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Le Profit : Revenu Illégitime ?


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Voici un texte de Jean-Louis Caccomo, publié sur son blog, je vous propose d'en parler.

Le profit : revenu illégitime ?

Madame Aubry est choqué par les profits de Total. Madame Aubry appelle à plus de générosité. Fait-on la politique d'un pays avec des bons sentiments, surtout si ces sentiments reposent sur de mauvaises prémisses ?

Une entreprise qui ne fait pas de profits n’est pas viable à long terme, sauf si elle reçoit des aides publiques. Mais il faut avoir à l’esprit que les aides publiques seront financées, d’une manière ou d’une autre, en prélevant une partie de la richesse créée par les acteurs viables de l’économie (ceux qui font du profit). L’objectif d’une entreprise est de produire de richesse ; et le profit est précisément l’indicateur de sa capacité à créer des richesses. Pourtant, quand les entreprises réalisent des profits, elles suscitent suspicion voire opprobre.

Il est vrai que le terme même de profit à une connotation fortement péjorative. Profit vient de profiter ; s’il y a du profit, c’est qu’il y a des profiteurs. Ce terme fut en effet consacré par l’analyse marxiste du fonctionnement de l’économie capitaliste qui considère que le capitalisme est un processus d’exploitation des travailleurs par les capitalistes, les second profitant des premiers.

On pourrait considérer plus prosaïquement que s’il n’y a plus de capitalistes, alors les travailleurs eux-mêmes sont menacés. Qui conduira les entreprises ?

Les gens le ressentent naturellement quand ils s’inquiètent des délocalisations ou de l’absence de repreneurs d’entreprises, lorsque ces dernières tombent en faillite. Si personne n’apporte de capitaux (c'est le rôle des actionnaires), si personne ne prend le risque économique d’utiliser ces capitaux pour combiner les facteurs de production dans une entreprise viable (en un mot pour financer un projet d’entreprises), alors les emplois des travailleurs sont menacés. Personne, et surtout pas les ménages qui sont à l’origine de l’épargne, n’est prêt à investir dans une affaire qui n’est pas viable ! L'épargnant attend des profits. L'épargnant, c'est nous !

De ce point de vue, le profit est un objectif et un revenu légitimes. Le terme « bénéfice », même s’il a un sens comptable différent, est plus approprié. Le bénéfice est, au sens propre, le résultat d’une action bénéfique. Au lieu de considérer le profit comme le résultat d’un processus d’exploitation, on définira le bénéfice comme une mesure de la performance.

Ainsi, le profit, ou le bénéfice, sont des objectifs non seulement souhaitables, mais qu’il convient d’encourager. Car, à la différence des précédents revenus, son caractère résiduel en fait un revenu hautement incertain. Or personne n'aime le risque. Lorsque l’entrepreneur a rémunéré ses travailleurs, ses actionnaires, sa banque, il se doit de payer ses impôts. Etant lié par des contrats qui le lient aux travailleurs, aux actionnaires, à ses banquiers, l’entrepreneur est dans l’obligation de payer ses revenus, honorant ainsi ses engagements contractuels. De la même manière, les prélèvements qui financent le secteur public étant obligatoires, l’entrepreneur doit évidemment payer ses impôts.

Tous ces paiements sont légitimes, puisqu’ils lui permettent d’engager des facteurs de production (capital, travail) et de profiter des infrastructures et services publics (secteur public). Cependant, l’entrepreneur doit faire en sorte qu’il reste un bénéfice au terme de tous ces paiements successifs.

Cette capacité à dégager un bénéfice sera en quelque sorte la mesure de ses qualités et compétences de gestionnaire qu'il est facile de décrier mais dont les compétences sont rares et recherchées. Comme il est dans l’intérêt de la collectivité que les entreprises prospèrent, que de nouvelles entreprises soient créées et que les gestionnaires soient compétents, le bénéfice apparaît comme un ingrédient indispensable du fonctionnement de l’économie moderne.

Et voici mon commentaire :

Je vois à peu près ce que vous voulez dire, mais je ne suis pas complètement d'accord avec votre analyse, votre lecture.

Si vous vous posez comme question "le profit, revenu illégitime?", je proposerai l'analyse suivante, en donnant quelques éléments en vrac, tout de même un petit peu classés :

1 - un échange, une activité économique ou commerciale existe avant tout pour servir une demande. C'est ce qui me paraît être le but ultime d'un individu travaillant et par extension d'un groupe d'individu associés dans une structure juridique que l'on appele entreprise.

2 - le profit, à savoir le gain marginal obtenu par le travailleur ou la structure juridique à laquelle il a choisi de participer, est dans ce cas une sorte de condition de survie, d'existence, de l'activité, un peu comme l'oxygène pour les êtres vivants. Le but d'un être vivant comme un humain n'est pas de respirer de l'air, il en existe bien d'autre, respirer est simplement une condition d'existence.

En disant que le profit est la raison d'être des entreprises, je pense que vous tendez le bâton pour vous faire battre, qui plus est avec un élement qui me paraît, si vous me le permettez, assez erroné, dans la mesure où l'on peut se rendre compte aisément que le but ultime d'une entreprise est de servir une demande. En revanche, le but des actionnaires est bien d'obtenir un profit suite à leur investissement, c'est-à-dire une part du bénéfice net, mais le but des salariés de l'entreprise et des autres "stakeholders" est assez différent en général, on ne peut confondre le but des actionnaires (un des stakeholders) avec le but de l'entreprise (qui comprend, donc, beaucoup de stakeholders).

3 - ce que critique Martine Aubry, c'est la rémunération de gens, les actionnaires d'une société par actions (cas particulier d'organisation juridique de l'entreprise, il en existe bien d'autres comme la coopérative, le GIE, etc… observé à travers les siècles). Sans aucune analyse, elle considère, à un instant T le profit réalisé, et si il est "trop important", en déduit que nécessairement quelqu'un s'est fait avoir dans l'écosystème de l'entreprise. Ce pourrait être :

a - les fournisseurs (par exemple matière première payée à prix "très bas")

b - les clients (qui ont payé "trop cher" le produit)

c - les salariés (qui n'ont pas été rémunérés "à leur juste valeur").

On observe des discussions sur le cas a en ce qui concerne la grande distribution.

On observe des discussions sur le cas b en ce qui concerne la téléphonie mobile (ententes sur les SMS) ou l'informatique (prix "élevé" sur les logiciels de Microsoft par exemple) ou les banques (frais bancaires très elevés), etc….

On observe le cas c dans tous les autres cas, où il est plus facile et plus naturel pour quelqu'un de gauche comme Mme Aubry de chercher à s'adresser aux "salariés".

4 - Remarque : N'oublions pas que l'existence d'une entreprise est expliquée par Coase dans le cadre de la volonté de baisse des coût de transactions, n'en faisons pas un cas particulier, que l'on différencierait du simple travailleur indépendant. Bien sûr, l'économie des travailleurs indépendants et l'économie des entreprises sont fondamentalement différents, mais dans le cadre de notre question "profit, revenu illégitime?", il ne me semble pas que les différences jouent beaucoup.

On peut se reporter à ce fil : http://www.liberaux.org/index.php?showtopi…&hl=philosophie où nous avions discuté de ce type de question, mais avec un angle beaucoup plus large, ce qui a rendu celle-ci plus complexe.

Posté

Je pense que si l'on veut voir aimer l'entreprise, il faut aussi aimer ses profits. Donc les riches !

J'avais, en janvier, commis un tel article sur mon blog. Aimer les riches est une bonne discrimination.

"Rich is beautiful"

Tout en découle il me semble.

Posté
En disant que le profit est la raison d'être des entreprises, je pense que vous tendez le bâton pour vous faire battre, qui plus est avec un élement qui me paraît, si vous me le permettez, assez erroné, dans la mesure où l'on peut se rendre compte aisément que le but ultime d'une entreprise est de servir une demande.

Tout dépend du point de vue où on se place. Pour l'entrepreneur, le profit est la raison d'être de l'entreprise. Pour le client, c'est de servir une demande.

Maintenant prenons une association à but non lucratif : le profit n'est pas sa raison d'être, c'est uniquement de servir une demande, de répondre à un "but idéal" (comme disent les Suisses).

Caccomo n'a donc pas tort.

Posté

J'ai l'impression que dire que le "but d'une entreprise" (entité désincarnée, ne tombons pas dans la réification) peut être vu de deux manières, et que c'est un débat du type "oeuf-poule" que d'essayer de trancher entre les deux : faire du profit, et servir une demande.

Si je parle plutôt de servir une demande comme étant le but ultime, c'est pour deux raisons :

- d'une part parce que le profit peut être analysé aussi, de manière plus riche, en disant que plus il est élevé, et plus a priori ce besoin est mieux servi (on sort donc de l'analyse binaire "bon produit/mauvais produit", et on peut classer les offres de façon continue

- d'autre part, cette définition permet, Dilbert, de parler du cas particulier des associations : là aussi, c'est servir une demande, une demande de soins, une demande de cours de poterie à bas prix, une demande de ceci ou cela sur laquelle aucun des stakeholders ne compte faire de profit, justement.

Ma définition, donc, si elle n'exclut pas la tienne, me paraît plus générique, c'est tout!

EDIT : à la reflexion, je crois que je me suis mal exprimé ; je considère ici le terme "profit" dans son acception courante lorsqu'il s'agit des entreprises et de l'économie, à savoir "profit en terme de monnaie" (ou de biens si on parle de troc), je sais bien, Dilbert, que tu prends profit selon sa définition générale (bilan positif entre un après et un avant l'action)

Posté

Ça dépend ce qu'on entend par "entreprise". Si l'entreprise est assimilée à l'ensemble des propriétaires de la société, alors il est possible que le but de l'entreprise soit de faire le maximum de profit, encore que souvent ce ne soit pas le cas par exemple pour un entrepreneur individuel dont l'objectif sera de maximiser son bien-être qui est distinct du profit de l'entreprise.

Si on voit l'entreprise comme un ensemble de contrat, le profit reste une condition nécessaire, mais les buts des individus partie-prenantes de l'entreprise sont variés.

Posté
Ça dépend ce qu'on entend par "entreprise". Si l'entreprise est assimilée à l'ensemble des propriétaires de la société, alors il est possible que le but de l'entreprise soit de faire le maximum de profit, encore que souvent ce ne soit pas le cas par exemple pour un entrepreneur individuel dont l'objectif sera de maximiser son bien-être qui est distinct du profit de l'entreprise.

C'est malheureusement parce que par abus de langage on assimile l'entreprise à ses propriétaires, ce qui est non pas faux, mais simplement un biais dans l'analyse.

Je vais donner un exemple qui me vient en tête, une conférence de presse bouleversante que j'ai vu à la TV, d'une entrepreneur, patron d'une société de courtage financier (je crois, en tout cas une activité de service), qui avait perdu plusieurs centaines d'employés sur un petit millier lors des attentats du 11/09. C'est simple, sa boite n'existait alors quasiment plus (il a certainement dû la reconstruire, mais physiquement elle n'était plus à même de servir ses clients).

De même, lorsqu'un fournisseur fait faillite, si l'entreprise cliente n'a pas assuré ses arrières, elle est en péril et peut aussi disparaitre.

De même encore, si les actionnaires se volatilisent (ou se retirent), il n'y a plus rien non plus.

Ce que je veux dire, c'est que les anglo-saxons ont une vision plus fine, qui commence à arriver en France, celle de "stakeholder" (partie prenante), que l'on utilise plutôt que "shareholder" (porteur de part, ou actionnaire).

Si on voit l'entreprise comme un ensemble de contrat, le profit reste une condition nécessaire, mais les buts des individus partie-prenantes de l'entreprise sont variés.

Et c'est bien de cela qu'il s'agit : parler de partie prenante (stakeholder) est bien plus riche, et permet de mieux comprendre la dynamique des entreprises.

Un profit extrêmement elevé, pour une entreprise, se traduira par :

- des fournisseurs qui se diront qu'après tout, l'entreprise cliente peut payer plus cher ses produits

- des salariés qui diront qu'ils aimeraient bien une augmentation

- des clients qui se demanderont si ils ne paient pas "trop".

Et in fine, les mécanismes de marché pourront répondre à ces trois types de "revendications", si j'ose dire, de façon très simple, si cela est possible bien entendu : de tels profits attireront de nouveaux entrepreneurs sur ce marché, accroissant donc le choix pour les fournisseurs, les clients, et les salariés, respectivement de vendre des matières premieres à un autre client (à un prix plus élevé), de pouvoir choisir un autre produit (moins cher), ou d'aller se faire embaucher dans une autre boite (à un salaire plus elevé).

Posté
Ce que je veux dire, c'est que les anglo-saxons ont une vision plus fine, qui commence à arriver en France, celle de "stakeholder" (partie prenante), que l'on utilise plutôt que "shareholder" (porteur de part, ou actionnaire).

Et c'est bien de cela qu'il s'agit : parler de partie prenante (stakeholder) est bien plus riche, et permet de mieux comprendre la dynamique des entreprises.

Un profit extrêmement elevé, pour une entreprise, se traduira par :

- des fournisseurs qui se diront qu'après tout, l'entreprise cliente peut payer plus cher ses produits

- des salariés qui diront qu'ils aimeraient bien une augmentation

- des clients qui se demanderont si ils ne paient pas "trop".

Et in fine, les mécanismes de marché pourront répondre à ces trois types de "revendications", si j'ose dire, de façon très simple, si cela est possible bien entendu : de tels profits attireront de nouveaux entrepreneurs sur ce marché, accroissant donc le choix pour les fournisseurs, les clients, et les salariés, respectivement de vendre des matières premieres à un autre client (à un prix plus élevé), de pouvoir choisir un autre produit (moins cher), ou d'aller se faire embaucher dans une autre boite (à un salaire plus elevé).

Je me demande si on n'aurait pas intérêt à faire la distinction entre le profit de gestion qui résulte simplement du fait qu'une entreprise arrive à se maintenir sur un marché en surveillant l'évolution des désidératas de ses clients et le comportement de ses concurrents, et le profit d'innovation qu'on obtient quand on ouvre un nouveau marché ?

C'est généralement le second cas qui est générateur de "super" profits (sauf cas particulier comme l'industrie pétrolière en ce moment). Dans cette dernière hypothèse les clients payent sans trop rechigner car c'est nouveau et de toute façon pas nécessairement plus cher (voir le cas des vols low cost ou de la Logan chez Renault). Quant aux autres ils peuvent toujours se poser des questions mais ils n'ont rien à dire puisqu'ils ne sont pour rien dans cette innovation qui provient de l'initiative de l'entrepreneur individuel ou du comité stratégique de l'entreprise.

Posté
Je me demande si on n'aurait pas intérêt à faire la distinction entre le profit de gestion qui résulte simplement du fait qu'une entreprise arrive à se maintenir sur un marché en surveillant l'évolution des désidératas de ses clients et le comportement de ses concurrents, et le profit d'innovation qu'on obtient quand on ouvre un nouveau marché ?

C'est généralement le second cas qui est générateur de "super" profits (sauf cas particulier comme l'industrie pétrolière en ce moment). Dans cette dernière hypothèse les clients payent sans trop rechigner car c'est nouveau et de toute façon pas nécessairement plus cher (voir le cas des vols low cost ou de la Logan chez Renault). Quant aux autres ils peuvent toujours se poser des questions mais ils n'ont rien à dire puisqu'ils ne sont pour rien dans cette innovation qui provient de l'initiative de l'entrepreneur individuel ou du comité stratégique de l'entreprise.

Je comprends ce que tu dis, mais je pense que tu fais plus ou mois erreur en ce qui concerne ta derniere phrase. Je m'explique.

Il existe des modes d'organisation de la production de richesse extrêment différents : l'image que l'on a toujours en tête, c'est l'entreprise intégrée, de A à Z. Mais il existe d'autres modèles, au Japon, aux USA, et au nord de l'Italie, où l'on observe que l'innovation, notamment technologique, est en fait assurée par des sous-traitants en très grande partie.

L'exemple type est les biotechnologies. Prends une société comme ExonHit ou Nicox, inconnues du grand public, dont leurs produits sont distribués par Merck et Pfizer. En réalité, l'innovation technologique c'est eux!

Si tu veux un bon bouquin sur le sujet, regarde "Made in Monde" de Suzanne Berger, j'ai lancé un fil sur ce livre dans la rubrique Lectures et Cultures, il revient sur tous ces modèles d'innovation, parfois totalement intégrés (comme IBM, et encore…) et parfois totalement éclatés (comme Apple avec son iPod).

Posté

Je pense aussi que l'expression "but de l'entreprise" est inadéquate et fait de l'entreprise une personne, ce qu'elle est certes en droit mais en faits ?

Le but des actionnaires, j'entend des "purs" actionnaires, ceux qui apportent leurs capitaux mais ne gèrent pas directement, est le profit et lui seul. C'est l'exemple des fonds de pension et autres incarnations du grand capital (celui qui vous ment et vous spolie, travailleurs, travailleuses …. OUPS :doigt: ).

Mais les autres ? Je me demande bien si l'appétit de pouvoir n'émeut pas plus encore les grands managers que l'odeur des dollars. C'est du moins ce que me laisse penser l'examen de certaines stratégies délirantes. Ceux-ci peuvent alors renoncer à maximiser le profit pour poursuivre d'autres buts.

Reste que le profit est indispensable à tous les acteurs de l'entreprise, salariés compris. Donc légitime.

Penser à le taxer plus encore qu'il ne l'est est une attitude "rapetou-iste".

:icon_up:

Yeah !! Je suis fort satisfait de ce néologisme !!

Posté
Voici un texte de Jean-Louis Caccomo, je vous propose d'en parler.

Et voici mon commentaire […]

Je suis 100% d'accord avec ton commentaire. La distinction rhétorique "profit" Vs "bénéfice" sur laquelle insiste JLC me semble aussi pertinente.

J'ai l'impression que dire que le "but d'une entreprise" (entité désincarnée, ne tombons pas dans la réification) peut être vu de deux manières, et que c'est un débat du type "oeuf-poule" que d'essayer de trancher entre les deux : faire du profit, et servir une demande.

Non, il s'agit du même phénomène vu de deux point de vue différents : l'échange bénéfique (d'où la pertinence de la remarque de JLC). Si l'échange est bénéfique, s'il y a bénéfice, c'est que de la valeur a été créée dans la société.

Tu fais remarquer très justement que Aubry doit penser que les actionnaires croquent une part trop grande du bénéfice de l'échange, que les autres "stakeholders" sont floués. Aucune entreprise ne peut survivre longtemps - sur un marché libre - sans satisfaire ses stakeholders sur le long terme : c'est donc que la part des actionnaires est "juste" et qu'Aubry a tort.

Si je parle plutôt de servir une demande comme étant le but ultime, c'est pour deux raisons :

- d'une part parce que le profit peut être analysé aussi, de manière plus riche, en disant que plus il est élevé, et plus a priori ce besoin est mieux servi (on sort donc de l'analyse binaire "bon produit/mauvais produit", et on peut classer les offres de façon continue

- d'autre part, cette définition permet, Dilbert, de parler du cas particulier des associations : là aussi, c'est servir une demande, une demande de soins, une demande de cours de poterie à bas prix, une demande de ceci ou cela sur laquelle aucun des stakeholders ne compte faire de profit, justement.

Ma définition, donc, si elle n'exclut pas la tienne, me paraît plus générique, c'est tout!

Cf. ci-dessus, définir le profit uniquement par le service de la demande est aussi bizarre que définir le profit dans le cadre stricte du bilan comptable de l'entreprise.

Posté
Je pense aussi que l'expression "but de l'entreprise" est inadéquate et fait de l'entreprise une personne, ce qu'elle est certes en droit mais en faits ?

Le but des actionnaires, j'entend des "purs" actionnaires, ceux qui apportent leurs capitaux mais ne gèrent pas directement, est le profit et lui seul. C'est l'exemple des fonds de pension et autres incarnations du grand capital (celui qui vous ment et vous spolie, travailleurs, travailleuses …. OUPS :icon_up: ).

Mais les autres ? Je me demande bien si l'appétit de pouvoir n'émeut pas plus encore les grands managers que l'odeur des dollars. C'est du moins ce que me laisse penser l'examen de certaines stratégies délirantes. Ceux-ci peuvent alors renoncer à maximiser le profit pour poursuivre d'autres buts.

L'entreprise est une société, le but de l'entreprise est tout au plus de survivre et si possible de progresser (c'est à dire de créer de la valeur pour ses stakeholders). C'est à mon avis ce que font les entreprises sur le marché lorsque l'état les laisse faire.

Les stakeholders ont tout intérêt à ce que l'entreprise survive parce que:

- s'ils sont actionnaires, cela signifie que leur capital est bien investi

- s'ils sont salariés, cela signifie du travail et un salaire

- s'ils sont clients cela signifie une continuité de service

- s'ils sont fournisseurs, cela signifie une continuité de débouché.

Les intérêts de ces gens là sont inter-dépendants, il est inutile de vouloir les opposer.

Posté
Je comprends ce que tu dis, mais je pense que tu fais plus ou mois erreur en ce qui concerne ta derniere phrase. Je m'explique.

Il existe des modes d'organisation de la production de richesse extrêment différents : l'image que l'on a toujours en tête, c'est l'entreprise intégrée, de A à Z. Mais il existe d'autres modèles, au Japon, aux USA, et au nord de l'Italie, où l'on observe que l'innovation, notamment technologique, est en fait assurée par des sous-traitants en très grande partie.

L'exemple type est les biotechnologies. Prends une société comme ExonHit ou Nicox, inconnues du grand public, dont leurs produits sont distribués par Merck et Pfizer. En réalité, l'innovation technologique c'est eux!

Oui, effectivement. Tu as raison de souligner que quand l'innovation technologique se situe chez les sous traitants, bien qu'étant en dehors de l'entreprise, au sens étroit du terme, elle contribue à la génération d'un profit. Je retire donc le commentaire que tu as souligné.

Oublions donc le terme d'innovation et insistons sur celui de découverte ou ouverture (même fortuite) d'un marché dont le mérite revient au décideur stratégique pour les grosses boites et à l'entrepreneur pour les plus petites. Pour reprendre l'exemple de la Logan qui résulte d'une décision de Schweitzer, elle va générer du profit chez Renault non seulement parce qu'elle rend service à une clientèle de pays à bas salaires mais aussi parce qu'elle révèle qu'il existe un marché pour ce type de produit dans les pays développés. Ce qu'aucun service de marketing de grand constructeur n'avait remarqué semble t il ?

Il est d'ailleurs amusant de constater qu'ils vont gagner de l'argent avec un modéle ultra basique au moment même ou ils en perdent avec un modéle bas de gamme mais relativement sophistiqué (la modus).

Posté
Il est d'ailleurs amusant de constater qu'ils vont gagner de l'argent avec un modéle ultra basique au moment même ou ils en perdent avec un modéle bas de gamme mais relativement sophistiqué (la modus).

D'où l'extréme importance de l'analyse propective marketing en amont et de l'adéquation produit/attente client.

En tout cas le sujet des "super-profit" est très intèressant.

A partir de quelle "montant" peut-on d'ailleurs qualifier un profit de super-profit? ratio profit/capital, ratio profit/salaire moyen? etc…

Posté
Oui, effectivement. Tu as raison de souligner que quand l'innovation technologique se situe chez les sous traitants, bien qu'étant en dehors de l'entreprise, au sens étroit du terme, elle contribue à la génération d'un profit. Je retire donc le commentaire que tu as souligné.

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Dès que j'aurai terminé la lecture de "Made in monde", j'en ferais un commentaire.

Oublions donc le terme d'innovation et insistons sur celui de découverte ou ouverture (même fortuite) d'un marché dont le mérite revient au décideur stratégique pour les grosses boites et à l'entrepreneur pour les plus petites. Pour reprendre l'exemple de la Logan qui résulte d'une décision de Schweitzer, elle va générer du profit chez Renault non seulement parce qu'elle rend service à une clientèle de pays à bas salaires mais aussi parce qu'elle révèle qu'il existe un marché pour ce type de produit dans les pays développés. Ce qu'aucun service de marketing de grand constructeur n'avait remarqué semble t il ?

Il est d'ailleurs amusant de constater qu'ils vont gagner de l'argent avec un modéle ultra basique au moment même ou ils en perdent avec un modéle bas de gamme mais relativement sophistiqué (la modus).

Exactement, la Logan est fabriquée par la filiale Dacia de Renault, à l'origine il s'agissait de servir les pays émergents. On s'aperçoit que cette voiture, à peu près aussi bien qu'une Clio de 1995 pour ce qui concerne la sécurité et la fiabilité, est plus ou moins un succès en France et dans d'autres pays développés.

Renault a compris après coup que le marché qu'ils servaient en France, avec la Logan, est celui des gens qui souhaitaient avoir une voiture par cher, et qui du coup se tournaient vers le marché de l'occasion de plus de cinq ans. Renault a donc, de son point de vue, attaqué un nouveau marché, avec une voiture à 8000€, à la portée de beaucoup de bourses, par exemple des parisiens qui souhaitent avoir une voiture pas mal, qui leur permet d'aller faire les coureses et de partir en week-end pas trop loin.

Cette histoire de la Logan est une véritable leçon de stratégie d'entreprise, qui montre à quel point la modestie et la rigueur dans l'analyse sont deux valeurs essentielles pour réussir dans le business.

En tout cas le sujet des "super-profit" est très intèressant.

A partir de quelle "montant" peut-on d'ailleurs qualifier un profit de super-profit? ratio profit/capital, ratio profit/salaire moyen? etc…

Lorsqu'il ne s'agit pas de monopoles protégés par la force, aucun "super-profit" n'est condamnable, et ce quelle que soit la mesure que l'on choisit.

Charge aux stakeholders de mieux négocier leurs conditions, charge aux entrepreneurs de créer un concurrent, lorsqu'il y a beaucoup de poissons dans l'eau, il faut trouver un bateau et aller les pêcher, pas attendre sur le port qu'un pêcheur revienne pour le mettre en demeure de s'expliquer sur sa pêche miraculeuse.

Posté
Charge aux stakeholders de mieux négocier leurs conditions, charge aux entrepreneurs de créer un concurrent, lorsqu'il y a beaucoup de poissons dans l'eau, il faut trouver un bateau et aller les pêcher, pas attendre sur le port qu'un pêcheur revienne pour le mettre en demeure de s'expliquer sur sa pêche miraculeuse.

Je base ma réflexion sur un plan purement pratique et pas sur un thème de propagande anti-capitaliste, je précise à tout hasard :icon_up:

Un super-profit ne me pose pas de problème du moment où il est effectivement acquis grâce à un avantage concurrenciel (technologique ou tout autre)

Il me semble pourtant que la maximisation de l'augmentation du profit à tout prix est plutôt dangereuse (pour l'entreprise s'entend) à moyen terme car si une entreprise doit faire indiscutablement du profit, son objectif ne doit pas être uniquement de maximiser ce profit "à tout" prix".

Vouloir chaque année "faire +15%" sur les profits doit être basé sur une véritable stratégie d'entreprise et non pas uniquement sur un objectif de profit pour le profit.

Or si les gains immédiats sont plutôt "faciles" à réaliser sur un ou deux ans en exploitant une position de leader et en réduisant simplement les frais de fonctionnement, il ne sera guère tenable à long terme puisque la création de profit risque fort de se détacher des capacités "physiques" de l'entreprise à créer une valeur (quelque soit cette valeur; subjective, relative etc…)

En bref, l'objectif pur d'augmentation du profit à chaque bilan me semble peu raisonnable sans l'accompagnement d'un solide appui d'investissement pour consolider l'avenir.

Gageons que certains stakeholders ne se laisseent pas trop tenter par ne plus voir que la facette maximisation du cube profit, les fondations sont indispensables.

Posté
:icon_up:

Cette histoire de la Logan est une véritable leçon de stratégie d'entreprise, qui montre à quel point la modestie et la rigueur dans l'analyse sont deux valeurs essentielles pour réussir dans le business.

Une citation d'Israêl Kirtzner qui s'applique bien au cas de la Logan.

"Le marché en d'autres termes n'est pas seulement un processus où l'on recherche une information dont on sait déjà qu'on en aura besoin ; c'est une procédure de découverte qui tend à corriger l'ignorance là où l'inventeur lui-même n'avait aucune idée qu'il était ignorant."

Posté
D'où l'extréme importance de l'analyse propective marketing en amont et de l'adéquation produit/attente client.

En tout cas le sujet des "super-profit" est très intèressant.

A partir de quelle "montant" peut-on d'ailleurs qualifier un profit de super-profit? ratio profit/capital, ratio profit/salaire moyen? etc…

En réfléchissant à ce qu'on vient de dire il me semble qu'il y a au moins cinq sources de profit (en dehors des aspects purement comptables) :

1 Le profit d'exploitation ordinaire

2 Le profit d'innovation (technique ou organisationnelle)

3 Le profit de spéculation (pas uniquement financier d'ailleurs)

4 Le profit de découverte de marché (qui s'apparente à la découverte d'un gisement de pétrole ou de minerais)

5 Le profit d'aubaine (qui résulte d'un événement favorable externe indépendant de la volonté des dirigeants de l'entreprise)

On ne voit pas très bien ce que ces types de profits pourraient avoir d'illégitime. Ceux qui veulent en "profiter" n'ont qu'a se lancer dans le business.

Posté
En réfléchissant à ce qu'on vient de dire il me semble qu'il y a au moins cinq sources de profit (en dehors des aspects purement comptables) :

1 Le profit d'exploitation ordinaire

2 Le profit d'innovation (technique ou organisationnelle)

3 Le profit de spéculation (pas uniquement financier d'ailleurs)

4 Le profit de découverte de marché (qui s'apparente à la découverte d'un gisement de pétrole ou de minerais)

5 Le profit d'aubaine (qui résulte d'un événement favorable externe indépendant de la volonté des dirigeants de l'entreprise)

On ne voit pas très bien ce que ces types de profits pourraient avoir d'illégitime. Ceux qui veulent en "profiter" n'ont qu'a se lancer dans le business.

6 Le profit d'État (qui résulte d'une taxation des 5 autres), il n'est légitime que si les 5 précédents peuvent être présentés comme illégitimes.

Posté
Je base ma réflexion sur un plan purement pratique et pas sur un thème de propagande anti-capitaliste, je précise à tout hasard :icon_up:

Un super-profit ne me pose pas de problème du moment où il est effectivement acquis grâce à un avantage concurrenciel (technologique ou tout autre)

Il me semble pourtant que la maximisation de l'augmentation du profit à tout prix est plutôt dangereuse (pour l'entreprise s'entend) à moyen terme car si une entreprise doit faire indiscutablement du profit, son objectif ne doit pas être uniquement de maximiser ce profit "à tout" prix".

Vouloir chaque année "faire +15%" sur les profits doit être basé sur une véritable stratégie d'entreprise et non pas uniquement sur un objectif de profit pour le profit.

Or si les gains immédiats sont plutôt "faciles" à réaliser sur un ou deux ans en exploitant une position de leader et en réduisant simplement les frais de fonctionnement, il ne sera guère tenable à long terme puisque la création de profit risque fort de se détacher des capacités "physiques" de l'entreprise à créer une valeur (quelque soit cette valeur; subjective, relative etc…)

En bref, l'objectif pur d'augmentation du profit à chaque bilan me semble peu raisonnable sans l'accompagnement d'un solide appui d'investissement pour consolider l'avenir.

Gageons que certains stakeholders ne se laisseent pas trop tenter par ne plus voir que la facette maximisation du cube profit, les fondations sont indispensables.

Je comprends ce que tu veux dire. L'idée étant que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel. Par exemple, pour parler d'une entreprise ayant eu une croissance extraordinaire (entre +20 et +30% par an pendant vingt ans, y compris quand elle faisait 5 milliards de CA par trimestre), Bill Gates lui-même dit que tout cela aura une fin, et même que sa boite disparaîtra un jour, à plus ou moins brève échéance.

Posté
6 Le profit d'État (qui résulte d'une taxation des 5 autres), il n'est légitime que si les 5 précédents peuvent être présentés comme illégitimes.

Il me semble faux de parler de profit d'état, à moins que tu aies voulu en parler dans le sens qui suit:

Le point 6 serait donc plutôt ; "les profits réalisés sur un marché bloqué en position monopolistique par l'intervention étatique"

Ce profit n'est pas légitime puisque tous les acteurs potentiels n'ont alors pas la possibilités de venir se tailler une part du gâteau. Sans compter les pertes induites pour les consommateurs etc…

L'état en tant que tel ne peut pas réaliser de profit mais uniquement profiter du profit des autre ce qui est fondamentalement différent.

L'idée étant que les arbres ne montent pas jusqu'au ciel

Exactement, j'espère que les décisions en conseil d'actionnaire sont prises dans cette optique de construire l'après-super-profit qui ne peut durer indéfiniment.

Toute société qui voudra rester compétitive ou simplement viable à long terme devra en tenir compte ou disparaître, la réflexion reste cependant difficile à mener dans l'optique du court terme.

Posté
J'ai l'impression que dire que le "but d'une entreprise" (entité désincarnée, ne tombons pas dans la réification) peut être vu de deux manières, et que c'est un débat du type "oeuf-poule" que d'essayer de trancher entre les deux : faire du profit, et servir une demande.

Oui, ce sont les deux faces d'une même pièce. Et c'est grâce à ces deux faces que la pièce existe : chaque face est une condition sine qua non de l'existence de l'entreprise.

C'est ce que tu veux dire ?

Posté

C'est en effet exactement ce que je dis, nous pouvons donc évacuer la question de savoir si le but d'une entreprise est le profit ou le service des clients, vu que ces deux informations sont complémentaires.

Posté
L'état en tant que tel ne peut pas réaliser de profit mais uniquement profiter du profit des autre ce qui est fondamentalement différent.

C'est ce qu'il me semblait avoir écrit.

Posté
6 Le profit d'État (qui résulte d'une taxation des 5 autres), il n'est légitime que si les 5 précédents peuvent être présentés comme illégitimes.

J'ai interprété comme étant le profit direct de l'état et non pas le profit de l'entreprise permis par l'état.

En fait, je n'avais rien compris mais nous sommes finalement d'accord :icon_up:

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