Alphonse.D Posté 11 février 2005 Signaler Posté 11 février 2005 Ah la poésie…. j'en suis tombé amoureux il y a quelques temps déjà. J'espère qu'il y a des amateurs et que l'on pourra partager. Quoi qu'il en soit, pas besoin d'être un expert pour apprécier, là est l'avantage. Donc même ceux qui y goûtent habituellement le moins pourront, je le souhaite, prendre plaisir. Les premiers "charmeurs de l'oreille" sur lesquels je suis tombé sont ceux du XVIIème siècle, le siècle du classicisme. De ces premières lectures m'est venue cette estime considérable pour un certain Nicolas Boileau. Cela dit, j'aime énormément aussi certains poètes du 16e, 18e, 19e et 20e (siècle que je connais fort mal). Pour entamer ce fil, je vous laisse deux textes: le premier de P.Corneille (1606-1684), ce sont les "Stances à la Marquise", et le second de N.Boileau bien sûr qui est la satire seconde "A Mr de Molière". Attention, c'est divin… Stances à la Marquise Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu'à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux. Le temps aux plus belles choses Se plaît à faire un affront: Il saura faner vos roses Comme il a ridé mon front. Le même cours des planètes Règle nos jours et nos nuits: On m'a vu ce que vous êtes; Vous serez ce que je suis. Cependant j'ai quelques charmes Qui sont assez éclatants Pour n'avoir pas trop d'alarmes De ces ravages du temps. Vous en avez qu'on adore; Mais ceux que vous méprisez Pourraient bien durer encore Quand ceux-là seront usés. Ils pourront sauver la gloire Des yeux qui me semblent doux, Et dans mille ans faire croire Ce qu'il me plaira de vous. Chez cette race nouvelle, Où j'aurai quelque crédit, Vous ne passerez pour belle Qu'autant que je l'aurai dit. Pensez-y, belle Marquise; Quoiqu'un grison fasse effroi, Il vaut bien qu'on le courtise Quand il est fait comme moi. A Mr de Molière Rare et fameux esprit, dont la fertile veine Ignore en écrivant le travail et la peine ; Pour qui tient Apollon tous ses trésors ouverts, Et qui sais à quel coin se marquent les bons vers : Dans les combats d'esprit savant maître d'escrime, Enseigne-moi, Molière, où tu trouves la rime. On dirait quand tu veux, qu'elle te vient chercher : Jamais au bout du vers on ne te voit broncher ; Et, sans qu'un long détour t'arrête ou t'embarrasse, A peine as-tu parlé, qu'elle-même s'y place. Mais moi, qu'un vain caprice, une bizarre humeur, Pour mes péchés, je crois, fit devenir rimeur, Dans ce rude métier où mon esprit se tue, En vain, pour la trouver, je travaille et je sue : Souvent j'ai beau rêver du matin jusqu'au soir : Quand je veux dire blanc, la quinteuse dit noir. Si je veux d'un galant dépeindre la figure, Ma plume pour rimer trouve l'abbé de Pure, Si je pense exprimer un auteur sans défaut, La raison dit Virgile, et la rime Quinault. Enfin, quoi que je fasse, ou que je veuille faire, La bizarre toujours vient m'offrir le contraire. De rage quelquefois, ne pouvant la trouver, Triste, las et confus, je cesse d'y rêver ; Et, maudissant vingt fois le démon qui m'inspire, Je fais mille serments de ne jamais écrire. Mais, quand j'ai bien maudit et Muses et Phébus, Je la vois qui paraît quand je n'y pense plus : Aussitôt, malgré moi, tout mon feu se rallume ; Je reprends sur-le-champ le papier et la plume ; Et de mes vains serments perdant le souvenir, J'attends de vers en vers qu'elle daigne venir. Encor si pour rimer, dans sa verve indiscrète, Ma muse au moins souffrait une froide épithète, Je ferais comme un autre, et, sans chercher si loin, J'aurais toujours des mots pour les coudre au besoin. Si je louais Philis, EN MIRACLES FÉCONDE, Je trouverais bientôt, A NULLE AUTRE SECONDE ; Si je voulais vanter un objet NON PAREIL, Je mettrais à l'instant, PLUS BEAU QUE LE SOLEIL ; Enfin, parlant toujours D'ASTRES et de MERVEILLES, De CHEFS-DOEUVRE DES CIEUX, de BEAUTÉS SANS PAREILLES ; Avec tous ces beaux mots, souvent mis au hasard, Je pourrais aisément, sans génie et sans art, Et transposant cent fois et le nom et le verbe, Dans mes vers recousus mettre en pièces Malherbe. Mais mon esprit, tremblant dans le choix de ses mots, N'en dira jamais un, s'il ne tombe à propos, Et ne saurait souffrir qu'une phrase insipide Vienne à la fin d'un vers remplir la place vide ; Ainsi, recommençant un ouvrage vingt fois, Si j'écris quatre mots, j'en effacerai trois. Maudit soit le premier dont la verve insensée Dans les bornes d'un vers renferma sa pensée, Et, donnant à ses mots une étroite prison, Voulut avec la rime enchaîner la raison ! Sans ce métier fatal au repos de ma vie, Mes jours, pleins de loisirs couleraient sans envie, Je n'aurais qu'à chanter, rire, boire d'autant, Et, comme un gras chanoine, à mon aise et content, Passer tranquillement, sans souci, sans affaire, La nuit à bien dormir, et le jour à rien faire. Mon coeur, exempt de soins, libre de passion, Sait donner une borne à son ambition ; Et, fuyant des grandeurs la présence importune, Je ne vais point au Louvre adorer la fortune : Et je serais heureux si, pour me consumer, Un destin envieux ne m'avait fait rimer. Mais depuis le moment que cette frénésie De ses noires vapeurs troubla ma fantaisie, Et qu'un démon jaloux de mon contentement M'inspira le dessein d'écrire poliment, Tous les jours malgré moi, cloué sur un ouvrage, Retouchant un endroit, effaçant une page, Enfin passant ma vie en ce triste métier, J'envie, en écrivant, le sort de Pelletier. Bienheureux Scudéri, dont la fertile plume Peut tous les mois sans peine enfanter un volume ! Tes écrits, il est vrai, sans art et languissants, Semblent être formés en dépit du bon sens ; Mais ils trouvent pourtant, quoi qu'on en puisse dire, Un marchand pour les vendre, et des sots pour les lire ; Et quand la rime enfin se trouve au bout des vers, Qu'importe que le reste y soit mis de travers ! Malheureux mille fois celui dont la manie Veut aux règles de l'art asservir son génie ! Un sot, en écrivant, fait tout avec plaisir. Il n'a point en ses vers l'embarras de choisir ; Et, toujours amoureux de ce qu'il vient d'écrire, Ravi d'étonnement, en soi-même il s'admire. Mais un esprit sublime en vain veut s'élever A ce degré parfait qu'il tâche de trouver; Et, toujours mécontent de ce qu'il vient de faire, Il plaît à tout le monde, et ne saurait se plaire, Et tel, dont en tous lieux chacun vante l'esprit, Voudrait pour son repos n'avoir jamais écrit. Toi donc, qui vois les maux où ma muse s'abîme, De grâce, enseigne-moi l'art de trouver la rime : Ou, puisque enfin tes soins y seraient superflus, Molière, enseigne-moi l'art de ne rimer plus.
Alphonse.D Posté 12 février 2005 Auteur Signaler Posté 12 février 2005 La poésie n'a pas grand succès… A moins que ce soit spécialement le XVIIe. Lisez-donc, si le coeur vous en dit, ce sonnet splendide de Musset, Tristesse. ps: je vous rappelle que vous pouvez commenter à loisir ou bien même laisser d'autres textes. Tristesse J'ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaieté; J'ai perdu jusqu'à la fierté Qui faisait croire à mon génie. Quand j'ai connu la Vérité, J'ai cru que c'était une amie ; Quand je l'ai comprise et sentie, J'en étais déjà dégoûté. Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d'elle Ici-bas ont tout ignoré. Dieu parle, il faut qu'on lui réponde. Le seul bien qui me reste au monde Est d'avoir quelquefois pleuré.
Taisei Yokusankai Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 Neptune surgit, son esprit bondissant comme les dauphins. Ces concepts l´esprit humain les a atteints. Pour créer le Cosmos -- Accomplir le possible – Muss., détruit pour une erreur, Mais les annales Le palimpseste – une lueur infime dans les infinies ténèbres – cuniculi – Un vieux « timbré » mort en Virginie. Des jeunes mal préparés, croûlant sous les annales, La vision de la Madonna au-dessus des mégots de cigare et surmontant le portail. « Avons fait des tonnes de lois » (mucchio di leggi) Litterae nihil sanantes, de Justinien – une masse de travaux inachevés. J´ai apporté la grande boule de cristal ; qui peut la soulever ? Qui saura s´infiltrer dans le gland de lumière ? Mais la beauté n´est pas la folie Même si mes erreurs gisent et mon naufrage autour de moi. Et je ne suis pas un demi-dieu, je n´arrive pas à faire tenir l´ensemble. S´il n´y a pas d´amour au foyer rien n´est possible. La voix de la faim ne s´était pas fait entendre. Comment la beauté vint-elle à l´encontre de cette noirceur, la beauté par deux fois sous les ormes – Sauvés par les écureuils et les geais ?
Dilbert Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 Départ (Arthur Rimbaud) Une caravane de pénitents, portant crucifix, lampes et girandoles éclatantes, gravit le flanc de la montagne, foule les moissons d’orchis bleuâtres et peuple les grandes cités de ses convaincantes théories. Des trésors d’aigue-marine resplendissent aux doigts des cénobites, les horreurs les plus sournoises s’abouchent à leurs lèvres. Des légendes d’incarnat sous la lune attisent la pudibonderie d’une horde de satyres dansant aux sureaux des futaies. Reîtres et fantassins tendent au-dessus de leurs têtes ces rondaches dorées – alors que l’empire des Ismaël précède les révoltes futures, et qu’aux abîmes irisés de l’océan la chair des séraphins déploie naïvement ses brunes splendeurs. Tel qu’une neige d’acier aux golfes du levant, le gazon des parcs mêle au sang des vierges ses foisons de rubis pourpres et mats. Les traits de l’aube nouvelle fleurent leurs béatifiants opiats auprès de l’indécision des corolles – hier, Pan déclarait exalter pour nous les sinistres tendresses de l’azur ; déjà sa croupe candide et ses reins, beaux particulièrement vers l’aine, se ressentaient de l’orgueil des races pures. Des effondrilles de parfums tombaient sur nos cœurs comme un tas de mélodies désespérées. - Et derechef, ô Christ ! ton atroce étalage de vertus ! L’exil sur les mers, au-delà de l’amour et des éminences inspirées, la torpeur des raisons et l’audace des cruautés inessentielles ! Pour ses périples futurs, pour nous tous. Le ciel, à nos pieds, n’en rétablira pas moins ses cohortes nubiles et ses carreaux d’or – ô folies point circonvenues ! L’Europe se bercerait-elle encore d’innocence captive ? Importune inclination ! Sans compromission, cependant.
Dilbert Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 Le grand Charles (souvenir d’enfance de Baudelaire) (Georges Fourest) Avant d’être exilé sur le sol au milieu Des imprécations (d’autres disent « huées »), Le poète faisait enrager son bilieux Père, las de le voir perdu dans les nuées. Il n’était point encor l’écrivain sulfureux Des « Flirts du Mâle », amas de foutaises salées ; Ni l’amateur douteux de femmes vérolées, Petit-maître hautain et dandy malheureux. A bord du paquebot, le jeune Baudelaire Allait partir vers l’Inde ; et il zyeutait son père En pensant : « c’est comme ça qu’il me fiche à l’eau ! » La maman pleurnichait en couvant son fiston Des yeux ; papa disait, avec l’air faux jeton : « Ça lui fera les pieds, à ce petit salaud ! »
pankkake Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 Je suis totalement insensible à la poésie, mais je ne désespère pas.
Taisei Yokusankai Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 J'ai oublié de mettre la référence au poème que j'ai cité, c'est d'Ezra Pound, Extrait du Canto CXVI.
Dilbert Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 Spleen parisien (Baudelaire) L’été reflue et fuit, et décline sans cesse, Saison luxuriante aux parfums surannés ; L’enfer de brume auquel nous sommes condamnés Va saisir de frissons tout notre être en détresse. De lourds gémissements de cloches monotones Ebranlent nos cerveaux ; et viennent nous languir La Paresse, l’Ennui, forts des fièvres d’automne, Sur un horizon triste et rempli de soupirs.
Taisei Yokusankai Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 Une Charogne Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme, Ce beau matin d'été si doux : Au détour d'un sentier une charogne infâme Sur un lit semé de cailloux, Les jambes en l'air, comme une femme lubrique, Brûlante et suant les poisons, Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique Son ventre plein d'exhalaisons. Le soleil rayonnait sur cette pourriture, Comme afin de la cuire à point, Et de rendre au centuple à la grande nature Tout ce qu'ensemble elle avait joint ; Et le ciel regardait la carcasse superbe Comme une fleur s'épanouir. La puanteur était si forte, que sur l'herbe Vous crûtes vous évanouir. Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, D'où sortaient de noirs bataillons De larves, qui coulaient comme un épais liquide Le long de ces vivants haillons. Tout cela descendait, montait comme une vague, Ou s'élançait en pétillant ; On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague, Vivait en se multipliant. Et ce monde rendait une étrange musique, Comme l'eau courante et le vent, Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique Agite et tourne dans son van. Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve, Une ébauche lente à venir, Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève Seulement par le souvenir. Derrière les rochers une chienne inquiète Nous regardait d'un oeil fâché, Épiant le moment de reprendre au squelette Le morceau qu'elle avait lâché. Et pourtant vous serez semblable à cette ordure, A cette horrible infection, Étoile de mes yeux, soleil de ma nature, Vous, mon ange et ma passion ! Oui ! telle vous serez, ô reine des grâces, Après les derniers sacrements, Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses. Moisir parmi les ossements. Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine Qui vous mangera de baisers, Que j'ai gardé la forme et l'essence divine De mes amours décomposés ! Charles Baudelaire
Taisei Yokusankai Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 Oh ! la science ! On a tout repris. Pour le corps et pour l'âme, - le viatique, - on a la médecine et la philosophie, - les remèdes de bonnes femmes et les chansons populaires arrangées. Et les divertissements des princes et les jeux qu'ils interdisaient ! Géographie, cosmographie, mécanique, chimie !…La science, la nouvelle noblesse ! Le progrès. Le monde marche ! Pourquoi ne tournerait-il pas ? C'est la vision des nombres. Nous allons à l'Esprit. C'est très certain, c'est oracle, ce que je dis. Je comprends, et ne sachant m'expliquer sans paroles païennes, je voudrais me taire.
Dilbert Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 J'ai choisi des poèmes assez peu connus, moi ils me plaisent bien…
Constantin_H Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 Voici un petit pastiche de Baudelaire que j'ai composé quand j'avais seize ans. Il y a deux fautes de scansion mais bon, l'idée n'est pas mauvaise il me semble. Le mort heureux Un beau jour, mon cadavre aura sa sépulture; Alors, les vers voraces effleureront ma peau, Leur lent cheminement bercera mon repos, Mes membres tuméfiés deviendront leur pâture. La mort? Plus de soucis! Tout le corps n'est qu'ordure, Et finit dans la tombe ou le sombre caveau : Le simple tas de chair qui disparaît à vos Regards sera la proie de la pourriture. Au sein de mes orbites, les larves grandiront : Dans mon crâne morose, elles se nourriront, Puis s'en évaderont, passant par ses fissures. Bientôt leurs appétits auront rongé mes os; Ils laisseront mon corps pourrir dans le terreau, Et je serai heureux, couvert de moisissures.
Dilbert Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 Voici un petit pastiche de Baudelaire que j'ai composé quand j'avais seize ans. Il y a deux fautes de scansion mais bon, l'idée n'est pas mauvaise il me semble. Cinq ou six fautes en fait, mais il serait facile d'y remédier. L'ensemble n'est pas mal. EDIT : tiens, tu as changé de poème entretemps…
Constantin_H Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 Cinq ou six fautes en fait, mais il serait facile d'y remédier. L'ensemble n'est pas mal.EDIT : tiens, tu as changé de poème entretemps… <{POST_SNAPBACK}> Oui, il y a avait trop de fautes dans le précédent
wapiti Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 M E S O C C U P A T I O N S Henri Michaux Je peux rarement voir quelqu'un sans le battre. D'autres préfèrent le monologue intérieur. Moi non. J'aime mieux battre. Il y a des gens qui s'assoient en face de moi au restaurant et ne disent rien, ils restent un certain temps, car ils ont décidé de manger. En voici un. Je te l'agrippe, toc. Je te le ragrippe, toc. Je le pends au portemanteau. Je le décroche. Je le repends. Je le décroche. Je le mets sur la table, je le tasse et l'étouffe. Je le salis, je l'inonde. Il revit. Je le rince, je l'étire (je commence à m'énerver, il faut en finir), je le masse, je le serre, je le résume et l'introduis dans mon verre, et jette ostensiblement le contenu par terre, et dis au garçon: «Mettez-moi donc un verre plus propre.» Mais je me sens mal, je règle promptement l'addition et je m'en vais.
Dilbert Posté 12 février 2005 Signaler Posté 12 février 2005 Je propose une version dilbertienne "améliorée" du poème de Constantin : Le mort heureux Un beau jour, mon cadavre aura sa sépulture; Alors, le ver vorace effleurera ma peau ; Son lent cheminement bercera mon repos ; Mes membres tuméfiés deviendront sa pâture. La mort? Plus de soucis! Tout le corps n'est qu'ordure, Et finit dans la tombe ou le sombre caveau : Un simple amas de chair, qui disparaît à vos Regards, dans un linceul sombre de pourriture. Au creux de mon orbite, une larve éclora : De mon crâne morose, elle se nourrira, Puis s'en évadera, passant par les fissures. Bientôt son appétit aura rongé mes os ; Elle délaissera mon corps dans son terreau, Et je serai heureux, couvert de moisissures.
Alphonse.D Posté 14 février 2005 Auteur Signaler Posté 14 février 2005 Voici un petit pastiche de Baudelaire que j'ai composé quand j'avais seize ans. Il y a deux fautes de scansion mais bon, l'idée n'est pas mauvaise il me semble. Le mort heureux Un beau jour, mon cadavre aura sa sépulture; Alors, les vers voraces effleureront ma peau, Leur lent cheminement bercera mon repos, Mes membres tuméfiés deviendront leur pâture. La mort? Plus de soucis! Tout le corps n'est qu'ordure, Et finit dans la tombe ou le sombre caveau : Le simple tas de chair qui disparaît à vos Regards sera la proie de la pourriture. Au sein de mes orbites, les larves grandiront : Dans mon crâne morose, elles se nourriront, Puis s'en évaderont, passant par ses fissures. Bientôt leurs appétits auront rongé mes os; Ils laisseront mon corps pourrir dans le terreau, Et je serai heureux, couvert de moisissures. <{POST_SNAPBACK}> Je trouve ma foi ce pastiche honnête, l'idée étant en effet intéressante. Je te donne mon avis qui n'a guère de crédit (en simple amateur) : le premier quatrain est bien construit, je trouve en revanche les deux derniers vers du second quatrain ainsi que le second du premier tercet un peu faibles. En ce qui concerne le dernier tercet, j'aurais eu tendance à privilégier le singulier pour le premier vers, le dernier vers est pour le coup bien frappé, l'alexandrin classique, la virgule venant séparer les deux hémistiches, finit très bien le sonnet.
Alphonse.D Posté 14 février 2005 Auteur Signaler Posté 14 février 2005 Je propose une version dilbertienne "améliorée" du poème de Constantin : Le mort heureux Un beau jour, mon cadavre aura sa sépulture; Alors, le ver vorace effleurera ma peau ; Son lent cheminement bercera mon repos ; Mes membres tuméfiés deviendront sa pâture. La mort? Plus de soucis! Tout le corps n'est qu'ordure, Et finit dans la tombe ou le sombre caveau : Un simple amas de chair, qui disparaît à vos Regards, dans un linceul sombre de pourriture. Au creux de mon orbite, une larve éclora : De mon crâne morose, elle se nourrira, Puis s'en évadera, passant par les fissures. Bientôt son appétit aura rongé mes os ; Elle délaissera mon corps dans son terreau, Et je serai heureux, couvert de moisissures. <{POST_SNAPBACK}> Cette version dilbertienne est meilleure à mon goût en certains endroits; l'emploi du singulier par exemple m'apparaît plus doux à l'oeil comme à l'oreille. A noter que cela n'enlève rien au mérite de l'auteur, l'amélioration étant toujours plus commode que la composition originelle.
Alphonse.D Posté 14 février 2005 Auteur Signaler Posté 14 février 2005 J'ai bien apprécié le sonnet de Georges Fourest que je ne connaissais absolument pas; les deux textes de Baudelaire, La charogne et le spleen parisien ont réveillé un heureux souvenir; il me faudra par contre un peu plus de temps pour digérer l'extrême richesse lexicale du "Départ" de Rimbaud. Je n'ai pas été vraiment marqué par la poésie d'Ezra Pound que j'ignorais complètement. Celle de Michaux, amusante, m'a aussi laissé plutôt indifférent. ps: je rappelle qu'il n'y a aucun jugement. La poésie est quelque chose au fond de très personnel, ce qui touche (peu importe de quelle façon) quelqu'un peut tout à fait laisser indifférent quelqu'un d'autre.
Taisei Yokusankai Posté 14 février 2005 Signaler Posté 14 février 2005 J'ai inclus l'extrait de Pound pour sa "contemporéanité" plus que pour autre chose. C'est une des voix majeures de la poésie made in 20eme siècle, poésie très souvent ignorée en faveur de ces (glorieux) prédecesseurs des sicèles précédents. A lire aussi: Fernando Pessao bien sur, mais également Robert Lowell.
wapiti Posté 14 février 2005 Signaler Posté 14 février 2005 Tiens à propos de Pessoa, j'ai lu récemment cette oeuvre de jeunesse (c'est pas de la poesie, désolé) : PS: ça se lit en 1 heure, je suis sûr que ça plairait à Eskoh
Alphonse.D Posté 14 février 2005 Auteur Signaler Posté 14 février 2005 J'ai inclus l'extrait de Pound pour sa "contemporéanité" plus que pour autre chose. C'est une des voix majeures de la poésie made in 20eme siècle, poésie très souvent ignorée en faveur de ces (glorieux) prédecesseurs des sicèles précédents.A lire aussi: Fernando Pessao bien sur, mais également Robert Lowell. <{POST_SNAPBACK}> Tu as bien fait car je connais très mal le siècle dernier. Je prends note des deux auteurs que tu proposes, que je ne connais pas si ce n'est vaguement de nom. Je vous propose ces deux poèmes d'un auteur, généralement assez méconnu, premier prix nobel de littérature en 1901, René-François Sully Prudhomme. Aux poètes futurs Poètes à venir, qui saurez tant de choses, Et les direz sans doute en un verbe plus beau, Portant plus loin que nous un plus large flambeau Sur les suprêmes fins et les premières causes ; Quand vos vers sacreront des pensers grandioses, Depuis longtemps déjà nous serons au tombeau ; Rien ne vivra de nous qu'un terne et froid lambeau De notre oeuvre enfouie avec nos lèvres closes. Songez que nous chantions les fleurs et les amours Dans un âge plein d'ombre, au mortel bruit des armes, Pour des coeurs anxieux que ce bruit rendait sourds ; Lors plaignez nos chansons, où tremblaient tant d'alarmes, Vous qui, mieux écoutés, ferez en d'heureux jours Sur de plus hauts objets des poèmes sans larmes Le vase brisé Le vase où meurt cette verveine D'un coup d'éventail fut fêlé ; Le coup dut effleurer à peine : Aucun bruit ne l'a révélé. Mais la légère meurtrissure, Mordant le cristal chaque jour, D'une marche invisible et sûre En a fait lentement le tour. Son eau fraîche a fui goutte à goutte, Le suc des fleurs s'est épuisé ; Personne encore ne s'en doute ; N'y touchez pas, il est brisé. Souvent aussi la main qu'on aime, Effleurant le coeur, le meurtrit ; Puis le coeur se fend de lui-même, La fleur de son amour périt ; Toujours intact aux yeux du monde, Il sent croître et pleurer tout bas Sa blessure fine et profonde ; Il est brisé, n'y touchez pas.
Constantin_H Posté 17 février 2005 Signaler Posté 17 février 2005 Cette version dilbertienne est meilleure à mon goût en certains endroits; l'emploi du singulier par exemple m'apparaît plus doux à l'oeil comme à l'oreille. A noter que cela n'enlève rien au mérite de l'auteur, l'amélioration étant toujours plus commode que la composition originelle. <{POST_SNAPBACK}> J'aime beaucoup, cela ajoute effectivement beaucoup. Par contre je garderais "ses" plutôt que "les" devant fissures, histoire de conserver l'allitération en "s". Mais là on pinaille, hein.
Constantin_H Posté 17 février 2005 Signaler Posté 17 février 2005 Au fait, connaissez-vous ce genre ancien appelé la fatrasie ? En voici une qui date du quinzième siècle, écrite par un certain Baudet Herenc : La chose va très mal Ou point n'a de justice La chose va très mal Dit un veau de métal Au front d'une génisse Qui en un orinal Bouta un cardinal, Qui faisait sacrifice De l'oeil d'une écrevisse En un four de cristal Pour ce que sa pelisse Tenait état royal Où n'a point de justice
Alphonse.D Posté 19 février 2005 Auteur Signaler Posté 19 février 2005 Au fait, connaissez-vous ce genre ancien appelé la fatrasie ?En voici une qui date du quinzième siècle, écrite par un certain Baudet Herenc : La chose va très mal Ou point n'a de justice La chose va très mal Dit un veau de métal Au front d'une génisse Qui en un orinal Bouta un cardinal, Qui faisait sacrifice De l'oeil d'une écrevisse En un four de cristal Pour ce que sa pelisse Tenait état royal Où n'a point de justice <{POST_SNAPBACK}> Je connaissais la fratrasie, mais pas celle-là, ni même son auteur. Pour rester au XV ème siècle, je vous propose cette épitaphe assez connue (sûrement la pièce la plus connue de cet auteur), épitaphe Villon, appelé aussi la ballade des pendus, de F.Villon(1431-?) L'Épitaphe de Villon ou " Ballade des pendus " Frères humains, qui après nous vivez, N'ayez les coeurs contre nous endurcis, Car, si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tôt de vous mercis. Vous nous voyez ci attachés, cinq, six : Quant à la chair, que trop avons nourrie, Elle est piéça dévorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et poudre. De notre mal personne ne s'en rie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! Se frères vous clamons, pas n'en devez Avoir dédain, quoique fûmes occis Par justice. Toutefois, vous savez Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis. Excusez-nous, puisque sommes transis, Envers le fils de la Vierge Marie, Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l'infernale foudre. Nous sommes morts, âme ne nous harie, Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! La pluie nous a débués et lavés, Et le soleil desséchés et noircis. Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés, Et arraché la barbe et les sourcils. Jamais nul temps nous ne sommes assis Puis çà, puis là, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charrie, Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre. Ne soyez donc de notre confrérie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! Prince Jésus, qui sur tous a maistrie, Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie : A lui n'ayons que faire ne que soudre. Hommes, ici n'a point de moquerie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Constantin_H Posté 20 février 2005 Signaler Posté 20 février 2005 Ce qui me frappe dans la fatrasie, c'est à quel point l'homme, des siècles avant Charles Cros, avait déjà découvert le pouvoir de l'absurde.
Alphonse.D Posté 27 février 2005 Auteur Signaler Posté 27 février 2005 Je ne voudrais pas vous priver du texte de Rimbaud qui me séduit le plus. Attention, c'est vraiment délicieux: ROMAN I On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans. - Un beau soir, foin des bocks et de la limonade, Des cafés tapageurs aux lustres éclatants ! - On va sous les tilleuls verts de la promenade. Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin ! L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière ; Le vent chargé de bruits, - la ville n'est pas loin, - A des parfums de vigne et des parfums de bière… II - Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon D'azur sombre, encadré d'une petite branche, Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond Avec de doux frissons, petite et toute blanche. Nuit de juin ! Dix-sept ans ! - On se laisse griser La sève est du champagne et vous monte à la tête… On divague ; on se sent aux lèvres un baiser Qui palpite là, comme une petite bête… III Le coeur fou Robinsonne à travers les romans, - Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère, Passe une demoiselle aux petits airs charmants, Sous l'ombre du faux col effrayant de son père… Et, comme elle vous trouve immensément naïf, Tout en faisant trotter ses petites bottines, Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif… - Sur vos lèvres alors meurent les cavatines… IV Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août. Vous êtes amoureux. - Vos sonnets La font rire. Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût. - Puis l'adorée, un soir a daigné vous écrire… ! - Ce soir-là,… - vous rentrez aux cafés éclatants, Vous demandez des bocks ou de la limonade… - On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade. 29 septembre 1870
Dilbert Posté 27 février 2005 Signaler Posté 27 février 2005 Je ne voudrais pas vous priver du texte de Rimbaud qui me séduit le plus. Attention, c'est vraiment délicieux: Ce n'est pas mon préféré (ses poèmes postérieurs sont mieux réussis) mais il n'est pas mal.
Dilbert Posté 27 février 2005 Signaler Posté 27 février 2005 Pour rester au XV ème siècle, je vous propose cette épitaphe assez connue (sûrement la pièce la plus connue de cet auteur), épitaphe Villon, appelé aussi la ballade des pendus, de F.Villon(1431-?) C'est son poème le plus connu et le meilleur. Toute l'âme de cette époque lointaine nous y est restituée. Si j'ai le temps, je posterai un de ses poèmes très peu connus (vous ne le trouverez dans pratiquement aucun livre)…
Dilbert Posté 27 février 2005 Signaler Posté 27 février 2005 Et le voici (ballade royale, une forme rare et difficile). La dernière ballade de François Villon Prince Jhesus, qui tous les Oincts conduis, Oyë ceste oraison de ma manière ; Qu’icelle, nonobstant mon triste bruis, Te soit admise. Or en fin de carrière J’entends, par ce, me confesser pécheur (Bien en puis mais, qui de tous le greigneur) Et se, dictant avec persévérance Vueil impétrer de divine clémance Entier pardon, ne doy aucunement Tollir mesfait, n’en celer congnoissance, Ainçois l’heure du dernier partement. « Garde que nopce apatelle ta nuit ! » Ce dit l’Apostre ; au fort, telle emperière, Ne moins ne mais, esmorche l’homme en ruit Et de l’amour se montre moult murtrière. Oncques n’ay sceu de fille aherdre cueur, Fors es bordeaux (et ne m’en fault douleur) Où à laids corps uns plus laids se fiance. Si me ramentevois que galle, errance, Furent mon lost – foi de paillard n’en ment, D’amour n’ay veu mais seule défiance Ainçois l’heure du dernier partement. Que se Fortune a basti ou destruit En un jour plain des gloires séculières, Comme son bon plaisir eusse défuit ? Sa roue arrestée, que ne me fières ? Sage en mestier du sort n’attend douceur. Dam Povreté m’a pari vendengeur, Quester m’a faict, ou dérober chevance, Faute de pain, manyer à oultrance Riches duppes. Dont je me dueils vraiment ; Tant plus m’en dueils qu’en deslie ma pance, Ainçois l’heure du dernier partement. Obstant qu’emprès la mort tout s’entresuit, Que la faulx onc ne demeure en arrière, Saints ou mauldits tous unyement poursuit, Et doctes, fols ou beus tost cloue en bière, Si me cuidant, prins de noire sueur, Articulo mortis, oy à grant paeur La lame et son baiser d’impatiance (Combien qu’hier soulois de leur puissance Bien eschever l’orde gouvernement) Me dire bas que dévier est souffrance ! Ainçois l’heure du dernier partement. Au nom de Christ, de ton ventre le fruit, Mère de Dieu, Marie, et bonne et fière, Garde qu’es feulx-Mauffez ne soië cuit : Pour ce, me prends soubz ta haulte bannière. S’en la Grâce du Fils n’est lieu de pleur, Qu’estre rebelle y est seure foleur, Affin que fine avec masle assurance, Plumail au vent, mené par Providance, Cy-bas ma vie, eslongne ce Torment ! Soulas me baille et complaiste allégeance, Ainçois l’heure du dernier partement. Prince Jhesus, fons soueve, espérance De tous contricts, dont ne déçois confiance, Maistre des fins et du commencement, Remire adonc François Villon de France, Ainçois l’heure du dernier partement. François Villon
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