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Réforme Européenne Du Secteur Sucrier


Antoninov

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La Commission européenne présente ce mercredi

un nouveau projet de réforme du secteur sucrier.

Celui-ci prévoit une importante baisse des prix garantis. Les betteraviers belges sont très inquiets.

ANALYSE

Après une première mouture présentée en juillet 2004, la Commission européenne doit soumettre ce mercredi 22 juin une nouvelle proposition de réforme de l'organisation commune du marché du sucre. Un projet radical qui fait craindre une catastrophe aux planteurs de betteraves belges. Petit tour d'horizon en compagnie des représentants de la Confédération des betteraviers belges.

1 Le contexte. Actuellement, le secteur sucrier européen repose sur deux principes essentiels: un régime de quotas par pays et des prix garantis. Un système de protection douanière permet également de garantir ce prix en limitant les importations de pays producteurs extérieurs à l'Union, tandis que les excédents européens (le «sucre C») sont exportés au prix mondial - trois fois moins élevé que le prix européen - grâce à un système de subventions financé par les producteurs.

L'offre est ainsi gérée tant dans le sens de la production intérieure que des importations, ce qui permet de garantir une source de revenus stables aux agriculteurs. Alors qu'au prix mondial, une tonne de sucre se négocie aux environs de 200 euros, le tarif européen se monte à 632 euros la tonne. Les producteurs des pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) bénéficient également de cette «assurance». Dans le cadre d'accords préférentiels (le protocole de Lomé), l'Europe achète en effet au prix européen 1,6 million de tonnes de sucre par an à ces pays; sucre qui est ensuite réexporté grâce aux subventions. [ :icon_up: ]

Dans le cadre de l'accord «Tout sauf les armes» passé en 2001 avec les pays les moins avancés (PMA), la Commission veut donc à présent réformer ce système. Cet accord prévoit en effet d'arriver progressivement à l'ouverture complète du marché européen - par la suppression des droits de douane - aux importations en provenance des PMA d'ici 2009.

La Commission est également poussée dans le dos par les pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) (avec à leur tête les grands producteurs de sucre que sont le Brésil, l'Australie et la Thaïlande) qui voient d'un mauvais oeil la politique de soutien de l'Europe à ses producteurs. Un accord est intervenu en 2004 pour mettre progressivement fin à toutes les subventions à l'exportation.

2 Le projet de la Commission. Orchestré par la commissaire européenne à l'Agriculture, la Danoise Mariann Fischer Boel, il prévoit une diminution drastique du prix garanti. Le prix de la tonne de sucre serait ramené à 385 euros. Un prix de référence qui n'est pas un plancher minimum. La betterave qui se négocie actuellement à 43,63 euros la tonne tomberait pour sa part à 25,05 euros, voire moins encore.

Cette chute des prix serait compensée à hauteur de 60pc par des aides au revenu des agriculteurs, dès lors 40pc de la perte resteraient à leur charge. De plus, ces aides compensatoires n'interviennent pas au-delà du prix de référence.

La Commission envisage également un système de rachat des quotas aux entreprises sucrières les moins performantes - que l'on trouve principalement en Espagne, Italie, Grèce, Portugal et Finlande - qui abandonneraient cette activité. De la sorte, on irait donc vers une concentration de la production sucrière européenne dans les pays membres les plus performants (France, Belgique, Allemagne). [bref on a pense avoir besoin d'un tas de mécanismes inbstitutionnels alors que la libre concurrence aurait conduit au même résultat…?]

3 Conséquences pour les agriculteurs belges. Tel quel, ce projet est catastrophique. Il risque de mettre à mal de nombreuses exploitations dont les finances reposent sur un équilibre précaire. Les productions à quotas comme la betterave et le lait représentent les derniers piliers du revenu agricole. Concrètement, la réforme se traduirait pour les exploitations betteravières par une chute du revenu familial pouvant varier de 10 à 25pc. De nombreuses exploitations risquent donc d'être mises en difficulté, voire de «boire la tasse». Le problème sera plus aigu pour les exploitations plus spécialisées, mais également pour les jeunes agriculteurs qui ont consenti d'importants investissements.

Avec le nouveau prix de référence proposé, dénoncent-ils, on risque de tomber en dessous du coût de production mondial moyen. Or ce prix ne reflète pas réellement la réalité. Seules de grandes exploitations agro-industrielles dans quelques pays (Brésil, Soudan, Mozambique) sont capables de produire à ce prix. De plus, la crainte existe de voir la betterave entraîner dans son sillage une diminution des prix des autres denrées : chicorée, lin, pois, pommes de terre… «On dévalorise le fruit de notre travail. Les matières premières agricoles sont considérées comme rien, il faudrait les fournir gratuitement», peut-on entendre.

Mais le principal problème à leurs yeux réside dans l'absence de limites fixées aux importations des PMA dans le cadre de l'accord «Tout sauf les armes». Moins que la production propre de ces pays, c'est le commerce triangulaire - le swap - qui inquiète les producteurs belges. Rien n'empêchera les traders de spéculer. Une entreprise brésilienne, par exemple, pourra parfaitement «blanchir» son sucre en passant par un PMA qui servira de porte d'entrée sur le marché européen et ainsi profiter d'un tarif qui reste plus intéressant que le prix mondial.

En résumé, les sucriers européens seront confrontés à une réduction de leurs exportations ainsi qu'à une baisse du prix du sucre et de la betterave, tout en voyant s'accroître les importations. A leurs yeux, il est donc indispensable de maintenir un minimum de régulation avec un système de quotas qui permettrait de maintenir un prix qui, même s'il est revu à la baisse, ne grèvera pas trop les revenus des producteurs.

4 La piste des biocarburants. Elle est souvent citée comme possible diversification, mais les agriculteurs ne comptent pas spécialement sur cette piste en termes de revenus. «Au prix où l'on prévoit d'acheter nos betteraves pour faire du bioéthanol, on ne plantera pas spécifiquement pour cela.» Par contre, les années où la production de betteraves sera excédentaire vu la limitation des exportations, les unités de production de carburant vert seront bienvenues pour absorber ces surplus. La production de bioéthanol, qui prendra sans doute de plus en plus d'importance dans les années à venir, est toutefois positive dans la mesure où elle permettra peut-être de stabiliser les marchés.

5 Et le consommateur dans tout cela? Il n'y gagnera quasiment rien, assurent les betteraviers. Certes, le prix du sucre en vrac - en sachet ou en morceaux - diminuera peut-être quelque peu, mais on intègre 85 pc de la production dans les filières agroalimentaires. Et la baisse du prix du sucre ne se répercutera certainement pas dans le prix de la cannette de coca ou du bâton de chocolat.

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