Etienne Posté 16 avril 2005 Signaler Posté 16 avril 2005 L’impôt à taux unique séduit les libéraux Plusieurs pays de l’Est appliquent le même taux d’imposition aux particuliers et aux entreprises. A l’Ouest, certains prônent cette solution pour limiter la fraude. Mais quid de la justice sociale ? L’adoption de l’impôt à taux unique [flat tax] en Europe de l’Est – après Hong Kong et les îles Anglo-Normandes – suscite un intérêt grandissant en Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis. Selon ses partisans, ce système, caractérisé par un taux uniforme appliqué à une large assiette, permet d’accroître les recettes de l’Etat en dopant l’économie et en réduisant l’évasion fiscale. Madsen Pirie, président de l’Adam Smith Institute, un think tank [très libéral] londonien, note que la flat tax possède un attrait “irrésistible” dans les pays industrialisés, où, selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), la moyenne de l’impôt sur le revenu repart à la hausse. “L’Etat gagne sur les deux tableaux. Il échappe aux critiques en s’abstenant d’alourdir l’impôt sur le revenu, sans compromettre les recettes fiscales.” En Pologne, le gouvernement de centre gauche a annoncé en mars l’introduction d’un impôt forfaitaire pour 2008. Un taux unique de 18 % s’appliquera aux impôts sur tous les revenus des personnes physiques et sur les bénéfices des sociétés, ainsi qu’à la TVA. Pour les adversaires de cette réforme, notamment les partis polonais de gauche et les syndicats, elle ne fait que transférer le poids de la fiscalité des plus riches aux catégories à revenus faibles ou moyens. Le gouvernement estime au contraire qu’elle permet d’augmenter les recettes fiscales et d’attirer les investisseurs étrangers. Dans une grande partie du monde industrialisé, la tendance est à l’uniformisation ou à la simplification des régimes fiscaux. Depuis vingt ans, selon l’OCDE, la plupart des pays ont fortement réduit le nombre des tranches d’imposition. Certains ont également réduit le nombre d’exonérations et d’abattements. Neuf pays d’Europe de l’Est, de l’Estonie en 1994 à la Roumanie et à la Géorgie cette année, ont été particulièrement actifs, fixant des taux uniques peu élevés pour l’impôt sur le revenu et souvent tout aussi bas pour l’impôt sur les sociétés. Mais si la plupart des économistes conviennent que l’allégement de la fiscalité a favorisé la croissance en Europe de l’Est, l’impact d’un impôt sur le revenu à taux unique reste controversé. Les avantages les plus visibles sont, pour les services fiscaux, de faciliter la gestion et, pour le contribuable, la compréhension de sa facture fiscale. De plus, la réduction des taux et l’élargissement de la base d’imposition découragent l’évasion fiscale et la fraude. Cela a semblé être le cas en Russie, qui a adopté un taux unique de 13 % en 2001. En 2002, les recettes fiscales ont fait un bond de plus de 25 % en termes réels, que beaucoup ont immédiatement attribué au nouveau système. Mais en janvier, le Fonds monétaire international (FMI) a publié une étude qui contredit cette thèse : “Notre analyse montre que l’importance des recettes de l’impôt sur le revenu en Russie durant cette période était largement due à une augmentation des rémunérations et qu’elle n’avait rien à voir avec la réforme fiscale.” En Slovaquie, pays qui a mis en place un taux forfaitaire de 19 %, les recettes de l’impôt sur le revenu ont chuté de 21 %. L’Etat a comblé le trou en relevant les impôts indirects et les taxes sur les ventes. Selon les défenseurs de l’économie de l’offre, lorsque les citoyens peuvent garder pour eux une plus grande part de leurs revenus, cela accroît l’épargne et les investissements, ce qui profite à l’économie dans son ensemble. En Europe de l’Est, les pays qui ont adopté la flat tax sont effectivement florissants. Mais le lien de cause à effet reste à démontrer. En Slovaquie, où la croissance économique est tirée par l’investissement étranger, les autorités assurent que l’impôt à taux unique a attiré les investisseurs. Mais à en croire les fiscalistes et les dirigeants d’entreprise, le grand attrait du pays, ce sont les bas salaires et le faible impôt sur les sociétés. Selon eux, les industriels n’ont pratiquement rien à gagner à un abaissement de l’impôt sur le revenu. Reste la question de la justice sociale. De ce point de vue, il n’y a pas forcément de régression, soutient l’OCDE : plus que les taux, c’est l’importance des abattements individuels qui détermine la plus ou moins grande progressivité d’un régime fiscal. En Slovaquie, la réforme globale de la fiscalité s’est révélée douloureuse pour certains. Les contribuables ayant des revenus élevés en sortent grands gagnants ; les plus modestes ont bénéficié d’un avantage moins important, via le relèvement du plafond appliqué aux revenus non imposables (il a été doublé). Mais de nombreux contribuables à revenus moyens, notamment ceux qui n’ont pas d’enfants, sont perdants à cause de l’augmentation des taxes à la consommation. “L’impôt uniforme n’est pas forcément bon, ni pour les recettes fiscales ni, à court terme, pour l’égalité”, conclut Ben Slay, du Programme des Nations unies pour le développement. Christopher Condon et Robert Anderson Financial Times Concurrence déloyale La généralisation de l’impôt à taux unique dans les pays de l’Est irrite de nombreux dirigeants de l’Union européenne, qui crient à la concurrence déloyale, constate The Daily Telegraph, de Londres. Selon le Premier ministre suédois, Göran Persson, les Etats qui contribuent le plus au budget de l’Union subventionnent de fait les baisses d’impôts de leurs concurrents de l’Est. Et lorsqu’il était ministre des Finances, Nicolas Sarkozy avait estimé qu’un pays assez riche pour se permettre le luxe de la flat tax n’avait de toute évidence plus besoin de recevoir de l’argent de Bruxelles.
Xav Posté 19 mai 2005 Signaler Posté 19 mai 2005 Article de Garello sur la flat tax dans Les Echos 19/05/05 La « flat tax » : l'impôt européen de demain ?JACQUES GARELLO Imaginez que votre déclaration de revenus tienne sur une carte postale, où vous n'auriez à inscrire que votre code de contribuable et le montant global de tous les revenus perçus au cours de l'année écoulée. » C'est en ces termes qu'il y a vingt-cinq ans deux économistes de la Hoover Institution à Stanford, Robert Hall et Alvin Rabushka, faisaient rêver leurs compatriotes américains avec ce qu'ils appelaient la « flat tax », l'impôt plat, traduit encore, de façon moins rigoureuse, par « l'impôt unique ». Le rêve est aujourd'hui réalité : la flat tax a inspiré plusieurs réformes fiscales aux Etats-Unis, et a été adoptée par de nombreux pays d'Europe, notamment les ex-pays communistes : l'Estonie, en 1994, puis les autres nations baltes et la Russie, puis en 2003, la Slovaquie, la Serbie et l'Ukraine, et enfin, début de 2005, la Géorgie et la Roumanie. Paradoxalement, la flat tax s'est ainsi diffusée dans des pays où la fiscalité n'est pas aussi harassante que la nôtre, et où la déclaration de revenus n'est pas un vrai cauchemar. S'agirait-il d'une formule pour pays fiscalement sous-développés ? Ou est-ce au contraire le tout dernier modèle d'impôt inventé et éprouvé, mettant au rancart les systèmes éculés, et anticipant le futur fiscal européen ? La flat tax deviendra-t-elle l'impôt européen, par contagion, par décret ou par concurrence ? Certains des artisans de cette réforme en débattront aujourd'hui avec des économistes européens experts en fiscalité au cours d'une rencontre à Paris (1). Fini la bureaucratie fiscale inquisitoire et pesante, terminé le slalom entre exonérations, réductions, majorations, péréquations : la flat tax c'est d'abord l'impôt commode, simplifié. Dans ce système, il n'y a plus de distinction entre les diverses formes de revenus : salaires, retraites, rentes et pensions, revenus fonciers, revenus de l'épargne, de l'entreprise ou de la propriété sont tous soumis au même taux de prélèvement. De ce fait disparaissent les privilèges dont bénéficiaient certains revenus et les surcharges qui en frappaient d'autres. L'Etat s'interdit de classer les activités et les choix de vie de ses citoyens. De même, il refuse de discriminer les citoyens suivant l'importance de leurs gains. Le même taux est appliqué aux revenus réputés faibles, moyens, élevés. La flat tax est donc le contraire de la progressivité, c'est le choix de la stricte proportionnalité de l'impôt. Grâce à ce choix, la flat tax n'est plus seulement l'impôt simple, c'est aussi l'impôt efficace. C'est sans doute ce qui a concouru au succès économique des pays qui l'ont adoptée, partiellement ou totalement. Partiellement quand, comme aux Etats-Unis, on ramène le nombre de tranches d'imposition sur le revenu à deux (taxées respectivement à 15 % et 28 %), totalement quand on n'a plus de tranches du tout (avec un taux unique, qui en Europe se situe entre 13 et 24 % suivant les pays). Un moindre degré de progressivité, allant jusqu'à la proportionnalité, a un effet stimulant scientifiquement mis en évidence par les pères de la flat tax. Le raisonnement est assez convaincant : sachant qu'un supplément de revenus n'entraînera pour eux aucune pénalité fiscale (sous forme d'un taux prohibitif sur l'argent qu'il gagneraient en plus) les gens dynamiques laissent libre cours à leur désir de gagner de l'argent, ils travaillent et entreprennent davantage. Développement des activités, innovation, création d'emplois sont au rendez-vous. L'Etat lui-même y trouvera son compte, les rentrées fiscales étant plus substantielles : c'est ce que l'on a baptisé « l'effet Laffer » du nom de l'économiste qui a inspiré les réformes Reagan en 1983. Donc la crainte de déséquilibrer le budget en réduisant ou en supprimant les tranches d'impôts, et en abaissant les taux, est injustifiée. Simple et efficace, la flat tax est-elle « sociale » ? On connaît l'objection la plus fréquemment opposée à la proportionnalité : c'est un « cadeau fait aux riches ». Un argument si fort que, dans de nombreux pays, dont la France, la progressivité passe pour la seule formule de justice sociale, et dissuade toute avancée vers la flat tax. Il faut d'abord se rendre à l'évidence statistique : les travaux de Rabushka après les réformes Reagan de 1983 et 1986 ont démontré que la part payée par les « riches » dans le total des impôts sur le revenu avait augmenté, et celle des « pauvres » diminué. C'est une illustration de la démonstration précédente : ce qui importe, ce n'est pas l'argent versé, mais l'argent resté disponible. Mais on considérera aussi que la croissance économique (à laquelle concourt la proportionnalité) est en soi un facteur de lutte contre la pauvreté, de promotion sociale, de protection contre le chômage et les pertes accidentelles de revenus, et à travers la concurrence une prime à tous les consommateurs. Le progrès social se diffuse à travers le marché, le libre-échange et grâce à la libre entreprise. On se rappellera enfin la charge de Proudhon contre l'impôt de redistribution. Il assimilait la progressivité à une spoliation de certains au bénéfice des autres, le choix des voleurs et des volés étant soumis au seul arbitraire de l'Etat. L'impôt ne saurait avoir d'autre utilité que de payer pour les « biens publics » fournis par les administrations. « Dans les sociétés modernes, tous les citoyens étant égaux devant la loi, les charges de l'Etat doivent être acquittées indistinctement par tous, et proportionnellement à leurs facultés. » Ce principe, rappelle Proudhon, est celui de la déclaration des droits de 1789. Nous sommes bien loin, me direz-vous, des principes de la fiscalité française actuelle. Je n'en suis pas si sûr. Tout d'abord, j'observe que nos gouvernants se mettent enfin en peine de répondre au besoin de simplification fiscale. Le succès des déclarations par Internet, la présentation d'une charte des droits des contribuables répondent à l'allergie croissante de millions de Français à la bureaucratie fiscale. La CSG est venue également diminuer la progressivité des impôts directs. Ensuite, je crois que la fiscalité française - quel que soit le résultat du référendum - devra de plus en plus tenir compte de la réalité européenne. Celle-ci s'imposera à nos gouvernants sous forme de concurrence fiscale, que certains considèrent comme « dommageable » (rapport Primarolo), tandis que d'autres parlent de « dumping fiscal », mais que personne ne pourra éliminer par décret. Pour rendre notre économie compétitive, pour garder sur notre sol les hommes et les capitaux tentés de s'expatrier, nos dirigeants seront amenés, peu à peu, à une harmonisation qu'ils n'avaient pas prévue dans ce sens. Ils devront abaisser la progressivité, supprimer les discriminations et incitations fiscales, bref ils devront se rapprocher de ces nouveaux venus dans le concert européen qui ont adhéré à la flat tax, un impôt simple, efficace, social, et contagieux. JACQUES GARELLO est professseur à l'université Paul-Cézanne et président de l'Aleps. Lien: http://www.lesechos.fr/journal20050519/lec…ees/4267001.htm
melodius Posté 19 mai 2005 Signaler Posté 19 mai 2005 Nous sommes bien loin, me direz-vous, des principes de la fiscalité française actuelle. Je n'en suis pas si sûr. Moi non plus. Plus j'y réfléchis, plus la flat tax me semble être une fausse bonne idée.
Chitah Posté 19 mai 2005 Signaler Posté 19 mai 2005 Toutes choses égales par ailleurs, la Flat Tax apporte une avancée considérable, c'est l'élimination de l'aspect "taxation en temps pour remplir ses déclarations". Tax Code is Too Taxing for Small BusinessThomas M. Sullivan, Chief Counsel for Advocacy of the U.S. Small Business Administration testified before the U.S. House of Representatives Committee on Small Business telling them, "A confusing and complex tax code is at the heart of why the typical small business with fewer than 20 employees spends over $1,200 per employee to comply with tax paperwork, recordkeeping, and reporting requirements." http://www.sba.gov/advo/press/05-20.html Cela se voit avant tout pour les petites entreprises, pas vraiment pour les particuliers, ni les grosses entreprises. En effet, dans ces deux derniers cas, on peut payer des juristes et des fiscalistes pour remplir ses déclarations (dans ce cas, la perte de temps devient de la perte d'argent), mais on peut aussi faire de l'optimisation fiscale. Ainsi, un code complexe laisse de la place pour les plus "puissants" pour jongler avec puisqu'ils en ont les moyens, alors que les "petits" se prennent la complexité en pleine face!
Evildeus Posté 19 mai 2005 Signaler Posté 19 mai 2005 La Flat tax est certainement mieux que l'impot progressif (cela me rappelle quelquechose). Par contre, pour l'impot sur le revenu, je suis pour l'impot de capitation
melodius Posté 19 mai 2005 Signaler Posté 19 mai 2005 Ne confondons pas flat tax et "flat rate". N'oublions pas par ailleurs que la flat tax implique également de virer les déductions.
walter-rebuttand Posté 19 mai 2005 Signaler Posté 19 mai 2005 Je pense in fine que la multiplicité des déductions est une manière de défense du contribuable.
Evildeus Posté 19 mai 2005 Signaler Posté 19 mai 2005 Normalement flat tax <=> flat rate. Mais, il est toujours possible que des exemples existent où ce n'est pas le cas.
tocquesenhayek Posté 24 mai 2005 Signaler Posté 24 mai 2005 Je pense in fine que la multiplicité des déductions est une manière de défense du contribuable. <{POST_SNAPBACK}> c'est surtout la possibilité pour l'état de choisir ses amis et de ne nous imposer des choix de vie en douce.
Coldstar Posté 24 mai 2005 Signaler Posté 24 mai 2005 c'est surtout la possibilité pour l'état de choisir ses amis et de ne nous imposer des choix de vie en douce. <{POST_SNAPBACK}> Tu as tout à fait raison. On en a parlé hier soir, et je conserve l'opinion que j'avais alors avancé: c'est peut-être une fausse bonne idée dans l'absolu, mais dans le cas de la France, l'introduction d'une Flat Tax (avec taux supportable) serait un progrès par rapport à la situation actuelle.
melodius Posté 24 mai 2005 Signaler Posté 24 mai 2005 Je suis favorable à un système fiscal le plus inefficace possible.
Antoninov Posté 27 mai 2005 Signaler Posté 27 mai 2005 Je suis favorable à un système fiscal le plus inefficace possible. Pas toujours facile à défendre, cette position, si? Je veux dire la moitié des arguments anti-Etat reposent sur le fait que ça ne marche pas avec l'Etat. Une amélioration du système serait un premier pas, dans cette optique… D'autre part, il me semble que tu es par exemple plutot favorable à une amélioration (contrôle, …) du système de chômage.
melodius Posté 27 mai 2005 Signaler Posté 27 mai 2005 Oui. Je veux qu'on prélève et qu'on dépense le moins possible. Mais je te concède qu'il vaut mieux ne pas défendre publiquement une taxation inefficace.
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