on voit

que ce qui manque dans les crises, quelle

qu'en soit la cause, c'est le métal, l'or et

l'argent acceptés au pair. Ce qui est menacé

dans ces circonstances, c'est l'encaisse des

Banques; ce que l'on redoute, c'est la sus-

Vue 667 sur 1170

CRISES COMMERCIALES 645 CRISES COMMERCIALES

iension des payements; ce qui attire tous les placements temporaires à la Bourse, rele-

pension des payements; ce qui attire tous les

regards, c'est la baisse chaque jour plus

grande du niveau des réserves métalliques.

Ce déplacement des espèces a lieu sous l'in-

fluence des changes défavorables dont autre-

fois on ne voulait pas tenir compte, l'attri-

buant à d'autres causes, fausse opinion

remarquablement réfutée dans le Bullion

Report de 1810 (V. ENQUÊTES FINANCIERES),

quoique les conclusions de ce célèbre Rap-

port aient été rejetées par le Parlement.

De nos jours, la même erreur se propageait

encore, il y vingt ans, et n'a pas complète-

ment disparu. Méconnaissant l'importance

de ce grave symptôme, Coquelin prétendait

que les changes défavorables, bienloin d'être

un signe de crise, étaient un indice de pros-

périté.

Dans ces derniers temps, depuis 1857, on

a compris toute la gravité de ce drainage

des espèces et, après avoir cherché quel était

le moyen le plus capable de s'y opposer, on

a reconnu en Angleterre qu'il n'y en avait pas

de plus rapidement efficace que la hausse du

taux de l'escompte; n'a-t-on pas alors pré-

tendu que cette hausse même était la princi-

pale cause des crises?

Dans cette revue rapide des théories émi-

ses, malgré leur diversité et souvent leur

opposition, il y a trois accidents qui sont

reconnus comme formant le cortège de toutes

les crises 1° la hausse des prix qui les pré-

cède 2° le drainage des espèces métalliques

qui détermine l'explosion; 3° la baisse des

prix qui permet et facilite la liquidation.

Les trois périodes de prospérité, de crise

,et de liquidation se succèdent donc toujours

dans le même ordre, bien qu'avec des mani-

festations différentes, selon lesépoques. Plus

la richesse augmente, plus l'amplitude des

mouvements est grande, l'oscillation étant

toujours dans le même sens.

Ces trois périodes reconnues, il faut cher-

cher les rapports qu'elles peuvent avoir entre

elles et sous l'influence de quelles causes

elles se succèdent.

La période prospère succède toujours à

une période de malaise, de ralentissement

d'affaires et de baisse de prix; elle est signa-

lée par la reprise des affaires sous l'influence

de la hausse des prix. Cette hausse des prix

tient elle-même à l'abondance du capital,

fruit d'anciennes réserves et des épargnes

annuelles qui, malgré les pertes qu'elles ont

éprouvées, ont été à peine entamées. Ce

capital, augmenté du capital de roulement

de toutes les industries qui ont ralenti leur

fabrication pendant la liquidation de la crise,

s'offre déjà sur le marché peu de mois après

l'explosion, cherchant un emploi dans des

placements temporaires à la Bourse, rele-

vant artificiellement les cours des fonds pu-

blics, tandis que tous les prix s'abaissent au

dehors.

Pour s'employer de nouveau, ces capitaux

attendent que la liquidation soit complète,

c'est-à-dire que la baisse des prix soit arrêtée.

Ce résultat obtenu, la période prospère

va s'ouvrir; impossible en effet de rencon-

trer de meilleures conditions. Chaque mai-

son, n'ayant pas d'engagements, a non

seulement tous ses fonds de roulement dis-

ponibles, mais encore tout son crédit; dans

ces conditions, les ressources du commerce

et de l'épargne sont immenses. En présence

d'un taux d'intérêt très réduit, le public en

quête de placements cherche pour ses capi-

taux de nouveaux emplois; les Banques, les

banquiers qui ne vivent que des émissions,

s'empressent à l'envi de créer de nouveaux

projets réels ou fictifs, pour répondre à ses

désirs. Autrefois on émettait les actions au

pair, aujourd'hui on les émet avec prime, on

forme des syndicats pour lancer et soutenir la

valeur et alors, tout le monde étant engagé,

tout le monde pousse dans le même sens. La

hausse succède à la hausse, jusqu'à ce qu'on

ait épuisé non seulement tout son capital,

mais tout son crédit.

C'est dans l'explication de ce mouvement

que les auteurs diffèrent d'opinion.

Quelle est la cause de la fermeté et de la

hausse des prix aux époques prospères?

L'abondance du capital, dira-t-on, mais

sous quelle forme? Sous forme de monnaie,

sous forme d'effets de commerce, sous forme

de billets de banque, sous forme de chèques?

Car ce sont là les moyens en usage pour

faciliter l'échange des produits sans avoir

recours au troc.

On a prétendu que les prix dépendaient

de la quantité de monnaie en circulation ou

des instruments de circulation qui la rem-

placent billets de banque, effets de com-

merce, lettres de change, chèques 1.

Pour la monnaie, nous voyons toujours

reparaître l'ancienne doctrine qui admettait

que si elle était doublée, tous les prix se-

raient doublés; or, les services de la monnaie

comme instrument d'échange ne dépendent

pas de sa quantité, mais de la rapidité de sa

circulation.

La quantité des capitaux marchandises est

complètement indépendante du numéraire.

Cependant, dit-on, la monnaie, quoique mar

chandise, n'est pas une marchandise comme

les autres; sa rareté agit sur toutes les tran-

i. Pendant la liquidation des crises, le capital sous forme

de monnaie est très abondant et cependant les prix sont au

plus bas.

Vue 668 sur 1170

CRISES COMMERCIALES 646 CRISES COMMERCIALES

tions, tandis qu'il n'en est pas de même Bourse de là une baisse sensible du taux de

fer, du coton, etc. Si elle sert de moyen l'intérêt et l'apparence d'une grande aisance.

change, est-ce à dire qu'il n'y en ait pas Le capital s'offre à vil prix, comme les mar-

sactions, tandis qu'il n'en est pas de même

du fer, du coton, etc. Si elle sert de moyen

d'échange, est-ce à dire qu'il n'y en ait pas

d'autres? Les billets de banque, les billets

d'État, les promesses de payer sous toutes les

formes, effets de commerce, lettres de change,

mandats, chèques, n'atteignent-ils pas le

même but? On dit qu'elle intervient sans

cesse dans les échanges; cela n'est vrai que

pour le commerce de détail, pour les petites

quantités; car même dans les opérations au

comptant, dès que la somme à payer est

importante, ce sont le billet de banque, le

chèque qui interviennent. D'ailleurs, dans

ces échanges de chaque jour, la quantité de

monnaie a peu d'importance, c'est surtout

la rapidité de sa circulation qui indique les

services qu'elle rend et nullement la quantité

frappée, qui reste inactive dans les caisses

des Banques ou des particuliers.

On veut toujours trouver une cause spé-

ciale à chaque crise pour la crise de 1825,

de folles spéculations commerciales; pour

celle de 1847, une mauvaise récolte pour

celle de 1864, de grandes importations de

coton à payer en numéraire. Mais ces formes,

pouvant varier à l'infini, ne rentrent pas dans

le cadre des crises commerciales; ce sont

des accidents qui peuvent troubler un des

mécanismes sociaux, sans arrêter les mouve

ments généraux du commerce et des affaires,

comme on l'observe dans les crises commer-

ciales. D'ailleurs, une crise commerciale est

toujours une crise monétaire, puisque c'est

la réduction de la réserve métallique des

Banques qui donne le signal de l'explosion.

En dehors de cette diminution de l'encaisse,

on peut être en pleine crise monélaire,

comme à l'époque actuelle, par suite de la

dépréciation de l'argent, sans que la prospé-

rité générale en ait souffert. Il en a été de

même de la dernière disette et des hauts prix

des céréales en 1878-1880 1; rien n'a pu néan-

moins arrêter le mouvement des affaires jus-

qu'au krach de janvier 1882.

L'explosion des crises ne tient donc pas à

un accident; il n'y aurait pas d'explosion

si tout n'était préparé pour l'explosion et si

la mine n'était pas chargée.

Observons-nous les faits tout s'explique.

Que voyons-nous pendant la liquidation des

crises? Les affaires à terme ont disparu, le

portefeuille des Banques est vide, les affaires

au comptant sont même très ralenties, les

usines chôment. Les fonds de roulement,

n'ayant plus d'emploi, viennent s'offrir à la

1. Alors que l'on importait pour 600 millions de francs

de céréales.

3. Mécanisme des crises.

Bourse de là une baisse sensible du taux de

l'intérêt et l'apparence d'une grande aisance.

Le capital s'offre à vil prix, comme les mar-

chandises. En dehors des maisons qui ont

été touchées par la crise, s'il n'y a plus de

bénéfices par les plus-values, il y a encore

des épargnes; les grandes épargnes annuelles

des nations civilisées continuent toujours et

tendent à abaisser les profits. On cherche

par de nouvelles combinaisons à les relever,

et la masse des capitaux en quête de place-

ments réveille l'esprit d'entreprise. Les fai-

seurs de projets apparaissent; c'est à qui en

signalera un nouveau, tout est bon pour la

crédulité publique.

La spéculation en profite, fonde des so-

ciétés, émet des actions et, ajoutant une

prime à la marchandise offerte, surexcite

encore la demande des titres par cette sorte

de surenchère.

Après chaque crise et quand la liquidation

est faite, il y a donc une période de calme.

Le pays panse ses plaies et le ralentissement

industriel et commercial, combiné avec la

puissance de l'épargne, rend disponible une

grande masse de capitaux qui ne tardent pas

à redonner l'impulsion au corps social dont

quelques parties étaient plus ou moins para-

lysées.

C'est là le point de départ de la reprise

des affaires; dès que le capital est demandé,

le crédit ne tarde pas à intervenir.

Qu'est-ce que le crédit? Le simple pou-

voir d'acheter en échange d'une promesse de

payer. Mais alors dans quelle limite pourra-

t-on en user? Tous ceux qui ont du crédit

pourront acheter; cette puissance d'achat

contre une simple promesse augmentera la

demande des produits et, par conséquent, il

s'ensuivra une hausse des prix, qui, portant

d'abord sur quelques produits, ne tardera

pas à s'étendre et à se généraliser; la pros-

périté régnera dans le pays, tout le monde

sera plus riche. L'espoir de réaliser un profit

par les achats à crédit, en précipitant de

nouvelles couches d'acheteurs dans la même

voie, accroîtra encore la rapidité de la hausse,

d'autant plus que le crédit augmente avec

l'élévation des prix.

Avec un pareil moteur, l'aisance est géné-

rale, et on ne veut pas croire qu'un méca-

nisme si perfectionné puisse jamais s'arrêter.

Cependant, puisque la hausse des prix donne

de nouveaux moyens de crédit et amène une

nouvelle hausse, trouvera-t-on toujours de

nouveaux acheteurs? Pourra-t-on toujours

se liquider par une simple circulation fidu-

ciaire sans avoir recours au numéraire ? Car,

si la monnaie intervenait pour une large

part, la hausse ne suivrait pas le même mou-

Vue 669 sur 1170

CRISES COMMERCIALES' 647 CRISES COMMERCIALES

ascensionnel continu, par suite du quels s'était portée la spéculation,

vement ascensionnel continu, par suite du

déplacement du métal qui éveillerait l'atten-

tion.

Pour ne pas frapper l'opinion publique,

ce drainage n'en est pas moins sensible dès

le début de la hausse des prix. Il suffit de

jeter un regard sur le niveau des réserves

métalliques des banques pour s'apercevoir

qu'aussitôt après le reflux des espèces, pen-

dant la liquidation des crises, dès que le

chiffre maximum de l'encaisse a été touché,

aussitôt le mouvement décroissant commence;

faible, peu sensible à l'origine, il n'attire

pas l'attention; mais la proportion de la

perte comparée à la réserve augmente chaque

année, et enfin la persistance des changes

défavorables montre clairement le danger

qui menace la place. La hausse des prix a

ralenti, arrêté même l'échange des produits;

ils sont offerts et ne trouvent pas de pre-

neurs. Ne voulant pas livrer au-dessous des

cours, on renouvelle son effet de commerce à

l'échéance; c'est ainsi qu'aux approches de

la crise le portefeuille des Banques se gonfle

non seulement de tous les effets qu'on leur

présente, mais encore de tous ceux dont on a

demandé le renouvellement. S'il n'y avait

que des engagements intérieurs, cela pour-

rait encore continuer; mais pour faire face

à ceux de l'étranger, il faut livrer quelque

chose en l'absence de la marchandise dont

le prix est trop élevé pour être accepté au

dehors.

Quels produits livrer? Ceux qui éprouvent

les moindres variations de prix et qui sont

acceptés sur tous les marchés les métaux

précieux. Où les prendre? Dans la circulation?

Ce serait trop difficile; on trouve plus simple

de puiser dans les encaisses des Banques,

et cela se reconnaît de suite à la baisse de

leur niveau; de là, le trouble le plus pro-

fond dans l'équilibre de la circulation fidu-

ciaire. Avant même que les directeurs aient

pris aucune mesure pour défendre leurs

réserves métalliques menacées, la hausse des

prix est arrêtée; immédiatement tout change

d'aspect; le public n'a plus qu'un seul désir,

celui de réaliser. Dès que la marchandise est

offerte au lieu d'être demandée, la baisse

est déjà dans l'air; les recours aux Banques

se multiplient, jusqu'à ce que ces dernières

y mettent obstacle par la hausse de l'escompte

en élevant le prix des espèces métalliques,

puisque ce sont elles que l'on demande,

dans la même proportion que celui des mar-

chandises.

N'ayant plus d'autre option que de subir

cette hausse, ou de livrer la marchandise au

cours du jour, la liquidation commence. La

baisse, d'abord bornée aux produits sur les-

quels s'était portée la spéculation, ne tarde

pas à s'étendre à toutes les transactions et

même aux opérations du comptant.

D'après tout ce qui précède, c'est-à-dire

d'après l'observation des faits, la puissance

de l'épargne annuelle chez les nations civili-

sées, en augmentant sans cesse leur richesse,

entretient toujours, selon l'importance de

ces épargnes, une hausse des prix c'est

l'état normal du marché, la période prospère.

La crise approche quand le mouvement se

ralentit, elle éclate quand il cesse.

En un mot, la principale, on pourrait dire

l'unique cause des crises, c'est l'arrêt de la

hausse des prix.

Des hauteurs auxquelles ils étaient éle-

vés, nous les voyons descendre aux chiffres

minima, quelquefois au-dessous du point de

départ.

Et cela est si vrai, que souvent la crise

éclate assez longtemps après l'accident cause

du premier ébranlement, qui ne fait qu'en-

rayer la hausse des prix. Ainsi, pour ne pas

remonter au delà de l'époque moderne, la

guerre de Crimée était terminée, la paix

signée, quand la crise de 1857 a éclaté. Il en

a été de même de la disette des céréales en

1879 la crise éclate en 18821, quand tous les

payements à l'étranger étaient liquidés.

De semblables oscillations de prix dans les

grands pays d'affaires n'ont pas le temps de

se répandre et de s'équilibrer dans le monde;

aussi un des premiers résultats des crises,

e'est de mettre aux mains des étrangers des

sommes considérables. Une grande masse de

capitaux se déplacent, vont au dehors et sus-

citent des concurrences de la part des pays

moins élevés dans l'échelle de la civilisation.

En résumé, tout accroissement rapide et

continu des affaires pendant un certain nom-

bre d'années est le précurseur d'une crise.

La crise éclate quand il y a plus de per-

sonnes qui souhaitent de vendre qu'il n'y en

a souhaitant d'acheter.

La crise résulte d'un manque d'acheteurs

mais qui faut-il accuser?

La hausse des prix ou l'excès de production?

L'absence des acheteurs provient-elle de

l'absence des besoins ou de la hausse des

prix?

Sont-ce les acheteurs du commerce de

détail ou du commerce de gros qui font

défaut ?

Quant à l'absence de besoins, nous ne

pouvons admettre cette cause comme efficace

en présence du développement continu des

consommations. Ce qui les arrête, ce qui les

limite, ce sont les prix, et quand ces derniers

t. Aux États-Unis en 1884 mais dès 1882 la hausse de

prix était arrêtée.

Vue 670 sur 1170

CRISES COMMERCIALES 648 CRISES COMMERCIALES

se sont élevés pendant une série d'années,

vient un moment où, dans le commerce en

gros, les échanges sont plus difficiles; de là,

des offres en assez grand nombre pour ren-

verser l'équilibre instable du crédit.

Les marchandises circulent plus lentement,

ou même ne circulent plus; le papier de com-

merce ne trouve plus de compensation facile,

il s'accumule dans les portefeuilles des Ban-

ques, n'est même pas payé à l'échéance et a

recours au ré-escompte, c'est-à-dire que lui

aussi ne circule plus. Il faut cependant que

quelque chose circule aux lieu et place des

marchandises et du papier, et ce quelque chose,

ce sont les espèces et les lingots que l'on puise

dans les réserves métalliques des Banques.

La baisse du niveau des encaisses sous l'in-

fluence des changes défavorables prouve déjà

que le papier des institutions de crédit et

du commerce ne circule plus comme d'habi-

tude et la hausse de l'escompte n'est qu'un

moyen violent en l'absence de moyens plus

doux, pour lui faire reprendre son rôle

accoutumé. Il y a un stock de marchandises

représenté par un stock de papier, et ni

l'un ni l'autre ne peuvent plus circuler. Il

faut donc, avant de produire davantage,

écouler ce stock flottant, pour rétablir l'é-

quilibre des prix. Afin d'arriver à ce but,

il faut d'abord rétablir la circulation du pa-

pier, et pour cela, la mettre ainsi que les

espèces à un prix en rapport avec celui des

produits, pour qu'on n'ait pas recours au

métal dont la valeur marchande n'a pas varié.

4. Rapport des crises avec la richesse des pays.

Les crises commerciales ne s'observent pas

dans tous les pays comme on pourrait le pen-

ser. Sans doute, partout on peut éprouver

des embarras, un ralentissement des affaires,

mais on ne saurait confondre ces accidents

avec ce qu'on appelle crises commerciales.

Ainsi, les pays où la majorité des affaires se

traitent au comptant n'y sont pas exposés

s'ils ne recueillent pas le bénéfice de l'entrain

commercial, ils n'en éprouvent pas non plus

les revers. Il faut un grand développement

d'opérations à terme pour y être exposé.

C'est en Angleterre, aux États-Unis, en

France, en Allemagne, dans les principales

villes industrielles qu'on les voit se produire

et se renouveler depuis nombre d'années.

Là où le mouvement industriel est plus

faible et plus lent, on ne remarque pas ces

commotions. Ainsi, une partie de l'Alle-

magne, la Russie, l'Espagne, en sont sinon

à l'abri du moins n'en reçoivent qu'un

contre-coup éloigné. On peut même ajou-

ter, ce qui paraît paradoxal, que la richesse

des nations peut se mesurer à la violence

des crises qu'elles éprouvent. Sans parler

de l'Angleterre et des États-Unis, pour ne

citer qu'un fait que tout le monde a pu

observer, jamais la fortune publique n'a fait

en France de plus grands progrès que depuis

1848, et en même temps, à aucune autre

époque, il n'a été plus question de crises

commerciales. Si même on écoutait certaines

voix, depuis 1854 nous irions de chute en

chute, nous relevant toujours, mais retom-

bant bientôt d'une manière inévitable. Ces

personnes confondaient avec les crises com-

merciales de simples accidents n'ayant aucun

de leurs caractères ni aucune influence sur le

développement de la richesse publique; et

ce fut pour les étudier que l'Enquête sur les

Banques fut ouverte en 1865. Quels que fus-

sent les obstacles, les arrêts, les pertes, les

ruines même qui en furent la conséquence,

le développement de la richesse publique qui

éclate à tous les yeux n'a été, à aucune autre

époque, ni plus rapide ni plus considérable.

Depuis le. commencement du siècle nous

voyons les crises se reproduire à des intervalles

assez peu éloignés, mais qui n'ont rien de

fixe et dépendent de la rapidité de l'accrois-

sement des affaires et des conditions dans

lesquelles il se produit. Si aux époques anté-

rieures les crises ont été moins remarquées,

c'est que les rapports des nations entre elles

étaient moins faciles, plus limités et, par

suite, le mouvement commercial et le déve-

loppement de la richesse plus lent, moins

exposé à ces soubresauts si pénibles on ne

peut descendre que là où l'on a beau-

coup monté. La réaction n'étant partout

que la contre-partie de l'action, elles seront

toujours dans un rapport assez étroit l'une

avec l'autre il ne faut donc pas s'en

effrayer, quand on réfléchit que la durée des

crises est assez courte et que, avant d'y

arriver, on a dû traverser une succession

d'années pendant lesquelles l'épargne a pu se

faire par les bénéfices réalisés sur d'heu-

reuses opérations, tandis que la crise dé-

truit, renverse toutes les combinaisons des

dernières années. Quelque grand que soit

le désastre, on ne peut admettre qu'il fasse

disparaître tout le bénéfice des années pros-

pères. Les crises peuvent se produire et se

renouveler sans entraîner, comme on aime

quelquefois à se le représenter, la ruine des

nations. Sans doute ce sont des arrêts, des

pertes dans le mouvement des affaires, mais

le développement de la richesse n'en suit

pas moins sa course; c'est ce qui explique

comment, malgré leur périodicité, un pays

exposé aux crises commerciales peut non

seulement ne pas s'appauvrir, mais s'enrichir

beaucoup plus rapidement que ceux qui en

Vue 671 sur 1170

CRISES COMMERCIALES 649 CRISES COMMERCIALES

bri, c'est-à-dire qui vivaient dans une à toutes les branches de la product

sont à l'abri, c'est-à-dire qui vivaient dans une

atonie d'affaires qui, en préservant, il est

vrai, de tout écart, ne laisse en réalité

aucun espoir d'un large bénéfice.. Quelques

chances de perte en moins diminuent dans une

énorme proportion les chances de gain.

L'étendue des rapports, la nature des opé-

rations, le genre des produits déterminent

l'intensité des crises dans chaque pays, elles

se feront même sentir d'une manière d'au-

tant plus pénible que l'on se rapprochera

des principaux centres où se traitent les opé-

rations de change, ce puissant moteur des

métaux précieux, ce grand moyen économi-

que destiné à rétablir l'équilibre et l'har-

monie sur les divers marchés. Elles suivent

donc pas à pas le développement de la

richesse des nations et se mesurent à son

importance et à la rapidité de la progression;

là où elle est lente, mesurée, les crises seront

peu sensibles et très courtes; là où la pro-

gression est rapide, fiévreuse, les crises vio-

lentes et profondes bouleverseront en appa-

rence pour un temps tout le monde des

affaires. Il faut choisir l'une ou l'autre de ces

conditions, et la dernière, malgré les risques

qui l'accompagnent, parait encore la plus

favorable sur les marchés des. peuples civi-

lisés c'est elle qu'on observe en Angleterre,

aux États-Unis, en France.

En présence de ces résultats, doit-on envier

le sort des nations où les transactions ont ce

calme qui les met à l'abri des tempêtes ?

5. Influence des crises sur l'état économique

des sociétés; comment la constater et la me-

surer.

L'influence des crises sur l'état économi-

que des sociétés est chose évidente. Elle n'a

pas besoin d'être démontrée. Mais elle est

plus facile à admettre qu'à constater et à

mesurer.

Les principaux économistes et statisticiens

modernes se sont préoccupés de recher-

cher le signe caractéristique de l'état écono-

mique social et moral des sociétés humaines

à une époque déterminée dans les divers

pays.

Au Congrès de La Haye, en 1869, on con-

seilla de s'attacher surtout au budget des

classes laborieuses. En présence de la diffi-

culté d'arriver à une appréciation exacte des

revenus, on se demandait s'il n'était pas

plus facile de connaître les dépenses, ce qui

conduirait au même résultat. Il s'agit donc

d'observer les consommations. Mais elles

n'embrassent pas toutes les manifestations

de la vie sociale.

Pour pénétrer plus avant, M. Neumann-

Spallart étendit le cercle de ses observations

à toutes les branches de la production qui

ne relèvent pas seulement de la nature, mais

surtout du travail et du capital. La marche

de la production doit être considérée comme

un des indices les plus certains de la situa-

tion économique. Il prit donc dans chaque

pays les industries qui occupent le plus

grand nombre d'ouvriers et qui exigent le

plus de capitaux la houille, le fer, le coton,

pour la Grande-Bretagne la houille, la fonte,

le fer, la soie, pour la France, et ainsi pour

chaque pays. Il observa l'intensité du com-

merce, la circulation des hommes et des

choses sur terre et sur mer, les compensa-

tions aux Clearing houses, etc. La production

et le commerce n'indiquent qu'une mani-

festation du bien-être matériel; pour com-

pléter le tableau, il faut y joindre la con-

sommation des denrées alimentaires et des

boissons, les dépôts des caisses d'épargne,

le nombre des banques, l'émigration, les

faillites. Reste l'état moral, dont la crimina-

lité, les relevés des mariages, des naissances,

etc., peuvent donner une idée.

Nous-même nous avions, dans la pre-

mière édition de notre travail en 1862, dressé

et mis en regard des crises commerciales

tous ces tableaux que les économistes com-

posent avec tant de soin pour l'époque ac-

tuelle. L'observation ne portait pas seule-

ment sur quelques séries d'années; elle re-

montait jusqu'au commencement du siècle

où, dans des proportions moindres sans doute,

nous voyons se reproduire les mêmes oscil-

lations qu'à l'époque actuelle. Autrefois,

comme aujourd'hui, ces oscillations corres-

pondaient à celles que nous notions sur les

bilans des grandes banques. Il y avait là une

coïncidence que nous faisions remarquer et

qui, depuis, a été négligée.

Tous ces documents étant rapprochés, la

relation étroite qui les rattache aux mouve-

ments des bilans des banques frappait les

regards. Nous tenions le fil conducteur qui

devait nous diriger dans le monde des af-

faires et préciser, à toutes les époques et

dans tous les pays, la période et le moment

de la période où l'on est placé, afin de

pouvoir s'orienter, larguer les voiles ou les

carguer.

Jusqu'ici on se demandait, et on se demande

encore, quelles sont les variations les plus

propres à fournir la mesure des mouve-

ments de la prospérité publique. A cette

question, M. Korosi n'hésitait pas à répondre

qu'on ignorait les signes caractéristiques de

l'état économique d'une nation par suite de

la difficulté des comparaisons internationales

pour les consommations mais, si au lieu

des consommations on prend les mouvements

Vue 672 sur 1170

CRISES COMMERCIALES 650 CRISES COMMERCIALES

des échanges. tout devient facile et compa- en valeurs sont singilièrement troublés par

des échanges, tout devient facile et compa-

rable.

La vie, c'est le mouvement; les affaires,

c'est la circulation des produits, ou de ce

qui les représente, les effets de commerce, les

lettres de change. Où en reconnaître le pas-

sage d'une manière plus certaine que dans

les bilans des grandes banques? Avec eux,

plus d'erreurs à craindre par des doubles

emplois ou de fausses évaluations; tout est

correct et exact. Chaque effet de com-

merce indique qu'un échange a eu lieu et

souvent même plusieurs échanges. Or, en

dehors des crises et d'une situation embar-

rassée, on n'échange pas un produit avec

perte; chaque échange représente un bé-

néfice, variable sans doute, mais enfin il y

a un bénéfice, et ce sont ces bénéfices suc-

cessifs qui, quand la circulation est facile

et sûre, sont la principale source des revenus

des nations. Nous embrassons ainsi la géné-

ralité des transactions commerciales, qui, à

terme, prennent toutes, à un moment donné,

la forme d'un effet de commerce ou d'une

lettre de change. Nous opérons sur de grands

nombres, sur des produits très variés, et

nous diminuons ainsi les chances d'erreur.

Quoique moins marquées et d'une moindre

durée, nous voyons apparaître les mêmes

séries ascendantes et descendantes, coïnci-

dant, dans le même sens ou en sens con-

traire, avec celles des bilans des banques.

Ces périodes successives et régulières qui

apparaissent et se dessinent d'une manière

si nette, ont été laissées dans l'ombre jus-

qu'ici parce qu'on ne les avait pas sous la

main pour une longue suite d'années; main-

tenant qu'on les possède depuis près d'un

siècle, leur valeur ne peut être discutée.

Si les mouvements des échanges doivent

être notre guide et si les bilans des banques

en donnent les principaux traits, quels do-

cuments statistiques choisir pour compléter

le tableau? Tout d'abord les articles qui

donnent un caractère au marché les prix

des produits, matières premières et objets

fabriqués, le taux des reports, les cours des

changes. Puis, si l'on veut pousser plus loin

l'observation et montrer l'importance et la

rapidité des échanges, les mouvements des

clearing-houses nous permettent de les saisir

sur le vif. Les émissions de valeurs sur les

principales places de commerce nous font

toucher du doigt quelle est l'abondance ou

la rareté du capital disponible, sa facilité

ou sa répugnance à entrer et à s'immobiliser

dans les titres nouveaux qui se présentent.

Enfin, nous pouvons lire les mouvements

des échanges sur les relevés des importa-

tions et des exportations, dont les résultats

en valeurs sont singulièrement troublés par

suite de la hausse ou de la baisse des prix.

Tels sont les témoins et les indicateurs de

l'activité ou du ralentissement des affaires.

Toutes les positions sociales en reçoivent la

bienfaisante influence ou le contre-coup. De

la fortune privée à la fortune publique, il

n'y a qu'un pas. Nous constaterons sa situa-

tion aux époques prospères et aux époques

de crises d'après les budgets des États et des

villes. Les recettes du Trésor en porteront la

trace brillantes et sans cesse en plus-value

aux époques prospères, médiocres et sans

cesse en moins-value pendant les liquida-

tions des crises.

Les recettes de l'octroi, des chemins de

fer, des voitures publiques dans les villes

n'échappent pas à la loi commune; nous

suivons ainsi les variations des consomma-

tions dans ces différents états.

A ces diminutions de dépenses indiquant

bien une diminution des revenus correspond

une diminution de l'épargne achats de

rentes par les trésoriers-payeurs généraux,

dépôts aux caisses d'épargne.

A toutes ces manifestations de la vie so-

ciale, les mouvements de la population, ma-

riages, naissances, décès, ne sauraient rester

étrangers; aussi observons-nous avec intérêt

sur les relevés officiels la trace de tous les

mouvements qui accompagnent les périodes

de prospérité et de liquidation.

A côté des bilans, il existe donc tout un

ensemble de faits qui concordent avec eux,

viennent pour éclairer et pour montrer que

nous sommes entraînés dans un mouvement

d'ensemble qui domine tout le mécanisme

social, les Banques comme un simple mano-

mètre indiquant seulement la pression1.

CLÉMENT JUGLAR.

Bibliographie.

COULLET et Clément JUGLAR, Report from the committee on

the circulating paper currency coin and exchange of Ire-

land, 1804. Rapports sur la Banque d'Angleterre, en

particulier le Bullion Report. Extraits des enquêtes

parlementaires anglaises sur la question des Banques, de la

circulation monétaire et du crédit, 9 vol. 1865. Tooke,

Bank charter, 1844. GILBART, Causes of the pressure, of

the money market. Lord OVERSTONE, Tract on the currency.

HORSLEY PALMEBS, Causes 0 f money crisis. BRIAUNE,

Crises, in-8°, 1840. DUPONT de Nemours, Banque de-

France: causes de la crise de 1806. MURET de Bort, Banque-

de France, crise monétaire, 1847, coupures de 500 francs.

TROCHET, Crise financière de 1848, moyens de la faire cesser.

SMITH, The recent depression of trade, its nature its

causes, its remedies, 1879. MANZI, Crisi agrarie e commer-

1. En tenant compte de ces indications, on pourrait arriver

à prévoir et à prédire les crises, et à déterminer, à l'aide des.

bilans des Banques, dans laquelle des trois périodes signalées

plus haut on se trouve à un moment donné. C'est ce que

j'ai tenté de faire dans la deuxieme édition de mon ouvrage

Des crises commerciales, pp. 98, 113, 165, 497 et sq.

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