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Peut-on Haïr Chavez ?


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Peut-on haïr Chavez ?

La semaine dernière la déclaration de l’évangéliste Pat Robertson a provoqué un véritable tollé. Celui-ci a en effet déclaré « Take him down » , ce qui a laissé penser aux médias que celui-ci appelait à tuer Hugo Chavez, le président vénézuelien. L’homme de dieu a démenti "Is it right to call for assassination? No, and I apologize for that statement. I spoke in frustration that we should accommodate the man who thinks the U.S. is out to kill him". Ca n’a pas empêché l’opinion internationale de s’émouvoir : on en voudrait à la peau du gentil président tant aimé par son peuple ! En réalité, Pat Robertson a juste exprimé son point de vue et non celui de la Maison Blanche qui s’est empressé de condamner ses propos "Ce n'est pas la politique du gouvernement des Etats-Unis. Nous ne partageons pas ses opinions" a déclaré Sean McCormack, le porte-parole du Département d’Etat. Chavez a même annoncé que son gouvernement allait engager des poursuites contre Pat Robertson.

Une question se pose néanmoins : qui est Hugo Chavez Frias ?? L’ami des pauvres répondent en cœur les « hommes de la norme ». J’ai préféré aller plus loin dans le raisonnement, n’ayant pas une sympathie extrême pour les présidents qui exercent en uniforme. Il s’agit donc d’un militaire de carrière fanatique de Bolivar qui crée en 1983 le Mouvement Révolutionnaire Bolivarien 200, très « socialiste » et populiste. En 1992, il tente deux coups d’Etat qui échouent et finit en prison jusqu’en 1994. Il est élu en 1998 à la tête du Mouvement pour la Cinquième République avec 56% des voix en orientant sa campagne sur le thème « je suis le fléau de l'oligarchie et le héros des pauvres » (on voit déjà le coté populiste du personnage). Il décida alors de mettre en place une nouvelle constitution que les 131 députés, la plupart sans expérience politique, eurent à peine trois mois pour rédiger. Maintenant, il gouverne la « République Bolivarienne du Venezuela » (rions un coup), le sénat est dissous …. Si le oui à la constitution ravit 71,4 % des voix, il faut bien se rendre compte que seul 55% de la population s‘est déplacée aux urnes. Amusons-nous un peu à lire la constitution bolivarienne du Venezuela (traduite par le cercle bolivarien de Paris) :

Article 1. La République Bolivarienne du Venezuela est irrévocablement libre et indépendante et fonde son patrimoine moral et ses valeurs de liberté, d'égalité, de justice et de paix internationale, dans la doctrine de Simon Bolivar, le libérateur.

Constituent les droits inaliénables de la Nation l'indépendance, la liberté, la souveraineté, l'immunité, l'intégrité territoriale et l'autodétermination nationale.

Article 69. La République Bolivarienne du Venezuela reconnaît et garantit le droit d'asile et de refuge. Est interdite l'extradition de vénézuéliens et vénézuéliennes.

Je souligne cet article car Chavez avait l’intention d’aller jusqu’à demander l’extradition de Robertson.

Article 87. Toute personne a droit au travail et le devoir de travailler. [….]

Ça vous rappelle personne ??

Article 90. La journée de travail diurne n'excédera pas huit heures ni la semaine de quarante heures. Dans les cas où la loi le permet, le travail de nuit, n'excédera pas six heures journalières, ni les trente cinq heures dans la semaine. Aucun patron ne pourra obliger les travailleurs ou travailleuses, à faire des heures supplémentaires. On tendra progressivement vers la diminution de la journée de travail dans l'intérêt social et de l'environnement qui le détermine et on prendra ce qui est convenable pour une meilleure utilisation du temps libre en faveur du développement physique, spirituel et culturel des travailleurs et travailleuses.

Article 101. L’État garantit l'émission, la réception et la circulation de l'information. Les mass médias ont le devoir de contribuer à la diffusion des valeurs de la tradition populaire et l'œuvre des artistes, écrivains, compositeurs, cinéastes, scientifiques et autres créateurs culturels du pays, hommes ou femmes. Les moyens télévisuels doivent incorporer des sous-titres et une traduction en langage des signes vénézuéliens, pour les personnes ayant des problèmes auditifs. La loi établira les termes et les moyens de ces obligations.

Article 108. Les moyens de communication sociale, publics, privés, doivent contribuer à la formation citoyenne. L'État garantira le service public de radio, télévision et réseau de bibliothèques et d'informatique, afin de permettre l'accès universel à l'information. Les centres éducatifs doivent incorporer les connaissances et l'application des nouvelles technologies, de leurs innovations, selon les dispositions qu'établit la loi.

Contrôle des médias, je vais en reparler pour vous montrer que ce ne sont pas des vains mots.

Article 130. Les Vénézuéliens et vénézuéliennes ont le devoir de faire honneur et de défendre la patrie, ses symboles, ses valeurs culturelles, défendre et protéger la souveraineté, la nationalité, l'intégrité territoriale l'autodétermination et les intérêts de la Nation.

Contrôle de la pensée

Article227. Pour être élu Président ou Présidente de la République, il faut être Vénézuélien (ne) de naissance, ne pas posséder une autre nationalité être âgé(e) de trente ans, être laïc(que) et ne pas avoir été condamné à une peine devenue ferme et définitive et remplir les autres conditions établies par la présente Constitution.

Tiens, ça tombe bien c’est exactement le cas de Chavez, et en plus c’est même précisé « ne pas avoir été condamné à une peine devenue ferme et définitive ».

Article 278. Le Conseil Moral Républicain favorisera toutes les activités pédagogiques orientées vers la connaissance et l’Etude de cette Constitution, l’amour de la patrie, les vertus civiques et démocratiques, et les valeurs transcendantes de la République et l’application et le respect des droits de l’homme.

Gnagnagna

Article 309. L’artisanat et les industries populaires de la Nation, jouissent de la protection particulière de l’Etat, dans le but de préserver son authenticité, et obtenir des facilités de crédit pour promouvoir sa production et sa commercialisation.

Poujade n’est pas mort au Venezuela.

Je pense que le côté populiste est bien visible dans ces articles et c’est en effet ce qui ressort de la présidence de Chavez. Sa stratégie : avoir le soutien « populaire » pour faire taire l’opposition. Les mesures sociales nombreuses n’arrivent cependant pas à cacher la vérité sur le traitement qu’il ressort à ces opposants. D’une certaine manière on peut ainsi constater de visu un des dangers de la démocratie : la mise en danger des droits de la minorité par la volonté de la majorité. Les anti-chavistes sont stigmatisés, montrés du doigt, dénoncés à tout bout de champs comme étant les ennemis du peuple à la solde des impérialistes yankees « pires qu’Hitler » ( il n’a visiblement aucune connaissance de ce que fut le führer..). On assiste à une véritable polarisation de l’opinion publique allant de plus en plus belle. En 2001, des troubles sociaux importants éclatent liant dans la colère patronat et syndicats. L’année d’après, ce sont trois généraux qui demandent la démission puis le fameux coup d’Etat de Carmona.

La censure bat maintenant son plein au Venezuela ainsi que l’atteste le rapport de l’ONG Reporters Sans Frontières pour 2004. Elle place la république bolivarienne 90eme au classement mondial de la liberté de la presse sur 166, soit entre la Sierra Leone et l’Angola, loin derrière ses collègues sud-américains (à l’exception de Cuba, avant-dernier et de la Colombie 134eme). Les violences proviennent autant des sbires du gouvernement que des militants pro-chavistes eux-mêmes. Pour l’année 2004 :5 journalistes interpellés, 57 journalistes agressés, 13 médias attaqués, des lois de plus en plus sévères…. Joli bilan pour celui qui prônait quelques mois avant une « absolue liberté d’expression ».

Chavez a aussi ses amis à l’étranger. Le premier d’entre eux s’appelle Fidel Castro, dictateur depuis 40 ans à Cuba (oui le même pays classé avant dernier pour la liberté de la presse, les grands esprits se rencontrent).De nombreux échanges ont eu lieu entre les deux pays dont celui assez cocasse du pétrole vénézuélien contre 10 000 médecins cubains corvéables à merci (non on ne leur a même pas demandé s’ils étaient d’accord, et certains ont tenté de profiter de la situation pour fuir la prison cubaine avant d’être arrêtés comme Ulises Bernal Pérez). Castro a trouvé là un bon moyen de rentabiliser ses esclaves. Encore mieux, le leader maximo va pouvoir traquer à sa guise les 30 000 dissidents cubains grâce à la « Ley sobre Asistencia Jurídica en Materia Penal » du 22 décembre 2004. Dans la liste des amis de Chavez on retrouve aussi les terroristes des FARC, de l’ELN ou du Hezbollah qui trouvent refuge au Venezuela (l'Alto Apure pour les FARC et l ‘Ile Margarita pour le Hezbollah). Des journalistes ont même surpris Rodriguez Chacin, aujourd’hui ministre de l’Intérieur fournir des munitions aux FARC et celui-ci n’a pas contesté, expliquant même que c’étaient des munitions dont le Venezuela n’avait plus l’utilité. Quand je vous dis que Chavez a le cœur sur la main…..

Comme on ne peut instaurer une dictature sans armée, celle-ci voit sa place grandir et pas seulement dans la vie sociale ( qui pourrait faire penser à une militarisation du travail dangereuse d’ailleurs) : une grande part des anciens putschistes contrôlent maintenant les grands postes de l’administration.

Pour conclure mon petit exposé (j’espère pas trop long), je voudrais souligner le poids de la pensée prémachée qui tente encore de nous imposer l’image d’un Chavez généreux, démocrate, soucieux des droits de l’Homme…. En réalité, Chavez appartient à la série déjà longue des dictateurs d’Amérique du Sud qui n’hésitent pas à museler l’opposition pour asseoir leur pouvoir totalitaire.

Posté

En résumé, un article 90 écrit par Martine Aubry

le 101 par François Mitterand

et le 309 par Pierre Poujade.

Dans les milieux gauchistes en France, Chavez et Castro jouissent tous les deux du même prestige, c'est un peu lamentable.

Ce qui est "amusant" dans cette constitution, c'est qu'elle a compétence dans tous les domaines du droit.

Posté

Et dire que tout les cocos que compte la France étaient épouvanté par l'idée qu'une constitution européenne puisse comporter des principes de politique économique !

Posté

Remarquons quand même ceci.

Venezuela's government, which has had tense relations with Washington, offered humanitarian aid and fuel if requested.
Islamic extremists rejoiced in America's misfortune, giving the storm a military rank and declaring in Internet chatter that "Private" Katrina had joined the global jihad, or holy war.

Comme quoi Chavez est certes un salaud , mais il y a malgré tout une différence de nature avec la lie de l'humanité.

Posté

C'est plus de la provocation qu'autre chose: 70% de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté malgré ses super-mesures.

Posté
J'aime pas Chavez, mais il y a quand même eu un réferendum pas trop magouillé qui a été clairement en sa faveur.

Ah ça, quand on propose à 60% de la population de bouffer le fric des autres 40%, c'est pas compliqué.

Posté

Vous savez très bien ce que je pense de la démocratie, mais

1) Chavez a une véritable légitimité populaire. Ce qui change bcp par rapport à un Castro ou un Allende

2) Une mauvaise paix civile vaut mieux qu'une bonne guerre civile

3) je préfère le maintient d'un système démocratique chancelant à une solution à la chilienne ou à l'argentine (années 70)

Alors, oui, je déteste Chavez et sa politique. Et puis quoi ? On va envoyer les tanks ?

Comme le rappelle Walter, c'est un drame pour un pays d'avoir du pétrole, et ca éloigne d'autant plus l'espoir d'une société libertarienne dans le-dit pays. En attendant, faut choisir le moins mauvaise solution, cad la démocratie.

Posté

Comment sais-tu qu'il a une véritable légitimité populaire ? Je me souviens qu'il y avait de fortes contestations sur le résultat des élections. Et de toute façon, il ne faut pas confondre résultat des élections et légitimité populaire (2°en réalité et 1°dans le temps). 1° Exemple du VLD maintenant : il est au pouvoir mais n'a plus aucune légitimité, même dans le cadre du système 2° exemple de toute la classe politique belge au pouvoir, qui a assez peu de légitimité populaire.

Posté

Schnappi, je ne saurais suffisamment te conseiller la lecture de ce petit livre, qui risque bien de faire basculer ta vision du monde:

Posté

Laboétie, j'ai lu, merci.

Oui, lalégitimité populaire peut conduire à de plus grands abus qu'un régime autoritaire classique.

Le pays était en pleine guerre civile, il y a un an ou deux. Suite aux pressions internationales, Chavez a été forcé d'organiser un plébicite qu'il a malheureusement emporté. Allende avait 60% de la population contre lui, Castro n'a jamais organisé d'élection.

Donc Chavez est soutenu par une grande partie de sa population et virer Chavez de force, ca veut dire faire la guerre à cette population. C'est un facteur qui ne peut pas être oublié quand on cause du Vénézuela.

MAintenant, si c'est juste pour juger depuis notre PC ouest-européen ou notre comptoir de bistrot favori, oui, Chavez est un salaud. Dehors Chavez. Patron, encore une tournée.

Posté

Je crois qu'un mauvais procès est fait à Schnappi. Son point principal est qu'il serait irresponsable de renverser Chavez de l'extérieur (surtout si c'est pour placer un fantoche aux ordres d'un conglomérat industriel US - touche personnelle RH).

Si quelqu'un doit le faire, c'est aux Vénézuéliens, et personne d'autre. Et si Robertson veut que Chavez avale son extrait d'acte de naissance, il n'a qu'à y aller tout seul.

De plus, comme le remarque Schnappi, si c'est pour dire: "Chavez vilain pas beau", on perd son temps non ?

Posté

si le"peuple" veut massacrer les journalistes on va le laisser faire? c'est pas un peu lache comme attitude, sauf vot'respect?

Posté
La « légitimité populaire » est utile politiquement, mais elle est une source d’injustices sans doute plus grande qu’un pouvoir haï du peuple.

Surtout dans le cas de Chavez.

J'ai eu l'occasion de rencontrer l'année passée une vénézuélienne très active dans l'opposition à Chavez (c'était un mois avant le référendum) et elle m'a parlé de la détérioration progressive des conditions de vie de la classe moyenne au Vénézuéla, de la lente déliquescence des services publics et aussi des problèmes que le régime fait aux opposants. Rien qu'on ne puisse déjà soupçonner, vous me direz.

C'est dommage pour les classes moyennes. Les autres vont partir à l'étranger et dans dix ans ce pays aura régressé. Mais Schnappi a raison, à part dire "Ouh le vilain méchant" on ne peut pas faire grand chose.

Posté
si le"peuple" veut massacrer les journalistes on va le laisser faire? c'est pas un peu lache comme attitude, sauf vot'respect?

On est reparti dans le sempiternel débat sur l'interventionnisme.

Que voulez-vous faire ? Envahir le pays avec 300.000 militaires ?

Posté

Je ne me rappelle pas avoir proposé d'envoyer la Légion sauter sur Caracas.

Mon intervention s'est borné à ricaner en lisant que Chavez est somme toute pas si mal que cela parce qu'il bénéficie de la "légitimité populaire", concept qui frise la contradiction in terminis.

Posté
Je ne me rappelle pas avoir proposé d'envoyer la Légion sauter sur Caracas.

Mon intervention s'est borné à ricaner en lisant que Chavez est somme toute pas si mal que cela parce qu'il bénéficie de la "légitimité populaire", concept qui frise la contradiction in terminis.

Ma remarque s'adressait à Dostix.

Posté

Ce qui est piquant au sujet de Chavez, c'est qu'il exhibe les contradictions de la politique de l'Oncle Sam, féru de démocratie et de légitimité populaire du moment que c'est un copain qui tient les manettes.

Posté

bah disons pour commencer un petit rappel de l'Union Européenne à môssieur Chavez, bref faire intervenir nos diplomates ils sont là pour ça, puis blocus du pétrole (80% des ressources du pays). Après on verra..

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bah disons pour commencer un petit rappel de l'Union Européenne à môssieur Chavez, bref faire intervenir nos diplomates ils sont là pour ça, puis blocus du pétrole (80% des ressources du pays). Après on verra..

:icon_up: C'est pas contraire au libre-échange, ca ?

EDIT: en plus, si je ne me trompes pas, l'essentiel du pétrole vénézuelien va aux USA et pas en Europe.

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Ce qui est piquant au sujet de Chavez, c'est qu'il exhibe les contradictions de la politique de l'Oncle Sam, féru de démocratie et de légitimité populaire du moment que c'est un copain qui tient les manettes.

Tout cela est d'une affligeante banalité…

Posté

c pas up to date mais bon:

As the US ponders over whether to intervene in the civil war in Liberia, an Anglo-American company has offered to deploy a battalion of peacekeepers and arrest President Charles Taylor. Northbridge Services, a private military company (PMC) founded by retired UK and US soldiers, says it could deploy 500 to 2,000 armed men in Liberia in three weeks to halt the fighting, which has raged around the capital, Monrovia. "These personnel can work in accordance with the international community and prevent the (need) for US soldiers to be placed in harm's way." The proposal has not received US support, which would be needed to finance the operation. But it represents an idea being taken seriously by the US and other governments reluctant to commit their own forces.

Fort Liberty

et

BBC (via Global Security)

Posté
:icon_up:  C'est pas contraire au libre-échange, ca ?

EDIT: en plus, si je ne me trompes pas, l'essentiel du pétrole vénézuelien va aux USA et pas en Europe.

libre-échange du pétrole NATIONALISE??? c'est nouveau comme notion ça?? ça doit aller avec "capitalisme d'etat".

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